Jean Duquesne

Jean Duquesne (52) Un érudit féru d’histoire et de musique

Dossier : TrajectoiresMagazine N°762 Février 2021
Par Hubert JACQUET (64)

Décédé le 21 décem­bre 2020, Jean Duquesne, ingénieur général des télé­com­mu­ni­ca­tions, fut un des com­bat­tants les plus engagés de la « bataille du télé­phone ». Il est aus­si con­nu comme rédac­teur en chef de notre revue – de 1995 à 2007 – et comme auteur d’un Dic­tio­n­naire des gou­verneurs de province de 1315 à 1791, ouvrage qui fait autorité.

Né à Rennes le 14 févri­er 1932, Jean Duquesne fait ses études à Rodez pen­dant la guerre, puis à Paris. Son père était cadre admin­is­tratif dans une banque et sa mère anti­quaire. Élève du lycée Louis-le-Grand, il est élim­iné du con­cours de l’X en 1951 pour avoir oublié l’heure de l’épreuve d’allemand. À sa sor­tie de l’X, il choisit d’être « ingénieur des PTT » selon la ter­mi­nolo­gie alors en vigueur et com­plète sa for­ma­tion à Sup­Télé­com. Très vite, il demande à tra­vailler au Cnet, dans le départe­ment de recherche sur les machines élec­tron­iques (RME) où il se spé­cialise dans l’électronisation des cen­traux téléphoniques.

Il par­ticipe notam­ment au développe­ment des com­mu­ta­teurs E10 qui mar­quent en France l’avènement de la com­mu­ta­tion tem­porelle qui a révo­lu­tion­né l’industrie télé­phonique. Il ter­mine sa pre­mière car­rière comme directeur général de Sot­elec, société d’économie mixte fil­iale de France Télé­com et des prin­ci­paux indus­triels des télé­com­mu­ni­ca­tions, où il est respon­s­able, entre autres activ­ités, de la revue Com­mu­ta­tion et Trans­mis­sion.

Une seconde carrière dans la presse

Dans le milieu des années 1990, Gérard Pilé, alors rédac­teur en chef de La Jaune et la Rouge, cherche un cama­rade pour lui suc­céder et fait appel à Jean Duquesne qui l’avait aidé à cou­vrir les événe­ments mar­quant l’année du bicen­te­naire de l’X. Ce dernier rejoint la rédac­tion de la revue en juin 1995. Très vite il com­mence, plus que ses prédécesseurs mais moins que ses suc­cesseurs, à affirmer la néces­sité de dossiers, tout en lais­sant la porte ouverte sur l’actualité et en accueil­lant de nom­breux arti­cles sous forme de tri­bunes libres. Il assure la fonc­tion de rédac­teur en chef d’abord seul, puis en com­pag­nie d’Alain Thomazeau (56), jusqu’à la fin de 2007, date à laque­lle Jean-Marc Cha­banas (58) le rem­place. Ces douze années passées à l’AX furent pour lui une sec­onde car­rière qui lui don­na de très grandes satisfactions.

Un historien passionné par l’Ancien Régime

Jean avait aus­si un vio­lon d’Ingres d’une orig­i­nal­ité his­torique plaisante, assez éloignée en apparence de Poly­tech­nique. Encore que… En effet il a établi et pub­lié en 2002 un Dic­tio­n­naire des gou­verneurs de province sous l’Ancien Régime (1315–1791). Cette œuvre mon­u­men­tale, réal­isée à par­tir de sources et de doc­u­ments très nom­breux, con­stitue aujourd’hui un ouvrage de référence qui nous éclaire sur la charge très impor­tante de gou­verneur, véri­ta­ble représen­tant du Roi en province. Dans le pro­longe­ment de ce pre­mier ouvrage, Jean s’est lancé dans la réal­i­sa­tion d’un Dic­tio­n­naire des lieu­tenants-généraux du Roy­aume, tâche qu’il n’a pas pu ter­min­er tant la col­lecte de doc­u­ments et la recherche de sources se révè­lent dif­fi­ciles. Le choix de ces sujets n’est pas dû au hasard, mais à l’admiration pro­fonde de Jean pour l’Ancien Régime : ce monar­chiste ne man­quait jamais d’assister le 21 jan­vi­er à la messe anniver­saire de la mort de Louis XVI.

Un esprit aussi original que cultivé

Ses cocons de casert Gérard Théry et Roger Petit-Jean dev­in­rent ses amis et firent comme lui car­rière dans les télé­com­mu­ni­ca­tions. Ils gar­dent le sou­venir d’un esprit extra­or­di­naire­ment éru­dit – un puits de sci­ence qu’on inter­ro­geait à tout pro­pos ; d’un mélo­mane aver­ti qui ado­rait l’opéra – surtout Wag­n­er –, et la musique con­tem­po­raine – Mes­si­aen, Boulez, Ligeti, Stock­hausen ; et d’un homme trop respectueux des autres et trop mod­este pour être car­riériste. En somme, une ver­sion actuelle de ce qu’au Grand Siè­cle on appelait un « hon­nête homme ».

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