Plage des Îles Caïman, un paradis fiscal

Il faut éradiquer les paradis fiscaux

Dossier : ExpressionsMagazine N°689 Novembre 2013
Par Gilbert RIBES (56)

Les îles Caïmans
Avec 16 000 habi­tants et une sur­face de 260 km2, les îles Caï­mans con­stituent la cinquième place finan­cière mon­di­ale, der­rière Lon­dres, New York, Tokyo et Hongkong, en ter­mes d’actifs en dépôt ou sous ges­tion. On décompte 9 600 hedge funds (un tiers du total mon­di­al), 268 ban­ques, 780 com­pag­nies d’assurances, 15000 sociétés, 140 trusts et un tran­sit de 2 000 mil­liards de dol­lars par an.

Les par­adis fis­caux abri­tent la majeure par­tie de l’argent provenant des trafics mafieux en tout genre (armes, stupé­fi­ants, pros­ti­tu­tion, con­tre­bande, grand ban­ditisme). Ils en assurent le recy­clage (blanchi­ment) et la fruc­ti­fi­ca­tion dans l’économie mon­di­ale légale, et en per­me­t­tent l’emploi pour financer le ter­ror­isme, les guer­res civiles et le crime organisé.

L’économie mafieuse représente près de 5% du PIB mondial

Selon le FMI, cette économie mafieuse représen­terait 2 % à 5 % du PIB mon­di­al (soit 800 à 2 000 mil­liards de dol­lars par an), dont la majeure par­tie tran­sit­erait par les par­adis fiscaux.

En 2008, on esti­mait qu’ils abri­taient env­i­ron 10 000 mil­liards de dol­lars, en crois­sance annuelle d’environ 350 mil­liards, impli­quant 4 000 ban­ques, deux tiers des hedge funds de la planète et deux mil­lions de sociétés-écrans.

Une menace pour la paix

Les par­adis fis­caux men­a­cent la paix et la sécu­rité dans le monde, en facil­i­tant le finance­ment du ter­ror­isme et des guer­res civiles et l’action et l’enrichissement du crime organ­isé. Les dirigeants poli­tiques et économiques des par­adis fis­caux sont donc les com­plices et les receleurs des crimes correspondants.

Quant aux dirigeants des autres pays, ils tolèrent l’existence de par­adis proches de leurs fron­tières pour attir­er l’argent qui en provient vers leur sphère économique ou pour dis­simuler des opéra­tions finan­cières illé­gales. Ils sont donc égale­ment com­plices et receleurs de ces mêmes crimes, puisqu’il leur serait pos­si­ble d’y met­tre fin ou d’en lim­iter con­sid­érable­ment la portée en étab­lis­sant une con­ven­tion moné­taire et finan­cière inter­na­tionale, prévoy­ant des sanctions.

Ces par­adis abri­tent égale­ment l’argent provenant des dél­its économiques les plus graves : éva­sion ou fraude fis­cale, détourne­ment de fonds publics des­tinés à l’aide au développe­ment des PMA ; cor­rup­tion, finance­ment illé­gal des par­tis politiques.

Les clés du paradis
L’OCDE a établi une liste des par­adis fis­caux sur la base de qua­tre critères principaux :
  • fis­cal­ité nulle ou symbolique ;
  • manque de trans­parence et de régle­men­ta­tions (par exem­ple les sociétés, trusts et fon­da­tions ne sont pas tenus de dévoil­er le nom de leurs propriétaires) ;
  • refus d’échange de ren­seigne­ments et refus de coopéra­tion en cas d’enquête judi­ci­aire (secret bancaire) ;
  • absence d’activité économique sub­stantielle et sociétés-écrans créées pour enreg­istr­er des opéra­tions compt­a­bles sans fonde­ment économique réel.

Des sociétés-écrans

Selon la Banque mon­di­ale et la CNUCED, l’évasion fis­cale représen­terait entre 350 et 500 mil­liards de dol­lars par an, dont env­i­ron 100 pour les États-Unis, 20 à 25 pour l’Allemagne, 15 à 20 pour la France.

