Henri Poincaré : une contribution décisive à la Relativité

Dossier : ExpressionsMagazine N°547 Septembre 1999
Par Christian MARCHAL (58)

Résumé

Les équa­tions élec­tro­mag­né­tiques de Maxwell et les vieilles notions new­toni­ennes de temps absolu et d’e­space absolu étaient con­tra­dic­toires avec l’im­pos­si­bil­ité de la détec­tion du mou­ve­ment absolu de la Terre.

Cette sit­u­a­tion con­duisit Hen­ri Poin­caré à con­sid­ér­er que le temps absolu, l’e­space absolu et “l’éther” cor­re­spon­dant sont arti­fi­ciels et n’ex­is­tent pas réelle­ment. Les mod­i­fi­ca­tions des sys­tèmes de références iner­tiels ne suiv­ent pas les règles de Galilée mais celles de la trans­for­ma­tion de Lorentz, lesquelles peu­vent être déduites du principe de rel­a­tiv­ité de Poin­caré de 1904.

Mal­heureuse­ment la san­té de Poin­caré était mau­vaise ; il devint can­céreux en 1909 et mou­rut en 1912. Il est heureux que son tra­vail de pio­nnier ait été pour­suivi par Ein­stein qui pop­u­lar­isa la Relativité.

Pour quelles raisons Poin­caré est-il si ignoré et Ein­stein si célèbre ? Essen­tielle­ment à cause des divi­sions et des oppo­si­tions de la société française. Les physi­ciens refu­saient d’ad­met­tre que Poin­caré, ce prodigieux math­é­mati­cien, était aus­si l’un d’en­tre eux… et sa par­en­té avec son cousin ger­main Ray­mond Poin­caré, homme poli­tique de pre­mier plan, n’é­tait pas faite pour calmer les esprits.

*

La théorie de la Rel­a­tiv­ité est le résul­tat d’une très longue mat­u­ra­tion des con­nais­sances et des idées de l’hu­man­ité con­fron­tée aux pro­priétés de la matière, de l’én­ergie, de l’e­space et du temps.

Com­mençons avec l’é­tat de cette con­fronta­tion dans la sec­onde moitié du XIXe siècle.

Les cinq prin­ci­paux élé­ments sont alors les suivants.

1. La relativité galiléenne

Pen­dant des siè­cles on a cru que la force était pro­por­tion­nelle à la vitesse : vous poussez sur un objet et il se déplace, vous cessez de pouss­er et il s’ar­rête. Il faut des obser­va­tions dif­fi­ciles et une réflex­ion poussée sur les frot­te­ments pour com­pren­dre qu’en l’ab­sence de force le mou­ve­ment reste rec­tiligne et uni­forme (Galilée, Descartes) et que la force est pro­por­tion­nelle à l’ac­céléra­tion (New­ton).

Le motif réel de Galilée était la com­préhen­sion du mou­ve­ment orbital de la Terre : celle-ci ne perd pas son atmo­sphère et ses océans le long de son orbite ! Galilée avait besoin de ce que nous appelons aujour­d’hui la rel­a­tiv­ité galiléenne : “Une expéri­ence de mécanique donne les mêmes résul­tats dans un lab­o­ra­toire fixe et dans un lab­o­ra­toire en mou­ve­ment rec­tiligne et uni­forme”, soit en ter­mes pra­tiques : vous pou­vez boire votre café comme d’habi­tude aus­si longtemps que votre avion vole d’un mou­ve­ment rec­tiligne et uni­forme sans être sec­oué par le vent…1

2. Le mouvement de la Terre

Coper­nic et Galilée n’avaient pas de preuves physiques du mou­ve­ment de la Terre et c’est pourquoi Coper­nic présen­tait son tra­vail comme une hypothèse tan­dis que Galilée était plus affir­matif. Fort heureuse­ment, au milieu du XIXe siè­cle, ce mou­ve­ment était fer­me­ment établi sur ses trois preuves clas­siques : l’aber­ra­tion des étoiles (Bradley, 1727), la par­al­laxe des étoiles (Bessel, 1840) et le pen­d­ule de Fou­cault (1851).

3. Le temps absolu ou “newtonien”

Tem­pus abso­lu­tum verum et mathematicum…

“Le temps absolu, vrai et math­é­ma­tique, par sa nature même indépen­dant de toutes les autres grandeurs, coule uni­for­mé­ment et sera désigné par le mot durée.

Le temps relatif, appar­ent et vul­gaire, est la mesure, plus ou moins pré­cise, sub­jec­tive et toute extérieure, de la durée par les mou­ve­ments des astres, dont on se sert habituelle­ment au lieu du vrai temps, comme l’heure, le jour, le mois, l’an­née.” (New­ton, Philosophia Nat­u­ralis Prin­cip­ia Math­e­mat­i­ca, 2e édi­tion, Cam­bridge, 1713).

À l’époque de New­ton, et même deux siè­cles plus tard, aucune hor­loge n’é­tait capa­ble de révéler les petites dif­férences liées aux effets rel­a­tivistes. Il était donc très naturel de sup­pos­er l’ex­is­tence du “temps absolu”, ce paramètre essen­tiel de tant de lois physiques, et la déf­i­ni­tion new­toni­enne appa­rais­sait alors essen­tielle­ment comme un aver­tisse­ment : “atten­tion, la rota­tion de la Terre n’est peut-être pas tout à fait régulière”.

