Blu-ray Opéra Alcina de Haendel par Freiburger Barockorchester, direction Andrea Marcon

Georg Friedrich HAENDEL : Alcina

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°734 Avril 2018Par : 1)Opéra de Vienne, Les Musiciens du Louvre, direction Marc Minkowski 2)Freiburger Barockorchester, direction Andrea MarconRédacteur : Marc DARMON (83)Editeur : Un Blu-ray Arthaus 101571 et Un Blu-ray Erato 0190295974367

Une fois n’est pas cou­tume, nous com­men­tons ce mois-ci deux réa­li­sa­tions, on ne peut plus dif­fé­rentes, de la même œuvre, Alci­na de Haen­del. Avant de par­ler de l’œuvre et de ces pro­duc­tions, il faut com­prendre que la paru­tion de deux DVD (et Blu-rays) tous les deux très recom­man­dables de cet opé­ra de Haen­del est le symp­tôme d’un regain d’intérêt depuis une ving­taine d’années pour les opé­ras de Haendel. 

Haen­del est un exact contem­po­rain de Bach. Ils sont nés tous les deux à quelques mois et quelques kilo­mètres d’intervalle (et ils ont été ren­dus aveugles par le même char­la­tan anglais à la fin de leurs vies éga­le­ment). Mais si Bach s’est for­mé en par­cou­rant les villes d’Allemagne, Lübeck, Wei­mar et enfin Leip­zig, Haen­del est allé se for­mer en Ita­lie, la patrie de l’opéra, avant de s’installer en Grande-Bretagne. 

Blu-ray Opéra Alcina de Haendel par Opéra de Vienne, Les Musiciens
du Louvre, direction Marc Minkowski


Si on a conser­vé de Haen­del l’image d’un com­po­si­teur d’oratorios (Le Mes­sie, Israël en Égypte…) ou d’autres œuvres sacrées (et de la trop fameuse Water Music), Haen­del, d’un style bien plus acces­sible et fes­tif que Bach, est avant tout un com­po­si­teur d’opéras.

On découvre (et enre­gistre) peu à peu tout de cet uni­vers gigan­tesque (qua­rante œuvres de plus de trois heures), consti­tué d’énormément de chefs‑d’œuvre, citons au moins Ario­dante, Rinal­do, Jules César, Semele, Serse, Alci­na. Consti­tués prin­ci­pa­le­ment de suc­ces­sion d’airs et de réci­ta­tifs accom­pa­gnés, ces opé­ras sont prin­ci­pa­le­ment com­po­sés pour voix fémi­nine, les hommes étant chan­tés à l’époque par des cas­trats, et désor­mais par des mez­zos-sopra­nos ou des contre-ténors. 

Alci­na (1735) est un des trois opé­ras de Haen­del (avec Orlan­do et Ario­dante) com­po­sés d’après un pas­sage de Roland furieux de l’Arioste. La sor­cière Alci­na et sa sœur Mor­ga­na trans­forment les hommes qui abordent leur île en animaux. 

Mais de nou­veaux visi­teurs vont déli­vrer les vic­times ain­si que le prince Roger qui va bien­tôt le devenir. 

Bien enten­du, c’est un pré­texte pour Haen­del pour com­po­ser une musique for­mi­dable, une suc­ces­sion de trente airs et duos magnifiques. 

La pro­duc­tion de 2010 à Vienne est un évé­ne­ment. L’opéra de Vienne n’avait pas joué Haen­del depuis plus de cin­quante ans et ne repré­sente jamais de musique baroque. Et l’orchestre atti­tré, le Phil­har­mo­nique de Vienne, ne laisse jamais sa place dans la fosse. 

Double excep­tion donc ce soir-là où Marc Min­kows­ki, grand spé­cia­liste de Haen­del (sou­ve­nons-nous de ses for­mi­dables Ario­dante à Pois­sy puis au Palais Gar­nier, le disque mer­veilleux existe) impose son ensemble des Musi­ciens du Louvre dans la fosse du tra­di­tion­nel théâtre. Grâce à lui, la musique de Haen­del est tou­jours en mou­ve­ment, vivante, jamais rébar­ba­tive. Trois heures trente sans une seconde d’ennui.

La grande sopra­no alle­mande Anja Har­te­ros est la reine de la soi­rée, dans une mise en scène très clas­sique mais très belle, salon XVIIIe avec chan­de­liers et per­ruques pou­drées, avec les musi­ciens solistes qui accom­pagnent cer­tains airs (vio­lon, vio­lon­celle, flûte, cla­ve­cin) sur la scène. 

Com­ment être plus dif­fé­rent que les repré­sen­ta­tions de 2015 au fes­ti­val d’Aix avec Patri­cia Peti­bon et Jarouss­ky ? Là, la mise en scène est beau­coup plus moderne et plus inté­res­sante, plus réa­liste et même par­fois fran­che­ment osée. 

Les sor­cières trans­forment leurs vic­times par chi­rur­gie comme dans L’Île du doc­teur Moreau. Elles pro­fitent sexuel­le­ment des hommes avant de les trans­for­mer. Et leurs sor­ti­lèges per­mettent de les rendre belles sur scène alors qu’elles sont vieilles et laides dans leur laboratoire. 

Peti­bon est plus expres­sive que Har­te­ros même si la voix de la sopra­no alle­mande est irrem­pla­çable. Jarouss­ky est natu­rel­le­ment par­fait, et jus­ti­fie sa popu­la­ri­té (il chante encore le rôle de par le monde, et cette année à Paris). 

Com­ment dépar­ta­ger ce qui est si différent ? 

Faites comme moi, je pioche régu­liè­re­ment dans les deux. 

Un extrait de 4 minutes avec Patricia Petibon et Philippe Jaroussky

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