Internet est le système nerveux de l’économie

Dossier : La communauté polytechnicienne et InternetMagazine N°631 Janvier 2008
Par Jean-Michel YOLIN (65)

Si vous avez la chance d’être admis au sein du colos­sal mau­solée de pierre qui fait la gloire de la rue de Bercy, ne cherchez pas le bureau 9095. Ici, ce sont les fenêtres que l’on numérote. La notoriété d’un occu­pant se mesure à l’aune de la sur­face vit­rée dont il dispose.

Si vous avez la chance d’être admis au sein du colos­sal mau­solée de pierre qui fait la gloire de la rue de Bercy, ne cherchez pas le bureau 9095. Ici, ce sont les fenêtres que l’on numérote. La notoriété d’un occu­pant se mesure à l’aune de la sur­face vit­rée dont il dispose.
Peut-être parvien­drez-vous tout de même à dénich­er Jean-Michel Yolin, con­seiller général des Mines et prési­dent du groupe X‑Internet. Le nom­bre de ses fenêtres est con­sid­érable. Toutes sont agré­men­tées de mag­nifiques plantes vertes. Dans l’échan­crure d’un philo­den­dron s’en­trap­erçoit l’écran géant de l’or­di­na­teur d’où il répand ses idées aux qua­tre coins du monde.

Une grande liberté d’action et de parole

Faire boss­er les fonctionnaires
Armines, société de recherche sur con­trat, fonc­tion­nait suiv­ant un mode orig­i­nal : « Fac­tur­er le tra­vail de fonc­tion­naires en heures sup­plé­men­taires, pour pou­voir embauch­er des con­tractuels tra­vail­lant sur d’autres pro­jets. » Une seule con­trainte : « Cou­vrir par des con­trats plus de la moitié du bud­get et pub­li­er davan­tage que le CNRS. » Armines compte aujourd’hui cinq cents chercheurs. 

De son pas­sage à l’É­cole des mines, il con­serve une grande admi­ra­tion pour Pierre Laf­fitte, directeur de l’époque, qui dis­ait : « Vous avez toute votre vie pour appren­dre la loi, je vais en trois ans vous mon­tr­er com­ment vous pass­er d’elle. » Un mode de pen­sée cher à Jean-Michel Yolin, qui retrou­ve, au Con­seil général des Mines (« ce corps d’artistes qui par­courent la France pour répan­dre les Lumières »), la « grande liber­té d’ac­tion et de parole » qui con­vient à son tempérament.
Il se sou­vient « d’avoir acheté aux enchères, sur le bud­get du petit matériel de l’É­cole, le ter­rain des­tiné à la créa­tion de Sophia-Antipo­lis » et d’avoir établi, avec le pro­jet Armines (voir encadré), « un véri­ta­ble pro­to­type de la recherche tech­nologique dans les écoles », en faisant « boss­er les fonc­tion­naires ».

Des adresses à vie

C’est en 1995, alors qu’il tra­vaille au min­istère de la Recherche, que Jean-Michel Yolin décou­vre, en mis­sion à Har­vard, la notion « d’adresse à vie ». Il se rend compte alors qu’In­ter­net « est le sys­tème nerveux qui va per­me­t­tre la muta­tion rad­i­cale de l’é­conomie et de la société ».

Chaque poly­tech­ni­cien qui le désire peut dis­pos­er d’une adresse immuable com­posée de : prénom.nom@polytechnique.org Noms et prénoms s’écrivent sans accent, les prénoms com­posés sont séparés par des tirets.
Les potach­es et autres ama­teurs de jeux de mots (laids) peu­vent même libeller « m4x.org » au lieu de « polytechnique.org », l’abréviation étant cen­sée sig­ni­fi­er « mail for x ».

Asso­cié à un jeune ingénieur des Mines, Jean-Paul Smets, il lance mines.org, puis, avec deux jeunes élèves de l’X, Bertrand de Singly et Joan More­au, il crée polytechnique.org, mar­quant l’acte de nais­sance du groupe X‑Internet et ses trois piliers fon­da­men­taux : « adress­es à vie, annu­aire élec­tron­ique, out­ils de réseau ».

