L’Agenda 2030 : 17 objectifs pour transformer le monde

Dossier : Développement durableMagazine N°742 Février 2019
Par Jurgis SAPIJANSKAS (2004)
Par Martin BORTZMEYER
En septembre 2015, les 193 États membres de l’ONU ont adopté le programme de développement durable à l’horizon 2030, dit Agenda 2030. Cet agenda constitue une véritable feuille de route pour transformer notre monde, éradiquer la pauvreté sous toutes ses formes et assurer la transition vers un développement durable dans ses trois dimensions.

L’Agenda 2030 s’organise autour des « 5 P » : il est au ser­vice de la planète, des pop­u­la­tions, de la prospérité, de la paix et des parte­nar­i­ats. Les 17 objec­tifs de développe­ment durable (ODD), déclinés en 169 cibles plus pré­cis­es, en for­ment le cœur et sont excep­tion­nels à plusieurs égards.


REPÈRES

Au gré de plus de deux ans de négo­ci­a­tions les plus ouvertes que les Nations unies n’aient jamais menées, l’Agenda 2030 a fusion­né les réflex­ions issues des Som­mets de la Terre et le proces­sus dédié à l’agenda de développe­ment post-OMD (objec­tif du mil­lé­naire pour le développe­ment). Alors que les OMD con­sti­tu­aient un agen­da de bailleurs de l’aide publique au développe­ment pen­sée comme un « filet de sécu­rité », l’Agenda 2030 se car­ac­térise par son ambi­tion, son uni­ver­sal­ité et sa tran­ver­sal­ité. Véri­ta­ble utopie trans­for­ma­trice, il des­sine l’horizon idéal pour tous les pays, quelle que soit leur sit­u­a­tion initiale. 


Un programme à vocation universelle et intégrée

Out­re leur ambi­tion inédite dans la gamme des thé­ma­tiques cou­vertes, les ODD con­stituent avant tout une vision col­lec­tive, uni­verselle du développe­ment durable. Applic­a­bles à tous, les ODD recon­nais­sent qu’en matière de développe­ment durable tous les pays peu­vent être con­sid­érés comme en développe­ment et que l’implication de la société civile et du secteur privé aux côtés de la puis­sance publique est indis­pens­able. Ils four­nissent ain­si un lan­gage com­mun à l’ensemble des acteurs et sont car­ac­térisés par la promesse de ne laiss­er per­son­ne sur le bord du chemin.

Les ODD présen­tent en out­re une vision résol­u­ment trans­ver­sale et inté­grée du développe­ment durable. Recon­nais­sant que les défis globaux ne sauraient être réso­lus par une somme de répons­es sec­to­rielles isolées, ils lient de manière inédite les dimen­sions économiques, envi­ron­nemen­tales et sociales du développe­ment ain­si que les ques­tions de gou­ver­nance. On retrou­ve par exem­ple une cible dédiée à la vul­néra­bil­ité aux événe­ments cli­ma­tiques dans l’ODD 1 relatif à la lutte con­tre la pau­vreté, une cible dédiée aux effets de la pol­lu­tion dans l’ODD 3 dédié à la san­té ou encore une cible dédiée au décou­plage entre crois­sance et dégra­da­tion de l’environnement dans l’ODD 8 sur l’économie.

Un dispositif de suivi mondial ancré dans la subsidiarité

Enfin, à l’instar de l’Accord de Paris et de ses con­tri­bu­tions déter­minées au niveau nation­al, l’Agenda con­sacre une forme de gou­ver­nance inter­na­tionale ancrée dans la sub­sidiar­ité. Il affirme que chaque pays doit inven­ter sa pro­pre tra­jec­toire sin­gulière pour attein­dre le développe­ment durable et s’appuye sur des proces­sus chargés de garan­tir la con­fi­ance, la redev­abil­ité et l’apprentissage col­lec­tif pour assur­er la cohérence glob­ale des actions et l’accroissement de l’ambition de cha­cun. Au plan méthodologique, COP 21 et Agen­da 2030 ont fait émerg­er une nou­velle diplo­matie col­lab­o­ra­tive qui asso­cie les États, les éch­e­lons admin­is­trat­ifs locaux, les entre­pris­es, les organ­i­sa­tions non gou­verne­men­tales, le monde uni­ver­si­taire et scientifique.

