France-Allemagne : parallèles ferroviaires

Dossier : L'AllemagneMagazine N°531 Janvier 1998Par Michel WALRAVE (54)

1. Deux acteurs de poids : similitudes et différences

L’Alle­magne et la France sont, l’une et l’autre, deux acteurs fon­da­men­taux du sys­tème fer­rovi­aire européen en rai­son de l’im­por­tance de leurs réseaux respec­tifs (à elles deux, elles représen­tent 47 % du réseau fer­rovi­aire de l’U­nion européenne) et de celle de leurs trafics (44 % du traf­ic voyageurs de l’U­nion européenne et 53 % du traf­ic marchandises).

De même, elles se situent à la pointe du pro­grès tech­nologique en Europe, appuyées sur des indus­tries fer­rovi­aires nationales puis­santes qui se sont d’ailleurs trans­for­mées fon­da­men­tale­ment au cours des dix dernières années en s’in­té­grant en “pro­duc­teurs de sys­tèmes” et en se “multi­na­tion­al­isant” autour des deux pôles Gec Alsthom et Siemens, dans un con­texte fait à la fois de coopéra­tion (un peu) et de com­péti­tion (de plus en plus) ; après des luttes par­fois féro­ces à la grande expor­ta­tion, comme en Corée du Sud, la hache de guerre sem­ble, pour l’in­stant, enterrée.

Le main­tien et le développe­ment d’un sys­tème fer­rovi­aire per­for­mant ont été aus­si, il faut le soulign­er, ren­dus pos­si­bles grâce aux sou­tiens financiers impor­tants des États dont ont béné­fi­cié les deux réseaux.

Dans les deux pays, ce sont donc deux tri­an­gles forts État-Chemin de fer-Indus­trie qui ont per­mis au chemin de fer de sur­vivre grâce à la mod­erni­sa­tion et au développe­ment et cela mal­gré de nom­breuses dif­fi­cultés face à une con­cur­rence de plus en plus sévère des autres modes de transport.

Ces simil­i­tudes ne doivent cepen­dant pas mas­quer qu’il existe aus­si de pro­fondes dif­férences entre les deux pays, lour­des de con­séquences sur le plan ferroviaire.

Sur le plan démo­graphique, les den­sités moyennes sont très dif­férentes : 228 hab/km2 pour l’Alle­magne, 106 hab/km2, pour la France, ce qui, en principe, est favor­able au trans­port fer­rovi­aire de voyageurs. Mais, plus impor­tante encore est la dif­férence de struc­ture entre les arma­tures urbaines des deux pays, beau­coup plus puis­santes en Alle­magne même si Berlin (4,5 % de la pop­u­la­tion alle­mande) est encore loin d’é­galer Paris. Il en résulte des dif­férences fon­da­men­tales de la struc­ture du traf­ic fer­rovi­aire de voyageurs : en Alle­magne, le traf­ic “à courte dis­tance” représente env­i­ron la moitié des kilo­mètres par­cou­rus alors qu’en France, en inclu­ant le traf­ic de l’Île-de-France, les ser­vices régionaux ne représen­tent qu’un peu plus du quart du traf­ic total.

De ce fait, la struc­ture du réseau et des trafics a un car­ac­tère très radi­al, cen­tré sur Paris en France, alors qu’en Alle­magne, elle a un car­ac­tère beau­coup plus mail­lé qui reflète la trame des grandes agglomérations.

Sur le plan con­cur­ren­tiel, vis-à-vis des autres modes de trans­port, avec des dis­tances à par­courir en moyenne plus faibles, les chemins de fer alle­mands sont encore plus exposés à la con­cur­rence de la route, favorisée par l’ex­is­tence d’un réseau autorouti­er bien dévelop­pé et l’ab­sence de péage ; de même, la con­cur­rence de la nav­i­ga­tion intérieure est très forte puisque celle-ci représente 90 % du traf­ic fer­rovi­aire de marchan­dis­es, ce qui est très loin d’être le cas en France.

Sur le plan poli­tique, l’his­toire des deux pays est mar­quée par des dif­férences pro­fondes, dévelop­pées dans d’autres arti­cles de ce numéro. De plus, la divi­sion de l’Alle­magne s’est traduite par une désadap­ta­tion com­plète des réseaux ter­restres de trans­port puisque ceux-ci, antérieure­ment ori­en­tés est-ouest et cen­trés sur Berlin, étaient mal adap­tés aux flux, prin­ci­pale­ment de car­ac­tère nord-sud, qui se sont pro­gres­sive­ment dévelop­pés dans l’an­ci­enne RFA.

