Comment se porte le capital-risque en Chine ?

Dossier : Regards sur la ChineMagazine N°589 Novembre 2003
Par Emmanuel MERIL

Le Cap­i­tal-risque en Chine en est encore à ses débuts et un véri­ta­ble marché ne s’est pas dégagé à ce jour. Il est vrai que les moyens d’in­vestisse­ment offerts par la lég­is­la­tion chi­noise sont encore empreints de lacunes et de rigid­ités. Trois véhicules se dis­tinguent : les investisse­ments directs, les investisse­ments via une société locale de place­ments à risque ou via une société de ges­tion de fonds de capital-risque.

Investissements directs

Les investisse­ments directs recou­vrent l’étab­lisse­ment (ou la prise de par­tic­i­pa­tion au sein) d’en­tre­pris­es à par­tic­i­pa­tion étrangère (société en joint ven­ture ou société à cap­i­tal exclu­sive­ment étranger). Bien que le cadre légal soit rel­a­tive­ment bien délim­ité, il existe de nom­breuses entrav­es à la flu­id­ité des mou­ve­ments de cap­i­taux. His­torique­ment, les entre­pris­es à par­tic­i­pa­tion étrangère n’ont pas été créées dans le but de favoris­er des investisse­ments financiers, mais comme des vête­ments juridiques adap­tés aux pro­jets indus­triels ou de four­ni­ture de ser­vices. Ain­si, la loi chi­noise prévoit que l’en­trée et la sor­tie des cap­i­taux néces­si­tent une appro­ba­tion administrative.

Out­re la lour­deur des procé­dures d’ap­pro­ba­tion, les droits de la par­tie chi­noise sont forte­ment pro­tégés par les autorités admin­is­tra­tives, notam­ment par un strict con­trôle du con­tenu des con­trats de joint ven­ture. Par ailleurs, toute créa­tion d’en­tre­prise doit être précédée de la soumis­sion d’une étude de fais­abil­ité, ce qui inter­dit la créa­tion de sociétés dor­mantes ou de sociétés ayant des objets soci­aux rel­a­tive­ment éten­dus. La régle­men­ta­tion chi­noise sur les investisse­ments étrangers exige égale­ment, dans de nom­breux secteurs, l’adop­tion d’une struc­ture en joint ven­ture (avec par­fois l’oblig­a­tion d’al­louer la majorité des parts aux asso­ciés chinois).

Enfin, l’ar­ti­cle 12 de la loi sur les sociétés dis­pose qu’une société ne peut inve­stir dans une autre société plus de 50 % de ses act­ifs nets, à l’ex­cep­tion des sociétés d’in­vestisse­ment ou des hold­ings. Ces struc­tures clas­siques, qui sont des investisse­ments générale­ment indus­triels, ne con­vi­en­nent pas ain­si aux investisse­ments pure­ment financiers, qui exi­gent habituelle­ment une grande flex­i­bil­ité et flu­id­ité (out­re une forte rentabilité).

Sociétés chinoises de placements à risque

Environnement général

Il existe à ce jour en Chine plus de 250 sociétés de place­ments à risque qui gèrent un cap­i­tal-risque d’en­v­i­ron 4,8 mil­liards de dol­lars US. La pre­mière société locale de place­ments à risque — Chi­na New Tech­nol­o­gy Ven­ture Cap­i­tal Invest­ment Co, Ltd — a été créée à Bei­jing, en 1985. Il s’ag­it de sociétés à cap­i­taux exclu­sive­ment chi­nois ou à par­tic­i­pa­tion étrangère. Dans ce dernier cas, ces sociétés ne peu­vent plac­er que leurs cap­i­taux propres.

Aujour­d’hui de nom­breux obsta­cles juridiques empêchent le développe­ment des sociétés de place­ments à risque. On peut citer :

  • l’ab­sence de loi-cadre applic­a­ble au capital-risque,
  • l’im­pos­si­bil­ité de créer des sociétés en commandite,
  • la restric­tion sur le cap­i­tal social et le vol­ume des investissements,
  • l’in­suff­i­sance des ressources financières,
  • le manque de sou­p­lesse des modal­ités de sortie,
  • la com­plex­ité des procé­dures d’étab­lisse­ment et de gestion,
  • l’ab­sence de marché sec­ondaire (tel que le Nou­veau Marché).

Sociétés de placements à risque à participation étrangère

Le Règle­ment pro­vi­soire sur la créa­tion des sociétés de place­ments à risque à par­tic­i­pa­tion étrangère (appelé ci-après le Règle­ment), en date du 28 août 2001, laisse cepen­dant entrevoir une amélio­ra­tion du cadre légal. Le Règle­ment régit les cap­i­taux investis dans les sociétés de hautes et nou­velles tech­nolo­gies, non cotées en Bourse. Les sociétés peu­vent revêtir les formes clas­siques prévues par la régle­men­ta­tion sur les investisse­ments étrangers en Chine, à savoir entre­pris­es à cap­i­taux mixtes, entre­pris­es de coopéra­tion sino-étrangère avec ou sans per­son­nal­ité morale, et entre­pris­es à cap­i­taux exclu­sive­ment étrangers.

Il con­vient de not­er que les investis­seurs au sein d’une entre­prise de coopéra­tion sino-étrangère sans per­son­nal­ité morale peu­vent prévoir, dans leur con­trat de coopéra­tion, qu’un investis­seur au moins agi­ra comme com­man­dité et que les autres investis­seurs pour­ront n’être tenus que sur leurs apports. De sur­croît, la société de place­ments à risque à par­tic­i­pa­tion étrangère peut libre­ment inve­stir la total­ité de ses act­ifs au sein d’autres sociétés.

