Caude Debussy : Pelléas et Mélisande

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°653 Mars 2010Par : Natalie Dessay, Laurent Naouri, Stéphane Degout, Vienne, B.de Billy
Par Marc DARMON (83)

Pel­léas et Mélisande est une œuvre de Debussy à part dans l’univers lyrique. C’est le seul vrai opéra de Debussy, très car­ac­téris­tique de son approche musi­cale que l’on com­pare sou­vent pour sim­pli­fi­er à l’impressionnisme.

Rompre avec les opéras romantiques ou wagnériens

C’est aus­si le pre­mier opéra (1902) à mar­quer la rup­ture avec les opéras roman­tiques ou wag­nériens du XIXe siè­cle, qui va s’opérer dans le monde de l’opéra (hors l’Italie) au pre­mier quart du XXe siè­cle. Pel­léas précède Jen­u­fa de Janacek, Salomé de Strauss, Wozzeck de Berg.

Coffret du DVD de Debussy : Pelléas et MélisandreSa créa­tion en 1902 fut l’occasion d’un des scan­dales mémorables de l’histoire de la musique (comme Le Sacre du print­emps dix ans plus tard, à Paris lui aus­si). Per­son­ne n’avait enten­du aupar­a­vant cette décla­ma­tion musi­cale, infléchie par la musique de l’orchestre, musique qui illus­tre à la fois sit­u­a­tion, sen­ti­ments et envi­ron­nement. Car pour met­tre en musique le drame sym­bol­iste de Maeter­linck, Debussy mul­ti­plie dans sa musique les « cor­re­spon­dances » avec ce que l’on voit ou ce que l’on doit com­pren­dre de l’état d’esprit des per­son­nages. « Les par­fums, les couleurs et les sons se répon­dent » a dit un autre poète.

Comme pour beau­coup de pièces de cette époque, le résumé de l’intrigue n’est pas l’essentiel : le prince Golaud décou­vre dans une forêt la bien plus jeune Mélisande, et l’épouse. Mélisande et le jeune demi-frère de Golaud, Pel­léas, tomberont amoureux mal­gré eux, avec les con­séquences trag­iques qu’on imagine.

Les représen­ta­tions filmées à Vienne en 2009 avec Natal­ie Dessay, Lau­rent Naouri et Stéphane Degout dans la mise en scène imag­i­na­tive de Lau­rent Pel­ly sont un moyen idéal de pénétr­er dans cet univers sym­bol­iste, en y revenant à loisir, en inté­gral­ité ou par morceaux.

Une interprétation parfaite

Com­mençons par dire com­bi­en les chanteurs sont par­faits, musi­cale­ment, en ter­mes de crédi­bil­ité dans leurs rôles (c’est l’apparence physique, la car­ac­téri­sa­tion des sen­ti­ments, la voix), en ter­mes de style et de dic­tion (indis­pens­able dans cette œuvre).

Natal­ie Dessay est l’artiste lyrique française la plus con­nue. On le com­prend quand on voit qu’après avoir été irrem­plaçable dans les rôles vir­tu­os­es, néces­si­tant une extrême agilité dans l’aigu, qui ont fait, un temps, sa répu­ta­tion (la Reine de la Nuit, Zer­bi­net­ta, Olympia, Cuné­gonde), elle abor­de avec matu­rité, maes­tria et tou­jours le même engage­ment théâ­tral les rôles plus lourds de la Som­nam­bule, Pam­i­na, Manon, Lucia di Lam­mer­moor ou ici, for­mi­da­ble, de Mélisande. Lau­rent Naouri, très grand bary­ton français, est désor­mais une référence pour Golaud, très émou­vant, plein de sérénité et de force à la fois. Il n’a pas sou­vent l’occasion de jouer dans la même pro­duc­tion que son épouse, Natal­ie. Nous avons vu tout de même avec un grand plaisir, au-delà de ce Pel­léas, Orphée aux Enfers où, Jupiter, il pour­suit Natal­ie Dessay-Eury­dice, et La Travi­a­ta où, Ger­mont, il cause le mal­heur de Violetta-Natalie.

Très bien filmée, avec de nom­breux gros plans qui mon­trent l’émotion des per­son­nages, cette pro­duc­tion réu­nis­sait des artistes d’une qual­ité excep­tion­nelle et une mise en scène très riche de Lau­rent Pel­ly. Sur­prise et plaisir de voir que Lau­rent Pel­ly, en par­al­lèle à une car­rière au théâtre, sait être à la fois incroy­able et irrem­plaçable dans les mis­es en scène d’opéras pleins d’humour (Offen­bach, Platée, Ari­ane, Gian­ni Schic­chi) mais aus­si être pro­fond et juste, dans le style de Chéreau, dans les opéras les plus forts du réper­toire (ici Pel­léas, mais aus­si La Travi­a­ta, Manon…).

Les décors tour­nent sur scènes, ce qui per­met par­fois de voir en même temps plusieurs endroits du pays d’Allemonde ou plusieurs pièces du château. Cela per­met notam­ment une scène de la sur­prise des deux jeunes amants par Golaud (« Vous êtes des enfants ») à couper le souffle.

Un superbe DVD.


A lire : Claude DEBUSSY

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