Cérémonie de la remise des diplômes à la promotion 1995

Dossier : ExpressionsMagazine N°538 Octobre 1998

Le 11 juil­let à Palaiseau, les élèves de la pro­mo 1995 ont reçu leur diplôme suiv­ant l’excellent céré­mo­ni­al des deux années précé­dentes mis au point par Philippe Wolf (78), directeur des études, tou­jours maître des céré­monies. Trois ans : cette fois, c’est bien devenu une tra­di­tion, et quelle belle tradition !

La délé­ga­tion de l’A.X. à cette man­i­fes­ta­tion était con­duite par son nou­veau prési­dent François Ailleret (56), élu le 26 juin.

À 15 h 30 à l’amphi Poin­caré, après la Mar­seil­laise jouée par l’ensemble instru­men­tal de l’École, le général Novacq (67), directeur général de l’École, ouvre la céré­monie : félic­i­ta­tions et voeux aux élèves sor­tants mais atten­tion, le diplôme d’ingénieur et le titre d’ancien élève de l’École sont certes pres­tigieux, mais ne sont en aucun cas un point final dans l’acquis des con­nais­sances néces­saires à l’accomplissement d’une car­rière digne de l’École au ser­vice de la Nation.

Attali prononce son allocution devant la promotion 1995 de l'Ecole polytechnique
Jacques ATTALI prononce son allocution
 ©SIRPA/ECPA FRANCE

Puis, Jacques Attali (63), con­seiller d’État (il se trou­ve que c’est pour lui un anniver­saire : en 1968, il était nom­mé pro­fesseur à l’École), prononce une bril­lante con­férence “Sci­ence et morale au XXIe siè­cle ”. Elle sera pub­liée dans une prochaine livrai­son de La Jaune et La Rouge.

Remise des diplômes par les pro­fesseurs de l’École ayant revê­tu leur tenue de céré­monie (robe noire avec pare­ments écar­lates et morti­er assor­ti). Remise des cer­ti­fi­cats d’auditeur de l’École aux élèves du Pro­gramme européen. Et remise du “prix de Thèse” à cinq doc­teurs de l’École poly­tech­nique, sélec­tion­nés par­mi les 66 diplômes con­férés en 1997–1998. Avec inter­ven­tions musi­cales, toutes de très grande qual­ité : piano (Éti­enne Brion, 96) ; vio­lon­celles (Vladislav Galard, Jos­selin Kali­fa, Pierre Loise­leur, Yann Picard, tous qua­tre 96); et men­tion spé­ciale à Marc Ver­don (96), haute-con­tre, inter­pré­tant Music for a while de Pur­cell, accom­pa­g­né au piano par Benoît Roup­pert (96).

François Ailleret remet alors au nom de l’A.X. les prix Poin­caré et Jor­dan respec­tive­ment au major, Guil­laume Panié (fils, dou­ble petit­fils et petit-neveu de cama­rades) et à Olivi­er Tardieu (plus exacte­ment à ses par­ents car il est à San Fran­cis­co) qui illus­tre lui, que les portes de l’École sont grandes ouvertes à qui est le pre­mier d’une famille poly­tech­ni­ci­enne. L’allocution de François Ailleret est repro­duite ci-après, ain­si que celle du major qui lui a fait suite.

Dis­cours de clô­ture de Pierre Fau­rre (60), prési­dent du Con­seil d’administration de l’École : l’École s’ouvre, s’adapte aux impérat­ifs actuels et évo­lu­tifs de la for­ma­tion des élites sci­en­tifiques au plan mondial.

Dernière céré­monie aux couleurs de la pro­mo 95, dans la cour des céré­monies. Puis des para­chutes tombent du ciel : trois moni­teurs, deux élèves en grand “U”. Pour tous le retour au sol a paru un véri­ta­ble jeu d’enfant !

Sym­pa­thique dîn­er présidé par le Général et Madame Novacq.

Et pour ter­min­er la journée, con­cert organ­isé par Musi­cal­ix. Deux con­cer­tos pour piano et orchestre de Beethoven. Le n° 3 : soliste Alexan­dre Bayeu (95); le n° 4 : soliste Xavier Aymon­od (96). Quels inter­prètes extra­or­di­naires ! Quelle maes­tria ! Com­ment peut-on attein­dre ce niveau, voisin du pro­fes­sion­nal­isme et “ faire ” l’X ! Avec de nom­breux élèves dans l’orchestre : vio­lon, vio­lon­celles, clar­inette et j’en oublie…

Hom­mage soit ren­du à Patrick Holin­er, pro­fesseur de musique à l’École et directeur de Musi­cal­ix. Et pour finir, la Valse triste de Sibelius, inter­prétée par le même orchestre dirigé par Julien Pouget (95) !