4. L’espace euclidien absolu et la notion de force

La loi de l’in­er­tie : accéléra­tion = force/masse est val­able seule­ment dans les référen­tiels “galiléens” ou “iner­tiels” qui ne tour­nent pas et dont les mou­ve­ments relat­ifs sont rec­tilignes et uniformes.

Dans la sec­onde moitié du XIXe siè­cle les géométries non-eucli­di­ennes de Lobatchevsky, Bolyai et Rie­mann étaient con­sid­érées comme des curiosités math­é­ma­tiques sans grand intérêt et cha­cun con­sid­érait l’e­space physique comme euclidien.

Le fan­tas­tique suc­cès de la théorie new­toni­enne de l’at­trac­tion uni­verselle con­for­t­ait toutes ces notions. Cette théorie ne con­dui­sait-elle pas à une descrip­tion remar­quable­ment pré­cise des mou­ve­ments plané­taires et n’avait-elle pas per­mis la décou­verte de Nep­tune (1846) après les longs cal­culs de Lev­er­ri­er et d’Adams ?

En 1850, toutes les lois de la mécanique étaient en accord avec la rel­a­tiv­ité galiléenne, elles étaient con­servées par les trans­for­ma­tions ordi­naires de référen­tiels galiléens, par exem­ple par l’ex­pres­sion classique :

(1) x1 = x — Vt : vitesse V con­stante du sec­ond référen­tiel par rap­port au premier.
 y1 = y ; z1 = z ; t1 = t : temps absolu.

5. Les équations de l’électromagnétisme (Maxwell 1864)

Les équa­tions de Maxwell représen­tent un pro­grès majeur de la con­nais­sance de la matière, sans doute un pro­grès aus­si impor­tant que celui de la loi de l’at­trac­tion uni­verselle. Elles sont cepen­dant la source des dif­fi­cultés : elles ne sont pas con­servées dans les trans­for­ma­tions galiléennes des référentiels.

Con­sid­érons leur expres­sion la plus sim­ple dans le vide. Le vecteur champ élec­trique E et le vecteur induc­tion mag­né­tique B sont liés par les qua­tre équa­tions suivantes :

(2) div E = 0 ; div B = 0 ;
 rot E = — ∂ B / ∂ t ; rot B = μoεoE / ∂ t
 avec :
 μo = per­méa­bil­ité mag­né­tique du vide = 4π.10-7 Hen­ry par mètre.
 εo = per­mit­tiv­ité du vide = 8,854 188 X 10-12 Farad par mètre.

Les solu­tions les plus sim­ples sont les ondes planes, par exem­ple celles se propageant dans la direc­tion de Ox :

| u = x — ct ; avec c = (μoεo)-1/2 = 299 792 458 m/s
(3) | E = [ 0, cf (u) , cg (u) ] ; B = [ 0, — g (u), f (u) ]
 | f (u) et g (u) sont des fonc­tions con­tinû­ment dériv­ables arbitraires.

Donc, dans le sys­tème de référence Oxyzt appro­prié dans lequel les équa­tions (2) de Maxwell sont val­ables, les ondes planes se dépla­cent avec la vitesse c, la vitesse des ondes élec­tro­mag­né­tiques. Cette vitesse fut aus­si recon­nue comme la vitesse de la lumière après les expéri­ences de Hertz sur les simil­i­tudes entre lumière et électromagnétisme.

Mal­heureuse­ment la trans­for­ma­tion galiléenne (1) ne con­serve pas la vitesse c ; nous devons donc choisir entre les deux pos­si­bil­ités suivantes :

a) ou bien les équa­tions de Maxwell sont rigoureuses par rap­port à un référen­tiel par­ti­c­uli­er Oxyzt et seule­ment approchées dans les référen­tiels en mou­ve­ment lent (comme ceux de nos lab­o­ra­toires terrestres) ;

b) ou bien les équa­tions de Maxwell sont rigoureuses pour tous les sys­tèmes de référence iner­tiels et la rel­a­tiv­ité peut être éten­due de la mécanique à l’élec­tric­ité et à l’op­tique. Mais il y a un prix à pay­er : les notions de temps et d’e­space abso­lus doivent être aban­don­nées car elles sont con­tra­dic­toires avec l’in­vari­ance de la vitesse de la lumière.

Le temps absolu new­tonien sem­blait si évi­dent que l’hy­pothèse a) fut immé­di­ate­ment adop­tée. Le référen­tiel hypothé­tique Oxyzt prit une con­sis­tance con­crète avec l’in­ven­tion de “l’éther”, milieu très léger et très sub­til, cen­sé jouer pour la lumière et l’élec­tro­mag­nétisme le rôle de l’air pour le son.

L’é­tape suiv­ante était évidem­ment la recherche des pro­priétés de l’éther et la déter­mi­na­tion du mou­ve­ment “absolu” de la Terre, c’est-à-dire de son mou­ve­ment par rap­port à l’éther, par des expéri­ences appro­priées d’op­tique ou d’électromagnétisme.

L’ex­péri­ence de Fizeau (mesure de la vitesse de la lumière dans un courant d’eau, 1851) et celle d’Airy (mesure de l’an­gle d’aber­ra­tion dans un téle­scope plein d’eau, 1871) sem­blaient mon­tr­er un “entraîne­ment par­tiel de l’éther” par les milieux transparents.