Sur le plan juridique, les rela­tions entre l’in­di­vidu et l’É­tat font égale­ment l’ob­jet d’ac­cen­tu­a­tions dif­férentes : en Alle­magne, un grand poids est accordé à la pro­tec­tion de l’in­di­vidu con­tre l’ar­bi­traire du pou­voir ; en France, même si cette préoc­cu­pa­tion existe aus­si, on attache prob­a­ble­ment plus d’im­por­tance à l’idée de faire pré­val­oir l’in­térêt général sur les intérêts privés, ce qui n’est pas sans con­séquence, par exem­ple, sur la mise en œuvre des grands pro­jets d’in­fra­struc­ture : déc­la­ra­tion d’u­til­ité publique prise en France sous la seule respon­s­abil­ité du gou­verne­ment ; procé­dures plus lour­des et plus com­pliquées, sans doute plus démoc­ra­tiques, mais aus­si plus paralysantes, en Alle­magne, impli­quant à la fois le niveau fédéral, les Län­der et les pou­voirs locaux, même si dans les faits, sinon en droit, les démarch­es ten­dent à se rapprocher.

Revenant plus pré­cisé­ment au chemin de fer, il est par­ti­c­ulière­ment intéres­sant de com­par­er les poli­tiques suiv­ies en France et en Alle­magne dans deux domaines :

  • le développe­ment de la grande vitesse,
  • la réforme du chemin de fer et la poli­tique d’investissement.

2. Le développement de la grande vitesse

Il s’ag­it d’un domaine où la France a pris beau­coup d’avance :

  • un kilo­mé­trage de lignes nou­velles et un traf­ic trois fois plus importants,
  • des niveaux de per­for­mance, en vitesse com­mer­ciale, sen­si­ble­ment plus élevés,
  • dix ans d’a­vance dans la date de réal­i­sa­tion de la pre­mière ligne, 1981 au lieu de 1991,
  • une avance tech­nologique cer­taine, basée sur des con­cep­tions inno­vantes (la rame artic­ulée) même si, à la lumière des pro­grès récents, l’é­cart entre les deux pays tend à se réduire,
  • des con­cep­tions très économiques en France, que ce soit en matière de con­struc­tion des infra­struc­tures, de matériel roulant ou en matière d’exploitation :
    — les coûts de con­struc­tion par kilo­mètre des lignes nou­velles sont d’un ordre de grandeur sim­i­laire lorsqu’on les exprime en francs, pour les lignes français­es, et en marks, pour les lignes allemandes,
    — les ICE de pre­mière généra­tion, certes sen­si­ble­ment plus généreux sur le plan de l’e­space offert aux voyageurs, ont coûté, à la place offerte, env­i­ron 60 % de plus que les pre­miers TGV,
    — sur le plan de l’ex­ploita­tion, des dessertes et une poli­tique tar­i­faire, mod­ulées et adap­tées à la géo­gra­phie et aux fluc­tu­a­tions de la demande, ont con­duit, en France, à des coef­fi­cients d’u­til­i­sa­tion des capac­ités offertes sen­si­ble­ment plus élevés con­duisant à des prix de revient d’ex­ploita­tion d’au­tant plus bas.


Une com­para­i­son des con­di­tions de ce développe­ment et des proces­sus de déci­sion de nature politi­co-admin­is­tra­tive a fait l’ob­jet d’une analyse remar­quable d’une jeune écon­o­miste alle­mande bicul­turelle, Babette Nieder.

En France, c’est claire­ment la SNCF qui a été la matrice du pro­jet. Celui-ci a été conçu d’emblée comme un sys­tème cohérent, opti­misé dans toutes ses com­posantes, pour répon­dre à une évo­lu­tion du marché, perçue assez tôt, car­ac­térisée par le développe­ment prévis­i­ble des autoroutes et de l’avi­a­tion com­mer­ciale intérieure.

Cette démarche, axée sur la recherche à la fois de la rentabil­ité économique et finan­cière et de l’u­til­ité sociale, s’est dévelop­pée, à l’époque, dans l’in­dif­férence des milieux économiques et poli­tiques, et face à l’hos­til­ité ou au scep­ti­cisme de cer­tains cen­tres de déci­sion, situés à l’époque rue de Riv­o­li ; le scep­ti­cisme pré­valait même assez large­ment jusqu’à l’in­térieur de la SNCF où d’ex­cel­lents esprits, se fon­dant sur une analo­gie trop super­fi­cielle avec l’évo­lu­tion con­statée aux États-Unis, prévoy­aient la qua­si-dis­pari­tion du traf­ic fer­rovi­aire de voyageurs à moyenne et longue distance.

Dans ce con­texte, la propo­si­tion qui com­por­tait comme prin­ci­pale com­posante la con­struc­tion d’une ligne nou­velle spé­cial­isée aux voyageurs pou­vait appa­raître à cer­tains, au mieux comme un pari auda­cieux, au pire comme une provo­ca­tion ! Elle procé­dait pour­tant d’une démarche rationnelle, d’abord tournée vers le marché, mais por­tant aus­si la mar­que de Col­bert et de Descartes, de la philoso­phie saint-simoni­enne, de celle du ser­vice pub­lic “à la française” ain­si que de la tra­di­tion des ingénieurs écon­o­mistes français des Mines et des Ponts et Chaussées.

