Emmanuel GRISON (37), la force de conviction

Dossier : TrajectoiresMagazine N°703 Mars 2015
Par Yves QUÉRÉ

À sa sor­tie de l’École, ingénieur des poudres, Emmanuel Gri­son se lance dans la recherche, menant ses travaux de cristal­lo­gra­phie à Paris, à Zürich et au MIT. Doc­teur ès sci­ences, il est bien­tôt nom­mé au CEA, y créant un ser­vice de « radio-métallurgie ».

Soutenu par Jacques Friedel, appelé par lui comme Con­seiller sci­en­tifique, il lance un des tout pre­miers pro­grammes, en France, de sci­ence des matéri­aux, ici dédié aux métaux et aux céramiques à base de transuraniens (Pu, Np, etc.).

La « Commission des 400 »

COLLECTION ÉCOLE POLYTECHNIQUE

Demeuré très proche de l’X, il fait par­tie, dès les années 1950, des dix mem­bres de la fameuse « Com­mis­sion des 400 » (référence à l’objectif de 400 élèves par pro­mo) où il prône d’importantes réformes (options, recherche, etc.) pour une École qu’à l’époque il voit « endormie dans une autosat­is­fac­tion centenaire ».

Les trépidations de 1968

Nom­mé pro­fesseur de chimie en 1964 et mem­bre du con­seil de per­fec­tion­nement de l’École, il vit de près les trép­i­da­tions de 1968 qu’il décrit dans un pas­sion­nant ouvrage où l’on suit celles-ci au jour le jour.

Puis, en 1969, c’est le retour au CEA où lui sont con­fiées, à Saclay, l’importante respon­s­abil­ité de la direc­tion des matéri­aux nucléaires puis, de 1975 à 1978, la direc­tion du centre.

Moderniser lenseignement à l’École

Emmanuel Gri­son revient alors à l’École comme directeur de l’enseignement et de la recherche (DER), le pre­mier à occu­per cette fonc­tion qu’il ne quitte qu’à sa retraite en 1984.

“ Il prône d’importantes réformes pour l’École ”

Il entre­prend là de mod­erniser un enseigne­ment encore mar­qué par des tra­di­tions dont cer­taines, à l’époque, oscil­lent entre le vénérable et le vétuste.

Il se bat pour élargir le bassin de recrute­ment des pro­fesseurs, mod­erniser cer­tains des cours, ouvrir l’enseignement aux options tout en veil­lant à la rigueur du con­cours de sor­tie, trou­ver un équili­bre, dans les cours, entre le théorique et l’expérimental, ren­forcer les départe­ments d’humanités sci­ences sociales (HSS) et de langues, etc.

Une conviction ferme et souriante

LE FONDATEUR DE LA SABIX

Retraite venue, il se lance avec enthousiasme dans l’histoire des sciences, fonde la Société des amis de la Bibliothèque de l’École polytechnique (SABIX), crée son remarquable Bulletin, et rédige articles et livres passionnants dont L’Étonnant Parcours du républicain J.-H. Hassenfratz, lequel fut le premier professeur de physique de l’École.

Au long de tous ces travaux et de toutes ces respon­s­abil­ités, Emmanuel Gri­son a tou­jours frap­pé col­lègues, chercheurs et étu­di­ants par une con­vic­tion ferme et souri­ante qui l’animait dans toutes les dimen­sions de sa vie, par la rigueur intel­lectuelle, le tal­ent péd­a­gogique et la recherche de l’efficacité qu’il met­tait au ser­vice de cha­cune de ses déci­sions, en même temps que par le charme qui émanait de lui et l’aménité qui mar­quait sa rela­tion avec autrui.

C’est, avec le décès d’Emmanuel Gri­son, une per­son­nal­ité excep­tion­nelle que nous per­dons. L’École, le CEA et la Nation lui doivent beau­coup. Il importe que tous ceux qui ont con­nu et aimé l’homme privé sachent, dans leur tristesse, com­bi­en l’homme pub­lic a été éminent.

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