Le maire est à l’écoute de ses concitoyens.

Demain la “e‑democracy“ ?

Dossier : La France en 2050Magazine N°603 Mars 2005
Par René TRÉGOUËT

La Jaune et la Rouge : Vous venez de renoncer à votre poste de sénateur pour vous consacrer à la diffusion du bon usage de l’Internet dans la population française, et particulièrement dans les relations des élus avec les citoyens, au cours de leur mandat. Une telle décision manifeste l’importance que vous attribuez à cette diffusion.

La Jaune et la Rouge : Vous venez de renoncer à votre poste de sénateur pour vous consacrer à la diffusion du bon usage de l’Internet dans la population française, et particulièrement dans les relations des élus avec les citoyens, au cours de leur mandat. Une telle décision manifeste l’importance que vous attribuez à cette diffusion.

René Tré­gouët : Impor­tance con­sid­érable dans tous les types de rela­tions entre êtres humains : com­mer­ciales, éduca­tives… et bien enten­du poli­tiques. Sur ce dernier point, il appa­raît net­te­ment que la démoc­ra­tie représen­ta­tive, où la ges­tion des affaires publiques est assurée par une équipe de qua­si-pro­fes­sion­nels sans rela­tions inter­ac­tives avec les citoyens, ne cor­re­spond plus à l’évo­lu­tion de la pop­u­la­tion. Celle-ci n’est plus inculte, elle est capa­ble de com­pren­dre beau­coup de choses con­cer­nant son avenir et celui de ses enfants. 

N’est-elle pas consentante à son éviction ? et peut-elle se plaindre de manquer d’informations à une époque où les médias surabondent ?

R. T. : Elle est con­sen­tante dans la mesure où elle n’a pas d’autre mod­èle de com­porte­ment ; mais elle reste à l’é­coute des pro­pos sim­plistes et néga­teurs que répan­dent les mécon­tents, d’où l’in­sta­bil­ité de l’opin­ion fréquem­ment dénoncée. 

Les médias con­courent aus­si à cette insta­bil­ité, moins par esprit par­ti­san que par besoin de se ven­dre ; il leur faut de l’humeur et du sen­sa­tion­nel. Dans ce con­cert, les élus en posi­tion de respon­s­ables ne trou­vent pas d’autres moyens que de com­mu­ni­quer à sens unique par des expli­ca­tions dont ils ne con­trô­lent pas l’impact. 

Peuvent-ils faire davantage ? Même s’ils le souhaitaient, comment pénétrer dans chacun des foyers de leur circonscription et où trouver le temps de débattre avec chaque individu ?


Le maire est à l’écoute de ses concitoyens.
© ATLAS DE LA FRANCE VERTE, PHOTO MERILLON-SIMON

R. T. : Juste­ment ! Ils le peu­vent aujour­d’hui, ou ils vont le pou­voir d’i­ci peu. Aujour­d’hui près de la moitié des Français est branchée sur Inter­net, et les lois qui vien­nent d’être votées fin 2003 et au cours du pre­mier semes­tre 2004 ont don­né le feu vert pour éten­dre le “haut débit” à tout le ter­ri­toire français. 

Cela veut-il dire que l’élu pourra diffuser une déclaration, ou un compte rendu, plusieurs fois par semaine au lieu d’une fois par trimestre ?

R. T. : Non, le pre­mier à s’ex­primer c’est le citoyen : le com­merçant, la mère de famille, l’ou­vri­er mécani­cien, le notaire… 

Ce sera bien évidemment les rouspéteurs qui s’exprimeront les premiers…

R. T. : Tant mieux ! Car les autres citoyens se met­tront devant leur écran pour assis­ter au débat et se faire leur pro­pre idée. 

Ne craignez-vous pas que la sympathie aille automatiquement à celui qui criera le plus fort ?

R. T. : Je n’en crois rien, la vio­lence ver­bale dis­qual­i­fie dans un dia­logue de per­son­ne à per­son­ne ; l’é­coute atten­tive est réservée à celui qui raisonne juste en s’ap­puyant sur les faits con­crets, con­nus des inter­nautes, ceux-ci se sen­tent même l’en­vie d’in­ter­venir, et ils y viennent. 

À vous entendre, on dirait que ce dialogue se déroule en temps réel, avec questions-réponses instantanées.

R. T. : Ce serait dan­gereux pour l’ob­jec­tiv­ité des inter­locu­teurs, le désir de “mar­quer un point” l’emporterait sur le respect de la vérité ; un temps doit être lais­sé à la réflex­ion avant la réplique. 

Mais alors, cela va être bien ennuyeux, ” les combats de coqs ” à la télévision, c’est plus drôle.

R. T. : Ceux pour qui un débat est ennuyeux sont ceux que le sujet débat­tu n’in­téresse pas : leur nom­bre éclair­era l’élu sur ce qui intéresse nos conci­toyens et il décou­vri­ra les pri­or­ités à observ­er, ain­si que les igno­rances à combler. La com­mu­ni­ca­tion par Inter­net est un puis­sant instru­ment d’é­d­u­ca­tion, tant pour le gou­ver­nant que pour le gouverné. 

Je comprends, une longue éducation sera nécessaire.

R. T. : Pas telle­ment longue, les jeunes ont déjà l’habi­tude d’u­tilis­er l’In­ter­net dans leurs con­cer­ta­tions à dis­tance et leur intérêt pour les affaires publiques s’éveillera davan­tage devant un écran que devant l’urne d’un bureau de vote. Parce qu’ils auront con­science d’ac­quérir, grâce à une péd­a­gogie sur mesure, le droit de s’ex­primer sur ce qui leur était jusque-là totale­ment étranger. 

Il faudra quand même surmonter, pour le non-usager de l’Internet, la difficulté de l’expression écrite et la sécheresse des messages laconiques qui apparaissent sur l’écran.

R. T. : C’est pourquoi l’ac­cès au haut débit doit être général­isé ; cela per­me­t­tra l’ex­pres­sion orale et même l’ex­pres­sion visuelle, par le geste et la mim­ique. Ain­si ce ne seront pas seule­ment des cerveaux qui com­mu­ni­queront entre eux, mais des per­son­nes vivantes. 

Et les élus ? Comment feront-ils leur apprentissage ?

R. T. : C’est le but de l’as­so­ci­a­tion que je viens de créer en renonçant à mon poste de séna­teur ; nous allons tiss­er une toile d’araignée de moni­teurs sur tout le ter­ri­toire français, en nous con­nec­tant avec tous les types de dif­fuseurs de l’In­ter­net et aus­si avec de nom­breux con­seillers de communication. 

Croyez-moi, d’i­ci qua­tre ans, avant les prochaines élec­tions munic­i­pales, il y aura du change­ment… et, d’i­ci votre année 2050 qui vous préoc­cupe tant, les modes de rela­tions entre les êtres humains de toute la planète seront sin­gulière­ment modifiés. 

René Tré­gouët est depuis trente et un ans Con­seiller général de Saint-Lau­rent de Chamous­set (Rhône) où il a fait sur­gir une cen­taine d’en­tre­pris­es occu­pant plus de 2 000 per­son­nes et dis­posant d’un réseau de télé­com­mu­ni­ca­tions très mod­erne. Vice-prési­dent du Con­seil général et séna­teur jusqu’en sep­tem­bre 2004 où il a choisi de s’in­ve­stir dans une mis­sion qu’il juge de grand avenir pour la France.

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