C’est, me sem­ble-t-il, à juste titre qu’Élie Cohen a util­isé à ce sujet l’ex­pres­sion “Col­ber­tisme High Tech”, qui peut aus­si s’ap­pli­quer à d’autres grands pro­grammes français dans les domaines aéro­nau­tique et spa­tial, pétroli­er, élec­tronu­cléaire ou dans celui des télé­com­mu­ni­ca­tions, pro­grammes dans lesquels des poly­tech­ni­ciens ont sou­vent joué des rôles de pre­mier plan.

Après le suc­cès du TGV Sud-Est, car­ac­térisé par une rentabil­ité excep­tion­nelle, le développe­ment deve­nait, dès lors, porté par une opin­ion publique favor­able et par le con­sen­sus des dif­férentes sen­si­bil­ités poli­tiques ; d’où en 1991, l’adop­tion par le gou­verne­ment d’un sché­ma directeur, très large­ment ouvert vers l’Eu­rope, et qui reste aujour­d’hui val­able, me sem­ble-t-il, dans sa philoso­phie d’ensem­ble, même si cer­tains de ses élé­ments peu­vent se voir remis en cause, en ten­ant compte notam­ment des pro­grès réal­isés dans le domaine de la tech­nolo­gie des caiss­es inclinables.

Du côté alle­mand, la voie suiv­ie a été plus hési­tante et se présente in fine comme le rassem­ble­ment de la démarche de plusieurs acteurs : la DB qui, au moins au début du proces­sus, n’a pas joué le même rôle moteur que la SNCF, les indus­triels, à l’époque, comme en France d’ailleurs, éclatés entre mécani­ciens et élec­triciens et en une mul­ti­tude d’en­tre­pris­es, et l’É­tat avec trois pôles prin­ci­paux, le min­istère de la Recherche (BMFT), celui des Trans­ports (BMV) et celui des Finances.

Le min­istère de la Recherche qui, dès le début des années 70, avait engagé un pro­gramme et des moyens impor­tants dans le développe­ment de la tech­nolo­gie mag­né­tique, l’a com­plété, prob­a­ble­ment au vu des ori­en­ta­tions français­es, dès le milieu de cette décen­nie par un pro­gramme roue-rail dévelop­pé sur fonds publics en liai­son avec le Départe­ment de recherche tech­nique de la DB (l’an­cien BZA de Munich) et surtout avec les industriels.

En ce qui con­cerne le matériel roulant, l’ICE (qui sig­nifi­ait à l’époque Inter­Ci­ty Expéri­men­tal) a été prin­ci­pale­ment dévelop­pé par un con­sor­tium indus­triel dans lequel on retrou­vait tous les “grands” fer­rovi­aires alle­mands : AEG, West­ing­house, Siemens, Krauss Maf­fei, Thyssen-Heinchel, Krupp, MBB, Duewag, sans les citer tous (à not­er que des sché­mas sim­i­laires ont été dévelop­pés en Ital­ie, avec un rôle encore plus pré­dom­i­nant des indus­triels, pour le Pen­dolino avec Fiat et le con­sor­tium Tre­vi pour l’ETR 500, l’équiv­a­lent ital­ien du TGV, ou plutôt de l’ICE).

Autre dif­férence impor­tante, alors qu’en ce qui con­cerne la France, aus­si bien les études et le proces­sus de déci­sion ont porté simul­tané­ment sur tous les com­posants du sys­tème infra­struc­ture, matériel roulant, sys­tèmes d’ex­ploita­tion et dans tous leurs aspects tech­niques, com­mer­ci­aux, économiques et financiers, la déci­sion de con­stru­ire les deux lignes nou­velles alle­man­des appa­raît, elle, large­ment dis­so­ciée de celle con­cer­nant le matériel roulant. La pre­mière remonte au tout début des années 80 alors que jusqu’en 86–87, la DB a longue­ment hésité entre l’u­til­i­sa­tion de matériels rel­a­tive­ment clas­siques aptes à 200/220 km/h.

Dif­férences aus­si en ce qui con­cerne le finance­ment : celui du développe­ment a été sup­porté par la SNCF, avec l’au­tori­sa­tion de l’É­tat, alors qu’en Alle­magne, la majeure par­tie (près de 60 %) a été fournie par le BMFT et le reste, à parts à peu près égales, par la DB et les indus­triels. Pour ce qui est de la con­struc­tion des lignes, dont la plan­i­fi­ca­tion était inté­grée dans le BVWP (Bun­desverkehrwege­plan) “Plan fédéral des infra­struc­tures de trans­port”, le finance­ment a été assuré par des fonds budgé­taires de l’É­tat alors qu’en France, la SNCF ne demandait à l’É­tat que l’au­tori­sa­tion d’emprunter sur le marché financier.