En util­isant toutes sortes d’idées et d’équipements, un grand nom­bre d’ex­péri­men­ta­teurs (Trou­ton et Noble, Lodge, Kennedy et Thorndyke, etc.) essayèrent d’é­tudi­er les pro­priétés de l’éther et de déter­min­er le mou­ve­ment absolu de la Terre, mais sans succès.

Les expéri­men­ta­teurs les plus célèbres sont Michel­son et Mor­ley. Leur expéri­ence (1887) fut inca­pable de détecter une anisotropie de la vitesse de la lumière en dépit d’une pré­ci­sion dix fois surabondante.

Il est heureux que le mou­ve­ment de la Terre ait été fer­me­ment établi dans l’e­sprit des sci­en­tifiques de ce siè­cle. Deux siè­cles aupar­a­vant l’ex­pli­ca­tion la plus sim­ple aurait été : la Terre ne bouge pas…

Pen­dant que ces expéri­ences étaient faites, les théoriciens obte­naient un cer­tain nom­bre de résul­tats intéressants.

Lorentz et Fitzger­ald notèrent qu’une con­trac­tion appro­priée par le “vent d’éther” peut expli­quer l’isotropie appar­ente de l’ex­péri­ence de Michel­son et Morley.

En 1887, Voigt obtint une trans­for­ma­tion de coor­don­nées con­ser­vant les ondes planes et les ondes sphériques de Maxwell.

En 1895, Lorentz nota que le pre­mier ordre de la trans­for­ma­tion de Voigt con­serve le pre­mier ordre des équa­tions de Maxwell.

Lar­mor don­na le deux­ième ordre un peu plus tard.

Dans son grand mémoran­dum de mai 1904 (réf. 1), Lorentz don­na une exten­sion de la trans­for­ma­tion de Voigt préser­vant les équa­tions de Maxwell dans le vide.

Les plus grands pro­grès sont dus au math­é­mati­cien, physi­cien et philosophe Hen­ri Poin­caré, qui était un ami de Lorentz. Ils échangèrent de nom­breuses let­tres sci­en­tifiques à par­tir de 1895 et améliorèrent pas à pas leurs analyses.

Les pro­grès suc­ces­sifs dus à Poin­caré sont les suivants.

A) Dans le livre La sci­ence et l’hy­pothèse (1902), pages 111, 245 et 246 (réf. 2).

Il n’y a pas d’e­space absolu et nous ne con­cevons que des mou­ve­ments relatifs.

Il n’y a pas de temps absolu ; dire que deux durées sont égales, c’est une asser­tion qui n’a par elle-même aucun sens et qui n’en peut acquérir un que par con­ven­tion. Non seule­ment nous n’avons pas l’in­tu­ition directe de l’é­gal­ité de deux durées, mais nous n’avons même pas celle de la simul­tanéité de deux événe­ments se pro­duisant sur des théâtres différents.

Peu nous importe que l’éther existe réelle­ment, c’est l’af­faire des méta­physi­ciens… un jour vien­dra sans doute où l’éther sera rejeté comme inutile… Ces hypothès­es ne jouent qu’un rôle sec­ondaire. On pour­rait les sac­ri­fi­er ; on ne le fait pas d’or­di­naire parce que l’ex­po­si­tion y perdrait en clarté, mais cette rai­son est la seule.2

B) Le con­grès sci­en­tifique mon­di­al de Saint-Louis (Mis­souri, sep­tem­bre 1904, pub­lié en novem­bre 1904, réf. 11).

Hen­ri Poin­caré est invité à présen­ter une con­férence générale sur “L’é­tat actuel et l’avenir de la Physique math­é­ma­tique” (réf. 11). Il ajoute auda­cieuse­ment le “principe de rel­a­tiv­ité” au cinq principes clas­siques de la Physique :

“Le principe de rel­a­tiv­ité, d’après lequel les lois des phénomènes physiques doivent être les mêmes pour un obser­va­teur fixe et pour un obser­va­teur entraîné dans un mou­ve­ment de trans­la­tion uni­forme, de sorte que nous n’avons et ne pou­vons avoir aucun moyen de dis­cern­er si nous sommes, oui ou non, emportés dans un pareil mou­ve­ment.” (réf. 11, page 306)3.

Ce principe était bien sûr essen­tielle­ment basé sur les résul­tats négat­ifs des expéri­ences de cette époque sur l’éther. La plus grande par­tie de la con­férence est con­sacrée à la défense du nou­veau principe et Hen­ri Poin­caré con­clut : “Ain­si le principe de rel­a­tiv­ité a été dans ces derniers temps vail­lam­ment défendu, mais l’én­ergie même de la défense prou­ve com­bi­en l’at­taque était sérieuse… Peut-être devrons-nous con­stru­ire toute une mécanique nou­velle que nous ne faisons qu’en­trevoir, où l’in­er­tie crois­sant avec la vitesse, la vitesse de la lumière deviendrait une lim­ite infran­chiss­able.” (réf. 11, page 324).

C) La note à l’A­cadémie des sci­ences de Paris (5 juin 1905, pub­liée le 9 juin 1905, réf. 3).

Poin­caré écrit à nou­veau le principe de rel­a­tiv­ité et analyse le “change­ment de vari­ables” présen­té par Lorentz dans son mémoran­dum (réf. 1). Il sim­pli­fie la présen­ta­tion de ce change­ment et lui donne son nom actuel : “Le point essen­tiel, établi par Lorentz, c’est que les équa­tions de l’élec­tro­mag­nétisme ne sont pas altérées par une cer­taine trans­for­ma­tion que j’ap­pellerai du nom de Lorentz…” (plus tard, en 1914, Lorentz cor­rig­era cette affir­ma­tion : “je n’ai pas indiqué la trans­for­ma­tion qui con­vient le mieux. Cela a été fait par Poin­caré et ensuite par M. Ein­stein et Minkows­ki.”). (réf. 10, page 295).

