Observations complémentaires sur l’analyse statistique des observations du pendule paraconique de Christian Marchal

Dossier : Libres ProposMagazine N°541 Janvier 1999
Par Maurice ALLAIS (31)

I. L’Analyse de Marchal

1. La correspondance des deux fréquencigrammes de Marchal et d’Allais

I. L’Analyse de Marchal

1. La correspondance des deux fréquencigrammes de Marchal et d’Allais

La cor­re­spon­dance pour la série de Bou­gi­val des deux fréquen­ci­grammes (Fig­ures I A et I B, pages 70 et 71 de l’ar­ti­cle de Mar­chal) est effec­tive­ment très frap­pante. Elle le serait encore bien plus si le Graphique I B de Mar­chal por­tait en ordon­nées les car­rés de l’am­pli­tude r des com­posantes péri­odiques comme mon Graphique I A représen­tatif des éner­gies rel­a­tives (L’Anisotropie, Graphique XXVI, page 156).

Graphique I A, Allais2
périodes​
amplitudes
24 h 52 mn
0,0522
23 h 16 mn
0,0364
12 h 01 mn
0,0361
10 h 46 mn
0,0302
Graphique I​B, Marchal
péri­odes
amplitudes
24 h 57 mn
12,89
23 h 24 mn
10,53
12 h 04 mn
11,15
10 h 43 mn
9,17


Par exem­ple sur le Graphique I A qua­tre péri­odes appa­rais­sent par­ti­c­ulière­ment sig­ni­fica­tives. Elles se retrou­vent sur le Graphique I B.

Les péri­odes sont pra­tique­ment iden­tiques. Pour les ampli­tudes on a de même et par exemple :

Graphique I A :
0,0522/0,0364 = 1,434.
Graphique I B :
(12,89/10,53)2 = (1,224)2 = 1,498.

Les petites dif­férences con­statées s’ex­pliquent par le fait que le Graphique I A a été cal­culé à par­tir de 721 valeurs horaires alors que le Graphique I B a été cal­culé à par­tir de 2 160 valeurs de 20 mn en 20 mn (2160/3 = 720).

2. Corrélation entre les séries 4 et 7 de Saint-Germain et Bougival

Mar­chal écrit (page 70) :
“Cepen­dant nous ne trou­vions aucune cor­réla­tion sig­ni­fica­tive entre les séries simul­tanées 4 et 7 de Saint-Ger­main et Bougival.”

Il n’y a à cela rien d’é­ton­nant. En fait j’ai indiqué (L’Anisotropie de l’E­space, page 147, note 6) :

“Les con­cor­dances moyennes de l’analyse des séries de Bou­gi­val et de Saint-Ger­main par le fil­tre de Buys-Bal­lot pour une péri­ode de 24 h 50 mn sont d’au­tant plus remar­quables que les courbes jour­nal­ières à Bou­gi­val et à Saint-Ger­main dif­féraient assez sensiblement.”

Je présente ci-joint la com­para­i­son des résul­tats cor­re­spon­dant à la péri­ode de 24 h 50 mn à Bou­gi­val et à Saint-Ger­main (L’Anisotropie de l’E­space, Graphique XVII, page 146).

En out­re comme je l’ai indiqué (Anisotropie de l’E­space, page 147) :

“On con­state qu’au cours du mois de juil­let 1958, les effets de la péri­ode de 24 h 50 mn sont sen­si­ble­ment les mêmes dans les deux lab­o­ra­toires. Les effets des péri­odes de 24 h et 12 h sont par con­tre de signe opposé.”

C’est là “une cir­con­stance totale­ment inex­pliquée à ce jour” (L’Anisotropie de l’E­space, page 147, note 5).

Au regard des ampli­tudes rel­a­tives des péri­odes de 24 h 50 mn, 24 h, et 12 h, et de leurs signes opposés (L’Anisotropie de l’E­space, Tableau IX, page 149), il n’y a rien d’é­ton­nant à ce que la cor­réla­tion entre les deux séries d’ob­ser­va­tions ne soit pas significative.

Mar­chal indique que l’a­juste­ment sinu­soï­dal des deux séries de Bou­gi­val et de Saint-Ger­main par les moin­dres car­rés donne :

Bou­gi­val : azimut ~ 161,4 + 1,2 gr sin(L — 165°),
Saint-Ger­main : azimut ~ 161,2 + 0,9 gr sin(L — 150°).

Les deux moyennes sont peu dif­férentes des valeurs arrondies indiquées sur le Tableau I de L’Anisotropie de l’E­space, page 92, soit 161 et 164.

