Du vent dans les branches de sassafras

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°559 Novembre 2000Par : René de ObaldiaRédacteur : Philippe OBLIN (46)

Il est doux de médire du ciné­ma améri­cain et plus encore de trou­ver, tout cuits, des ali­ments pro­pres à rafraîchir cette médi­s­ance. Ces con­sid­éra­tions expliquent sans doute, au moins en par­tie, le suc­cès obtenu par la reprise récente d’une désopi­lante pièce de Obal­dia, Du vent dans les branch­es de sas­safras, d’abord au Théâtre du Ranelagh puis, pour les dernières représen­ta­tions, au Petit Théâtre de Paris.

Le sas­safras est une façon de lau­ri­er d’Amérique du Nord, util­isé là-bas non pas pour couron­ner des vain­queurs de jeux lit­téraires, mais plus prosaïque­ment pour ses ver­tus aro­ma­tiques. Peu importe d’ailleurs, et la pièce de Obal­dia nous présente, à la manière d’un west­ern foireux, avec méchants Indi­ens et putain au grand coeur, les tribu­la­tions d’un fer­mi­er besogneux du Mid­dle West, nom­mé Rock­e­feller par antin­o­mie, doté d’une épouse voy­ante à ses heures, d’un fils et d’une fille légitimes et endi­a­blés, d’un ami médecin et alcoolique, d’un passé impur qui ressur­git au pire moment, assiégé en sa ferme par les Indi­ens, tout ce monde sauvé in extrem­is des tor­tures les plus atro­ces par l’arrivée d’un shérif à la générosité ombrageuse.

L’ensemble, enrichi par la langue somptueuse et cocasse de Obal­dia, était fort bien joué par Mau­rice Bar­ri­er en Rock­e­feller essouf­flé, naïf et sûr de soi, bien que totale­ment dépassé par les événe­ments, et une troupe d’un exquis burlesque.

À de cer­tains moments, surtout vers la fin, on retrou­vait des accents à la Gre­nier-Hussenot et Frères Jacques quand, du côté de Saint-Ger­main-des-Prés, ils inter­pré­taient Ori­on le tueur, charge, non pas d’un west­ern, mais d’un mélo­drame à la française, bien hor­ri­ble façon Boule­vard du Crime. Le très grand théâtre, ver­sant comique, n’est donc pas mort !

La mise en scène était de Le Douarec, qui avait mon­té l’an dernier au Théâtre Qua­torze des Obal­dia­b­leries dont je vous avais entretenus en leur temps dans ces colonnes. Je serais ten­té de for­muler à pro­pos de ce Vent dans les branch­es de sas­safras des réserves com­pa­ra­bles à celles que j’émettais alors : un peu trop d’agitations, dan­sées cette fois. Certes il arrive aux mau­vais west­erns de vers­er dans le music-hall pour com­penser l’inanité du sujet et occu­per les spec­ta­teurs en leur mon­trant une large gamme des pos­si­bil­ités offertes par l’art ciné­matographique. Il en fal­lait donc pour mag­ni­fi­er la gra­tu­ite niais­erie de cette his­toire à dormir debout.

En l’occurrence, j’aurais préféré que ces dans­es fussent plus grotesques et surtout moins longuettes. Comme elles inter­ve­naient plutôt au début, on en reti­rait le sen­ti­ment d’une mise en bran­le tant soit peu laborieuse, qui pour­tant n’est pas dans le texte.

Puisque nous en sommes à rire, par­don­nez-moi de sauter du coq à l’âne, encore que restant dans une veine comique, cette fois involon­taire mais que goûteront les lecteurs ayant naguère peiné en classe de six­ième sur l’Epit­o­me his­to­ri­ae grae­cae. Je viens de lire dans une biogra­phie fort sérieuse et riche­ment doc­u­men­tée de Rim­baud, pub­liée récem­ment par un des plus grands édi­teurs parisiens, que le jeune Arthur avait, à la pen­sion Rossat de Charleville, étudié l’histoire des Grecs d’Epitome. O tem­po­ra, o mores !

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