France Télécom : face aux défis de l’emploi et de la cohésion sociale

Dossier : L'exclusion sociale, un défiMagazine N°538 Octobre 1998
Par Paul SCHIETTECATTE

Quelle politique d’innovation sociale préconisez-vous pour faire face aux difficultés du chômage et de l’exclusion ?

Quelle politique d’innovation sociale préconisez-vous pour faire face aux difficultés du chômage et de l’exclusion ?

La réduc­tion de la frac­ture sociale, c’est d’abord un sou­tien au développe­ment de l’ac­tiv­ité, fac­teur de créa­tion de richess­es et par inci­dence de tra­vail et d’emplois durables, mais aus­si puis­sant fac­teur d’in­té­gra­tion. Notre entre­prise con­tribue directe­ment au développe­ment de l’emploi : les télé­com­mu­ni­ca­tions sont créa­tri­ces de richess­es et d’activité.

La lutte con­tre l’ex­clu­sion passe aus­si par une bonne com­préhen­sion des enjeux locaux. S’an­cr­er dans la prox­im­ité c’est don­ner l’ini­tia­tive et la respon­s­abil­ité de l’ac­tion au niveau local, met­tre en œuvre des actions en étroite coor­di­na­tion avec les acteurs locaux — représen­tants de l’É­tat, col­lec­tiv­ités ter­ri­to­ri­ales, élus, asso­ci­a­tions, entre­pris­es et entre­pris­es d’in­ser­tion — afin de béné­fici­er de la légitim­ité, de l’ex­péri­ence, de l’ex­per­tise de chacun.

Enfin, l’im­pli­ca­tion de l’en­tre­prise dans son envi­ron­nement con­duit à un renou­velle­ment des pra­tiques du man­age­ment et des modes de fonc­tion­nement : la seule volon­té de quelques lead­ers sen­si­bles aux dif­fi­cultés du ter­ri­toire ne suf­fit pas à provo­quer une inver­sion durable du proces­sus d’ex­clu­sion. Il s’ag­it de créer une dynamique d’en­gage­ment de toute l’en­tre­prise en fon­dant l’ac­tion sur une atti­tude ouverte, con­sen­suelle même, de l’ensem­ble des salariés sur des enjeux essen­tiels : l’en­tre­prise trou­ve dans son engage­ment con­tre la pré­car­ité un intérêt économique et un retour en ter­mes d’image.

Lut­ter con­tre l’ex­clu­sion, en favorisant l’émer­gence de nou­velles activ­ités créa­tri­ces d’emploi et en étant présent auprès des pop­u­la­tions défa­vorisées, devient ain­si une com­posante des straté­gies de développe­ment : nous démon­trons qu’il n’y a pas antin­o­mie entre l’ex­i­gence de com­péti­tiv­ité et de prof­it de l’en­tre­prise et la cohé­sion économique et sociale sur notre ter­ri­toire d’action.

La priorité n°1 en France est l’emploi, et en particulier l’emploi des jeunes. Quelles réponses apportez-vous concrètement à cette préoccupation ?

L’emploi, cela com­mence par celui de notre entre­prise : nous avons décidé de ne pas jouer la com­péti­tiv­ité con­tre l’emplppppppppppppp mais, au con­traire, de faire de notre crois­sance la meilleure garantie de l’emploi. Nous pro­posons ain­si à nos salariés une ambi­tion et un espoir pour l’avenir.

Nous por­tons aus­si notre atten­tion à l’emploi externe, y com­pris celui des jeunes exclus et mar­gin­al­isés mal­gré eux et à la recherche d’un tra­vail et d’une iden­tité sociale. Beau­coup d’en­tre eux frap­pent à notre porte et nous ne pou­vons répon­dre à toute les sol­lic­i­ta­tions. Nous avons cepen­dant recruté ces deux dernières années 8 000 per­son­nes et aus­si accueil­li 2 000 jeunes en for­ma­tion alternante.

