Etymologie : à propos de Proust

Étymologie :
À propos de Proust et les polytechniciens

Dossier : Proust et les PolytechniciensMagazine N°785 Mai 2023
Par Pierre AVENAS (X65)

Le mot poly­tech­ni­cien étant traité dans l’Éty­mologiX de mai 2018, l’objet de cet arti­cle est l’étymologie du nom Proust, qui relève de l’onomastique (grec ono­ma « nom »), la sci­ence des noms pro­pres, et plus pré­cisé­ment de l’anthroponymie (grec anthrô­pos « humain » + élé­ment -ônu­mos « nom »), branche par­al­lèle à la toponymie (grec topos « lieu »), à laque­lle Proust s’est intéressé.

Proust, toponymiste à ses heures

Proust a étudié l’étymologie des noms de lieux, qu’il évoque dans À la recherche du temps per­du par le truche­ment de deux de ses per­son­nages. D’abord le curé de Com­bray : « S’il n’entendait rien aux arts, il con­nais­sait beau­coup d’étymologies », mais il fatiguait la tante Léonie « par des expli­ca­tions infinies ». Puis surtout le pro­fesseur Bri­chot, sor­bon­nard un peu pédant, habitué des dîn­ers chez les Ver­durin, féru de toponymie, mais « en énumérant ces éty­molo­gies, Bri­chot avait fait rire de lui ». À pro­pos des vil­lages de Nor­mandie : « Bri­chot, à la prière d’Albertine, nous en avait com­plète­ment expliqué les éty­molo­gies. » Ain­si, le nar­ra­teur avait « trou­vé char­mant la fleur qui ter­mi­nait cer­tains noms, comme Fiq­ue­fleur, Hon­fleur […]. Mais la fleur dis­parut » quand Bri­chot mon­tra que ce « fleur », de même orig­ine nordique que fjord, sig­ni­fie « port ». En défini­tive, avec un peu d’autodérision sans doute, Proust présente l’étymologie comme une gen­tille manie, une éru­di­tion distrayante mais par­fois ennuyeuse.

Proust, du point de vue de l’anthroponymie

Le nom de famille de Mar­cel Proust était au sens pro­pre son patronyme c’est-à-dire le nom de son père, le doc­teur Adrien Proust, un nom qu’il n’aimait guère puisqu’il écrivait dans une let­tre de 1908 : « Quand on a un nom si peu har­monieux, on se réfugie dans son prénom. » Il lui sera épargné de con­naître un homonyme improb­a­ble, le vête­ment nom­mé mar­cel, dont l’éponyme fut un cer­tain Mar­cel Eisen­berg, bon­neti­er à Roanne !

Dans l’Atlas des noms de famille en France (1999), l’étude réal­isée par l’Insee à par­tir des nais­sances en France de 1891 à 1990, Proust fait par­tie des 1 000 noms les plus fréquents, en 679e posi­tion dans la liste com­mençant par Mar­tin, Bernard, Thomas, PetitProust est un dérivé du nom d’un offici­er de jus­tice sous l’Ancien Régime, le prévôt, en ancien français prévost. Il y avait toutes sortes de prévôts : des marchands, de la marine, de la maréchaussée, de l’armée, des mon­naies, de Paris… sans oubli­er le plus con­nu de tous, Éti­enne Mar­cel, prévôt des marchands. Ce nom a pris d’innombrables formes, restées dans la liste actuelle des noms de famille, Prévost en 144e posi­tion, puis Pru­vost, Prévôt, Provost, Prost, Proust, Pru­vot, Lep­révost, Lep­rovost, Prob­st, Provot, Prou­vost, Lep­roust, Prévoteau, Provoost, Prout, Prévotat, Preuvot, Per­bost… Ces vari­antes provi­en­nent sou­vent d’anciennes erreurs de tran­scrip­tion, telles que celle que Proust imag­i­nait en présen­tant son nom comme « une faute d’impression » pour le nom du romanci­er Mar­cel Prévost (X1882).

Enfin, voici l’étymologie de prévôt : de prévost, dou­blet de pré­posé, du latin prae­posi­tus, c’est-à-dire « placé en avant ». Le deux­ième /p/ s’est dis­tin­gué du pre­mier en évolu­ant en /v/, comme du latin pau­per vien­nent paupéris­er et pau­vre ou de papilio vien­nent papil­lon et pavil­lon.

Épilogue : la double postérité du nom Proust

En dehors de la lit­téra­ture, la loi de Proust fut une avancée dans l’histoire de la chimie due à Joseph Proust en 1797 mais si celui-ci n’avait pas énon­cé la loi, un autre y serait sûre­ment arrivé ; alors que, si Mar­cel Proust n’avait pas pro­duit son œuvre, qui d’autre aurait pu l’imaginer ?

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