L’une des straté­gies fis­cales mis­es en œuvre par les grandes sociétés inter­na­tionales con­siste à utilis­er des sociétés-écrans domi­cil­iées dans les par­adis fis­caux comme relais de leurs échanges com­mer­ci­aux, de telle sorte qu’une par­tie du prof­it réal­isé échappe à la fis­cal­ité du pays des­ti­nataire de l’échange, sous cou­vert de presta­tions fic­tives ou surévaluées.

En facil­i­tant le détourne­ment des ressources fis­cales néces­saires au finance­ment des ser­vices publics essen­tiels, des infra­struc­tures de base, de l’éducation, de la pro­tec­tion de la san­té et de l’environnement, de la lutte con­tre la pau­vreté, les par­adis fis­caux men­a­cent directe­ment la prospérité économique et le bien-être social.

De sur­croît, ce détourne­ment con­tribue à alour­dir la fis­cal­ité des ménages et des entre­pris­es qui ne béné­fi­cient pas des mêmes facil­ités, et entraîne pour ces ménages et pour ces entre­pris­es des con­séquences sur leur pou­voir d’achat et sur le finance­ment de leurs investissements.

© ISTOCKPHOTO

Un détournement de fonds publics

Les détourne­ments de fonds publics des­tinés à l’aide au développe­ment des PMA (pays les moins avancés) sont une source abon­dante d’enrichissement de nom­breux dirigeants poli­tiques et économiques de ces pays et une des caus­es de la per­sis­tance de la pau­vreté dans leur pays. Il est dif­fi­cile de com­pren­dre com­ment ces détourne­ments peu­vent attein­dre l’ampleur révélée dans cer­taines affaires et par cer­taines études sans la pas­siv­ité des dirigeants des pays qui octroient les aides.

Il s’agit pour­tant d’une des pires per­ver­sités : faire croire aux citoyens des pays rich­es, y com­pris aux plus mod­estes, que leur con­tri­bu­tion fis­cale va per­me­t­tre à des citoyens des pays pau­vres de sor­tir de la mis­ère, alors qu’elle est util­isée par les dirigeants de ces pays pour vivre dans l’opulence la plus ostentatoire.

Des dérives commerciales

Le détourne­ment con­tribue à alour­dir la fis­cal­ité des ménages et des entreprises

Les par­adis fis­caux sont des lieux idylliques pour pra­ti­quer la cor­rup­tion en toutes facil­ités, dis­cré­tion et impunité, notam­ment à l’occasion des grands con­trats internationaux.

Ces dérives com­mer­ciales fréquentes faussent les règles d’une con­cur­rence économique équitable et favorisent l’enrichissement sans cause d’une minorité de dirigeants, de fonc­tion­naires et d’intermédiaires, au détri­ment des con­tribuables et des consommateurs.

La pra­tique des rétro­com­mis­sions per­met, dans les mêmes con­di­tions (facil­ité, dis­cré­tion et impunité), d’élargir le nom­bre de béné­fi­ci­aires de cette manne, côté vendeur comme côté acheteur.

Banque des Îles Caïman, un paradis fiscal
Les îles Caï­mans con­stituent la cinquième place finan­cière mon­di­ale. © ISTOCKPHOTO

L’explosion de l’endettement mondial
L’absence ou le manque de régle­men­ta­tions dans les par­adis fis­caux a joué un rôle essen­tiel dans l’explosion de l’endettement mon­di­al, à l’origine de la crise finan­cière puis économique en cours.
En effet cette absence ou ce manque de régle­men­ta­tions a per­mis aux insti­tu­tions finan­cières du monde entier de con­tourn­er les ratios pru­den­tiels d’endettement ; d’abuser des effets de levi­er ; de pren­dre des risques exces­sifs d’insolvabilité et de les dis­sémin­er dans le monde entier.
Pour ce faire, ils ont eu notam­ment recours à deux pra­tiques, la titri­sa­tion de leurs créances et la créa­tion de pro­duits d’assurance-crédit irre­spon­s­ables : un ban­quier assuré con­tre le non-recou­vre­ment d’une créance est encour­agé à pren­dre de mau­vais risques (on par­le « d’aléa moral »).

