Information et consentement en médecine

Dossier : La santé en questionsMagazine N°599 Novembre 2004
Par Jean POUILLARD

De la qual­ité de l’in­for­ma­tion dépend la valid­ité du con­sen­te­ment du patient. Oblig­a­tion déon­tologique et légale (loi dite de démoc­ra­tie san­i­taire du 4 mars 2002) fondée sur le principe de la dig­nité et de l’au­tonomie de la per­son­ne, l’in­for­ma­tion loyale, claire et appro­priée est une exi­gence fon­da­men­tale du con­trat de soins et de sécu­rité ” toute per­son­ne prend, avec le per­son­nel de san­té et compte tenu des infor­ma­tions et des pré­con­i­sa­tions qu’il lui four­nit, des déci­sions con­cer­nant sa san­té ” art. 111–4. Plus sim­ple­ment Hip­pocrate dis­ait : ” Le malade doit s’op­pos­er à la mal­adie avec le médecin. ”

Qui doit informer ? tout pre­scrip­teur et tout exé­cu­tant d’un acte médi­cal ou chirur­gi­cal en sachant que l’in­for­ma­tion est illim­itée dans le temps, vari­able dans sa for­mu­la­tion, répétitive.

Qui doit être infor­mé ? toute per­son­ne a le droit d’être infor­mée sur son état de san­té, sauf deux excep­tions : l’ur­gence peut dis­penser de l’in­for­ma­tion mais toute per­son­ne peut désign­er une ” per­son­ne de con­fi­ance ” (par­ent, proche) et le droit de ne pas être infor­mé et de refuser les soins doit être respec­té, mais si la vie est men­acée le devoir du médecin est de con­va­in­cre d’ac­cepter les soins ” et si l’acte est indis­pens­able à la survie ” (Con­seil d’É­tat août 2002) pre­scrire les soins appro­priés, l’oblig­a­tion de porter sec­ours pré­dom­i­nant sur celle du consentement.

Car­ac­tères de l’in­for­ma­tion : délivrée au cours d’un entre­tien indi­vidu­el, loyale, faisant men­tion des incer­ti­tudes, claire, intel­li­gi­ble, appro­priée au malade dans son con­texte famil­ial, socio­pro­fes­sion­nel, cul­turel, spir­ituel, à sa mal­adie, bénigne ou maligne, évo­lu­tive ou non, au traite­ment, ses mod­i­fi­ca­tions, aux cir­con­stances, malade anx­ieux, con­fi­ant ou agres­sif, au moment prop­ice, savoir se taire, il y a des mots qui tuent, savoir atten­dre le pronos­tic, con­nu, soupçon­né, ou non, favor­able, ou non.

Nature de l’in­for­ma­tion : elle dépend de la qual­ité humaine de l’in­for­ma­teur, de son écoute vig­i­lante, le droit de savoir de la part du malade sup­pose une cer­taine autonomie, ce qui n’est pas le cas d’une per­son­ne vul­nérable, trau­ma­tisée, atteinte de ” sur­dité émo­tion­nelle “, suiv­ant son affec­tiv­ité, ses con­vic­tions religieuses, cul­turelles, con­di­tion­nant que l’ac­cès à l’in­for­ma­tion n’est pas de ce fait équitable. Elle exige des dis­po­si­tions déon­tologiques et human­istes con­cer­nant la con­fi­den­tial­ité et l’in­tim­ité de la per­son­ne malade et des proches, cela sous la respon­s­abil­ité du thérapeute, sans oubli­er que ” le risque est au cœur de la médecine ” (Pr G. David) et que la ges­tion de l’in­for­ma­tion n’échappe pas à la ges­tion de l’in­cer­ti­tude en médecine.

Le secret pro­fes­sion­nel partagé : il est offi­cial­isé par la loi qui men­tionne que ” le secret cou­vre l’ensem­ble des infor­ma­tions réputées con­fiées par le malade à l’ensem­ble de l’équipe ” ce qui ne définit ni quelles infor­ma­tions, ni quels mem­bres de l’équipe. Enfin, l’échange d’in­for­ma­tions sup­pose un accord acquis de la part du patient ? et ce partage devrait être lim­ité à ce qui est ” per­ma­nent, néces­saire et non exces­sif ” con­for­mé­ment aux garanties prévues à l’ar­ti­cle 8 de la Con­ven­tion européenne sur la con­fi­den­tial­ité des don­nées à car­ac­tère per­son­nel rel­a­tives à la san­té. Il est toute­fois men­tion­né que “La con­fi­den­tial­ité des infor­ma­tions médi­cales, leur con­ser­va­tion et leur trans­mis­sion sont soumis­es aux règles définies par décret en Con­seil d’É­tat motivé par la CNIL. ”

Le secret médi­cal ne fait pas obsta­cle à ce que les proches reçoivent en cas de pronos­tic grave les infor­ma­tions néces­saires, des­tinées à apporter un sou­tien direct à la per­son­ne malade sauf oppo­si­tion de sa part. ” Quelles sont les appré­ci­a­tions de l’or­dre de la ” grav­ité ” lais­sées aux soignants les autorisant à révéler à des tiers des infor­ma­tions médi­cales, au mépris des dis­po­si­tions du Code pénal (cf. art 226–13) ?