Le régime des sociétés de place­ments à risque à cap­i­taux étrangers mis en place est cepen­dant extrême­ment strict, ce qui en fait un véhicule peu adap­té et utilisé.

Le Règle­ment prévoit trois voies pour la sor­tie des placements :

1) trans­fert des parts à un tiers,
2) rachat des parts par la société investie,
3) intro­duc­tion en Bourse.

En toute hypothèse, un investis­seur ne peut se retir­er avant que l’ap­port souscrit par celui-ci ne soit com­plète­ment libéré.

S’agis­sant d’une société à par­tic­i­pa­tion étrangère, les appro­ba­tions par les autorités com­pé­tentes demeurent strictes tant en ce qui con­cerne l’é­tape de créa­tion qu’au niveau de la sor­tie. De plus, rel­a­tive­ment à la ges­tion et à la dis­tri­b­u­tion des béné­fices, dès lors que le droit chi­nois n’en­vis­age pas l’ex­is­tence d’une assem­blée des action­naires aux entre­pris­es à par­tic­i­pa­tion étrangère, le con­seil d’ad­min­is­tra­tion ou le comité de parte­nar­i­at est investi par la loi de l’au­torité suprême.

Il est prob­a­ble que les règles actuelles seront mod­i­fiées prochaine­ment. On notera que le pro­jet de mesures sur l’ad­min­is­tra­tion des sociétés d’in­vestisse­ments à risque prévoit des actions priv­ilégiées ordi­naires et con­vert­ibles et la pos­si­bil­ité de con­fi­er à un tiers la ges­tion de la société de place­ments à risque. De plus, les autorités ont exprimé leur inten­tion de mod­i­fi­er le Règle­ment. Ain­si, l’abaisse­ment du seuil d’ac­ces­si­bil­ité aux investis­seurs étrangers, out­re d’éventuelles préférences fis­cales, serait envis­agé. La mod­i­fi­ca­tion de la loi sur les sociétés est égale­ment à l’étude.

En tout état de cause, les activ­ités des sociétés de place­ments à risque à par­tic­i­pa­tion étrangère ne se lim­i­tent qu’aux pris­es de par­tic­i­pa­tion directes et ne s’é­ten­dent pas à des opéra­tions sur les fonds de placements.

Sociétés de gestion de fonds de capital-risque

Cette méth­ode pour­rait être une voie ouverte aux investis­seurs étrangers, si le pro­jet de loi sur les fonds d’in­vestisse­ment en valeurs mobil­ières était adop­té (ce pro­jet est actuelle­ment soumis au comité per­ma­nent de l’Assem­blée nationale pop­u­laire pour exa­m­en). La loi en exa­m­en pour­rait instituer un com­par­ti­ment bour­si­er de cap­i­tal-risque. Le pre­mier fonds d’in­vestisse­ment de cap­i­tal-risque a été établi en 1989, à Shen­zhen, dans le sud de la Chine. Depuis le 1er juil­let 2002, les investis­seurs étrangers peu­vent béné­fici­er d’un moyen par­al­lèle insti­tué par le Règle­ment sur la créa­tion des sociétés gérant des fonds à par­tic­i­pa­tion étrangère, pro­mul­gué par la Com­mis­sion chi­noise des opéra­tions boursières.

Selon ce Règle­ment, un investis­seur étranger peut être action­naire à hau­teur de 33 % d’une société gérant des fonds (ou 49 % en 2005), à con­di­tion que cet investis­seur soit une insti­tu­tion finan­cière et pos­sède un cap­i­tal min­i­mum en devis­es étrangères équiv­alant à 300 mil­lions de yuan. Cepen­dant, la société à par­tic­i­pa­tion étrangère ne pour­ra gér­er que des fonds de place­ments en valeurs mobil­ières et, à ce jour, il n’ex­iste pas de base juridique pour éten­dre la ges­tion aux fonds de place­ments à risque.

En par­al­lèle, les restric­tions por­tant sur la loi sur les assur­ances sont un autre fac­teur majeur entra­vant le développe­ment du marché des fonds à risque. À l’heure actuelle, plusieurs deman­des de créa­tion de société en joint ven­ture ont été soumis­es par des sociétés de ges­tion de fonds améri­caines et européennes. Cepen­dant, aucune licence n’a été délivrée à ce jour par les autorités chinoises.

Les dif­férentes pos­si­bil­ités exam­inées ci-dessus présen­tent de lour­des con­traintes pour les investis­seurs étrangers. Dans l’at­tente de l’amélio­ra­tion du cadre général de la lég­is­la­tion chi­noise en la matière, de nom­breux investis­seurs cherchent une autre voie, en recourant notam­ment à des sociétés off­shore (sociétés hold­ing), util­isées comme inter­face entre le cap­i­tal-risque étranger et les véhicules d’in­vestisse­ment locaux. L’op­tion d’une société hold­ing basée à Hong-Kong est sou­vent adop­tée, compte tenu de la prox­im­ité géo­graphique et cul­turelle de Hong-Kong avec la Chine con­ti­nen­tale, et surtout de la flex­i­bil­ité et de la sou­p­lesse offertes par la lég­is­la­tion hongkon­gaise quant au droit des sociétés.

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