Contourner l‘obstacle du référencement des fournisseurs

Dossier : Management, le conseil en première ligneMagazine N°688 Octobre 2013
Par Philippe ROCHE (76)

Depuis quelques années, la plu­part des entre­pris­es français­es ont mis en place ce sys­tème de référence­ment de leurs four­nisseurs. Ce sont les très grandes entre­pris­es qui ont com­mencé, puis la plu­part des autres les ont imitées. Qua­tre raisons sont à l’origine de cette démarche.

REPÈRES
Dans les sociétés impor­tantes, les four­nisseurs infor­ma­tiques sont choi­sis dans une liste établie à l’initiative du ser­vice infor­ma­tique. Ce dernier dresse une liste des four­nisseurs qui seront autorisés à répon­dre aux appels d’offres émis par la société, liste ensuite validée par le ser­vice des achats. Les critères le plus sou­vent retenus pour cette sélec­tion sont d’abord des critères de taille de la société référencée – chiffre d’affaires, nom­bre de salariés –, et des critères de sérieux – étude du bilan, ren­con­tre avec les dirigeants. En out­re, il est fréquent que le nom­bre de four­nisseurs par domaine soit limité.

Limiter les risques de défaillance des fournisseurs

La pre­mière rai­son qui con­duit à cette sit­u­a­tion est de ne faire appel qu’à des sociétés sérieuses qui pour­ront répon­dre sans risque de défail­lance aux appels d’offres émis. Dans le cas de la sous-trai­tance infor­ma­tique, cette rai­son est par­faite­ment logique pour les mis­sions au for­fait, mais pas pour celles en régie.

En régie, c’est la qual­ité de la per­son­ne déléguée qui importe

Au for­fait, le four­nisseur s’engage sur un résul­tat, met en place ses pro­pres procé­dures pour l’atteindre et paye des pénal­ités s’il n’atteint pas ce résul­tat. Il est donc com­préhen­si­ble que les mis­sions au for­fait soient con­fiées à de grands groupes qui peu­vent mieux pren­dre en charge ces procé­dures et ces risques.

En régie, le four­nisseur met à dis­po­si­tion du client un infor­mati­cien ayant les com­pé­tences qui cor­re­spon­dent au besoin. Il tra­vaille chez le client et c’est le client qui le gère. Dans ce cas, la taille de la société n’intervient pas et c’est la qual­ité des com­pé­tences de la per­son­ne déléguée qui importe. Le risque se lim­ite au coût de recherche d’un rem­plaçant si le four­nisseur est défaillant.

Un argument pas toujours fondé

La deux­ième rai­son qui motive le référence­ment est d’ordre économique : pour obtenir d’être référencés, les four­nisseurs acceptent des remis­es tar­i­faires liées aux vol­umes des com­man­des espérées. Mais, en pra­tique, ce n’est pas tou­jours une bonne affaire.

Si l’on con­sid­ère par exem­ple le cas des mis­sions con­fiées en régie à des SSII, on con­state que, grâce au référence­ment, les clients arrivent à négoci­er une remise de l’ordre de 10 %. Mais ces sociétés référencées (et donc de taille impor­tante) pra­tiquent des tar­ifs de référence qui sont fréquem­ment de 20% plus élevés que ceux de plus petites sociétés. Au total le client aurait pu gag­n­er 10% en s’adressant à ces dernières.

Des fournisseurs connus en nombre limité

Y a‑t-il un syn­drome Cap Gemini ?
Dans les années 1970, lorsque l’achat de matériel infor­ma­tique con­sti­tu­ait une part impor­tante du bud­get infor­ma­tique, on par­lait du « syn­drome IBM ». Les machines IBM étaient chères, mais un inci­dent sur une machine IBM provo­quait seule­ment une colère du client sans con­séquence pour l’acheteur. Alors qu’un inci­dent sur une machine d’une autre mar­que pou­vait con­duire au licen­ciement de celui qui avait fait l’erreur de l’acheter. Aujourd’hui, on peut se deman­der si, en matière de ser­vices infor­ma­tiques, il n’y a pas un « syn­drome Cap Gemini ».

Les deux autres moti­va­tions tien­nent à l’incapacité du ser­vice des achats à gér­er un nom­bre impor­tant de références à des coûts accept­a­bles. Cette jus­ti­fi­ca­tion est logique : réduire le nom­bre de four­nisseurs et donc les frais admin­is­trat­ifs. Elles tien­nent aus­si à l’assurance, au moins théorique, que représente une grande marque.

