Estimation des temps de mise en oeuvre des technologies de production d’hydrogène.

L’hydrogène, vecteur énergétique de l’avenir ?

Dossier : Énergie et environnementMagazine N°597 Septembre 2004
Par Jérôme PERRIN (74)
Par Jean-François DESCHAMPS

Dans la pers­pec­tive d’un déve­lop­pe­ment durable avec réduc­tion des émis­sions nettes de gaz à effet de serre, l’hy­dro­gène semble, de prime abord, paré de toutes les ver­tus car sa com­bus­tion ne pro­duit que de l’eau. De plus, hydro­gène et élec­tri­ci­té font bon ménage puisque le pas­sage de l’un à l’autre peut a prio­ri repo­ser sur le couple réver­sible de la pile à com­bus­tible et de l’élec­tro­lyse de l’eau dont la dis­po­ni­bi­li­té est qua­si uni­ver­selle. On peut alors se prê­ter à rêver à une » éco­no­mie hydro­gène « , voire une » civi­li­sa­tion hydro­gène « 1, fon­dée sur l’éner­gie de la liai­son O‑H et sur une élec­tri­ci­té d’o­ri­gine entiè­re­ment renou­ve­lable (par exemple pho­to­vol­taïque ou éolienne), échap­pant ain­si à la » malé­dic­tion » de la liai­son C‑O et des car­bu­rants fossiles. 

De toute façon, les experts et les com­pa­gnies pétro­lières s’ac­cordent main­te­nant pour dire que nous n’a­vons devant nous qu’une qua­ran­taine d’an­nées de dis­po­ni­bi­li­té de pétrole à faible coût compte tenu des réserves prou­vées et du rythme de consom­ma­tion actuelle. Certes le gaz natu­rel nous mène­rait un peu plus loin, et le char­bon et les schistes bitu­mi­neux nous laissent plu­sieurs siècles de réserves, mais l’ex­ploi­ta­tion de l’un comme de l’autre pose le pro­blème de leur valo­ri­sa­tion sans émis­sion de CO2. Or cela est envi­sa­geable par les réac­tions clas­siques de refor­mage, de trans­fert et de gazéi­fi­ca­tion à la vapeur d’eau pour pro­duire de l’hy­dro­gène à condi­tion de séques­trer sur place le CO2 produit. 

Mais on peut aus­si pro­duire de l’hy­dro­gène par d’autres filières. Par exemple à par­tir de bio­masse valo­ri­sée en hydro­gène plu­tôt qu’en bio­car­bu­rant. Ou bien par dis­so­cia­tion ther­mo­chi­mique de l’eau à haute tem­pé­ra­ture d’o­ri­gine nucléaire ou solaire. 

Ain­si l’hy­dro­gène et son corol­laire la pile à com­bus­tible (PaC) ont été pro­mus depuis quelques années au rang d’al­ter­na­tive éner­gé­tique glo­bale pour le XXIe siècle et sont actuel­le­ment l’ob­jet d’une véri­table mobi­li­sa­tion internationale. 

Nous allons ici par­tir de la réa­li­té du mar­ché de l’hy­dro­gène indus­triel aujourd’­hui pour exa­mi­ner les enjeux et les défis tech­no­lo­giques spé­ci­fiques de » l’hy­dro­gène-éner­gie « . Nous trai­te­rons d’a­bord de la pro­duc­tion de l’hy­dro­gène, puis de sa dis­tri­bu­tion et de son sto­ckage en les com­pa­rant à ceux de l’es­sence ou du gaz natu­rel. Ensuite nous nous pen­che­rons sur la pro­blé­ma­tique des piles à com­bus­tible. Cela nous per­met­tra de faire une pre­mière clas­si­fi­ca­tion des effi­ca­ci­tés éner­gé­tiques de dif­fé­rentes asso­cia­tions pro­duc­tion-sto­ckage-dis­tri­bu­tion-uti­li­sa­tion » du puits à la roue « , selon la ter­mi­no­lo­gie appro­priée à une éco­no­mie du trans­port. On conclu­ra en pré­sen­tant som­mai­re­ment un scé­na­rio de tran­si­tion actuel­le­ment en discussion. 

Une mobilisation internationale

Les appli­ca­tions et les recherches sur l’hy­dro­gène en tant que vec­teur éner­gé­tique ne datent pas d’hier. On sait pro­duire de l’hy­dro­gène depuis plus d’un siècle, et l’on uti­li­sait déjà depuis long­temps de l’hy­dro­gène dans des mélanges gazeux en com­bus­tion. Quant à l’in­ven­tion de la PaC, elle est, elle aus­si, plus que cen­te­naire. Mais la dyna­mique actuelle basée sur l’at­te­lage H2-PaC n’a été vrai­ment enclen­chée qu’a­près le pre­mier choc pétro­lier en 1973. En témoigne le fait que nous en sommes déjà à la 15e confé­rence mon­diale sur l’hy­dro­gène-éner­gie, laquelle a lieu tous les deux ans2. Depuis une tren­taine d’an­nées on a vu se suc­cé­der divers pro­grammes natio­naux d’en­ver­gure, sur­tout au Japon, en Alle­magne et au Cana­da. On a vu ain­si appa­raître des pro­to­types de véhi­cules à hydro­gène et des géné­ra­teurs d’élec­tri­ci­té sta­tion­naires par PaC. En France le réseau PaCo a lar­ge­ment contri­bué depuis plus de cinq ans à la struc­tu­ra­tion d’une recherche indus­trielle sur la PaC. 