Très belle journée, digne de l’École, qui mar­que avec solen­nité (un peu), émo­tion (beau­coup), joie (pas­sion­né­ment) le pas­sage d’une pro­mo­tion du statut d’élève qui ne dure que trois ans à celui d’ancien élève (défini­tive­ment acquis quand paraîtront ces lignes) qui dure toute la vie.

Allocution de François Ailleret,
président de l’A.X.
Remise des prix Poincaré et Jordan

Mes­dames, Messieurs,
Chers Camarades,

Selon une tra­di­tion bien établie, l’Association des anciens élèves de l’École poly­tech­nique – l’A.X. – remet chaque année à leur sor­tie de l’École les prix Poin­caré et Jor­dan respec­tive­ment au major et au sec­ond de promotion.

Je me réjouis que l’un de mes pre­miers actes en tant que tout nou­veau prési­dent de l’A.X. soit de décern­er ces prix à l’occasion de cette céré­monie de remise des diplômes à la pro­mo­tion sortante.

Remise de diplôme aux élèves de l'Ecole polytechnique, promotion 1995
Remise de diplôme  ©SIRPA/ECPA FRANCE

La remise de ces deux prix est en quelque sorte le sym­bole par lequel l’A.X. salue le pas­sage de toute une pro­mo­tion – aujourd’hui la pro­mo­tion 95 – du statut d’élève, qui ne dure que trois ans, à celui d’ancien élève qui dure toute la vie.

Sans doute con­nais­sez-vous assez peu l’A.X. et je vais vous en dire quelques mots. C’est une asso­ci­a­tion ami­cale – ce qual­i­fi­catif est essen­tiel – dont la rai­son d’être est de main­tenir et de dévelop­per des rela­tions de sol­i­dar­ité, de cama­raderie, d’amitié, de com­mu­nauté d’intérêt, entre tous les anciens, toutes pro­mo­tions con­fon­dues. On par­le sou­vent de la grande famille poly­tech­ni­ci­enne ; si cette image est per­ti­nente, il est bien naturel de favoris­er les liens entres ses mem­bres et aus­si d’apporter entraide, récon­fort, sec­ours à ceux et aux familles de ceux – il y en a plus qu’on ne le pense – que la vie n’épargne pas.

Mais l’A.X. se sent égale­ment – à sa juste place – une respon­s­abil­ité sur la vie et l’avenir de l’École en restant vig­i­lante mais surtout en appor­tant son appui à tous ceux qui oeu­vrent pour que l’X main­ti­enne son niveau d’excellence, se mod­ernise et s’ouvre davan­tage à l’extérieur au rythme voulu par les trans­for­ma­tions de la société française, de l’Europe et du monde.

C’est en quelque sorte en tant que représen­tant des anciens élèves de l’X que je vais main­tenant remet­tre le prix Hen­ri Poin­caré à votre major de sor­tie, Guil­laume Panié, puis le prix Jor­dan à Olivi­er Tardieu, numéro deux de sortie.

Hen­ri Poin­caré, né en 1854, mort en 1912, élève de la pro­mo­tion 1873 est un des plus grands math­é­mati­ciens de tous les temps.

Ses travaux ont porté sur les math­é­ma­tiques pures – notam­ment théorie générale des fonc­tions, théorie des nom­bres – sur la physique math­é­ma­tique – théories de l’élasticité, de l’optique, de l’électricité, de la ther­mo­dy­namique – mais aus­si sur la mécanique céleste.

Entré major à l’X, il fut pro­fesseur à la Sor­bonne à 31 ans et mem­bre de l’Académie des sci­ences à 32 ans. On a dit de lui qu’il était le “cerveau vivant des sci­ences rationnelles ” et cer­tains con­sid­èrent même qu’il a décou­vert la rel­a­tiv­ité avant Einstein.

Guil­laume Panié, je vous remets au nom de l’A.X. les oeu­vres d’Henri Poincaré.

Camille Jor­dan fut lui aus­si un très émi­nent math­é­mati­cien. Né en 1838, décédé en 1922, il vous a précédé de cent quar­ante ans dans cette École.

Ses travaux ont porté sur l’algèbre, l’analyse et en par­ti­c­uli­er la théorie des groupes dev­enue grâce à lui l’une des branch­es majeures des math­é­ma­tiques. Il réu­nis­sait ces qual­ités pre­mières aux yeux des math­é­mati­ciens que sont l’extrême rigueur du raison­nement et la con­ci­sion de l’expression, qual­ités qui don­nent toute sa beauté à la sci­ence mathématique.

Olivi­er Tardieu, je vous remets au nom de l’A.X. les oeu­vres de Camille Jordan.