Poin­caré remar­que que la théorie de la rel­a­tiv­ité implique l’ex­is­tence “d’on­des grav­i­fiques” ou ondes grav­i­ta­tion­nelles se déplaçant à la vitesse de la lumière. Cepen­dant ses recherch­es ultérieures sur ce sujet ne furent pas couron­nées de succès.

Poin­caré note enfin que la trans­for­ma­tion de Lorentz et les trans­for­ma­tions asso­ciées sont les élé­ments d’un “groupe” au sens math­é­ma­tique du mot (aujour­d’hui le groupe de Poin­caré, dont celui de Lorentz est un sous-groupe). Cela lui per­met de don­ner la valeur du coef­fi­cient 1 util­isé par Lorentz dans sa trans­for­ma­tion : ce coef­fi­cient est égal à l’unité.

Les groupes ont des invari­ants et Poin­caré trou­vera l’in­vari­ant de son groupe : la quan­tité L2 — c2T2 où L représente l’in­ter­valle de longueur et T l’in­ter­valle de temps. Quelques années plus tard Minkows­ki présen­tera ce même invari­ant sous la célèbre forme différentielle :

c2 dt2 — dx2 — dy2 — dz2 = c2 ds2

Le paramètre s est le “temps pro­pre”, lequel étant un paramètre physique don­né par les hor­loges de bord du véhicule étudié, doit évidem­ment avoir la même valeur dans tous les référentiels.

Il faut com­pren­dre que le sec­ond temps, t’, appa­rais­sant dans la trans­for­ma­tion de Lorentz a le même car­ac­tère physique que le pre­mier, à cause de l’inex­is­tence de l’éther et du temps absolu, et à cause de la par­faite symétrie de la trans­for­ma­tion. Poin­caré avait déjà don­né un sens physique à ce temps t’ en syn­chro­nisant les hor­loges avec des sig­naux lumineux, grâce à l’in­vari­ance de la vitesse de la lumière (voir annexe).

D) Le dernier tra­vail fon­da­men­tal de Poin­caré sur la rel­a­tiv­ité est son étude “sur la dynamique de l’élec­tron” dans laque­lle il démon­tre et développe les idées de sa note à l’A­cadémie (réf. 5, juil­let 1905, pub­liée en jan­vi­er 1906).

L’ex­pres­sion de la trans­for­ma­tion du champ élec­tro­mag­né­tique est impres­sion­nante : l’élec­tro­mag­nétisme appa­raît comme le mariage de l’élec­tro­sta­tique et de la relativité.

La théorie de Lorentz et Poin­caré con­duit donc au car­ac­tère relatif de l’e­space et du temps physiques, elle est en accord avec le principe de rel­a­tiv­ité, avec les équa­tions de Maxwell non seule­ment dans le vide mais aus­si ailleurs, avec les expéri­ences sur l’éther (Fizeau, Airy, Michel­son, etc.) et avec les résul­tats clas­siques de l’élec­tro­mag­nétisme tels qu’ils furent décou­verts par les pio­nniers : Coulomb, Ampère, Vol­ta, Laplace, Gauss, Oer­sted, Fara­day… La théorie de la rel­a­tiv­ité restreinte était dès lors complète.

Pen­dant ce temps, Ein­stein pré­pare et pub­lie son pre­mier et plus célèbre tra­vail sur la rel­a­tiv­ité : Zur Elek­tro­dy­namik der bewegten Kör­p­er (réf. 6). Ce tra­vail fut présen­té sans aucune référence et est pour cette rai­son con­sid­éré par cer­tains auteurs comme une com­pi­la­tion des travaux précé­dents (réf. 7).

L’idée de base d’E­in­stein est l’in­vari­ance de la vitesse de la lumière (ce qui oblige les pho­tons à avoir une masse nulle).

Ein­stein est con­duit au principe de rel­a­tiv­ité. Il obtient tous les résul­tats décrits par Poin­caré. Il men­tionne même que les trans­for­ma­tions de Lorentz et les trans­for­ma­tions asso­ciées for­ment un groupe, mais ne fait aucun usage de cette propriété.

Ein­stein était-il au courant des travaux de Poin­caré ? Ceci est une ques­tion difficile.

D’une part il écrit en 1955 dans une let­tre à Carl Seelig :

Il n’y a pas de doute que, si nous regar­dons son développe­ment rétro­spec­tive­ment, la théorie de la rel­a­tiv­ité restreinte était prête à être décou­verte en 1905. Lorentz avait déjà observé que, pour l’analyse des équa­tions de Maxwell, les trans­for­ma­tions qui porteront plus tard son nom sont essen­tielles et Poin­caré avait été encore plus loin.

En ce qui me con­cerne, je ne con­nais­sais que les travaux impor­tants de Lorentz de 1895 : La théorie élec­tro­mag­né­tique de Maxwell et Ver­such ein­er the­o­rie der elek­trischen und optis­chen Erschei­n­un­gen in bewegten Kör­pern mais je ne con­nais­sais ni les travaux ultérieurs de Lorentz ni les inves­ti­ga­tions cor­re­spon­dantes de Poincaré.