Enfin dif­férences con­cer­nant l’ex­ploita­tion des deux systèmes :

  • du côté français, l’adop­tion du principe de spé­cial­i­sa­tion de la ligne nou­velle au traf­ic voyageurs a per­mis d’abaiss­er très sen­si­ble­ment les coûts de con­struc­tion alors que, du côté alle­mand, on choi­sis­sait l’ex­ploita­tion mixte voyageurs/marchandises, cela notam­ment en rai­son du défaut d’adap­ta­tion du réseau exis­tant aux flux Nord-Sud, tant voyageurs que marchan­dis­es, con­séquence directe de la divi­sion Est-Ouest ;
  • du côté alle­mand, la pri­mauté accordée au con­fort, à la fréquence, au con­cept de desserte sys­té­ma­tique de tous les points d’ar­rêts, stricte­ment cadencée avec cor­re­spon­dances dans des points priv­ilégiés ; du côté français, une desserte plus fine­ment adap­tée à la demande grâce aux pos­si­bil­ités de mod­u­la­tion offertes par le sys­tème rame simple/rame dou­ble et de mod­u­la­tion tar­i­faire visant à réduire l’im­por­tance des vari­a­tions péri­odiques de la demande. Du côté alle­mand, des vitesses de pointe et des vitesses com­mer­ciales sen­si­ble­ment plus faibles qu’en France, la SNCF ayant priv­ilégié la vitesse, moins coû­teuse d’ailleurs qu’en Alle­magne, en par­ti­c­uli­er grâce à l’adop­tion des normes de con­fort un peu moins généreuses.


Ces dif­férences de con­cep­tion peu­vent se résumer — sché­ma­tique­ment — par l’échange, un peu rit­uel, de deux ques­tions : pourquoi rouler à 300 km/h ou plus si l’on doit s’ar­rêter tous les 100 km ? dis­ent les Alle­mands. Mais pourquoi donc faut-il arrêter tous les trains tous les 100 km ? rétorquent les Français.

Les deux posi­tions ne sont cepen­dant pas inconciliables.

Les dif­férences dans la struc­ture et la répar­ti­tion ter­ri­to­ri­ale des aggloméra­tions et dans les sit­u­a­tions de con­cur­rence respec­tives vis-à-vis de la route et de l’avion ne sont évidem­ment pas étrangères à la dif­férence des répons­es apportées de part et d’autre du Rhin. Les deux démarch­es suiv­ies se résu­ment assez bien en défini­tive dans les sigles des deux trains : TGV, Train à Grande Vitesse, et ICE, Inter­Ci­ty Express ; celui-ci s’in­scrit plutôt dans une con­ti­nu­ité d’évo­lu­tion par rap­port au sys­tème Inter­Ci­ty tra­di­tion­nel de la DB alors que la démarche de la SNCF mar­que une rup­ture par rap­port aux trains et à l’ex­ploita­tion conventionnels.

3. La réforme des chemins de fer et les investissements

Le deux­ième par­al­lèle, d’ac­tu­al­ité, que l’on est ten­té de faire entre les deux pays con­cerne la réforme de l’or­gan­i­sa­tion du secteur ferroviaire.

La réforme des chemins de fer alle­mands est allée bien au-delà des pre­scrip­tions de la direc­tive com­mu­nau­taire et beau­coup plus loin que la réforme française qui, si elle appa­raît comme une réponse, a min­i­ma, à la direc­tive, est née aus­si et surtout de la crise finan­cière et de la crise sociale de la fin 1995.

Les deux réformes s’in­scrivent dans le con­texte créé par la Direc­tive européenne 91/440 qui fixe cer­tains grands principes d’or­gan­i­sa­tion du chemin de fer en Europe et qui, som­maire­ment résumée, préconise :

  • l’au­tonomie de ges­tion par rap­port à l’État,
  • la ges­tion des activ­ités de ser­vice pub­lic au moyen de procé­dures et de dis­po­si­tions finan­cières contractuelles,
  • l’as­sainisse­ment financier des sociétés de chemin de fer,
  • la sépa­ra­tion des comptes de la ges­tion de l’in­fra­struc­ture de ceux de l’ac­tiv­ité des ser­vices de transport,
  • l’in­stau­ra­tion de droits d’ac­cès à l’in­fra­struc­ture en faveur de tiers dans le domaine des ser­vices de tran­sit inter­na­tion­al pour les voyageurs et dans celui du trans­port com­biné international.