L’Agenda 2030 n’étant pas juridique­ment con­traig­nant, le Forum poli­tique de haut niveau, enceinte onusi­enne de suivi des ODD au niveau glob­al, est cru­cial pour main­tenir et ren­forcer la con­fi­ance con­stru­ite en 2015 entre pays sur le développe­ment durable. Dans un monde tra­ver­sé par de fortes ten­sions et des con­flits géopoli­tiques ouverts, il s’agit d’assurer la crédi­bil­ité des engage­ments pris en don­nant la preuve qu’ils con­duisent bien à la mise en place d’actions ambitieuses. Se réu­nis­sant annuelle­ment au niveau min­istériel et tous les qua­tre ans au niveau des chefs d’État et de gou­verne­ment, ce Forum adopte une déc­la­ra­tion poli­tique et base ses travaux prin­ci­pale­ment sur des rap­ports sta­tis­tiques et sci­en­tifiques de l’ONU ain­si que des revues nationales volon­taires présen­tées par les États. Favorisant l’émulation col­lec­tive, l’apprentissage mutuel et le partage des bonnes pra­tiques, ces revues con­stituent le cœur du dis­posi­tif inter­na­tion­al pour assur­er une mise en œuvre effec­tive de l’Agenda 2030. En juil­let 2019, moins de qua­tre ans après l’adoption des ODD, plus de 140 pays auront réal­isé cet exercice.

“Les États ont été invités à définir
un jeu d’indicateurs adapté à la situation nationale”

Un comité multiacteur et une déléguée interministérielle pour assurer la mise en œuvre en France

L’action de la France en faveur de l’Agenda 2030 est pilotée, au niveau poli­tique, par un comité mul­ti­ac­teur coprésidé par les secré­taires d’État Brune Poir­son et Jean-Bap­tiste Lemoyne, placés respec­tive­ment auprès des min­istres de la Tran­si­tion écologique et sol­idaire et de l’Europe et des Affaires étrangères. L’action de l’administration est coor­don­née par la déléguée inter­min­istérielle au développe­ment durable (DIDD), sous l’autorité du Pre­mier min­istre. La DIDD s’appuie à la fois sur les ser­vices du min­istère de la Tran­si­tion écologique et sol­idaire et sur le réseau des hauts fonc­tion­naires au développe­ment durable (HFDD) nom­més au sein de chaque ministère.

Pour rester effi­cace, le dis­posi­tif repose égale­ment sur une organ­i­sa­tion ODD par ODD. Des min­istères pilotes ont ain­si été iden­ti­fiés et chargés de pilot­er les travaux pour l’ODD dont ils sont respon­s­ables. Ils ont pour mis­sion de men­er les travaux de revue des poli­tiques publiques, d’effectuer une analyse des lacunes (gap analy­sis), d’organiser la con­cer­ta­tion avec les par­ties prenantes et d’assurer le rap­portage réguli­er. La gou­ver­nance française sur les ODD vise à associ­er étroite­ment les organ­i­sa­tions de la société civile aux étapes de mise en œuvre. C’est le cas au tra­vers d’instances offi­cielles de con­cer­ta­tion pro­pres à chaque min­istère, comme le Con­seil nation­al de la tran­si­tion écologique (CNTE), pour le min­istère en charge de l’Environnement, ou le Con­seil nation­al pour le développe­ment et la sol­i­dar­ité inter­na­tionale (CNDSI), au sein du min­istère en charge des Affaires étrangères.