La vie difficile des petites structures

Ces pra­tiques ne réduisent guère la marge des grandes sociétés référencées, qui ont de vraies capac­ités de négo­ci­a­tion et peu­vent exiger des efforts de leurs pro­pres sous-trai­tants, en général de petites sociétés ou des tra­vailleurs indépen­dants (free-lance) qui sont les pre­miers à pâtir de la sit­u­a­tion. Il est en fait presque impos­si­ble aux free-lance de se faire référencer. Ils doivent donc pass­er par de grandes sociétés qui sont référencées et dont le seul tra­vail est d’émettre une fac­ture par mois. Ce tra­vail est rémunéré par une dif­férence entre leur prix de vente et leur prix d’achat, qui peut attein­dre 20 %, voire plus.

Sortir de l’impasse

Pour un tra­vailleur indépen­dant, il existe plusieurs solu­tions pour lut­ter con­tre cette sit­u­a­tion. Une pre­mière solu­tion (qui est déjà util­isée) con­siste à se lim­iter aux mis­sions déli­cates et com­pliquées pour lesquelles le client final ne trou­ve pas de com­pé­tence cor­re­spon­dante via les sociétés référencées. En effet, presque tous les sys­tèmes de référence­ment acceptent des excep­tions : le deman­deur, quand il ne trou­ve pas la com­pé­tence dans les sociétés référencées, a le droit de sign­er avec des sociétés non référencées.

Il est presque impos­si­ble aux free-lance de se faire référencer

Une deux­ième con­siste à sous-traiter par l’intermédiaire des sociétés référencées. Si l’on a déjà trou­vé le client et que le tra­vail de la société référencée ne con­siste qu’à émet­tre une fac­ture par mois, les 20 % de marge habituelle sem­blent un peu impor­tants. En revanche, si la société référencée apporte aus­si le client, ces 20% parais­sent justifiés.

Troisième voie

Une troisième solu­tion que je sug­gère pour les free-lance est de faire référencer une société qui ne prendrait que 10 % pour sous-traiter les mis­sions réal­isées par ses affil­iés. Dans ce sché­ma, le tra­vail de la société référencée se lim­it­erait à être l’intermédiaire de fac­tura­tion entre le client final et les free-lance ou les petites sociétés (non référençables) et à les pay­er en prenant seule­ment 10 % de marge.

Un parte­naire pour les free-lance
Dans le sché­ma sug­géré, les free-lance pour­raient s’appuyer sur un parte­naire pour tra­vailler dans les grands comptes. Une telle société devrait être assez grosse pour être référencée par les grands comptes, mais avoir une taille lim­itée pour pou­voir établir des fac­tures avec des frais inférieurs à 10% de leur montant.

Il faudrait évidem­ment que les grands comptes vali­dent ce sché­ma : cette opéra­tion peut se faire, a pri­ori, auprès des clients ou bien, au coup par coup, à la demande des free­lance ayant une mis­sion chez un client qui pra­tique le référence­ment et leur demande de pass­er par une société référencée.

Cette troisième voie pour­rait ne pas plaire à cer­tains clients car ils auraient affaire à un « four­nisseur-écran ». Mais c’est déjà ce qui se passe avec les SSII référencées pour leurs mis­sions en régie : elles sous-trait­ent, en effet, nom­bre de leurs mis­sions en régie dans d’autres SSII non référencées ou auprès de free-lance et perçoivent à ce titre une part du chiffre d’affaires, sou­vent autour de 20 %. Le sché­ma pro­posé amène donc à réduire la marge con­servée par le four­nisseur référencé.

Il peut donc séduire des clients qui cherchent à opti­miser leur sous-trai­tance tout comme la société inter­mé­di­aire qui pour­ra dévelop­per son flux d’affaires.

2 Commentaires

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Tru Do-Khacrépondre
16 octobre 2013 à 6 h 55 min

Délivr­er une presta­tion de con­seil via une société référencée

Pour un sous-trai­tant, les prob­lèmes de pass­er par un inté­gra­teur glob­al de ser­vice sont les suivants :

— 1. perte de chance de dévelop­per sa mar­que ou réputation
2. perte de chance d’ap­préci­er directe­ment sa valeur ajoutée à la solu­tion finale 
— 3. risque d’al­ié­na­tion (dilu­tion) de son savoir-faire et de ses méthodes. 

A ces prob­lèmes, voici quelques remèdes 

- 1. déc­la­ra­tion d’i­den­tité du sous-trait au client final
— 2. fac­tura­tion directe du sous-traitant
— 3. accords de pro­priété intel­lectuelle sauve­g­ar­dant les capac­ités d’in­no­va­tion le long de la chaîne de fourniture 

Ces remèdes peu­vent naître pourvu que le client final y invite via ses con­di­tions générales d’achat. Depuis 2009, la com­mande publique mon­tre la voie. A la com­mande privée de s’en inspirer.

Lionel Mrépondre
11 décembre 2017 à 16 h 10 min

Con­tourn­er l‘obstacle du référence­ment des four­nisseurs
Bon­jour,

Ce sujet date de 2013.
Je trou­ve que rien n’a changé … et vous ? Du mieux dans la chaîne d’intermédiation ?
Merci 

LM

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