Giuseppe VERDI : Un bal masqué

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°699 Novembre 2014Par : l'Opéra de Leipzig, direction Riccardo ChaillyRédacteur : Marc DARMON (83)Editeur : 1 DVD ou un Blu-Ray Euroarts 2055107

L’Opéra de Leip­zig a la chance d’avoir dans sa fosse un des meilleurs orchestres du monde, l’Orchestre du Gewand­haus de Leip­zig, sou­vent van­té ici, au même titre que les grands orchestres euro­péens d’Amsterdam, de Dresde, de Ber­lin et de Vienne.

Diri­gé depuis cette année-là par Ric­car­do Chailly (après seize ans pas­sés à la tête du fameux Concert­ge­bouw d’Amsterdam), l’orchestre illu­mine cette cap­ta­tion de 2005 du Bal mas­qué de Verdi.

D’une façon géné­rale ce DVD est super­be­ment enre­gis­tré, l’orchestre sonne magni­fi­que­ment, et les chœurs et les voix ont éga­le­ment une pré­sence très naturelle.

Adap­tant un livret qu’Eugène Scribe avait écrit pour Auber (Gus­tave III ou le Bal mas­qué, rare­ment repré­sen­té ; nous avons en tête la pro­duc­tion cou­ra­geuse à Com­piègne du regret­té Pierre Jour­dan), le libret­tiste de Ver­di trans­pose l’action sur la Côte Est amé­ri­caine. Cette his­toire de roi assas­si­né a ain­si mieux pas­sé les fourches de la cen­sure, délo­ca­li­sée outre-Atlantique.

L’intrigue du Bal mas­qué regroupe beau­coup des sté­réo­types de l’opéra ita­lien de l’époque : com­plot et meurtre, roi séduc­teur, amour contra­rié, sor­cières. Le scan­dale de ce gou­ver­neur de Bos­ton mêlant vie publique et vie pri­vée a dû faire lui aus­si les choux gras de la presse people de l’époque.

Le mari à qui on dérobe l’épouse est le bary­ton ver­dien par excel­lence, l’amante Ame­lia (comme dans Simon Boc­ca­ne­gra deux ans avant) la sopra­no ver­dienne typique, magni­fi­que­ment émou­vante dans l’air où elle pro­pose de mou­rir. Et le diri­geant poli­tique séduc­teur, comme le duc de Man­toue de Rigo­let­to, carac­té­ris­tique ténor ver­dien comme lui.

Un bal mas­qué (1859) fait par­tie des opé­ras de la matu­ri­té de Ver­di, qui, après de nom­breux opé­ras de jeu­nesse com­po­sés pen­dant ses « années de galère », trou­va son style à l’occasion de la « tri­lo­gie popu­laire » com­po­sée de La Tra­via­ta, Rigo­let­to et Le Trou­vère. Après ces trois opé­ras, nous n’avons que des chefs‑d’œuvre, dont Simon Boc­ca­ne­gra, Un bal mas­qué, Don Car­los, Aida, avant les pro­phé­tiques Otel­lo et Fal­staff.

Le style est moins pré­vi­sible, plus libé­ré. On assiste là sous nos yeux à la tran­si­tion entre le bel can­to et le vérisme.

Cet opé­ra a d’ailleurs été un suc­cès public, le pre­mier à l’occasion duquel les par­ti­sans de Ver­di ont scan­dé « Viva V.E.R.D.I. », le cri de ral­lie­ment de l’unification ita­lienne sous le lea­der­ship de Vit­to­rio Ema­nuele Re D’Italia.

Musi­ca­le­ment c’est magni­fique. Quel orchestre, quel chœur ! Tous les ensembles, duos, trios, finales, sont par­fai­te­ment réglés. Les chan­teurs, prin­ci­pa­le­ment ita­liens, sont idéaux. La direc­tion de Chailly est très souple, ren­dant l’accompagnement orches­tral très inté­res­sant, alors que l’accompagnement peut par­fois être très sté­réo­ty­pé dans le bel can­to, et même cari­ca­tu­ral dans le Ver­di plus jeune.

La mise en scène et les décors, modernes mais pas dépla­cés, par­ti­cipent à faire de cette pro­duc­tion une réus­site. L’image, sur­tout de cette qua­li­té, est indis­pen­sable pour pro­fi­ter d’un tel opéra.

En Haute Défi­ni­tion, on se croit bien assis à l’Opéra, pour ce qui a été un spec­tacle d’une qua­li­té musi­cale dif­fi­ci­le­ment envi­sa­geable à Paris.

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