Dans ce sens mon tra­vail de 1905 était indépen­dant (réf. 8, page 11).

Mais d’autre part :

A) Le tra­vail d’E­in­stein en 1905 sur la rel­a­tiv­ité con­tient les mêmes résul­tats que celui de Poin­caré y com­pris la pro­priété de groupe pour les trans­for­ma­tions de Lorentz et les trans­for­ma­tions asso­ciées. Cette notion de groupe math­é­ma­tique était alors très nou­velle et pra­tique­ment ignorée chez les physi­ciens, Ein­stein n’en fait aucun usage.

B) Ein­stein n’a évidem­ment pas pu utilis­er le tra­vail de Poin­caré de juil­let 1905 pour écrire son pro­pre texte, mais la Note à l’A­cadémie du 5 juin 1905 est arrivée à Berne, à temps, le 12 ou le 13 juin, et la lire fai­sait par­tie de son tra­vail ordi­naire. On peut d’ailleurs remar­quer qu’E­in­stein résumait régulière­ment pour les Annalen der Physik les travaux de physique les plus intéres­sants, y com­pris ceux parus dans les comptes ren­dus de l’A­cadémie des sci­ences de Paris (voir par exem­ple la référence 18, avec entre autres l’analyse du tra­vail de M. Pon­sot, C.R. 140, S pages 1176–1179, 1905).

C) Selon ses amis Mau­rice Solovine et Carl Seel­ig, Ein­stein avait lu le livre de Poin­caré La Sci­ence et l’Hy­pothèse (pas de temps absolu, pas d’e­space absolu, pas d’éther…) pen­dant les années 1902–1904. Ce livre fut dis­cuté à leur cer­cle de lec­ture “Académie Olympia” durant plusieurs semaines (réf. 8, pages 129 et 139 ; réf. 9, page VIII et réf. 17, page 30).

Néan­moins, même si le principe de rel­a­tiv­ité doit être appelé principe de Poin­caré, et même si Ein­stein n’est pas le pre­mier, nous lui devons non seule­ment la rel­a­tiv­ité générale de 1916 mais aus­si une mag­nifique vul­gar­i­sa­tion de la rel­a­tiv­ité restreinte. Ceci est très heureux car la san­té de Poin­caré était mau­vaise et il ne survé­cut guère à son tra­vail de géant, il fut frap­pé du can­cer en 1909 et mou­rut en 1912 à l’âge de 58 ans.

La mau­vaise san­té de Poin­caré et l’ab­sence de référence dans le tra­vail d’E­in­stein sur la rel­a­tiv­ité en 1905 ne sont évidem­ment pas les seules raisons pour lesquelles Poin­caré est si ignoré et Ein­stein si célèbre.

Si un grand physi­cien comme Paul Langevin (qui dis­cu­ta des derniers développe­ments de la Physique avec Poin­caré, son ancien pro­fesseur, durant les semaines de leur voy­age au con­grès de Saint-Louis en 1904), si Langevin avait défendu Poin­caré l’év­i­dence aurait été immé­di­ate­ment reconnue.

Si Poin­caré avait eu la pos­si­bil­ité de pub­li­er dans un grand jour­nal de physique, comme les Annalen der Physik d’E­in­stein, il aurait eu une grande audi­ence. Mais il ne trou­va que le Ren­di­con­ti del Cir­co­lo Matem­ati­co di Paler­mo pour son tra­vail majeur de juil­let 1905… un petit jour­nal de math­é­ma­tiques qui n’é­tait pas con­nu par­mi les physiciens.

Il peut sem­bler incroy­able que Poin­caré ait eu tant de mal à pub­li­er dans un jour­nal de physique, mais les physi­ciens de cette époque refu­saient de con­sid­ér­er que ce prodigieux math­é­mati­cien était aus­si l’un des leurs. Encore aujour­d’hui, cer­tains physi­ciens croient que le car­ac­tère physique des vari­ables x’ et t’ de la trans­for­ma­tion de Lorentz n’a pas été suff­isam­ment souligné par l’au­teur du principe de rel­a­tiv­ité ! (réf. 20).

Il faut dire que Poin­caré joue de malchance, son tra­vail Sur la dynamique de l’élec­tron n’est pra­tique­ment pas con­nu avant les années trente et entre-temps la sci­ence et le vocab­u­laire sci­en­tifique ont fan­tas­tique­ment changés. Tan­dis que, d’une tra­duc­tion à l’autre, le texte d’E­in­stein est con­stam­ment réac­tu­al­isé… En con­séquence la com­para­i­son des deux textes est apparem­ment édi­fi­ante. Le texte de Poin­caré est dif­fi­cile à lire et cer­tains lecteurs en arrivent même à se deman­der si Poin­caré à vrai­ment com­pris la rel­a­tiv­ité… Il faut atten­dre le tout récent tra­vail d’un émi­nent physi­cien russe, l’a­cadémi­cien Ana­toly Logunov, pour que Poin­caré soit lui aus­si traduit en lan­gage sci­en­tifique mod­erne, en russe tout d’abord puis en anglais et bien­tôt en français (réf. 16). Alors tout change, nul ne peut plus soutenir que Poin­caré ne savait pas ce qu’il fai­sait ou qu’il n’avait pas vrai­ment compris…