3. 1 — La réforme des chemins de fer allemands

Cette réforme s’in­scrit dans le con­texte par­ti­c­uli­er de la réu­ni­fi­ca­tion. Au moment de celle-ci, il exis­tait deux entités publiques distinctes :

en RFA, la Deutsche Bun­des­bahn (DB), c’est-à-dire les chemins de fer fédéraux alle­mands, établie après la Deux­ième Guerre mon­di­ale et dont les fonde­ments se trou­vaient inscrits dans la Con­sti­tu­tion fédérale elle-même qui en fai­sait une entre­prise publique, pro­priété du Bund,

en RDA, la Deutsche Reichs­bahn (DR), dont le nom était hérité de la sit­u­a­tion exis­tant avant la guerre, elle aus­si pro­priété de l’État.

À l’Ouest la sit­u­a­tion des chemins de fer était car­ac­térisée par des déficits impor­tants et crois­sants et un niveau d’en­det­te­ment très élevé (72 mil­liards de DM à la fin de 1993). Com­paré à celui de la SNCF, son degré d’au­tonomie vis-à-vis de l’É­tat était sen­si­ble­ment moin­dre. À l’Est, la sit­u­a­tion était cat­a­strophique : sur­ef­fec­tifs très impor­tants et délabre­ment tech­nique par insuff­i­sance d’en­tre­tien et d’in­vestisse­ment, tant en ce qui con­cerne le matériel roulant que les infrastructures.

Le proces­sus de réforme se développe, pen­dant une dizaine d’an­nées, selon trois étapes principales :

La pre­mière étape (jan­vi­er 1994) est la plus fondamentale :

  • sur le plan juridique, les deux anci­ennes sociétés sont rem­placées par une société unique, la DB AG, société par actions de droit privé, agis­sant sur le marché selon le principe du droit com­mer­cial et gérée comme une entre­prise privée avec une struc­ture à l’alle­mande : Direc­toire et Con­seil de sur­veil­lance. Par­al­lèle­ment cer­taines fonc­tions de régle­men­ta­tion, par exem­ple dans le domaine de la sécu­rité ou celui de la nor­mal­i­sa­tion tech­nique, ont été con­fiées à un office des chemins de fer, organ­isme admin­is­tratif rat­taché au min­istère des Trans­ports (Eisen­bahn­bun­de­samt) ;
  • sur le plan financier, la total­ité de l’en­det­te­ment a été prise en charge par l’É­tat fédéral, qui a créé à cette fin une struc­ture par­ti­c­ulière : Bun­de­seisen­bah­n­ver­mö­gen (BEV), la DB AG démarre donc son exploita­tion avec une dette nulle. Par­al­lèle­ment, l’É­tat fédéral a dégagé des moyens financiers très impor­tants au prof­it des Län­der pour leur per­me­t­tre de sub­ven­tion­ner et de dévelop­per les ser­vices voyageurs à courte dis­tance (Nahverkehr) : env­i­ron 7 mil­liards de sub­ven­tions d’ex­ploita­tion et autant pour les investisse­ments. Les Län­der peu­vent met­tre la DB AG en con­cur­rence avec d’autres opéra­teurs pour l’ex­ploita­tion de ces ser­vices ; ils passent à cette fin des con­ven­tions d’ex­ploita­tion avec les opéra­teurs et déci­dent de l’emploi des fonds aus­si bien pour l’ex­ploita­tion que pour les investissements ;
  • sur le plan social, le per­son­nel exis­tant a été repris par BEV qui remet à la dis­po­si­tion de la DB le seul per­son­nel néces­saire à son exploita­tion dans des con­di­tions cor­re­spon­dant à celles du droit com­mun, en assur­ant vis-à-vis de la par­tie du per­son­nel exis­tant ayant un statut de fonc­tion­naire la con­ti­nu­ité des con­trats antérieurs. Les nou­velles embauch­es se font sur la base du droit commun ;
  • sur le plan budgé­taire, la réforme est “neu­tre” vis-à-vis du bud­get fédéral, ce qui veut dire que les mon­tants financiers néces­saires pour financer BEV ain­si que les aides aux Län­der ont été dégagés en créant une taxe spé­ciale sur les car­bu­rants automobiles ;
  • con­cer­nant la ges­tion des infra­struc­tures, le finance­ment des investisse­ments est assuré par l’É­tat fédéral, mais la DB inscrit dans ses comptes les charges d’amor­tisse­ment cor­re­spon­dantes et les rem­bourse à l’É­tat ; tout se passe donc comme si l’É­tat accor­dait des prêts rem­boursables sans intérêt, ce qui représente évidem­ment un avan­tage considérable.
    La DB est respon­s­able de la main­te­nance des infra­struc­tures et, à l’in­térieur de la DB, des rede­vances d’usage de l’in­fra­struc­ture sont mis­es en place cor­re­spon­dant à la total­ité des coûts sup­port­és par celle-ci ; elles sont fac­turées aux ser­vices trans­port util­isa­teurs ain­si qu’aux tiers aux­quels l’usage de l’in­fra­struc­ture est ouvert.