Les preuves de l’in­for­ma­tion : elles peu­vent être faites par tous moyens y com­pris par pré­somp­tions : ” L’ensem­ble des faits, des cir­con­stances et des événe­ments con­nus et facile­ment con­trôlables, graves, pré­cis et con­cor­dants mais aléa­toires ” (Cour de cas­sa­tion 1997). Figer l’in­for­ma­tion par un écrit est un non-sens humain et médi­cal (Sar­gos) mais con­stitue la preuve d’un dia­logue et la sig­na­ture est de nature à nuire à la rela­tion de con­fi­ance dans la rela­tion médecin malade. La preuve par témoignage est sujette à cau­tion, la preuve écrite dans le dossier n’est pas admise, le médecin ne pou­vant se con­stituer une preuve à lui même. Le refus d’in­for­ma­tion est une dis­po­si­tion déli­cate, le médecin doit prou­ver par tous moyens qu’il a attiré l’at­ten­tion du patient sur les con­séquences de son refus et dans ce cas il serait sage de faire con­sign­er ce refus par écrit en con­ser­vant un double.

L’in­for­ma­tion est une oblig­a­tion con­tractuelle : con­di­tion indis­pens­able à un ” con­sen­te­ment éclairé ” qui peut être retiré à tout moment (art. 1111–4 du Code de la santé).

Cet impératif est sen­si­ble lorsque la per­son­ne est ” hors d’é­tat de s’ex­primer ” capa­ble juridique­ment mais incom­pé­tente à con­sen­tir (coma, choc) il faut alors obtenir une délé­ga­tion de con­sen­te­ment par une ” per­son­ne de confiance “.

Le con­sen­te­ment du mineur ou du majeur sous tutelle est don­né par le représen­tant légal ; en cas de refus de ce dernier le médecin doit pass­er out­re en avisant le pro­cureur de la République.

La per­son­ne mineure peut s’op­pos­er expressé­ment à la con­sul­ta­tion du tit­u­laire de l’au­torité parentale afin de garder le secret sur son état de san­té, ce qui oblige à s’ef­forcer d’obtenir le con­sen­te­ment du mineur et en cas de refus, le mineur doit être accom­pa­g­né d’une per­son­ne majeure de son choix dont on peut se pass­er de con­naître son iden­tité (l’op­po­si­tion du mineur est con­signée sur le car­net de san­té). Sit­u­a­tion par­ti­c­ulière de la per­son­ne majeure dont on ignore l’i­den­tité, autorisée à partager le secret médi­cal et sans qu’on con­naisse quel est le choix du mineur, en détresse, en con­flit famil­ial ? sit­u­a­tion au risque d’être vic­time d’une secte.

En matière psy­chi­a­trique : l’in­for­ma­tion per­met d’aboutir à une alliance thérapeu­tique, base d’une com­préhen­sion du traite­ment, ce qui n’empêche pas de s’in­ter­roger sur la nature de l’in­for­ma­tion à délivr­er et sur la capac­ité à consentir.

En hos­pi­tal­i­sa­tion, le droit à l’in­for­ma­tion est recon­nu légale­ment, l’au­tonomie de déci­sion du patient doit être respec­tée, le médecin n’é­tant que le déposi­taire de con­fi­dences et d’in­for­ma­tions pro­pres au patient qui est le seul à pou­voir en disposer.

Le recueil et la con­ser­va­tion des infor­ma­tions détenues par les pro­fes­sion­nels de san­té dans le dossier médi­cal con­stituent un élé­ment de la qual­ité des soins dans les meilleures con­di­tions de sécu­rité, de con­sul­ta­tion et de trans­mis­sion dans l’in­térêt des malades.

La final­ité de l’in­for­ma­tion : per­me­t­tre au patient d’ex­primer sa volon­té, c’est-à-dire de ” con­sen­tir ” au sché­ma thérapeu­tique, et cette infor­ma­tion doit être glob­ale : percevoir les grandes étapes du traite­ment, les béné­fices atten­dus en fonc­tion de l’é­tat physique et psy­chique du patient, des alter­na­tives éventuelles aux soins, de la nature des béné­fices mais aus­si des risques pos­si­bles, pré­dic­tifs, aléa­toires… aux risques médica­menteux, la durée de l’hos­pi­tal­i­sa­tion, les modal­ités de prise en charge…

Informer, c’est partager avec son patient dans un con­texte tant imprévis­i­ble que sci­en­tifique et tech­nique une exi­gence déon­tologique qui s’im­pose dans son intérêt mais avec le risque de le met­tre dans un état tel qu’il soit obligé de refuser un acte béné­fique dont l’indi­ca­tion est formelle.

Informer, c’est con­va­in­cre dans un cli­mat où l’in­for­ma­tion la plus exhaus­tive devient le plus sou­vent anx­iogène : il faut savoir ce que représente un refus de soins, défi, las­si­tude, résig­na­tion, négo­ci­a­tion, peur, accep­ta­tion ou souhait de mourir… ou perte du gou­verne­ment de son esprit ?

Peut-on alors par­ler avec cer­ti­tude d’au­tonomie du patient et de con­sen­te­ment éclairé ? Tout laisse à penser que l’in­for­ma­tion d’un sujet à un autre n’est jamais ressen­tie de manière iden­tique ; à la lim­ite, l’ob­ses­sion­nel ne sera jamais sat­is­fait des explications.

Informer, c’est laiss­er le temps de la réflex­ion, sol­liciter un autre avis, savoir à quel rythme il faut informer, savoir qu’il faut dire la vérité, mais par­fois… ” pas tout, tout de suite ” (Pr J. Bernard).

Informer, c’est con­va­in­cre, per­suad­er, rassurer.

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