Le Brexit est un échec pour la construction européenne

Après le Brexit retrouver l’esprit européen

Dossier : Croire en l'Europe après le BrexitMagazine N°761 Janvier 2021
Par Olivier VOIRIN (69)

Quand ce numéro paraî­tra nous saurons dans quelles con­di­tions le Roy­aume-Uni est sor­ti de l’Union. Comme sou­vent, c’est au dernier moment que la rai­son l’emporte sur la pos­ture. Mais rien n’est jamais cer­tain. En tout cas le Brex­it est un échec non seule­ment pour le gou­verne­ment anglais, mais aus­si pour la con­struc­tion européenne. Il traduit le fos­sé qui s’est creusé entre les peu­ples et leurs gouvernants.

“Le Brexit est un échec pour la construction européenne.”

En revanche pour l’adoption du bud­get et du plan de relance que le Par­lement con­di­tion­nait au respect de l’État de droit par les béné­fi­ci­aires et qui de ce fait était blo­quée par le véto de la Pologne et de la Hon­grie, le com­pro­mis con­stru­it par la prési­dence alle­mande a finale­ment rétabli la con­fi­ance née de l’accord du 21 juil­let 2020, qui mar­que une avancée con­sid­érable pour la sol­i­dar­ité entre les États mem­bres. Ain­si va l’Union, entre crises et progrès. 

Au fil des années, l’Europe est dev­enue une puis­sance économique, mais aus­si poli­tique. Elle défend de plus en plus ses intérêts com­mer­ci­aux face à l’unilatéralisme améri­cain et à la pres­sion chi­noise. L’élection de Joe Biden risque para­doxale­ment d’augmenter les diver­gences entre les par­ti­sans d’un ren­force­ment de la sécu­rité s’appuyant sur les forces européennes et ceux qui ne voient leur garantie que par l’Alliance atlan­tique. Forte quand elle par­le d’une voix, elle est faible quand les voix se dispersent.

“L’Europe est un exemple pour la planète entière.”

« L’Europe est un exem­ple pour la planète entière », déclare Jean-Claude Junck­er dans Entre­tien d’Europe n° 100 (Fon­da­tion Robert-Schu­man), mais son fonc­tion­nement est sou­vent mal com­pris par ses parte­naires com­mer­ci­aux, le proces­sus de déci­sion, sou­vent à l’unanimité, se prête à de nom­breuses surenchères qui nuisent à la lis­i­bil­ité des déci­sions. Sans remet­tre en cause le con­sen­sus qui per­met de pren­dre les déci­sions, la respon­s­abil­ité que lui donne sa puis­sance doit y être inté­grée. Le sou­tien et la sol­i­dar­ité entre les États mem­bres néces­si­tent d’accepter d’en pay­er le prix, ce que beau­coup d’États n’ont pas compris. 

L’adoption le 30 novem­bre 2020 de la refonte du mécan­isme européen de sol­i­dar­ité, avec la créa­tion d’un fonds de réso­lu­tion unique de 120 mil­liards d’euros (back­stop) pour venir en aide aux ban­ques en dif­fi­culté, est une nou­velle avancée pos­i­tive : on pro­gresse par­fois plus facile­ment sur des points con­crets. Con­stru­ire la con­fi­ance en Europe, c’est dévelop­per les actions qui favorisent la com­préhen­sion entre les peu­ples comme le pro­gramme Eras­mus, ou entre les pro­fes­sion­nels comme les pro­grammes de recherche, et comme la con­struc­tion de l’Europe de la défense. Citons le prési­dent Gis­card d’Estaing : « Nous ne coal­isons pas des États, nous unis­sons des hommes. »

4 Commentaires

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Patrice GILBERT (X69)répondre
5 janvier 2021 à 18 h 27 min

Mon cher Olivi­er, on peut se deman­der aujour­d’hui à quoi peut servir l’Eu­rope : ce n’est plus qu’un marché com­mun et elle a passé des accords de libre échange avec pra­tique­ment tous les autres pays de la planète, y com­pris la Grande-Bre­tagne. A par­tir du moment où ce qui fait la vie des gens (fis­cal­ité, règles sociales, droit civ­il et pénal, etc.) en est exclu et quand les bases elles-mêmes ne sont pas recon­nues (cf. refus de Jacques Chirac d’écrire dans les traités les racines judéo-chré­ti­ennes de la civil­i­sa­tion européenne), on com­prend qu’il vaut mieux être en dehors de l’or­gan­i­sa­tion européenne plutôt que dedans.

