Michel Brisac (47), un grand théoricien de l’expertise

Dossier : ExpressionsMagazine N°642 Février 2009Par : Jean-Bruno KERISEL et Pierre LOEPER (65)

Il y a quelques mois à peine, Michel Brisac fai­sait le déplace­ment de Paris à Bor­deaux pour se ren­dre au Con­grès nation­al du Con­seil nation­al des com­pag­nies d’ex­perts de justice.

Il par­tic­i­pait aux travaux, prenant à son habi­tude la parole, appor­tant son point de vue — un point de vue qui pesait tou­jours — et cette fois, ceux qui l’ont enten­du s’en sou­vi­en­nent, sur la conciliation.

Cette image est celle de l’homme que nous aimions : un homme men­tale­ment debout, à la pen­sée riche, ani­mée par un raison­nement puis­sant et soutenue par une très vaste culture.

C’é­tait le Michel Brisac au faîte de sa matu­rité, inchangé au fil des décen­nies, en une sorte de per­ma­nence d’être, avec sa pipe et son sourire ironique, affectueux.

Ingénieur-con­seil en béton armé et en struc­ture métallique, il a été inscrit sur la liste de la cour d’ap­pel de Paris en 1975 puis sur la liste nationale en 1981.

Résis­tant à seize ans puis engagé dans la pre­mière armée française, Michel Brisac était tit­u­laire de la Croix de guerre et cheva­lier de la Légion d’honneur.

Un analyste rigoureux

Michel fut d’abord un très grand tra­vailleur. Ses avis, notam­ment sur la procé­dure, trou­vaient leurs fonde­ments dans une analyse rigoureuse des textes, autant que dans une con­nais­sance éten­due du droit et de la jurispru­dence. Il ne man­quait pas une réu­nion d’im­por­tance, l’e­sprit tou­jours en éveil.

Il tra­vail­lait spon­tané­ment et généreuse­ment pour l’in­térêt général, et c’est ain­si qu’il a été un théoricien recon­nu de l’ex­per­tise. Nous lui devons en par­ti­c­uli­er ce con­cept de ” la tech­nique exper­tale alliée à la tech­nique tech­ni­ci­enne “.

Il fut aus­si un des grands ani­ma­teurs et des plus puis­sants inspi­ra­teurs des organ­i­sa­tions ou insti­tu­tions du corps exper­tal : la Com­pag­nie des ingénieurs experts de Paris, l’UCE­CAP (Union des com­pag­nies d’ex­perts près la cour d’ap­pel de Paris) dont il a été le prési­dent de 1986 à 1989, la CNIDECA (Com­pag­nie nationale des ingénieurs diplômés experts près les cours d’ap­pel et les juri­dic­tions admin­is­tra­tives) qu’il a créée en 1991 et qui est mem­bre du Con­seil nation­al des ingénieurs et sci­en­tifiques de France.

La Fédéra­tion, avant qu’elle ne devi­enne le Con­seil nation­al, a voté en 2003 à l’u­na­nim­ité, qu’il en devi­enne prési­dent d’honneur.

Rarement nous avons ren­con­tré quelqu’un ayant une telle autorité, sans com­pro­mis par rap­port à la com­pé­tence et l’indépen­dance d’e­sprit. C’est sans doute pourquoi les exper­tis­es les plus dif­fi­ciles lui étaient con­fiées par les juridictions.

Un prix ” Michel Brisac ”

Mais Michel était aus­si bien­veil­lant, généreux dans ses con­seils à ses con­frères plus jeunes, et humain dans l’ex­per­tise, ayant con­science des con­séquences de ses avis, en par­ti­c­uli­er à l’é­gard des entre­pris­es dont il con­nais­sait les dif­fi­cultés de réal­i­sa­tion des chantiers.

Michel Brisac aura sans doute trou­vé dans l’ex­per­tise judi­ci­aire le cadre où exercer ses qual­ités intel­lectuelles et humaines. L’ex­per­tise et les experts étaient sa vie.

Car il s’im­mergeait, dès qu’il le pou­vait, dans le corps exper­tal, spé­ciale­ment quand ce corps ren­con­trait des dif­fi­cultés, tant pour con­fron­ter son point de vue avec d’autres, que pour rechercher l’in­térêt général. Michel était, à bien des égards, non seule­ment un grand théoricien de l’ex­per­tise, mais l’âme de nos insti­tu­tions. Il masquait avec pudeur une disponi­bil­ité rare à ren­dre ser­vice, sans économiser sa per­son­ne et son temps, effi­cace et discret.

La mémoire de Michel Brisac, son exem­ple, la référence à ce que, dans des cir­con­stances futures, il aurait dit ou pen­sé res­teront présents, et plus encore vivants, dans nos institutions.

C’est pourquoi le Con­seil nation­al, asso­ci­a­tion désor­mais recon­nue d’u­til­ité publique, a décidé d’in­stituer en sa mémoire un prix Michel Brisac.

Par Jean-Bruno KERISEL ET Pierre LOEPER (65)

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