Editorial

Dossier : La biodiversitéMagazine N°616 Juin/Juillet 2006
Par Jean-Marc JANCOVICI (81)

Qu’est-ce que la bio­di­ver­sité, et à quoi sert-elle ? Si un enfant de cinq ans vous pose la ques­tion, il n’est pas dit qu’il sera si facile de lui répon­dre. La bio­di­ver­sité se définit-elle par le nom­bre d’e­spèces exis­tantes ? Mais com­ment savoir com­ment il évolue, alors que le nom­bre d’e­spèces élé­men­taires fait l’ob­jet d’un per­pétuel débat ? Les effec­tifs des espèces sont-ils à pren­dre en compte, ou juste le nom­bre de ces dernières ? Il est clair que, pour les ani­maux supérieurs, le résul­tat dépen­dra large­ment de la con­ven­tion retenue. Faut-il tenir compte de la var­iété géné­tique intraspé­ci­fique ? Les ani­maux supérieurs doivent-ils béné­fici­er d’un “coef­fi­cient de pondéra­tion” supérieur à celui des ani­maux inférieurs, au motif que l’an­thro­po­mor­phisme joue à plein, ou au con­traire d’un coef­fi­cient inférieur, au motif que ce sont les moins néces­saires aux grandes fonc­tions homéo­sta­tiques que la vie assure sur terre (à com­mencer par le main­tien d’une atmo­sphère com­posée d’oxygène et d’a­zote, qui n’ex­is­terait pas sur une planète sans vie) ?

Admet­tons que nous sachions cor­recte­ment définir cette bio­di­ver­sité, ce qui, nous allons le voir, n’est pas le moin­dre des défis, faut-il tou­jours la préserv­er, ou savoir lut­ter con­tre par­fois ? Cette ques­tion peut paraître éton­nante aux urbains que nous sommes devenus, ne voy­ant la nature que comme un grand parc récréatif, mais il con­viendrait de ne pas oubli­er qu’une large par­tie de notre activ­ité, depuis la séden­tari­sa­tion de l’homme, a pré­cisé­ment con­sisté à dimin­uer locale­ment la bio­di­ver­sité. L’a­gri­cul­ture, qui sert à cette bagatelle qui s’ap­pelle manger, ce n’est en effet rien d’autre que le rem­place­ment d’un écosys­tème “naturel” par un écosys­tème dirigé con­sid­érable­ment plus appau­vri sur le plan de la bio­di­ver­sité, puisque idéale­ment réduit à la seule espèce cul­tivée. Pour­tant, il ne viendrait à per­son­ne l’idée d’a­ban­don­ner l’a­gri­cul­ture pour préserv­er la bio­di­ver­sité ! Manger ou préserv­er, cet antag­o­nisme est plus fréquent qu’on ne le pense : une large par­tie de la déforesta­tion, aux tropiques, qui frag­ilise ou détru­it les espèces par destruc­tion d’habi­tat, est le fruit de la recherche de nou­velles sur­faces agri­coles. Se déplac­er vite et loin abîme aus­si les écosys­tèmes, directe­ment par destruc­tion des espaces con­sacrés aux infra­struc­tures et loge­ments, et indi­recte­ment par intro­duc­tion (in)volontaire d’e­spèces envahissantes, voire glob­ale­ment à cause du change­ment cli­ma­tique : com­ment arbi­tr­er entre nos déplace­ments et nos souhaits de préservation ?

Enfin, pour com­pli­quer le tout, la réponse à toutes ces ques­tions dépen­dra d’une inter­ro­ga­tion préal­able : la bio­di­ver­sité, est-ce un con­cept local, ou glob­al ? Est-il impor­tant qu’une espèce existe à un endroit pré­cis, ou qu’elle existe n’im­porte où ?

Autant éviter la pub­lic­ité men­songère : il est peu prob­a­ble que vous refer­miez ces pages avec une réponse exhaus­tive et sat­is­faisante à toutes ces ques­tions. Mais nous espérons que ce numéro, coor­don­né par Olivi­er Laroussinie (83), avec le con­cours de Benoît Leguet (97), Guil­laume De Smedt (95), François Dau­gy (59), Franck Le Gall (91), Alain Chardon (88), Marie-Véronique Gaudu­chon (91), vous aidera à mieux com­pren­dre les ter­mes du débat. Je remer­cie vive­ment les auteurs pour leur con­tri­bu­tion et le temps qu’ils y ont con­sacré. Et main­tenant, selon l’ex­pres­sion con­sacrée, bonne lecture !

X‑Environnement : www.x‑environnement.org — l’ensem­ble du présent numéro et la descrip­tion de nos activ­ités peu­vent s’y retrouver.

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