Lors de la deux­ième étape (jan­vi­er 1998), la DB AG sera trans­for­mée en société hold­ing détenant les actions de qua­tre sociétés d’ex­ploita­tion chargées respec­tive­ment des ser­vices voyageurs à car­ac­tère com­mer­cial (à moyenne et longue dis­tances), des ser­vices régionaux de voyageurs, dans le cadre de con­ven­tions passées avec les Län­der et les autorités publiques locales, du traf­ic marchan­dis­es et, enfin, de la ges­tion de l’in­fra­struc­ture, fac­turant l’usage de celle-ci aux trois com­pag­nies util­isatri­ces précé­dentes, ain­si qu’aux opéra­teurs tiers y ayant accès.

Lors de la troisième étape envis­agée en 2002, la DB AG en tant que société hold­ing dis­paraî­tra et les qua­tre sociétés précédem­ment citées devien­dront indépendantes.

Depuis le 1er jan­vi­er 1994, à l’ex­clu­sion des sub­ven­tions qui tran­si­tent par les Län­der et des investisse­ments en infra­struc­ture, il n’y a plus d’aide publique fédérale à la DB AG et il n’y en aura plus aux futures sociétés d’exploitation.

Grâce évidem­ment aux efforts financiers con­sid­érables de l’É­tat fédéral mais aus­si grâce à ses pro­pres efforts de pro­duc­tiv­ité et à la vente de cer­tains act­ifs, la DB AG a réus­si, au cours des trois pre­mières années du nou­veau régime, à main­tenir des résul­tats compt­a­bles légère­ment posi­tifs mal­gré une rel­a­tive stag­na­tion du traf­ic et de ses recettes, notam­ment dans le domaine du traf­ic marchandises.

Par ailleurs, les chemins de fer alle­mands sont engagés dans de gigan­tesques pro­grammes d’investissement :

  • pour l’ex-Alle­magne de l’Est, le pro­gramme dit de “l’u­nité alle­mande” (Deutsche Ein­heit) représente 35 mil­liards de DM, ver­sés à fonds per­dus par le bud­get fédéral ;
  • s’y ajoute, pour la péri­ode 1996–2000, un pro­gramme de con­struc­tion de lignes nou­velles et de mod­erni­sa­tion d’in­fra­struc­tures et de gares qui représente un rythme annuel d’en­v­i­ron 10 mil­liards de DM financés par l’É­tat fédéral aux­quels s’a­joutent env­i­ron 5 mil­liards par an pour le matériel et les équipements, financés par la DB ;
  • enfin le pro­jet, con­testé, de ligne à sus­ten­ta­tion mag­né­tique entre Ham­bourg et Berlin représente à lui seul 10 mil­liards de DM dont les trois quarts env­i­ron incomberaient à l’É­tat, le reste étant assuré par un con­sor­tium privé où la DB fig­ure par­mi les actionnaires.

3.2 — La réforme des chemins de fer français

Par com­para­i­son avec celle de la DB AG, la réforme de la SNCF et la créa­tion de RFF, Réseau fer­ré de France, présen­tent les apparences d’une réforme a min­i­ma ; à tort ou à rai­son, elles sont en tout cas perçues comme telles à l’étranger.

Sur le plan juridique, elle va à la fois plus loin et moins loin (ce qui ne veut pas for­cé­ment dire mieux ou moins bien).

Moins loin parce qu’elle con­serve à la SNCF son statut d’Étab­lisse­ment pub­lic indus­triel et com­mer­cial (EPIC) dont le cap­i­tal non divis­i­ble est détenu par l’É­tat alors que la DB est main­tenant une société anonyme par actions. Certes, tant que l’É­tat fédéral con­serve la total­ité des actions, la dif­férence est plus formelle que réelle ; celle-ci réside plutôt dans les pos­si­bil­ités d’évo­lu­tion : la solu­tion alle­mande per­met, sans loi nou­velle, la pri­vati­sa­tion par­tielle ou totale du cap­i­tal, ce qui n’est pas le cas du côté français.

Plus loin, puisque la créa­tion de RFF, nou­v­el EPIC dis­tinct de la SNCF, est un véri­ta­ble démem­bre­ment juridique de l’an­ci­enne SNCF. Elle crée un nou­veau cen­tre de déci­sion con­cer­nant les investisse­ments d’in­fra­struc­ture, puisque RFF est main­tenant chargé de la respon­s­abil­ité du finance­ment de ceux-ci et au-delà de celui de la main­te­nance et de l’exploitation.