Un repaire d’incompétents

polytechnique.org est avant tout une asso­ci­a­tion de « développeurs ». Le pub­lic des « util­isa­teurs », qui sont tous les poly­tech­ni­ciens qui le désirent, est plus par­ti­c­ulière­ment représen­té par le groupe X‑Internet, fort de 150 adhérents, choi­sis comme étant « les plus incom­pé­tents pos­si­bles », de tous âges, tous sex­es, toutes pro­fes­sions, toutes implan­ta­tions, en France ou dans le monde. Ces « util­isa­teurs types » se réu­nis­sent en out­re une fois par an, « car il faut bien main­tenir les con­tacts physiques et voir la tête de l’autre pour éviter les malen­ten­dus », sur un sujet de leur choix, évidem­ment défi­ni par un intense échange préal­able de mails en tout genre.
Tirant exem­ple de polytechnique.org, Jean-Michel Yolin plaide pour faire appel aux jeunes dès leur entrée à l’É­cole, afin de dévelop­per des out­ils pour la com­mu­nauté poly­tech­ni­ci­enne. Il cite en exem­ple le site manageurs.com, créé en 2004, en col­lab­o­ra­tion avec l’AX, pour venir en aide au Bureau des Carrières.

X‑INTERNET

2, avenue Gabrielle, 95160 Montmorency
Tél. : 01.39.64.50.29
Cour­riel : internet@m4x.org
Bureau
Prési­dent : Jean-Michel Yolin
Vice-prési­dent : Bertrand de Singly

ParisTech ?
Champagne !

Plaidant pour l’efficacité et la clarté des poli­tiques de com­mu­ni­ca­tion dans le monde, Jean-Michel Yolin est évidem­ment un chaud par­ti­san de Paris­Tech, qui s’efforce de fédér­er sous un nom recon­nu un cer­tain nom­bre de grandes écoles français­es. « On sait bien qu’il faut d’abord pro­mou­voir le cham­pagne, avant de pré­cis­er aux vrais con­nais­seurs que Dom Pérignon sort de Poly­tech­nique, ou que l’époux de la Veuve Cliquot a glo­rieuse­ment dis­paru dans les Mines. »

Jean-Michel Yolin, X 65, mar­ié, qua­tre enfants, skieur, judo­ka, plongeur sous-marin, inter­naute, est aujourd’hui prési­dent de sec­tion au Con­seil général des Mines. Il a été, entre autres, directeur des études de l’École des mines de Douai, directeur au min­istère de l’Industrie (chimie, tex­tiles), respon­s­able de la DRIRE d’Île-de-France (on lui doit « Air­parif ») et directeur de l’Innovation tech­nologique et de l’action régionale au min­istère de la Recherche.

Toujours à l’affût

Four­mil­lant d’idées nou­velles, il n’est pas à court de propo­si­tions, même si elles lui valent par­fois quelques heurts avec ceux « qui con­sid­èrent tou­jours l’É­cole comme un rég­i­ment d’in­fan­terie ». Il se tient à l’af­fût des sites promet­teurs dévelop­pés aux États-Unis et n’hésite pas à acquérir de nou­veaux noms de domaines : polytechnique.net pour « éten­dre l’idée des adress­es à vie à ceux qui col­la­borent avec l’É­cole sans être eux-mêmes poly­tech­ni­ciens » ; ou bien polytechnique.edu pour « faire con­naître l’É­cole à tra­vers le monde et avant tout… aux Chi­nois ». « Un nom de domaine ne coûte pas très cher, explique-t-il, le dif­fi­cile c’est d’éla­bor­er le dossier. »
Où place-t-il la fron­tière avec sa vie privée ?
« Dif­fi­cile à dire. J’ai investi à titre per­son­nel dans une entre­prise soutenue par notre groupe de « busi­ness angels » (XMP-BA), ce qui me rap­portera peut-être quelques sous pour agré­menter ma vie privée. Mais, n’est-ce pas avant tout pour com­pren­dre, appren­dre et… récolter du boulot sup­plé­men­taire, du « stress » et de la pas­sion ? »
Des pro­jets d’avenir ? De nou­velles idées ? Hop ! Tel le démon de Maxwell, Jean-Michel Yolin a déjà sauté la prochaine bar­rière de potentiel.

Un renou­velle­ment permanent
polytechnique.org est une asso­ci­a­tion « loi de 1901 » qui regroupe aujourd’hui 25 mem­bres, âgés pour la plu­part de moins de trente ans. Tous bénév­oles (ce sont même eux qui versent une coti­sa­tion de 15 euros par an), ils s’organisent pour être disponibles vingt-qua­tre heures sur vingt-qua­tre et sept jours sur sept. « L’Association se renou­velle con­stam­ment par coop­ta­tion, la con­ti­nu­ité étant assurée, tant par les con­tacts que par une doc­u­men­ta­tion de pre­mier ordre. »
L’actuel prési­dent, Aymer­ic Augustin (2003), vient de par­tir effectuer un stage aux États-Unis dans l’entreprise fondée par l’un des pio­nniers de l’Association. « Les jeunes sont extrême­ment rigoureux, souligne Jean- Michel Yolin, tant sur le plan éthique que sur le plan pro­fes­sion­nel. »

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