Les deux ampli­tudes 2R : 2,4 et 1,8 sont peu dif­férentes de celles cor­re­spon­dant à l’analyse de Buys-Bal­lot soit 2,17 et 2,10 (L’Anisotropie de l’E­space, Graphique XVII, page 146).

La dif­férence de phase 165° — 150° = 15° soit 1 heure est peu dif­férente de celle de 32 mn cor­re­spon­dant à l’analyse de Buys-Bal­lot (L’Anisotropie de l’E­space, Graphique XVII, page 146).

Les dif­férences peu­vent s’ex­pli­quer par le fait que l’analyse de Buys-Bal­lot (Anisotropie, page 96, note 1) dif­fère totale­ment dans son principe de l’analyse des moin­dres car­rés (L’Anisotropie de l’E­space, page 101, note 12).

Mar­chal ajoute (page 71) :

Cepen­dant les pré­cau­tions d’usage, que l’on ne pou­vait guère pren­dre en 1960 étant don­né la longueur des cal­culs, con­duisent à mod­ér­er cet enthousiasme.

“Tout d’abord, même si l’on met à part les très rares “grandes excur­sions”, l’é­cart-type des résul­tats par rap­port à la droite de régres­sion, soit 3,5 grades env­i­ron, est beau­coup plus impor­tant que l’am­pli­tude des réso­nances observées ce qui est évidem­ment très défavorable.

“Ensuite, et surtout, si l’on analyse séparé­ment les deux quin­zaines d’une expéri­ence on ne retrou­ve plus du tout les mêmes réso­nances ce qui n’est pas très éton­nant étant don­né l’im­por­tance du bruit de fond mais est évidem­ment très gênant quant à l’interprétation.

“Enfin les tests plus com­plex­es mais mieux adap­tés que l’analyse de Fouri­er clas­sique à l’é­tude des phénomènes très bruités (test du max­i­mum de vraisem­blance ou de Kol­mogorov-Smirnov, etc.) con­duisent eux aus­si à des con­clu­sions mit­igées : il y a quelque chose mais on ne sait pas quoi et à ce jour l’on ne peut pas être sûr que la Lune ou le Soleil jouent un rôle impor­tant dans les oscil­la­tions du pen­d­ule paraconique…”

En fait, qu’en est-il ? Quelle est la portée réelle de ces observations ?

a. Sur l’é­cart-type de 3,5 grades je n’ai jamais dit que la seule com­posante intéres­sante était la péri­ode de 24 h 50 mn.

En fait, j’ai présen­té (L’Anisotropie de l’E­space, p. 99) les résul­tats de l’a­juste­ment de la série de juin-juil­let 1955 avec les 13 péri­odes de la théorie des marées. Cet ajuste­ment a été effec­tué à la fois par le Ser­vice hydro­graphique de Paris et l’Insti­tut hydro­graphique de Hambourg.

En faisant la somme des 13 com­posantes péri­odiques don­nées par cette analyse on obtient une série que j’ai appelée “série recon­sti­tuée” (L’Anisotropie de l’E­space, pages 105–112).

b. Les analy­ses par le fil­tre de Buys-Bal­lot de la série orig­i­nale et de la série recon­sti­tuée avec un fil­tre de 25 h (en rem­place­ment de 24 h 50 mn pour sim­pli­fi­er les cal­culs L’Anisotropie de l’E­space, page 98) sont pra­tique­ment iden­tiques comme l’indique le graphique ci-con­tre (L’Anisotropie de l’E­space, Graphique VIII, page 110).

c. En ce qui con­cerne la décom­po­si­tion par quin­zaine les analy­ses faites avec le fil­tre de Buys-Bal­lot sur la série de juin-juil­let 1955 mon­trent que l’on trou­ve les mêmes résul­tats pour la série orig­i­nale et la série recon­sti­tuée (L’Anisotropie de l’E­space, Graphique IX, page 111).

d. Si on com­pare les résul­tats de Bou­gi­val et de Saint-Ger­main pour les quin­zaines, il est évi­dent au regard de ces indi­ca­tions que l’on ne peut retrou­ver les mêmes sinu­soïdes de 24 h 50 mn en rai­son de l’ex­is­tence des autres com­posantes péri­odiques, dont celles de 24 h et 12 h de signes opposés à la com­posante de 24 h 50 mn.

e. En ce qui con­cerne les tests, le test le plus élaboré rel­a­tive­ment à la struc­ture péri­odique d’une série de ter­mes auto­cor­rélés est mon test général­isant le Test de Schus­ter (qui ne s’ap­plique qu’à des séries de ter­mes indépen­dants, ce qui n’est pas le cas des séries observées). D’ailleurs Mar­chal en souligne la valeur scientifique.

