Le retour des avions à hélices

Dossier : X-aviationMagazine N°635 Mai 2008
Par Stéphane MAYER (81)

Pour une com­pag­nie aéri­enne, le coût de l’avion au kilo­mètre et par pas­sager est pri­mor­dial dans le choix d’un appareil. Sur les dis­tances régionales, jusqu’à 400 milles nau­tiques (740 kilo­mètres), la vitesse n’est pas l’enjeu prin­ci­pal car le gain de temps qu’offre un jet par rap­port à un tur­bo­propulseur se lim­ite à 10 min­utes : il est presque imper­cep­ti­ble tant pour les coûts d’opérations des com­pag­nies aéri­ennes que pour leurs pas­sagers. Sur des vitesses allant jusqu’à 400 nœuds (740 km/h), les tur­bo­propulseurs plus récents, comme les ATR 42–500 et ATR 72–500, sont plus effi­caces et con­som­ment jusqu’à 70 % de moins de fuel qu’un jet. Ce n’est qu’à par­tir des 400 nœuds que le moteur tur­bo­fan des jets devient plus intéres­sant, à cause des lim­i­ta­tions des hélices en ter­mes de taille et de vitesse de rotation.
Pour les dis­tances et les vitesses évo­quées ci-dessus, le tur­bo­propulseur est large­ment plus intéres­sant en ter­mes d’équilibre entre temps de tra­jet et coût de ce tra­jet. Il offre donc un coût d’exploitation min­i­mal. De plus, cet avan­tage com­péti­tif s’accroît avec la hausse des cours du pét­role, qui a été un déclencheur du rebond des turbopropulseurs.

Deux con­struc­teurs survivants
La fin des années 1990 a été dom­inée par les « jets régionaux » entraî­nant l’arrêt de la pro­duc­tion de tur­bo­propulseurs par cinq grands con­struc­teurs : Saab, Fokker, Dornier, Embraer et Jet­stream (fil­iale de British Aero­space). Seuls à avoir tra­ver­sé cette péri­ode dom­inée par les jets régionaux – appareils dotés de moteur tur­bo­fan – jusqu’à 100 places, le Cana­di­en Bom­bardier et le Fran­co-Ital­ien ATR se parta­gent aujourd’hui le marché des tur­bo­propulseurs régionaux.

La technologie au service du confort

Les ver­sions les plus récentes des avions à hélices représen­tent un énorme pas en avant au ser­vice du con­fort du pas­sager. Ces pro­grès tech­nologiques changent la per­cep­tion qu’ont les usagers de ce type d’avions, désor­mais con­sid­érés comme mod­ernes et offrant un con­fort équiv­a­lent à celui des jets régionaux.
Sur les derniers appareils d’ATR, par exem­ple, on observe une réduc­tion sen­si­ble des vibra­tions et du bruit à l’intérieur de la cab­ine : 79 déci­bels au lieu de 86. La réduc­tion de bruit extérieur, de 262 à 252 déci­bels, est égale­ment notable : elle per­met de respecter facile­ment les seuils régle­men­taires d’émissions sonores des vingt prochaines années, déter­minés par l’Organisation de l’aviation civile inter­na­tionale (actuelle­ment 271 déci­bels). Sièges en cuir, éclairage par LED, diver­tisse­ment en vol con­tribuent égale­ment à ren­forcer le con­fort offert à chaque passager.

ATR
ATR, dont le siège social et la chaîne d’assemblage final sont à Toulouse, est un GIE fran­co-ital­ien partagé à égal­ité entre EADS et Finmeccanica.
Depuis l’origine en 1981, ATR a ven­du plus de 950 avions, dont plus d’un quart depuis 2005.

Out­re les hélices et la cab­ine, les tur­bo­propulseurs béné­fi­cient d’autres inno­va­tions tech­nologiques de toute dernière généra­tion. Ain­si les ATR de la nou­velle « série – 600 » pro­posent une avion­ique com­pa­ra­ble à celle util­isée dans les Air­bus A‑380.
Cette nou­velle avion­ique com­prend les tout derniers sys­tèmes infor­ma­tiques pour la nav­i­ga­tion, l’enregistrement, le pilote automa­tique, un poste de pilotage avec écrans LCD, ain­si qu’un ordi­na­teur mul­ti­rôle per­me­t­tant d’optimiser l’utilisation de la puis­sance du moteur et facil­i­tant con­sid­érable­ment sa main­te­nance. Elle per­me­t­tra égale­ment de repouss­er les lim­i­ta­tions météorologiques pour l’atterrissage par mau­vais temps, ce qui per­me­t­tra d’améliorer la régu­lar­ité de l’exploitation.


Un ATR 72–500 d’Airlinair, opéra­teur région­al pour Air France.

Des tech­nolo­gies voisines

La dif­férence entre la tech­nolo­gie d’un moteur tur­bo­propulseur (à hélice) et celle d’un moteur tur­bo­fan (à ven­ti­la­teur), util­isés par les jets régionaux n’est pas une ques­tion de tech­nique de pointe ou de modernité.