Au total, la réforme française com­plique le jeu en matière de déci­sion con­cer­nant les investisse­ments d’in­fra­struc­ture et leur finance­ment en créant au niveau nation­al un jeu à trois : État-RFF-SNCF alors qu’en Alle­magne, il n’y aura que deux acteurs, l’É­tat et la DB, acteurs aux­quels, dans les deux pays, vien­dront s’ad­join­dre les Régions ou les Länder.

Sur le plan opéra­tionnel, en con­fi­ant l’ex­ploita­tion et la main­te­nance du réseau à la SNCF qui devient dans ce domaine le sous-trai­tant obligé de RFF, on main­tient cepen­dant la pos­si­bil­ité d’une coor­di­na­tion opéra­tionnelle qui présente des aspects favor­ables sur le plan de l’ex­ploita­tion et de la sécurité.

Sur le plan social, alors que les change­ments impor­tants intro­duits dans ce domaine en Alle­magne ont été mis en œuvre, dans la con­cer­ta­tion avec les syn­di­cats, du côté français, on en reste au statu quo, y com­pris en ce qui con­cerne le régime des retraites, pour le per­son­nel actuel comme pour les nou­veaux entrants.

Sur le plan de la région­al­i­sa­tion et du trans­fert de com­pé­tences aux Län­der et aux Régions, les ori­en­ta­tions sont sim­i­laires dans les deux pays. Le trans­fert est main­tenant total en Alle­magne où les Län­der ont reçu des dota­tions impor­tantes pour l’ex­ploita­tion et pour l’in­vestisse­ment et, de plus, ils peu­vent choisir l’ex­ploitant des ser­vices (il est vrai que leur accord était néces­saire pour vot­er la réforme de la DB qui, du fait de son car­ac­tère con­sti­tu­tion­nel, requérait une majorité des deux tiers). En France, si l’on va dans la même direc­tion, celle pré­con­isée par le rap­port du séna­teur Haenel, la démarche est plus pru­dente et pro­gres­sive puisque l’on procède d’abord par expéri­men­ta­tion dans six régions pilotes.

C’est sur le plan financier que les dif­férences sont les plus grandes :

En ce qui con­cerne le désendet­te­ment, s’il est total en Alle­magne, il n’en va pas de même en France où il ne représente env­i­ron que les trois quarts de la dette avec la “ral­longe” de 20 mil­liards décidée par le gou­verne­ment actuel s’a­joutant aux 137 mil­liards déjà décidés antérieure­ment. Il est vrai que l’on peut dis­cuter longue­ment le bien-fondé ou non du désendet­te­ment total ; en effet, une par­tie de l’en­det­te­ment cor­re­spond à des investisse­ments pro­duc­tifs : décharg­er l’en­tre­prise de la part cor­re­spon­dante lui donne un avan­tage que cer­tains peu­vent estimer anor­mal dans la com­péti­tion inter­modale et, demain sans doute, dans la com­péti­tion entre exploitants ferroviaires.

En fait, la démarche qui a pré­valu dans ce domaine est inspirée par un cer­tain prag­ma­tisme qui a aus­si pré­valu au Japon : dans ce pays, le niveau du désendet­te­ment a été cal­culé de manière que l’al­lége­ment cor­re­spon­dant per­me­tte à l’en­tre­prise de sor­tir “la tête de l’eau” (attein­dre le “zéro noir” selon l’ex­pres­sion alle­mande) ; en France, le désendet­te­ment total aurait per­mis à la SNCF d’être net­te­ment en suréquilibre.

Mais alors que la sit­u­a­tion en Alle­magne est très claire, même si elle repose sur un principe dis­cutable, en ce qui con­cerne le niveau des péages d’in­fra­struc­ture à pay­er par le (ou les) exploitant(s) qui doivent cou­vrir le coût total (à l’ex­clu­sion des charges finan­cières, ce qui représente un avan­tage con­sid­érable), en France le débat reste ouvert : le “bouclage” du finance­ment de RFF en régime per­ma­nent reste en sus­pens en ce qui con­cerne sa répar­ti­tion entre les péages à vers­er par la SNCF, les sub­ven­tions de l’É­tat et le recours éventuel à l’emprunt.

De même, les incer­ti­tudes restent grandes, con­cer­nant le finance­ment des infra­struc­tures nou­velles et la pour­suite de la mise en œuvre du sché­ma directeur au sein duquel de nom­breux pro­jets présen­tent une rentabil­ité pour la col­lec­tiv­ité pour­tant sat­is­faisante. Dans le même temps, la DB se voit dotée de moyens con­sid­érables : 10 mil­liards de DM pour le réseau nation­al, 7 mil­liards pour les réseaux régionaux, soit env­i­ron 55 mil­liards de francs, en rythme annuel, jusqu’au début du siè­cle prochain !