Or, pour Bou­gi­val, l’ap­pli­ca­tion de ce test à l’onde de 24 h 50 mn (L’Anisotropie de l’E­space, Graphique XXVI, page 156, et Graphique I A de Mar­chal) donne une prob­a­bil­ité de sur­ve­nance par hasard de P = 0,07 %, ce qui en analyse sta­tis­tique est totale­ment sig­ni­fi­catif.

f. Il n’y a pas de “bruit de fond” inex­pliqué dès lors que l’on con­sid­ère non pas la seule onde de 24 h 50 mn mais l’ensem­ble des 13 ondes péri­odiques de la théorie des marées.

g. Ces con­sid­éra­tions mon­trent que les doutes sug­gérés par Mar­chal sont totale­ment injus­ti­fiés.

En fait, les résul­tats que j’ai présen­tés sur l’analyse har­monique de mes résul­tats pour les sept séries men­su­elles, et tout par­ti­c­ulière­ment ceux relat­ifs à Bou­gi­val et Saint-Ger­main, sont par­faite­ment étab­lis et ils ne peu­vent laiss­er sub­sis­ter aucun doute.

II. L’analyse des sept séries d’observations avec les périodes de la théorie des marées

Dans ma let­tre du 22 sep­tem­bre 1997 à Chris­t­ian Mar­chal accom­pa­g­nant l’en­voi, sur sa demande, des Tableaux des sept séries d’ob­ser­va­tions enchaînées du pen­d­ule para­conique à sus­pen­sion anisotrope, j’ai par­ti­c­ulière­ment insisté sur l’in­térêt tout à fait excep­tion­nel de l’analyse de mes séries numériques avec les péri­odes de la théorie des marées3.

Dans le cas du pen­d­ule à sus­pen­sion anisotrope je n’ai pu à l’époque effectuer cette analyse que pour la série de juin-juil­let 1955 à Saint-Ger­main (Anisotropie, Tableau II, page 99)4.

En l’e­spèce le tra­vail con­sid­érable était l’en­reg­istrement des quelque 15 000 obser­va­tions cor­re­spon­dant aux sept séries du pen­d­ule para­conique à sup­port anisotrope. Cet enreg­istrement étant effec­tué, il suff­i­sait alors de faire par­venir au Ser­vice hydro­graphique et océanographique de la Marine5 les sept séries d’ob­ser­va­tions pour les traiter avec les pro­grammes d’analyse des obser­va­tions des marées.

Je ne puis que regret­ter que Mar­chal n’ait pas suivi cette sug­ges­tion très pres­sante. Cette analyse aurait été en effet extrême­ment instruc­tive, notam­ment quant à la vari­a­tion des coef­fi­cients et des phas­es au cours du temps.

III. Théorie du pendule

J’ai présen­té dans mon ouvrage L’Anisotropie de l’E­space (pages 118–129) toutes les indi­ca­tions utiles pour véri­fi­er le cal­cul des effets luniso­laires sur le mou­ve­ment du pen­d­ule d’après la théorie clas­sique de la grav­i­ta­tion (voir tout par­ti­c­ulière­ment les Tableaux IV à VII)6.

Je conçois que leur analyse peut appa­raître à pre­mière vue comme rel­a­tive­ment com­plexe, mais pour Mar­chal un tel tra­vail ne peut présen­ter aucune dif­fi­culté réelle. Je ne puis que regret­ter qu’il ne l’ait pas fait.

En fait, cette analyse a une impor­tance tout à fait excep­tion­nelle puisque la dif­férence entre les effets cal­culés et les effets observés est de l’or­dre de 1 à 20 mil­lions7.

IV. Répétition des expériences

Mar­chal sug­gère enfin (page 71) de refaire les expéri­ences sur le pen­d­ule. J’en ai moi-même souligné l’in­térêt excep­tion­nel (L’Anisotropie de l’E­space, chapitre VIII, pages 645–648).

Dans le cadre lim­ité de cet arti­cle je ne puis que présen­ter quelques observations :

1. Sur l’anisotropie du sup­port il est hors de doute que la réal­i­sa­tion d’un sup­port isotrope présente un très grand intérêt et j’ai moi-même réal­isé deux séries men­su­elles d’ob­ser­va­tions en 1959–1960 en adop­tant une tech­nique d’analyse fondée sur des cal­culs de cor­réla­tion (L’Anisotropie de l’E­space, Chapitre II, pages 227–230)8 et 9.