Vous ne con­sacr­erez sans doute pas vos vacances à lire ces ouvrages mais, à tous deux, je recom­mande de les con­sul­ter de temps à autre. Je suis sûr que vous y trou­verez des sources d’intérêt et même de plaisir.

Je vous félicite à nou­veau et, à tra­vers vous, tous vos cama­rades de la pro­mo­tion 95. À tous je souhaite que la vie apporte beau­coup sur les plans per­son­nel, famil­ial, professionnel.

Sur ce dernier plan, je forme le voeu que vous ayez des sat­is­fac­tions à la hau­teur de votre engage­ment et de votre con­tri­bu­tion, c’est-à-dire de vos efforts, de votre pro­fes­sion­nal­isme, de votre capac­ité d’initiative et d’innovation, à la hau­teur enfin de votre exi­gence éthique dans la vie professionnelle.

En fran­chissant le pas aujourd’hui, sachez que tous les anciens élèves vous accueil­lent par­mi eux avec joie et amitié.

Allocution de Guillaume Panié,
major de la promotion 1995

Mon­sieur le Préfet, Mon­sieur le Député, Mon­sieur le Maire, Mon­sieur le Prési­dent, mon Général, Mes­dames, Mes­de­moi­selles et Messieurs les enseignants, cadres mil­i­taires, par­ents, familles et amis des élèves, chers cama­rades, papa, maman, bon… je crois que j’ai fait le tour1​.

Le malor de la promotion 1995 de l'Ecole polytechnique : Guillaume Panié
Le major Guil­laume Panié rejoint l’estrade  ©SIRPA/ECPA FRANCE

Ce genre de céré­monie se prête d’habitude à une litanie de remer­ciements. Mais, je ne voudrais pas vous endormir, pas tous…

Je tiens cepen­dant à ren­dre hom­mage solen­nelle­ment, au nom de toute la pro­mo­tion 95, aux enseignants de l’École, à ses cadres civils et mil­i­taires, à son per­son­nel et à son Général. Ils ont su con­sacr­er sans compter temps et énergie pour nous aider à men­er à bien notre développe­ment per­son­nel sur les plans sci­en­tifique, humain, pro­fes­sion­nel, sportif.

Égale­ment, un grand mer­ci à vous, nos familles, qui avez su nous guider et nous encour­ager tout au long de nos années de sco­lar­ité et de pré­pa­ra­tion. Dans bien des cas, ce diplôme est aus­si un peu le vôtre.

Mer­ci aux nom­breux élèves qui ont ani­mé la vie de pro­mo­tion. Ils nous ont représen­tés, amusés, abreuvés, inté­grés puis dés­in­té­grés. Ils ont organ­isé spec­ta­cles (j’ai ici une petite pen­sée pour notre cama­rade Mac), soirées, gags, et autres événe­ments en tout genre. Au nom de tous, merci.

Et puis, plus per­son­nelle­ment et, promis, j’arrête là, mer­ci à l’A.X. pour ce prix Poin­caré. Un petit mer­ci aus­si à Olivi­er qui en optant sage­ment pour la sec­onde place me laisse le cadeau empoi­son­né de vous par­ler cet après-midi. Bien joué Olivier !

Je crois que nous sommes tous un peu émus aujourd’hui, partagés entre tristesse et joie. Tristesse de voir notre pro­mo­tion rassem­blée pour la dernière fois. Tristesse de voir s’achever ces trois années, que nous aurons tra­ver­sées cha­cun à notre manière, mais qui nous auront tous pro­fondé­ment marqués.

Je ne saurais résumer notre vie à l’X, les expéri­ences sont trop divers­es, trop per­son­nelles, trop nom­breuses ; mais qu’il est dif­fi­cile d’y met­tre fin… Tristesse de quit­ter l’École, oui. Mais joie d’endurer pour la dernière fois le vieux sup­plice du grand uni­forme en plein été. Joie et fierté de recevoir devant nos familles le diplôme de l’École poly­tech­nique. Ent­hou­si­asme à l’idée de com­mencer autre chose.

À l’heure du bilan, nous prenons con­science de notre attache­ment à cette école, à notre école. Force est pour­tant de recon­naître que nous sommes entrés à l’X sans trop savoir pourquoi nous choi­sis­sions cette école plutôt qu’une autre. Même après trois ans, en sor­tant, bon nom­bre d’entre nous auraient du mal à dire pourquoi nous avons opté pour Polytechnique.

Un uni­forme pres­tigieux, un passé glo­rieux, des anciens célèbres, un accès priv­ilégié aux Corps de l’État… Voilà ce qui a pu attir­er des généra­tions de jeunes Français vers l’X.

Mais les temps changent, le pres­tige ne suf­fit plus, le tout État est révolu, la France est un champ décidé­ment bien trop petit. Pour­tant, même dans ce monde mod­erne, l’École dis­pose d’atouts pré­cieux. Qu’elle les développe ! Qu’elle les fasse connaître !

