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Brexit et aéronautique : la nouvelle donne

Dossier : Dossier FFEMagazine N°720 Décembre 2016
Par Sébastien MAIRE

Quelle est la situation actuelle du secteur aéronautique ?

Mal­gré une con­jonc­ture économique dégradée et des per­spec­tives incer­taines, le secteur aéro­nau­tique mon­di­al con­naît un cer­tain essor. 

Il enreg­istre une fréquen­ta­tion pas­sagère his­torique, ain­si que des vol­umes de trans­port de fret et des béné­fices records : pour la 3e année con­séc­u­tive, le secteur dégage des béné­fices, ce qui n’était pas arrivé depuis plus de 10 ans. 

Cette bonne san­té du secteur se réper­cute égale­ment sur les entreprises. 

Et cela en dépit des incer­ti­tudes qui impactent le secteur. Par­mi celles-ci, l’évolution à la baisse du prix du fuel aurait pu impacter néga­tive­ment les livraisons des avions les plus récents (320Neo ou 737Max) : il n’en est rien. 70 % des com­pag­nies inter­rogées dans notre enquête 2016 ne prévoient pas de chang­er leur stratégie d’achat même si le prix du fuel devait rester en dessous de 50 $. 

Le parc con­tin­ue à aug­menter à un rythme soutenu (plus de 40 % de crois­sance nette cumulée sur les 10 prochaines années). 

Qu’est-ce que le Brexit a modifié ?

Le Brex­it apporte un lot sup­plé­men­taire d’incertitudes poli­tiques et finan­cières sur les échanges économiques et commerciaux. 

En effet, plus de 3 mil­lions de per­son­nes, près de 1 000 mil­liards d’euros d’échange et d’investissements financiers entre l’Europe et le Roy­aume-Uni vont poten­tielle­ment être impactés par les con­séquences du Brexit. 

Concrètement, quelles ont été les répercussions sur le transport aérien ?

Suite à l’annonce du Brex­it, le cours bour­si­er des com­pag­nies aéri­ennes européennes a con­nu une baisse moyenne de 20 %. 

On estime que le vol­ume du traf­ic aérien anglais devrait dimin­uer de 2,9 % suite à la déval­u­a­tion de la livre ster­ling : il y aura donc sig­ni­fica­tive­ment moins de voyageurs au départ du Roy­aume- Uni, et cette baisse ne sera pas com­pen­sée par un accroisse­ment des entrées au Royaume-Uni. 

Les com­pag­nies aéri­ennes très dépen­dantes des flux au départ et à l’arrivée du Roy­aume-Uni, comme Easy­jet par exem­ple, vont être impactées directe­ment par cette sit­u­a­tion et pour­raient per­dre jusqu’à 5 % de leur chiffre d’affaires et 25 % de leur marge. 

Par ailleurs, le Brex­it soulève des ques­tions régle­men­taires impor­tantes si le Roy­aume-Uni venait à sor­tir de l’Espace Aérien Com­mun Européen (ECAA).

Ces con­séquences qui pèsent sur les com­pag­nies aéri­ennes ne seront pas immé­di­ate­ment com­pen­sées par des oppor­tu­nités comme un impact par­fois favor­able sur les coûts de maintenance. 

Qu’en est-il des constructeurs ?

Le Roy­aume-Uni est un acteur clef du secteur de l’aérospatial et la défense. Il représente 17 % du marché mon­di­al avec de grands acteurs comme Air­bus, Zodi­ac Aero­space, Bom­bardier, Boe­ing, Rolls-Royce, Spir­it, GKN entre autres… 

Con­traire­ment au cours bour­si­er des com­pag­nies aéri­ennes, le cours bousi­er des con­struc­teurs et indus­triels de l’aéronautique civ­il, mais aus­si des indus­triels de la défense et du spa­tial, a con­nu une aug­men­ta­tion moyenne de 4 %. 

L’effet des taux de change et la déval­ori­sa­tion de la livre ster­ling ont con­tribué à réduire les coûts de production. 

Une mise en garde cepen­dant : il faut prêter une atten­tion par­ti­c­ulière aux prochaines étapes du proces­sus du Brex­it qui va cer­taine­ment con­duire à un ajuste­ment des poli­tiques com­mer­ciale et douanière. Les indus­triels ne pour­ront pas tir­er le même prof­it de cette sit­u­a­tion sur le long terme. 

À sur­veiller égale­ment, l’hypothèse de la sor­tie du Roy­aume-Uni de l’EASA. Elle est d’une prob­a­bil­ité faible. Si elle devait cepen­dant se pro­duire, les con­séquences seraient mul­ti­ples sur le plan de la cer­ti­fi­ca­tion des avions ; des opéra­tions de vols ; de l’organisation des pro­grammes et des opéra­tions de maintenance. 

Et pour conclure ?

Le Brex­it est lourd de con­séquences dans le secteur du trans­port aérien. Les com­pag­nies aéri­ennes ayant un traf­ic sig­ni­fi­catif avec le Roy­aume-Uni vont être directe­ment impactées à la baisse. Inverse­ment, en tout cas pour le court terme, les indus­triels étab­lis au Roy­aume-Uni vont y trou­ver des opportunités. 

En tout état de cause, le Brex­it nous rap­pelle l’impérative néces­sité de pilot­er les entre­pris­es dans un monde incer­tain, et donc d’élaborer – en per­ma­nence – dif­férents scé­nar­ios pour anticiper des sit­u­a­tions poten­tielle­ment tous les jours nouvelles. 

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