Tur­bo­propulseurs et jets sont con­fron­tés aux mêmes exi­gences de sécu­rité et de fia­bil­ité par les autorités de cer­ti­fi­ca­tion et les com­pag­nies aéri­ennes. Les archi­tec­tures de ces deux types de moteurs sont en fait beau­coup plus proches que ce que leur aspect extérieur laisse supposer.


Un ATR 72–500 aux couleurs de Bangkok Air­ways, le meilleur con­fort pour 72 pas­sagers. © ALAIN DUMAS

Un rebond commercial

Sobre et vert
La con­som­ma­tion de car­bu­rant joue un rôle de plus en plus prépondérant dans le choix des com­pag­nies régionales. Une flotte de dix tur­bo­propulseurs ATR, com­parée à une flotte de dix jets régionaux, per­met d’économiser chaque année plus de 11 mil­lions d’euros en car­bu­rant, ain­si que l’émission de 38 000 tonnes de CO2.
Ce n’est pas là le moin­dre des avan­tages, alors que les préoc­cu­pa­tions économiques et écologiques pren­nent une place prépondérante dans les déci­sions. L’aviation régionale a déjà son « avion vert » !

Depuis 2005, sur le marché des avions de 20 à 90 places, les ventes d’avions tur­bo­propulseurs ont devancé celles des jets régionaux, avec 460 avions soit 60 % du marché région­al. Des com­pag­nies aéri­ennes de marchés en forte crois­sance, comme l’Inde ou le Sud-Est asi­a­tique, com­men­cent à établir des solides réseaux régionaux et ont besoin d’appareils pou­vant opér­er dans des con­di­tions par­ti­c­ulière­ment dif­fi­ciles, notam­ment sur des pistes cour­tes, des aéro­ports situés en alti­tude ou exposés à des tem­péra­tures extrêmes.
En Asie comme en Europe, les avions à hélices représen­tent depuis 2005 env­i­ron 70 % des com­man­des d’appareils régionaux. En Europe, de sur­croît, les dépens­es liées aux équipages, les tax­es aéro­por­tu­aires et les tax­es envi­ron­nemen­tales crois­santes con­tribuent à aug­menter les coûts d’opérations des com­pag­nies, ren­dant encore plus intéres­sants les turbopropulseurs.

Un avenir prometteur à long terme

La bonne sit­u­a­tion com­mer­ciale des avions à hélices va se pour­suiv­re à long terme. Les raisons de leur attrac­tiv­ité – notam­ment le prix élevé du car­bu­rant, mais aus­si les per­for­mances et l’efficacité sur les routes et pistes cour­tes, et l’utilisation des tech­nolo­gies les plus récentes – seront tou­jours d’actualité lors des prochaines années. Les dernières études de marché esti­ment un besoin de livraisons de 1 400 tur­bo­propulseurs sur les dix prochaines années. De ces nou­velles livraisons, 60 % devraient servir à l’expansion de flottes des com­pag­nies, tan­dis que les 40 % restants servi­ront à rem­plac­er des anci­ennes flottes d’appareils, tur­bo­propulseurs et jets con­fon­dus. Par zones, l’Europe et l’Afrique devraient présen­ter un cer­tain équili­bre entre expan­sion et rem­place­ment des flottes, tan­dis que sur le marché améri­cain c’est le rem­place­ment d’anciennes flottes qui devrait prévaloir.
En Asie, en revanche, les com­pag­nies vont pour­suiv­re majori­taire­ment l’expansion de leurs flottes pour faire face à l’augmentation du nom­bre de pas­sagers et au développe­ment de nou­velles routes.
Cette crois­sance des marchés est d’autant plus bien­v­enue qu’une bonne part des fruits de cette crois­sance risque d’être absorbée par le très bas niveau du dol­lar, mon­naie mon­di­ale de référence pour les prix de ventes d’avions.

TURBOPROP/TURBOFAN : LE MÊME CONCEPT
Un tur­bo­propulseur com­porte les mêmes élé­ments qu’un tur­boréac­teur, mais les gaz brûlés sor­tant des cham­bres de com­bus­tion se déten­dent sur les aubes de la tur­bine et entraî­nent une hélice.
Comme les fréquences de rota­tion de la tur­bine, d’une part, et de l’hélice, d’autre part, sont très dif­férentes, un réduc­teur de vitesse est inter­calé entre arbre, tur­bine et hélice.
Le tur­bo­propulseur est un engin très effi­cace et économique pour des vitesses rel­a­tive­ment lentes et des alti­tudes rel­a­tive­ment basses
Le tur­bo­fan est une ver­sion améliorée du tur­boréac­teur. Dans le cas du tur­bo­fan (ou tur­boréac­teur dou­ble flux), une par­tie de l’air aspiré est cette fois faible­ment com­primée puis rejetée immé­di­ate­ment (flux froid) ; l’autre par­tie de l’air (le flux chaud) con­naît le cycle com­plet compression-chauffage-détente

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