S’appuyer sur une excel­lence recon­nue dans le monde sci­en­tifique, accentuer forte­ment l’ouverture inter­na­tionale, incul­quer aux poly­tech­ni­ciens les esprits d’entreprise, d’innovation, d’audace… en un mot, adapter l’X à un monde en muta­tion. Les pistes sont con­nues ; et l’effort dans ce sens existe déjà, les anciens que nous sommes désor­mais fer­ont tout notre pos­si­ble pour l’encourager. Nous y avons d’ailleurs déjà pris notre part.

Je suis ain­si fier de m’exprimer au nom d’une pro­mo­tion pio­nnière, puisque plus de trente d’entre nous par­tiront l’an prochain effectuer leur for­ma­tion com­plé­men­taire à l’étranger.

Je suis fier de m’exprimer au nom de la pre­mière pro­mo­tion à avoir accueil­li des élèves étrangers recrutés non pas par le con­cours tra­di­tion­nel mais selon un mode spécifique.

Ils sont onze à avoir osé ce pari dif­fi­cile et nous espérons voir se dévelop­per de tels échanges, sous cette forme ou sous d’autres – je pense ici à nos cama­rades du pro­gramme européen.

Oui, il faut pour­suiv­re et ampli­fi­er la trans­for­ma­tion de notre école, mais pour autant, que l’X ne perde pas ce qui fait son excel­lence. L’ouverture, notam­ment inter­na­tionale, est indis­pens­able et salu­taire, mais ne sabor­dons pas dans cette ouver­ture un proces­sus de sélec­tion qui a tou­jours con­cil­ié une exi­gence extrême et une égal­ité répub­li­caine. Ne sac­ri­fions pas l’excellence à un égal­i­tarisme de façade, qui, ne nous leur­rons pas, n’aboutirait qu’à créer des castes de poly­tech­ni­ciens séparées.

PLACES OFFERTES​
DANS LES SERVICES PUBLICS EN 1998
• C​orps des officiers des armées Offerts Attribués
– Offici­er des armes de l’armée de terre
– Com­mis­saire de l’armée de terre
– Offici­er de la gendarmerie
– O​fficier de l’armée de l’air
– Com­mis­saire de l’armée de l’air
– Offici­er de la marine
– Com­mis­saire de la marine
22
3
2
4
1
2
1


2
1


• Corps des ingénieurs de l’armement 25 21
• Corps civils d’ingénieurs
– Ing. de l’aviation civile
– Ing. du génie rur­al et des eaux et forêts
– Ing. géographes
– Ing. de la météorologie
– Ing. des mines
– Ing. des ponts et chaussées
– Ing. des télécommunications
2
10
2
1
9
28
22
2
10
2
1
9
28
22
• Corps des admin­is­tra­teurs de l’INSEE 9 9
• Corps du con­trôle des assurances 4 4
TOTAL 147 111
– Élèves de la caté­gorie générale, n’intégrant pas un ser­vice public
– Total diplômés caté­gorie générale
– Total diplômés caté­gorie particulière
289

400
32

TOTAL DIPLÔMES 432

L’École poly­tech­nique que nous, les élèves, pou­vons souhaiter est une école ouverte sur le monde avec audace, mais dis­cerne­ment et prag­ma­tisme. C’est une école dont les enseigne­ments et la for­ma­tion sont sans cesse adap­tés aux nou­veaux par­cours pro­fes­sion­nels de ses élèves. Le trip­tyque tra­di­tion­nel – chercheur, ingénieur, haut fonc­tion­naire – ne suf­fit désor­mais plus à représen­ter la total­ité d’une promotion.

J’ai par­lé des défis qui atten­dent l’X. Mais ils ne nous détour­nent pas de l’essentiel, les défis que nous aurons nous, élèves de la pro­mo­tion 1995, à relever. Nous n’apporterons un sou­tien réelle­ment utile à cette école qu’en ren­dant au pays davan­tage encore que ce qu’il nous a don­né. C’est ain­si seule­ment que nous jus­ti­fierons les efforts impor­tants que la Nation a con­sen­tis pour notre formation.

Gar­dons à l’esprit qu’aujourd’hui com­mence un proces­sus bien plus implaca­ble que la cam­pagne kes, bien plus dif­fi­cile que le con­cours d’entrée à l’X, bien plus exigeant que la sélec­tion des bobar­men et autres cave kessiers…

Mon Général, vous nous avez rap­pelé que nous avons encore tout à prou­ver, nous en sommes con­scients. Nous voilà sor­tis de l’X. Nous en sommes fiers. L’heure est venue d’en être dignes.

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1. Jacques Attali était parti.

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