Richard Wagner : Les Maîtres Chanteurs

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°706 Juin/Juillet 2015Par : Festival de Salzbourg, direction Daniele GattiRédacteur : Marc DARMON (83)Editeur : 1 DVD ou un Blu-Ray Euroarts EA2072684

Les Maîtres Chanteurs de Nurem­berg est un opéra à part de l’œuvre de Wag­n­er (1868). On y retrou­ve totale­ment le style wag­nérien (les leit­mo­tivs, des dizaines de motifs musi­caux qui par­courent l’opéra, l’orchestre lux­u­ri­ant à l’orchestration caractéristique).

Mais il s’agit d’une comédie, pleine de jeux de mots (intraduis­i­bles), avec des sit­u­a­tions presque bur­lesques, des références musi­cales à ses œuvres antérieures, une fin heureuse.

L’histoire racon­tée sym­bol­ise celle de Wag­n­er lui-même : un artiste extrême­ment doué mais ne respec­tant pas les canons en vogue à l’époque, et mal­menant donc la tra­di­tion. Nurem­berg, et sa com­mu­nauté d’artisans du XII­Ie siè­cle qui se retrou­vent pour chanter, représente le cadre sécu­laire et rigoureux qui est bous­culé par le héros Walter.

Wal­ter va trou­bler par son chant hors norme le con­cours de Maîtres Chanteurs, et rem­porter le cœur de sa bien-aimée avec l’aide de Hans Sachs, maître chanteur his­torique ayant réelle­ment existé, plus ouvert que les autres à la moder­nité (dont l’idée du mariage d’amour), et à qui Wag­n­er s’identifiait.

La pro­duc­tion offerte par le DVD d’Euroarts a été enreg­istrée au Fes­ti­val de Salzbourg à l’été 2013. Nous souf­frons suff­isam­ment sou­vent de mis­es en scène dérangeantes, dont l’originalité est la seule qual­ité, ne ten­ant pas compte de l’esprit de l’auteur ni de la musique, pour ne pas saluer ici une mise en scène non con­ven­tion­nelle mais ren­dant par­faite­ment jus­tice à l’œuvre, ouvrant de nou­velles per­spec­tives, et offrant un spec­ta­cle dont on se sou­vien­dra longtemps.

Les décors très inven­tifs changent à vue con­stam­ment. Dès l’ouverture, Sachs (ressem­blant à Wag­n­er) com­pose et voit s’animer des per­son­nages minia­tures dont les actions des trois actes se dérouleront dans trois par­ties dif­férentes de sa cham­bre. L’action rêvée se passe dans un décor de lil­lipu­tiens où les livres de la bib­lio­thèque de Sachs (con­tes de Grimm, Brentano) ser­vent de murs ou de maisons.

Le célèbre moment où Sachs se lamente con­tre la folie du monde actuel (Wahn !) mon­tre le cor­don­nier essayant de not­er ses rêves.

Les per­son­nages de Grimm (Blanche- Neige, le Chat Bot­té, Raiponce, le Roi-Grenouille) sor­tent du livre au sec­ond acte. Le côté métaphorique et onirique de l’opéra, ses allu­sions bibliques (les héros s’appellent Ève, Magdeleine, David) trou­vent ain­si un cadre cohérent. Vrai­ment très intéressant.

Mais un opéra de près de cinq heures ne peut tenir unique­ment sur la qual­ité de sa mise en scène, la qual­ité musi­cale est pri­mor­diale. Et là, on est à Salzbourg. On y retrou­ve avec joie l’Orchestre phil­har­monique de Vienne, en rési­dence d’été, dirigé par Daniele Gat­ti, un de ses chefs réguliers, qui accom­pa­g­nent des chanteurs de pre­mier plan, le ténor Rober­to Sac­cà (méta­mor­phosé, cheveux raides et blonds !) dans le rôle du héros Wal­ter, et le grandiose Michael Volle, immense cor­don­nier Sachs. Le niveau musi­cal est très élevé, et le spec­ta­cle est très bien enregistré.

Et très bien filmé. En par­ti­c­uli­er en Blu- Ray, l’image haute déf­i­ni­tion per­met de prof­iter de tous les détails de ces décors tra­vail­lés et des scènes de foule de la vie sociale de Nurem­berg. Comme à l’opéra, on prof­ite d’un spec­ta­cle total et on veut voir l’ensemble d’une seule traite sans s’ennuyer un instant.

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