Une spéculation débridée

L’absence ou le manque de régle­men­ta­tions dans les par­adis fis­caux a égale­ment joué un rôle majeur dans le développe­ment d’une spécu­la­tion inter­na­tionale débridée (« l’économie casi­no »), notam­ment à tra­vers les hedge funds (les deux tiers des hedge funds mon­di­aux sont domi­cil­iés dans les par­adis fis­caux, dont la moitié dans les îles Caïmans).

Commentaire

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Anonymerépondre
18 novembre 2013 à 6 h 27 min

il faut éradi­quer les par­adis fiscaux

Je ne partage pas totale­ment l’avis de notre cama­rade sur la nociv­ité de ces par­adis fis­caux. En effet, c’est la seule pos­si­bil­ité pour le con­tribuable qui en a assez d’être plumé pour ali­menter le ton­neau des Danaïdes des États mal gérés dirigés par des politi­ciens dém­a­gogues et dont le seul souci est de ven­dre au plus grand nom­bre des lende­mains qui chantent en prél­e­vant unique­ment sur la minorité entre­pre­neuri­ale et com­merçante qui prend des risques des ressources qui seraient mieux affec­tées au développe­ment de leurs activités.

Avec le suf­frage uni­versel et le fait que 25% de notre pop­u­la­tion active appar­tient à la fonc­tion publique ou des entre­pris­es d’E­tat à statut priv­ilégié, il est impos­si­ble chez nous de baiss­er les dépens­es publiques parce qu’au­cun politi­cien ne se ris­quera à se fâch­er avec un élec­torat si puis­sant qui vit des trans­ferts fis­caux. Résul­tat, la classe moyenne française con­tin­ue à s’ap­pau­vrir par rap­port à ses homo­logues des grands pays indus­triels du monde et, comme elle n’a pas les moyens financiers des grandes for­tunes qui peu­vent se pay­er les avo­cats et spé­cial­istes en droit fis­cal et ain­si ne pas pay­er des impôts con­fis­ca­toires, c’est la classe moyenne qui paie l’essen­tiel des impôts type IRPP ou ISF parce qu’elle n’a pas les moyens d’y échapper.

Il faut com­pren­dre l’in­dus­triel ou la pro­fes­sion libérale qui a pris le chemin de la Suisse ou du Lux­em­bourg pour ten­ter d’avoir quelques économies de côté pour le jour l’heure de la retraite sera venue. Avec ce qui se passe actuelle­ment, si on garde tout son pat­ri­moine en France, on risque de se le voir con­fis­quer légale­ment par un ISF aber­rant ou, si on doit le ven­dre parce que la retraite promise n’est pas au ren­dez vous, des impôts sur des plus val­ues lorsque ces économies ont été accu­mulées depuis longtemps.

Où est la Jus­tice dans cet univers ? Les ban­dits de grands chemins ont des papiers d’i­den­tité plus en règle que les hon­nêtes gens, et, si les actuels par­adis fis­caux dis­parais­sent, ils sauront en recréer sous des nou­velles formes et con­tin­ueront leur busi­ness en toute impunité.

De même ce n’est pas une note de ser­vice qui inter­di­ra la cor­rup­tion dans le Monde et je mets au défi les entre­pris­es qui tra­vail­lent au Moyen Ori­ent ou en Asie de prou­ver qu’elles n’ont pas ver­sé de com­mis­sions pour obtenir des marchés, en par­ti­c­uli­er pour les arme­ments et les avions…

Alors lais­sons au moins au con­tribuable de base la pos­si­bil­ité de ne pas se faire rack­et­ter pour sat­is­faire la boulim­ie de dém­a­gogie des hommes politiques.

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