boris.cousin.2002répondre
6 janvier 2021 à 8 h 56 min

Cher Cama­rade,
Qu’il me soit per­mis de point­er une dif­fi­culté séman­tique bien regret­table. Je n’ose imag­in­er qu’elle soit volon­taire. L’Eu­rope est un con­ti­nent, il existe et exis­tera tou­jours, tant poli­tique­ment que géo­graphique­ment. Il s’ag­it d’une réal­ité. Si le dossier vise à ques­tion­ner l’U­nion Européenne alors il me sem­blerait plus hon­nête de choisir le bon mot et le bon titre. Cette con­fu­sion entre l’Eu­rope et l’UE ajoute du brouil­lard inutile à un sujet com­pliqué. Etant rési­dant du Roy­aume-Uni, mais Français, je vous prie de croire que ce genre d’er­reur est très regrettable.
“Pour unir les hommes, choi­sis­sons les mots justes”
Bien cordialement,

Olivi­er Voirinrépondre
6 janvier 2021 à 19 h 27 min

Cher cama­rade Boris Cousin,
Tu as bien sûr rai­son sur le fond et ta remar­que est juste. A ma décharge l’ex­pres­sion Europe est très sou­vent util­isée pour désign­er l’U­nion Européenne, par­ti­c­ulière­ment pour les pays qui en font ou souhait­ent en faire par­tie, ce qui n’est évidem­ment pas le cas du Roy­aume Uni. De la même façon on désigne sou­vent le Roy­aume Uni par le voca­ble Angleterre et ses habi­tants par “les Anglais”, ce qui non plus n’est pas juste et ne fait pas plaisir aux Ecos­sais, Gal­lois ou Irlandais !

Olivi­er Voirinrépondre
6 janvier 2021 à 19 h 48 min

Cher Patrice, comme tu le sais c’est bien l’Eu­rope qui a négo­cié ces accords com­mer­ci­aux que tu qual­i­fies de libre échange, ce qui n’est pas exact car ils définis­sent les con­di­tions dans lesquelles les échanges sont réal­isés : droits de douane, respect des règles san­i­taires et “lev­el play­ing field” (con­cur­rence,). par ailleurs l’Eu­rope ne se réduit pas à cela, elle a con­stru­it un marché intérieur, une libre cir­cu­la­tion des per­son­nes, des ser­vices et des biens qui en fait une unité économique. L’u­nion Européenne est ain­si dev­enue la pre­mière puis­sance com­mer­ciale du monde. Cela donne à cha­cun des états mem­bres des capac­ités ; d’ac­tion qu’il ne pour­rait pas avoir s’il était indépen­dant du reste de l’U­nion. Sans vouloir tout citer il y a aus­si les pro­grammes d’échange comme Eras­mus (ce qui sus­cite quelque inquié­tude au roy­aume uni) ou les pro­grammes de recherche qui ont don­né aux dif­férents chercheurs européens de grandes pos­si­bil­ités comme le mon­tre le prix Noble obtenu par Emmanuelle Char­p­en­tier qui a pu men­er ses recherch­es en Aller­magne. Je t’in­vite à lire les arti­cles de Patrice Laget (n°759) et Jean-Pierre Bour­guignon (n°761) sur ce sujet. En 2020 des étapes impor­tantes ont été franchies à l’oc­ca­sion du plan de relance avec des emprunts en com­mun, et avec le “back­stop” qui garan­tit les avoirs des européens. Bien sûr tout n’est pas par­fait, les proces­sus de déci­sion sont com­plex­es et lents mais la créa­tion de l’eu­ro et les étapes franchies en 2020, l’ac­tion en cours sure le numérique mon­trent que l’U­nion existe et fonc­tionne et qu’il vaut mieux en accepter les con­traintes pour en faire partie.

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