Pour don­ner à ces 2 000 jeunes la meilleure chance de trou­ver un emploi, nous con­tribuons avec nos parte­naires édu­cat­ifs — écoles et uni­ver­sités, cen­tres de for­ma­tion pro­fes­sion­nelle — à leur appren­dre un méti­er en lien avec les besoins économiques de la région : France Télé­com a de for­mi­da­bles com­pé­tences, dans de nom­breux domaines, qui peu­vent béné­fici­er autant à ces jeunes qu’aux entre­pris­es qui les recruteront.

Enfin, France Télé­com inter­vient large­ment dans la créa­tion d’ac­tiv­ité, en par­ti­c­uli­er par une con­tri­bu­tion active à des regroupe­ments d’en­tre­pris­es locales con­sti­tués pour accom­pa­g­n­er des créa­teurs d’en­tre­pris­es. D’autres leviers — cap­i­tal-risque, essaim­age, sou­tien aux pro­jets de PME — com­plè­tent pro­gres­sive­ment la palette des out­ils disponibles.

QUELQUES INITIATIVES MENÉES PAR FRANCE TÉLÉCOM 

Des cen­taines d’ac­tions de créa­tion d’ac­tiv­ité et de main­tien du lien social ont été menées par France Télé­com sur l’ensem­ble du ter­ri­toire, sus­citées par l’ini­tia­tive locale. Voici à titre d’ex­em­ples quelques-unes d’en­tre elles, représen­ta­tives de leur grande diversité.

Sur plusieurs bassins d’emploi, France Télé­com s’im­plique dans un pro­jet (Alizé) soutenu par des fonds européens et nationaux, en asso­ci­a­tion avec d’autres acteurs économiques de la région, pour créer “de toute pièce” 100 emplois nouveaux.

Notre entre­prise est parte­naire de plusieurs plate­formes d’ini­tia­tive locale (PFIL, réseau France Ini­tia­tive Réseau), afin d’ap­porter une pierre sig­ni­fica­tive à la créa­tion d’entreprise.

Les (nou­veaux ser­vices, nou­veaux emplois) sont une pri­or­ité pour France Télé­com. Des asso­ci­a­tions sont mis­es en place avec les col­lec­tiv­ités ter­ri­to­ri­ales, en fonc­tion des besoins exprimés sur le territoire.

Nous avons con­tribué à créer plusieurs Groupe­ments d’employeurs pour l’in­ser­tion et la qual­i­fi­ca­tion (GEIQ), afin de lut­ter con­tre l’ex­clu­sion des jeunes, en impli­quant les entre­pris­es locales.

Notre entre­prise sou­tient des actions menées par l’ADIE (Asso­ci­a­tion pour le droit à l’ini­tia­tive économique), au béné­fice des deman­deurs d’emploi et des béné­fi­ci­aires du RMI n’ayant pas accès au crédit ban­caire et qui veu­lent créer leur pro­pre entre­prise : crédit sol­idaire, bourse du matériel, cou­veuse d’emploi…

France Télé­com a con­tribué, avec d’autres parte­naires, à la créa­tion de Points de ser­vice au pub­lic (PSP) afin de répon­dre aux besoins de ser­vices de prox­im­ité des habi­tants en milieu rur­al ou urbain, et de Points d’in­for­ma­tion médi­a­tion mul­ti-ser­vices (PIMMS), pour apporter aux habi­tants de quartiers en dif­fi­culté des ser­vices de médiation.

Voici quelques-unes des nom­breuses actions menées dans des quartiers sen­si­bles : aug­menter le parc de cab­ines télé­phoniques en con­cer­ta­tion avec les asso­ci­a­tions, accueil­lir des jeunes en stage, pro­pos­er aux enseignants des stages décou­vertes de l’A­gence France Télé­com, par­rain­er une classe, s’im­pli­quer dans des par­cours qual­i­fi­ants, dévelop­per des ren­con­tres avec des jeunes hors cadre sco­laire, ini­ti­er des salariés de l’en­tre­prise aux dif­férentes cul­tures des pop­u­la­tions étrangères, organ­is­er des événe­ments sportifs et cul­turels dans le quarti­er, embauch­er des jeunes de cités sensibles.

