2011, année internationale de la chimie

Dossier : L'industrie chimique, un renouveauMagazine N°664 Avril 2011Par : Pierre LASZLO

Pierre Lasz­lo, ancien pro­fes­seur de chi­mie à l’É­cole polytechnique

L’É­cole poly­tech­nique eut des débuts chi­miques glo­rieux, les plus grands chi­mistes de l’é­poque furent au nombre de ses enseignants.

On oublie trop sou­vent qu’Am­père fut aus­si un grand chi­miste. Il esti­mait lui-même que ses tra­vaux de chi­mie étaient ce qu’il avait fait de mieux. Un col­loque se tien­dra par ailleurs à Palai­seau, les 29 et 30 sep­tembre pro­chains, sur le thème » La chi­mie au len­de­main des révo­lu­tions – Gay-Lus­sac et l’a­près Lavoi­sier « . L’É­cole poly­tech­nique eut plus tard encore de grands ensei­gnants chi­mistes, avec Édouard Gri­maux dans la seconde moi­tié du XIXe siècle, puis avec Georges Dar­zens durant la pre­mière moi­tié du XXe siècle.

Il y eut ensuite un hia­tus, tout au moins dans les voca­tions de chi­mistes par­mi les élèves. Trop peu de poly­tech­ni­ciens oeuvrent dans les métiers de la chi­mie. On peut déplo­rer, à cet égard, la sup­pres­sion ancienne du corps des Poudres, qui assu­rait un recru­te­ment mini­mum. Or, la chi­mie a un besoin majeur d’or gris.

L’in­dus­trie chi­mique euro­péenne est à un tour­nant, entre tra­di­tion et inno­va­tion. On peut même se poser la ques­tion tant de sa sur­vie, que des formes qu’elle pren­dra. Cette inquié­tude est d’au­tant plus légi­time que la grande indus­trie chi­mique naquit en Europe, dans les années 1850–1860, avec la fabri­ca­tion des colo­rants de syn­thèse. Cepen­dant, l’Eu­rope est en train de perdre, au béné­fice de l’A­sie, ce qui fut long­temps un qua­si-mono­pole de pro­duc­tion des colo­rants et pigments.

Les défis lui viennent plus géné­ra­le­ment de la concur­rence d’autres régions du globe. La pétro­chi­mie migre vers les pays du Golfe. La mon­tée en puis­sance de la Chine est spec­ta­cu­laire. D’autres pays émer­gents, en Asie tout par­ti­cu­liè­re­ment, deviennent des pro­duc­teurs avec les­quels comp­ter. Outre la redis­tri­bu­tion géo­gra­phique des atouts, la chi­mie euro­péenne se mesure au dur­cis­se­ment de la régle­men­ta­tion, avec la direc­tive Reach qui vise à pro­té­ger tant les consom­ma­teurs que l’en­vi­ron­ne­ment. Son asso­cia­tion étroite avec la phar­ma­cie carac­té­ri­sa la chi­mie, des siècles durant. Mais est-elle encore de mise ? La concep­tion de nou­veaux médi­ca­ments est-elle dans une impasse ?

Cette indus­trie de trans­for­ma­tion traite des maté­riaux. Encore faut-il aus­si qu’ils répondent à l’ap­pel. Or, la Chine four­nit déjà 97% des besoins mon­diaux en terres rares qui servent à la fabri­ca­tion, entre autres, d’ai­mants per­ma­nents, de télé­phones por­tables et d’ac­cu­mu­la­teurs rechar­geables pour les voi­tures hybrides.

La chi­mie, indus­trie de l’in­dus­trie, faut-il le rap­pe­ler, se confronte à d’autres raré­fac­tions et ren­ché­ris­se­ments : du pétrole, la prin­ci­pale de ses matières pre­mières ; du lithium, uti­li­sé pour les piles ; du pla­tine, ser­vant de cata­ly­seur à la pro­duc­tion d’hydrogène.

Autant de ques­tions, aux­quelles la chi­mie euro­péenne doit don­ner des réponses habiles et urgentes, si elle veut demeu­rer un acteur majeur de la chi­mie mondiale.

Poster un commentaire