Références
1 Lorentz H. A. Elec­tro­mag­net­ic phe­nom­e­na in a sys­tem mov­ing with any veloc­i­ty less than that of light. Proc. Roy­al Acad. Ams­ter­dam, 6, page 809, 1904.
2 Poin­caré H. La Sci­ence et l’Hy­pothèse. Édi­tion Flam­mar­i­on, Paris, 1902.
3 Poin­caré H. Sur la dynamique de l’élec­tron. Comptes ren­dus Acad. sci., Paris, 140, pages 1504–1508, 5 juin 1905.
4 Poin­caré H. La mesure du temps. Revue de méta­physique et de morale. 6, pages 371–384, 1898.
5 Poin­caré H. Sur la dynamique de l’élec­tron. Ren­di­con­ti del Cir­co­lo Matem­ati­co di Paler­mo, 21, pages 129–175, reçu le 23 juil­let 1905, pub­lié en jan­vi­er 1906.
6 Ein­stein A. Zur Elek­tro­dy­namik der bewegten Kör­p­er. Annalen der Physik, 17, pages 891–921, reçu le 30 juin 1905, pub­lié le 26 sep­tem­bre 1905.
7 Leveu­gle J. ” Poin­caré et la rel­a­tiv­ité “. La Jaune et la Rouge, pages 31–51, avril 1994.
8 Miller A. I. Albert Ein­stein’s Spe­cial The­o­ry of Rel­a­tiv­i­ty. Ed. Addi­son-Wes­ley Pub­lish­ing Com­pa­ny Inc. Read­ing Mass., 1981.
9 Solovine M. Let­tres à Mau­rice Solovine. Éd. Gau­thi­er-Vil­lars, Paris, 1956.
10 Lorentz H. A. Deux mémoires de Hen­ri Poin­caré dans la Physique math­é­ma­tique. Acta Matem­at­i­ca, 38, pages 293–308, 1921.
11 Poin­caré H. L’é­tat actuel et l’avenir de la physique math­é­ma­tique. Bul­letin des Sci­ences Math­é­ma­tiques, 28, 2e série (réor­gan­isé 39–1), pages 302–324, 1904.
12 Ton­nelat M. A. His­toire du principe de rel­a­tiv­ité. Ed. Flam­mar­i­on, Paris, 1971.
13 Ginzburg V. L. On the the­o­ry of rel­a­tiv­i­ty. Ed. Nau­ka, Moscow, 1979.
14 Bol’sha­ia Sovet­skaïa Entsik­lo­pe­dia. Great Sovi­et Encyclopedia‑A trans­la­tion of the third edi­tion. Vol­ume 18, Macmil­lan Inc., New York, Col­lier Macmil­lan Pub­lish­ers. Rel­a­tiv­i­ty, The­o­ry of, page 653, 1974.
15 Pauli W., Kot­tler F. Ency­clopädie der math­e­mat­sichen Wissenchaften. Leipzig Ver­lag und Druck von B G Teub­n­er. Rel­a­tiv­ität­s­the­o­rie V‑2, pages 545–546 (1904–1922)-
Grav­i­ta­tion und Rel­a­tiv­ität­s­the­o­rie VI‑2–2, page 171 (1922–1934).
16 Logunov A.A. On the arti­cles by Hen­ri Poin­caré : On the dynam­ics of the elec­tron. Pub­lish­ing Dept of the Joint Insti­tute for Nuclear Research, Dub­na, 1995.
17 Mer­leau-Pon­ty J. Ein­stein. Éd Flam­mar­i­on, page 30, 1993.
18 Ein­stein A. Beiblät­ter zu der Annalen der Physik. 29, n° 18, pages 952–953, 1905.
19 Ein­stein A. L’éther et la théorie de la rel­a­tiv­ité. Con­férence faite à Leyde (Pays-Bas) le 5 mai 1920. Tra­duc­tion en français par Mau­rice Solovine et M. A. Ton­nelat dans : Albert Ein­stein, Réflex­ions sur l’élec­tro­dy­namique, l’éther, la géométrie et la rel­a­tiv­ité. Col­lec­tion ” Dis­cours de la méthode “, nou­velle édi­tion, Gau­thi­er-Vil­lars éd., 55, quai des Grands Augustins, Paris 6e, page 74, 1972.
20 Dar­rigol O. Hen­ri Poin­car­é’s crit­i­cism of Fin de Siè­cle elec­tro­dy­nam­ics. Stud­ies in His­to­ry and Phi­los­o­phy of mod­ern Physics, pages 1–4, april 1995.
Les références 3, 5 et 10 appa­rais­sent aus­si dans les Œuvres de Hen­ri Poin­caré, respec­tive­ment tome 9, pages 489–493 ; tome 9, pages 494- 550 et tome 11, pages 247–261 ; Gau­thi­er-Vil­lars édi­teur, Paris, 1956.

Par dessus tout cela une his­toire typ­ique­ment française : la plu­part des pro­fesseurs d’u­ni­ver­sité du début du siè­cle étaient réti­cents à soutenir Hen­ri Poin­caré assim­ilé à son cousin Ray­mond, futur Prési­dent de la République… De quelques bor­ds qu’ils soient la pas­sion poli­tique des Gaulois, et les excès qui en résul­tent, ont tou­jours éton­né les étrangers.