Des sta­tions Inter­net ont été ouvertes à prox­im­ité de cités, avec pour objec­tif de réserv­er du temps pour que les ani­ma­teurs des asso­ci­a­tions de quarti­er vien­nent surfer sur l’In­ter­net, et relaient leurs décou­vertes autour d’eux.

France Télé­com pro­pose un itinéraire d’in­ser­tion com­plet pour cer­tains jeunes en grande dif­fi­culté, qui débute par la reso­cial­i­sa­tion du jeune en plate­forme d’in­ser­tion, pour aboutir à un emploi durable dans France Télé­com ou dans une PME parte­naire. Chaque par­cours dure env­i­ron trois années.

France Télécom doit assurer son service y compris dans les quartiers sensibles. Comment vous y prenez-vous ?

Dans ces quartiers, l’ex­clu­sion encore plus forte du monde du tra­vail se con­jugue avec des con­di­tions de vie dif­fi­ciles, liées à l’in­ci­vil­ité, à la délin­quance et à la dégra­da­tion de l’habi­tat. À l’heure où le télé­phone appa­raît pour beau­coup comme un droit, au même titre que l’eau ou l’élec­tric­ité, nous ren­con­trons d’év­i­dents prob­lèmes de sécu­rité : pour les habi­tants, qui n’ont plus de télé­phone per­son­nel ou de cab­ine télé­phonique en état de marche, mais aus­si pour les tech­ni­ciens de l’en­tre­prise qui ont à rem­plir leurs mis­sions d’ex­ploita­tion du réseau téléphonique.

La dégra­da­tion des con­di­tions sociales dans les quartiers induit un coût de plus en plus lourd pour les entre­pris­es qui y exer­cent leur activité.

Entre­prise de com­mu­ni­ca­tion, France Télé­com veut sur ce ter­rain con­tribuer avec ses parte­naires locaux et l’ap­pui des pou­voirs publics, à recréer du lien social. Les objec­tifs sont mul­ti­ples : garan­tir l’ac­cès au télé­phone, don­ner à tous l’ac­cès aux moyens de com­mu­ni­ca­tion per­for­mants, favoris­er l’ap­pren­tis­sage des nou­velles tech­nolo­gies de la com­mu­ni­ca­tion. Nous avons donc entre­pris dans de nom­breux quartiers sen­si­bles, avec patience et humil­ité, une action dont l’en­jeu est d’ex­pli­quer les ser­vices essen­tiels que notre entre­prise apporte aux habi­tants du quartier.

Cette action passe par un sou­tien sans faille aux acteurs recon­nus du quarti­er : cen­tre social, régie de quarti­er, écoles, asso­ci­a­tions famil­iales qui con­nais­sent les jeunes et les familles, et béné­fi­cient de leur con­fi­ance. Tout le monde y trou­ve son compte : habi­tants, jeunes, élus, entre­pris­es. Là où des actions ont été engagées, nous obtenons des résul­tats probants : diminu­tion évi­dente du coût du van­dal­isme, sécu­rité retrou­vée pour notre personnel.

Dans une société où jamais les frac­tures sociales, famil­iales, économiques n’ont été aus­si vives, toute entre­prise doit s’in­ter­roger sur son impli­ca­tion dans la vie sociale de la Cité. France Télé­com, qui a mis en évi­dence lors de la Coupe du Monde son image de “parte­naire du plus beau ter­rain d’en­tente”, peut aller plus loin, au cœur des sit­u­a­tions qui néces­si­tent une com­mu­ni­ca­tion plus vraie et davan­tage de solidarité.

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