2. Il ne faut pas exagér­er l’in­flu­ence des billes comme le démon­tre la série de trois expéri­ences enchaînées que j’ai présen­tée dans mon ouvrage (L’Anisotropie de l’E­space, page 104, Graphique VI).

3. Quant à l’in­térêt de la réal­i­sa­tion des expéri­ences dans le vide, il est très réduit, sinon nul, car l’ob­ser­va­tion con­tin­ue du mou­ve­ment du pen­d­ule peut entraîn­er des effets per­vers. L’analyse théorique mon­tre en effet que dans ce cas le plan d’oscil­la­tion du pen­d­ule oscillerait lui-même autour de la direc­tion d’anisotropie de l’e­space en plusieurs heures, ce qui man­i­feste­ment com­pro­met­trait la déter­mi­na­tion de l’az­imut de ce plan lim­ite10.

Avec des séries d’ob­ser­va­tions enchaînées l’amor­tisse­ment des oscil­la­tions a une impor­tance rel­a­tive­ment mineure.

4. La réal­i­sa­tion d’ex­péri­ences simul­tanées avec des pen­d­ules iden­tiques dans des local­ités dif­férentes a un intérêt excep­tion­nel comme l’ont démon­tré les expéri­ences cru­ciales de Bou­gi­val et Saint-Ger­main en juil­let 1958 (voir le Graphique XVII ci-dessus, page 32).

V. Conclusion

Au terme de cette analyse très som­maire je ne puis que remerci­er Mar­chal et son équipe de leur tra­vail. De toute évi­dence il s’ag­it en l’e­spèce d’une ques­tion com­plexe. Le cal­cul du Graphique I B de Mar­chal rap­proché de mon cal­cul du Graphique I A présente en tout cas un intérêt tout à fait excep­tion­nel en démon­trant la cor­rec­tion fon­da­men­tale de mes calculs.

En out­re, l’analyse de Mar­chal me per­met de pré­cis­er quelques points tout à fait essentiels.

_________________________________
1. Pour abréger je ferai référence dans ce qui suit à mon ouvrage L’Anisotropie de l’E­space, Édi­tions Clé­ment Juglar, mars 1997, Paris.
2. Allais, 1961, Général­i­sa­tion du Test de Schus­ter, Annexe III B, page 29.
3. J’avais par­ti­c­ulière­ment insisté dans cette let­tre sur l’ou­vrage fon­da­men­tal de Paul Schure­man, 1941, Man­u­al of Har­mon­ic Analy­sis and Pre­dic­tion of Tides, U. S. Depart­ment of Com­merce, Wash­ing­ton (L’Anisotropie de l’E­space, page 707). Voir égale­ment dans l’in­dex de mon ouvrage (page 728) mes références à Schureman.
4. Voir les Tableaux cor­re­spon­dants dans le cas du pen­d­ule à sus­pen­sion isotrope (L’Anisotropie de l’E­space, page 273, Tableau IV).
5. Je relève dans l’Annu­aire 1996, page S. 25, treize noms de poly­tech­ni­ciens des pro­mos 59 à 87, appar­tenant au Service hydro­graphique et océanographique de la Marine.
6. Je rap­pelle que les cor­rec­tions de la théorie de la rel­a­tiv­ité sont à la sur­face de la Terre de l’or­dre de 10-9 (L’Anisotropie de l’E­space, pages 566–567, note 7).
7. L’Anisotropie de l’E­space, page 124, et Tableau VII, page 129.
8. Voir notam­ment les Graphiques II et III, pages 261–262.
9. Ces expéri­ences n’ont pu être pour­suiv­ies en rai­son de l’ob­struc­tion de cer­tains mem­bres de l’A­cadémie des sci­ences de l’époque (L’Anisotropie de l’E­space, pages 213–235).
10. Sur ce point tout à fait essen­tiel, voir L’Anisotropie de l’E­space (Chapitre I, pages 209–210, note 3, et Chapitre II, pages 323–325, tout par­ti­c­ulière­ment la note 2, page 324).
Il résulte de là que dans le cas du pen­d­ule à sus­pen­sion anisotrope la tech­nique des expéri­ences enchaînées de 14 min­utes toutes les 20 min­utes a été par­ti­c­ulière­ment appro­priée (id., page 324, fin de la note 2).

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