Hen­ri Poin­caré n’é­tait pas homme à se met­tre en avant. Il avait attribué à Lorentz plus que sa part, ce qui fut loyale­ment refusé par celui-ci. Il avait appelé “fonc­tions fuch­si­ennes”, fonc­tions du pro­fesseur Fuchs, des fonc­tions pour lesquelles il avait fait plus des deux tiers du travail…

En fin de compte l’ami­tié de Lorentz le sau­va. En 1921, après le tri­om­phe de l’é­clipse de Soleil de 1919, le comité Nobel se réu­nit avec pour pre­mière pen­sée : “Nous devons don­ner le prix Nobel à Ein­stein pour la rel­a­tiv­ité”. Mais Lorentz, prix Nobel de physique 1902, proteste : “Ce n’est pas juste ! ” et il pub­lie la notice sur la vie de Poin­caré qu’il avait écrite en 1914 (réf. 10, page 298)… “Je n’ai pas établi le principe de rel­a­tiv­ité comme rigoureuse­ment et uni­verselle­ment vrai. Poin­caré au con­traire a obtenu une invari­ance par­faite des équa­tions de l’élec­tro­dy­namique et il a for­mulé le ‘pos­tu­lat de rel­a­tiv­ité’, ter­mes qu’il a été le pre­mier à employer.”

Embar­rassé, le comité Nobel décide de pren­dre le temps de réfléchir et, après quelques mois, donne finale­ment le prix Nobel à Ein­stein mais pas pour la rel­a­tiv­ité… pour l’ef­fet photoélectrique !

Ain­si, en dépit de sa mod­estie et de sa timid­ité, Hen­ri Poin­caré doit être con­sid­éré non seule­ment comme un excel­lent philosophe de la sci­ence et l’un des plus grand math­é­mati­ciens ; il est aus­si un physi­cien de tout pre­mier plan (élec­tro­mag­nétisme et radio, optique, flu­o­res­cence, théorie ciné­tique des gaz, théorie des quan­ta, etc.), le père du principe de rel­a­tiv­ité et le fon­da­teur de la rel­a­tiv­ité restreinte.

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1. Pour ce principe et quelques autres réflex­ions philosophiques fon­da­men­tales, Galilée est con­sid­éré par les sci­en­tifiques comme l’un des pères fon­da­teurs de la sci­ence mod­erne tan­dis que le pub­lic le con­naît surtout à cause de son procès de 1633. Notez cepen­dant l’ironie et la chance his­torique : c’est parce qu’il était con­damné à la rési­dence sur­veil­lée dans sa mai­son de cam­pagne à Arcetri près de Flo­rence, qu’il a trou­vé le temps néces­saire à la réflex­ion philosophique. Sinon il serait prob­a­ble­ment resté le pro­fesseur très occupé et le polémiste ardent et par­fois injuste qu’il avait été toute sa vie.
2.  Au cours du vingtième siè­cle de nom­breux physi­ciens reprocheront à Hen­ri Poin­caré de n’avoir pas con­damné plus explicite­ment et plus défini­tive­ment la notion d’éther. Mais cela n’é­tait pas si évi­dent et Ein­stein lui-même dira encore bien plus tard, en 1920, dans la con­clu­sion de sa con­férence de Leyde : “En résumant, nous pou­vons dire : D’après la théorie de la rel­a­tiv­ité générale, l’e­space est doué de pro­priétés physiques ; dans ce sens par con­séquent un éther existe. Selon la théorie de la rel­a­tiv­ité générale un espace sans éther est incon­cev­able, car non seule­ment la prop­a­ga­tion de la lumière y serait impos­si­ble, mais il n’y aurait aucune pos­si­bil­ité d’ex­is­tence pour les règles et les hor­loges, et par con­séquent aus­si pour les dis­tances spa­tio-tem­porelles dans le sens de la physique. Cet éther ne doit cepen­dant pas être conçu comme étant doué de la pro­priété qui car­ac­térise le mieux les milieux pondérables, c’est-à-dire comme con­sti­tué de par­ties pou­vant être suiv­ies dans le temps : la notion de mou­ve­ment ne doit pas lui être appliquée.” (réf. 19).
3.  Il est éton­nant que cette toute pre­mière expres­sion du principe de rel­a­tiv­ité à son niveau véri­ta­ble ne soit pas men­tion­née en référence 12 par ailleurs très intéres­sante et bien doc­u­men­tée. Je ne l’ai pas trou­vée non plus en référence 13 en dépit de sa présence en référence 14 et aus­si dans la fameuse Encyk­lopädie der math­e­ma­tis­chen Wissenchaften (réf.15).

ANNEXE

La trans­for­ma­tion de Lorentz

Il est essen­tiel de not­er que la trans­for­ma­tion de Lorentz est une con­séquence directe du principe de rel­a­tiv­ité et n’ex­ige pas l’in­vari­ance de la vitesse de la lumière.
Recher­chons cette trans­for­ma­tion le long de deux axes Ox et O’x’ glis­sant l’un sur l’autre avec la vitesse rel­a­tive con­stante V.
 ————|————————————>
 O’ x’
 ———|—————————————————————>
 O OO’ = Vt x

Afin d’obtenir une symétrie par­faite entre les deux référen­tiels retournons l’axe O’x’.
 x’ O’ 
 <—————————|———
 ———|———————————————————>
 O x

L’ho­mogénéité con­duira à une trans­for­ma­tion linéaire et si nous choi­sis­sons t = t’ = 0 en O et O’ quand ils se croisent, les trans­for­ma­tions (x, t) → (x’, t’) et (x’, t’) → (x, t) seront don­nées comme suit avec huit con­stantes appro­priées A à D’ :

(4) x’ = Ax + Bt ; t’ =Cx + Dt
 x = A’x’ + B’t’ ; t = C’x’ + D’t’

Le principe de rel­a­tiv­ité et la symétrie con­duisent à :
(5) A = A’ ; B = B’ ; C = C’ ; D = D’

De plus en O’ nous avons x’ = 0 et x = Vt, donc x’ = Ax + Bt entraîne AV + B = 0, de même x = Ax’ + Bt’ et t = Cx’ + Dt’ entraî­nent B = DV, et donc D = — A.