L’Insee assure la coor­di­na­tion des travaux sta­tis­tiques sur les ODD aux niveaux nation­al et inter­na­tion­al. Comme encour­agée par l’Agenda 2030, la France a défi­ni un jeu de 98 indi­ca­teurs pour suiv­re ses pro­grès de manière plus adap­tée à son con­texte nation­al, les 232 indi­ca­teurs du jeu glob­al onusien ayant été prévus pour le suivi à l’échelle mon­di­ale. Fruit des travaux d’un groupe de tra­vail mul­ti­ac­teur au sein du Con­seil nation­al de l’information sta­tis­tique (Cnis), ces 98 indi­ca­teurs seront soumis à des exa­m­ens réguliers pour tenir compte de l’évolution des indi­ca­teurs, des poli­tiques nationales et de la future feuille de route Agen­da 2030 française.

Aux côtés de ce proces­sus de suivi insti­tu­tion­nel, les think tanks con­tribuent égale­ment à l’évaluation des pro­grès vers les ODD en s’appuyant sur des méthodolo­gies ad hoc et en s’autorisant plus de lib­ertés avec les indi­ca­teurs onusiens. L’Institut du développe­ment durable et des rela­tions inter­na­tionales (Iddri) a ain­si réal­isé en 2017 une pre­mière analyse pointant que, sans mod­i­fi­ca­tions pro­fondes des ten­dances actuelles, la France n’atteindrait pas ses objec­tifs, notam­ment en matière de pau­vreté, de bio­di­ver­sité ou d’égalité entre les sex­es et à l’école. Le réseau SDSN (Sus­tain­able Devel­op­ment Solu­tions Net­work) et Ber­tels­mann Stiftung pub­lient chaque année un rap­port SDG index and dash­boards qui classe tous les pays selon leur degré d’atteinte des ODD et présente une analyse détail­lée pays par pays. La France est placée 5e dans l’édition 2018 qui pointe des retards en matière de pro­duc­tion et con­som­ma­tion durables (ODD 12) et de préser­va­tion des océans (ODD 14).

2015 – 2019 : de la mobilisation des acteurs à la feuille de route française en passant par une revue nationale volontaire

Depuis sep­tem­bre 2015, un tra­vail de grande ampleur a été réal­isé pour iden­ti­fi­er, rassem­bler et met­tre en mou­ve­ment l’ensemble des com­posantes de la société française en faveur des ODD, en allant bien au-delà des parte­naires habituels d’un min­istère don­né. Une plate­forme élec­tron­ique dédiée, rassem­blant l’ensemble des ini­tia­tives des acteurs français et au-delà, a été mise en place : www.agenda-2030.fr.

Dès le pre­mier Forum poli­tique de haut niveau suiv­ant l’adoption des ODD, la France s’est portée volon­taire pour une revue nationale. Elle a ain­si présen­té en juil­let 2016 un rap­port, nour­ri par des con­sul­ta­tions de la société civile, qui dresse un pre­mier état des lieux de son action, en iden­ti­fi­ant les prin­ci­paux enjeux et défis, les ori­en­ta­tions du gou­verne­ment ain­si que des bonnes pra­tiques. Afin de main­tenir cette dynamique, la France a tenu à pro­duire un point d’étape à l’occasion de cha­cun des Forums annuels.

Le Comité inter­min­istériel de la coopéra­tion inter­na­tionale et du développe­ment (CICID) con­stitue un des cadres inter­min­istériels du plus haut niveau appelé à établir les ori­en­ta­tions gou­verne­men­tales en ce qui con­cerne les ODD. Le gou­verne­ment, lors du CICID du 8 févri­er 2018, a réaf­fir­mé son engage­ment à met­tre en œuvre les ODD sur le plan nation­al comme inter­na­tion­al et s’est engagé à éla­bor­er une feuille de route dédiée. Con­stru­ite avec l’ensemble des acteurs con­cernés afin de porter une vision partagée des enjeux pri­or­i­taires et des actions à men­er, cette feuille de route sera pub­liée d’ici sep­tem­bre 2019.

