Jean-Claude Parriaud (46), un passionné de recherche

Dossier : ExpressionsMagazine N°631 Janvier 2008
Par Philippe FLEURY (59)

Né à Alès, cap­i­tale des Cévennes, le 14 sep­tem­bre 1926, il tient sans doute de ses orig­ines cette ténac­ité qui le con­dui­sait à ne jamais s’avouer vain­cu. Et il finis­sait tou­jours par ne pas l’être. Michelet dis­ait que « les Cévennes offrent le roc, rien que le roc, les schistes tran­chants… Vous sen­tez la lutte de l’homme, son tra­vail opiniâtre, prodigieux, con­tre la nature. » Jean-Claude en fut une belle incarnation. 


Mais c’est en Algérie qu’il pas­sa sa jeunesse. Ses par­ents sont tous deux pro­fesseurs de lycée. Sa mère, Émi­li­enne Gar­nier, d’o­rig­ine cévenole, enseigne la physique. Son père, Claude Mar­ius, orig­i­naire du Mâcon­nais, est pro­fesseur de math­é­ma­tiques et il ver­ra pass­er dans sa classe, out­re son bril­lant fils, d’autres cama­rades qui, à l’in­star de Jean Chapon, lui devront cette admirable for­ma­tion qui les con­duira, devenus adultes, aux plus hautes respon­s­abil­ités. Ce fut une péri­ode bénie pour ceux qui s’en sou­vi­en­nent et me l’ont rapportée. 


Après le lycée d’Al­ger, c’est Louis-le-Grand à Paris, Poly­tech­nique et les Ponts et Chaussées.
Entre-temps, Jean-Claude va mûrir sa foi et sa pra­tique de protes­tant con­va­in­cu, héritées de sa mère, issue d’une vieille famille d’Alès. Il appli­quera dans son com­porte­ment les ver­tus du trip­tyque foi, espérance et amour. Et il épouse, il y a cinquante-cinq ans, Vio­lette d’Au­ri­ol qui lui don­nera six enfants et de nom­breux petits enfants. Ce fut le début d’une très longue his­toire d’amour qu’il va vivre au début à Libre­ville au Gabon où il occupe son pre­mier poste.
L’Afrique, il faut bien le dire, est sa sec­onde his­toire d’amour. Il va occu­per des postes mul­ti­ples et mon­tr­er que la présence française, en cette péri­ode trou­blée, pou­vait aus­si être civil­isatrice. Il en sera récom­pen­sé par des dis­tinc­tions étrangères par­mi les plus pres­tigieuses (Com­man­deur de l’or­dre nation­al de la Côte-d’Ivoire notam­ment) qui seront com­plétées au cours de sa car­rière dans l’Ad­min­is­tra­tion française (Com­man­deur de la Légion d’hon­neur, de l’or­dre nation­al du Mérite, des Palmes académiques) dont sa dis­cré­tion lui inter­di­s­ait de faire état.
Il revient en France en 1960, au min­istère de la Coopéra­tion évidem­ment ! Après ce retour à Paris, sa car­rière suit alors un cours plus clas­sique, en dépit d’un nou­veau et bref séjour de deux ans en Afrique, à Abidjan. 

C’est grâce à Jean-Claude Par­ri­aud que le Lab­o­ra­toire cen­tral des ponts et chaussées jouit d’une recon­nais­sance bien établie en France et à l’étranger 

Directeur départe­men­tal de l’Équipement de la Moselle de 1969 à 1973, puis directeur des Équipements et des con­struc­tions au min­istère de l’É­d­u­ca­tion nationale de 1973 à la fin de 1979. Nom­mé au Con­seil général des ponts et chaussées le 28 décem­bre 1979, il en sera détaché le 30 sep­tem­bre 1980 pour diriger le Lab­o­ra­toire cen­tral des ponts et chaussées de 1980 à 1987.
Arrê­tons-nous sur cette péri­ode. Il a fait en sorte que cet étab­lisse­ment jouisse d’une recon­nais­sance bien établie, en France et à l’é­tranger, notam­ment dans le monde anglo-sax­on, dans le domaine du génie civ­il (et la mécanique des sols), le domaine de la ville, de l’ex­ploita­tion-sécu­rité des infra­struc­tures, de l’en­vi­ron­nement et de la préven­tion des risques. À cet effet il a organ­isé le Lab­o­ra­toire en thèmes de recherche, créé les direc­tions sci­en­tifiques, et validé, avec son adjoint Alain Bon­net, la notion de Con­seil sci­en­tifique pour ori­en­ter les recherch­es. Il a instal­lé en 1984 le pre­mier prési­dent de ce Con­seil, M. Pierre Pigan­iol, physi­cien de renom­mée mon­di­ale. Son suc­cesseur Jean-François Coste m’a dit qu’au cours de sa pre­mière mis­sion aux US, ès qual­ités de directeur du Lab­o­ra­toire, ses col­lègues améri­cains l’ont accueil­li par : « Ah bon, vous êtes le directeur du LCPC, un grand lab­o­ra­toire. Nous con­nais­sions bien votre prédécesseur ! »

Des essais sur modèle réduit

Il a enfin fait en sorte que le Lab­o­ra­toire et notam­ment son étab­lisse­ment de Nantes ait les moyens de pro­gress­er, entre autres dans les essais sur mod­èle réduit grâce à l’in­stal­la­tion d’une cen­trifugeuse (pour les spé­cial­istes, il s’ag­it de respecter les équa­tions aux dimen­sions en adap­tant l’ac­céléra­tion de la pesanteur !). 


Puis il rejoint à nou­veau, le 1er mai 1987, le Con­seil général des ponts et chaussées en qual­ité naturelle­ment, de prési­dent de la sec­tion des affaires sci­en­tifiques et tech­niques. Il col­lec­tionne les titres de prési­dent. Nous ne men­tion­nerons que celui de prési­dent de la Com­mis­sion de génie civ­il du Con­seil nation­al des ingénieurs et sci­en­tifiques de France où encore une fois il va se dévouer pour les autres, aus­si bien dans la recherche sci­en­tifique et la tech­nique que dans ses rela­tions avec les autres pro­fes­sions, les archi­tectes notamment. 

Un homme de sa qualité ne cesse pas de travailler

Il prend formelle­ment sa retraite le 14 sep­tem­bre 1992. Mais elle est vite oubliée. Un homme de sa qual­ité ne cesse pas de travailler. 


Et c’est ain­si qu’il va, avec René May­er, dévelop­per l’As­so­ci­a­tion Akropo­lis créée en 1990, réu­nis­sant des ingénieurs et des archi­tectes qui ont accédé, dans le secteur pub­lic ou dans le secteur privé, à de hautes respon­s­abil­ités et qui ont décidé de pour­suiv­re leur activ­ité en tant que con­sul­tants et experts. 


Il ani­me d’autre part, entre autres, l’As­so­ci­a­tion des Enfants du Gard, retour aux sources ? où je l’ai plus par­ti­c­ulière­ment con­nu notam­ment lors des dîn­ers dans sa bastide de Saint-Pri­vat-de-Cham­p­c­los. Il s’y reti­rait avec Vio­lette une bonne par­tie de l’an­née et il pou­vait dire à l’in­star de Balzac par­lant de Saché : À Cham­p­c­los, je suis libre et heureux comme un moine dans son monastère… Le ciel est si pur, les chênes si beaux, le calme si vaste !

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