Conclusion

Il y a sept ans, en 1990, la SNCF, portée par le suc­cès de la grande vitesse, réus­site à la fois tech­nique, com­mer­ciale, économique et finan­cière et ayant retrou­vé, à marche for­cée, l’équili­bre financier en sor­tant d’un déficit, con­sid­éré comme abyssal à l’époque, qui avait dépassé les 8 mil­liards de francs en 1983, représen­tait une référence au plan européen et au plan mon­di­al, alors que la DB don­nait l’im­pres­sion d’avoir de la peine à suiv­re. Ce car­ac­tère de référence, elle le partageait au plan mon­di­al, avec les États-Unis, pour leur exploita­tion de ser­vices marchan­dis­es à haute pro­duc­tiv­ité et béné­fi­ci­aires sans aides publiques, les com­pag­nies privées ayant été libérées de nom­breuses con­traintes régle­men­taires qui pesaient sur elles par le Stag­gers Act à la fin des années 70 ; elle le partageait aus­si avec les com­pag­nies japon­ais­es, nou­velle­ment pri­vatisées en 1986 pour l’ex­ploita­tion de ser­vices voyageurs d’une grande effi­cac­ité, aus­si bien dans le domaine de la grande vitesse que dans celui des ser­vices con­ven­tion­nels ou des ser­vices de ban­lieue, notam­ment celle de Tokyo. Face à ces exem­ples de com­pag­nies privées, entre­prise publique, elle démon­trait que, comme en Suède par exem­ple, ce car­ac­tère pub­lic n’é­tait pas incom­pat­i­ble avec l’ef­fi­cac­ité économique, même si cer­taines faib­less­es ne doivent pas être masquées.

En l’espace de sept ans, la situation a bien changé

Aujour­d’hui, ce sont les chemins de fer alle­mands auréolés par le suc­cès appar­ent de leur réforme, ayant retrou­vé l’équili­bre financier, le “zéro noir”, grâce aux efforts budgé­taires de l’É­tat fédéral et à ses pro­pres efforts de pro­duc­tiv­ité, qui font main­tenant fig­ure de référence en Europe. Les chemins de fer alle­mands ont aus­si fait face avec suc­cès à l’im­mense défi que représen­tait la fusion DB/DR. Adossée à un effort sans précé­dent de l’É­tat fédéral, aus­si bien en ce qui con­cerne le désendet­te­ment que le finance­ment de la mod­erni­sa­tion et du développe­ment de ses infra­struc­tures, la DB AG béné­fi­ciant de sa posi­tion géo­graphique dans la nou­velle Europe peut adopter une atti­tude offen­sive ; elle est bien décidée à utilis­er les oppor­tu­nités offertes par les direc­tives européennes et pousse à l’évo­lu­tion de celles-ci dans un sens de plus en plus libéral pour devenir un grand opéra­teur européen de ser­vices fer­rovi­aires, en util­isant les pos­si­bil­ités d’ac­cès sur les autres réseaux et en ayant ouvert le sien.

En face, ou à côté, la SNCF paraît aujour­d’hui plus sur la défen­sive et encore inquiète de son devenir mal­gré (ou à cause de ?) la réforme récente, après avoir subi une dégra­da­tion de ses résul­tats d’une ampleur et d’une rapid­ité sans précé­dent, dans la pre­mière moitié de la décen­nie 90, aggravée encore par une crise sociale grave, suc­cé­dant à d’autres, d’am­pleur comparable.

Mais der­rière les apparences, il y a aus­si la réal­ité : la pour­suite de la réforme de la DB ne sera pas une prom­e­nade de san­té et der­rière l’aspect “externe” de celle-ci, qui est un suc­cès incon­testable sur le plan poli­tique, social et financier, l’aspect interne est moins avancé. De son côté, la SNCF ne manque pas d’atouts : ses tech­nolo­gies sont per­for­mantes et économiques, sa pro­duc­tiv­ité reste encore supérieure à celle des chemins de fer alle­mands mal­gré les pro­grès récents accom­plis par ceux-ci ; avec son sys­tème TGV et ses infra­struc­tures nou­velles, elle dis­pose d’un out­il qui lui per­met d’être très com­péti­tive sur le marché des trans­ports de voyageurs. Encore con­va­les­cente après les crises finan­cières et sociales qu’il a fal­lu sur­mon­ter, on peut espér­er qu’elle retrou­vera les con­di­tions qui lui per­me­t­tront de con­tin­uer de jouer un rôle de pre­mier plan en Europe ; à cet égard, ses résul­tats de traf­ic en 1997 appa­rais­sent comme très encour­ageants, notam­ment en ce qui con­cerne les marchandises.

Sur ces bases, elle dis­pose, comme la DB AG, de la plate-forme de départ qui devrait per­me­t­tre aux deux réseaux, au siè­cle prochain, de con­tribuer à la renais­sance des chemins de fer en Europe, souhaitée par l’U­nion européenne et favorisée par la mon­tée en puis­sance des préoc­cu­pa­tions con­cer­nant l’environnement.

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