La mise en œuvre en Europe

La Com­mis­sion européenne a pub­lié en novem­bre 2016 une com­mu­ni­ca­tion rassem­blant ses inten­tions quant à la mise en œuvre de l’Agenda 2030. Reposant essen­tielle­ment sur la con­ti­nu­ité de l’action exis­tante, cette com­mu­ni­ca­tion a prin­ci­pale­ment con­duit à l’alignement de la poli­tique de développe­ment de l’UE sur les ODD, la créa­tion d’une plate­forme mul­ti­ac­teur de dia­logue avec la société civile et aux travaux d’Eurostat pour le suivi sta­tis­tique. Euro­stat a ain­si mis en place une plate­forme élec­tron­ique inter­ac­tive péd­a­gogique. Il pub­lie annuelle­ment un rap­port basé sur les ten­dances reflétées par un jeu de 100 indi­ca­teurs spé­ciale­ment sélec­tion­nés pour le suivi des ODD au niveau européen. La dernière édi­tion de sep­tem­bre 2018 souligne tout par­ti­c­ulière­ment les pro­grès, en moyenne, pour ce qui est de la san­té quand au con­traire les iné­gal­ités au sens de l’ODD 10 se creusent au sein de l’UE.

Poussée par les États mem­bres et le Par­lement européen à aller plus loin, la Com­mis­sion aurait dû pro­duire en 2018 un doc­u­ment de réflex­ion « Vers une Europe durable d’ici 2030 », tou­jours pas paru, dans le cadre du proces­sus de réflex­ion sur l’avenir de l’Europe lancé par le livre blanc éponyme en mars 2017, au niveau des chefs d’État et de gouvernement.


La mise en œuvre au niveau mondial

Si des pro­grès sont accom­plis dans cer­taines régions et secteurs, les éval­u­a­tions glob­ales mon­trent qu’aucun pays n’est en passe d’atteindre tous les ODD d’ici 2030. Même les pays de l’OCDE font face à des défis con­sid­érables, en par­ti­c­uli­er pour ce qui relève des objec­tifs liés à l’égalité femme-homme, à l’éducation, à l’économie et l’emploi et aux insti­tu­tions (OCDE, 2017). Les classe­ments réal­isés par les think tanks pla­cent les pays européens, pays nordiques en tête, dans les plus avancés dans l’atteinte des ODD (Sachs et al. 2018). Les négo­ci­a­tions de l’Agenda 2030, qui se sont appar­en­tées à un véri­ta­ble com­bat de valeurs, ont en effet con­sacré le mod­èle de développe­ment européen en inté­grant notam­ment des cibles rel­a­tives à l’accès aux soins, à la cou­ver­ture uni­verselle, à la réduc­tion des iné­gal­ités au sein des pays, à la pro­tec­tion sociale, ou encore à l’égalité entre les sex­es. Pour les analy­ses prenant plus spé­ci­fique­ment en compte l’empreinte ODD des pays, c’est-à-dire l’impact posi­tif ou négatif des activ­ités d’un pays sur la réal­i­sa­tion de l’Agenda 2030 par les autres, ce sont sur les objec­tifs relat­ifs à la pro­duc­tion et à la con­som­ma­tion durables, aux océans et au cli­mat que les pays les plus dévelop­pés sont le plus en retard (Sachs et al. 2018).

L’édition 2018 du rap­port du secré­taire général des Nations unies dédié à l’Agenda 2030 pointait comme défis prin­ci­paux les change­ments cli­ma­tiques, les con­flits, les iné­gal­ités, les poches per­sis­tantes de pau­vreté et de faim ain­si que l’urbanisation. L’augmentation, pour la pre­mière depuis plus de dix ans, du nom­bre de per­son­nes souf­frant de la faim qui est passé de 777 mil­lions en 2015 à 815 mil­lions en 2016, illus­tre tris­te­ment l’ampleur du chemin à par­courir pour faire de l’utopie trans­for­ma­trice que sont les ODD une réalité.

Commentaire

Ajouter un commentaire

Sidi Sowrépondre
23 mars 2022 à 22 h 22 min

C’est Intéres­sant et les doc­u­ments sont riches

Répondre