Enfin la cohérence exige :
(6) x = Ax’ + Bt’ = A(Ax + Bt) + B(Cx + Dt) = (D2 + CDV)x
 t = Cx’ + Dt’ = C(Ax + Bt) + D(Cx + Dt) = (D2 + CDV)t
donc D2 + CDV = 1, soit : C = (1 — D2) / DV.

La trans­for­ma­tion (x, t) → (x’, t’) devient donc :
(7) x’ = ‑Dx + DVt ; t’ = [ (1 — D2) / DV ] x + Dt

La seule incon­nue restante, D, est une fonc­tion de la vitesse V et peut être déter­minée par la com­para­i­son de plusieurs vitesses.

Retournons à nou­veau O’x’ et con­sid­érons trois axes Ox, O’x’ et O”x” de même sens.
 O” x”
 ————|——————————>
 O’ x’
 ————|—————————————>
 O x
 ———|—————————————————————>
 OO’ = Vt ; O’O” = V’t’ ; OO” = V”t

La rela­tion (7) devient, avec le signe opposé pour x’ :
(8) x’ = Dx — DVt ; t’ = [ (1 — D2) / DV ] x + Dt
et pareille­ment, avec D’ pour V’ et D” pour V” :
(9) x” = D’x’ — D’V’t’ ; t” = [ (1 — D’2) / D’V’ ] x’ + D’t’
(10) x” = D”x — D”V”t ; t” = [ (1 — D”2) / D”V” ] x + D”t

Élim­i­nons alors x’ et t’ en (8) et (9), nous obtenons une autre expres­sion de (10) :
(11) x” = { DD’ + [ D’V’ (D2 — 1) / DV ] } x — DD’ (V + V’) t
 t” = { [ (D — DD’2) / D’V’ ] + [ (D’- D2D’) / DV ] } x + { DD’ + [ DV (D’2 — 1) / D’V’ ] } t

L’i­den­ti­fi­ca­tion de (10) et de (11) con­duit aux qua­tre égal­ités suivantes :
(12) D” = DD’ + [ D’V’(D2 — 1) / DV ]
(13) D”V ” = DD’(V + V’)
(14) (1 — D”2) / D”V” = [ (D — DD’2) / D’V’ ] + [ (D’- D2D’) / DV ]
(15) D”= DD’ + [ DV (D’2 - 1) / D’V’ ]

Donc, avec (12) et (15) :
(16) D” — DD’ = D’V’ (D2 — 1) / DV = DV (D’2 — 1) / D’V’
La dernière égal­ité per­met de définir la quan­tité K par :
(17) K = D2 V2 / (D2 — 1) = D’2 V’2 / (D’2 — 1)

La quan­tité K a la même valeur pour deux vitesses arbi­traires (et leur D cor­re­spon­dant), elle est donc con­stante pour toutes les vitesses. D’autre part le cas V = 0 donne x = x’ et t = t’, donc D = 1 en (8), il nous faut donc choisir la solu­tion pos­i­tive de (17) :

(18) D = 1 / [ 1 — ( V2 / K ) ] ½

On obtient ain­si, avec (8), la trans­for­ma­tion (x, t) → (x’, t’) et Poin­caré l’é­tend sans dif­fi­culté à la trans­for­ma­tion générale (x, y, z, t) → (x’, y’, z’, t’).

(19) x’ = (x — Vt) / [ 1 — ( V2 / K ) ] ½ ; y’ = y ; z’ = z ;

t’ = [ t — (Vx / K) ] / [ 1 — ( V2 / K ) ] ½

Il reste à déter­min­er la con­stante K qui donne la trans­for­ma­tion (1) de Galilée si elle est infinie et la trans­for­ma­tion de Lorentz ordi­naire si K = c2.

La con­stante K ne peut être néga­tive (il deviendrait pos­si­ble de remon­ter dans le temps) et sa racine car­rée appa­raît comme une vitesse lim­ite indépassable.

Ceci est con­fir­mé par la racine car­rée [ 1 — ( V2 / K ) ] ½ et aus­si par la com­po­si­tion des vitesses déduite de (12) et (13) :

| V ” = (V + V’) / [ 1 + (VV’/ K) ] ;
 soit avec = K½ = k :
(19) | (k — V”) (k — V) (k — V’) ;
 | ————— = ——— x ———
 | (k + V”) (k + V) (k + V’) donc |V| et |V’| < k entraîne |V”| < k

Très naturelle­ment Poin­caré et Lorentz ont choisi K = c2, ce qui s’ac­corde avec l’in­vari­ance de la vitesse de la lumière et avec la con­ser­va­tion des équa­tions de Maxwell dans les référen­tiels iner­tiels. On peut cepen­dant remar­quer que, si néces­saire, il reste pos­si­ble que K soit très légère­ment supérieur à c2. Les pho­tons auraient alors une masse très petite mais non nulle, et leur vitesse, la vitesse de la lumière, serait une fonc­tion très légère­ment crois­sante de leur énergie et tendrait vers K½ quand leur énergie aug­menterait indéfiniment.

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