Plus récem­ment, les États-Unis se sont lan­cés dans un pro­gramme ambi­tieux » Free­dom Car & Fuel Cells « , annon­cé par George Bush lui-même en jan­vier 2003, après qu’une » road­map » eut été éla­bo­rée et publiée à la fin 20023. En rajou­tant 720 mil­lions de dol­lars aux pro­grammes exis­tants c’est un bud­get fédé­ral glo­bal de 1,7 mil­liard de dol­lars qui devrait être affec­té au déve­lop­pe­ment de l’hy­dro­gène-éner­gie aux États-Unis jus­qu’en 2008. Au niveau euro­péen, le 6e pro­gramme cadre de recherche et déve­lop­pe­ment tech­no­lo­gique (PCRDT) sur la période 2002–2006 veut consa­crer 2,12 mil­liards au déve­lop­pe­ment durable et aux éner­gies propres, et une part impor­tante devrait être affec­tée à l’hy­dro­gène-éner­gie, ceci venant s’a­jou­ter aux finan­ce­ments natio­naux. Paral­lè­le­ment ont été mis en place un haut comi­té puis une plate-forme tech­no­lo­gique4 réunis­sant les prin­ci­paux acteurs de l’in­dus­trie et des grands orga­nismes de recherche pour pré­pa­rer la stra­té­gie euro­péenne pour 2015 et au-delà. Enfin des ren­contres entre Phi­lippe Bus­quin, com­mis­saire euro­péen en charge de la R&D, et Spen­cer Abra­ham, secré­taire d’É­tat à l’éner­gie du gou­ver­ne­ment amé­ri­cain, ont lan­cé une col­la­bo­ra­tion inter­con­ti­nen­tale sur le thème de l’hy­dro­gène-éner­gie5. En outre les pro­grammes japo­nais et cana­dien conti­nuent de plus belle, et d’autres pays impor­tants comme la Rus­sie et la Chine lancent leurs propres programmes. 

Du produit chimique au vecteur énergétique

Mais actuel­le­ment l’hy­dro­gène est avant tout un pro­duit chi­mique et sa pro­duc­tion ne repré­sente qu’en­vi­ron 1,5 % de la consom­ma­tion mon­diale d’éner­gie. La pro­duc­tion mon­diale totale d’hy­dro­gène s’é­le­vait en 2001 à 540 mil­liards de m3 (Gm3) ou 48,5 mil­lions de tonnes6, soit 140 Mtep7. Ses prin­ci­paux mar­chés sont la pro­duc­tion d’am­mo­niac (51 %, soit 275 Gm3), le raf­fi­nage (45 %, soit 243 Gm3), la chi­mie (3 %, 16 Gm3), et enfin les autres uti­li­sa­tions – éner­gie, indus­trie du verre (obten­tion d’at­mo­sphères légè­re­ment réduc­trices), trai­te­ments ther­miques, par exemple – (envi­ron 1 %, soit 5,4 Gm3). Cepen­dant la majeure par­tie de la pro­duc­tion mon­diale est auto­pro­duite et auto­con­som­mée par les indus­triels, et n’ap­pa­raît donc pas sur le mar­ché qu’a­li­mentent les grands pro­duc­teurs de gaz indus­triels que sont Air Liquide, Air Pro­ducts, Praxair, Linde et BOC. L’hy­dro­gène qui se négo­cie sur ce mar­ché repré­sente seule­ment 3,65 % de la pro­duc­tion mon­diale, soit 21 Gm3, c’est-à-dire 6 % de l’hy­dro­gène du raf­fi­nage (14,6 Gm3), 32 % de l’hy­dro­gène de la chi­mie (5,2 Gm3) et 57 % de celui des autres appli­ca­tions (envi­ron 2 Gm3). Il s’a­git cepen­dant d’un mar­ché en forte crois­sance qui devrait atteindre 30 Gm3 en 2006, soit une crois­sance moyenne de + 10 % par an. 

Concer­nant l’hy­dro­gène comme vec­teur éner­gé­tique, la consom­ma­tion actuelle des quelques pro­jets de démons­tra­tion de véhi­cules urbains est encore déri­soire. À cela s’a­joutent quelques pro­jets de pro­duc­tion d’élec­tri­ci­té sta­tion­naire par PaC. Mais si, au-delà de 2015, on peut rai­son­na­ble­ment pen­ser que quelques pour cent des véhi­cules seront conver­tis à l’hy­dro­gène alors la consom­ma­tion d’hy­dro­gène-éner­gie devien­dra tout à fait signi­fi­ca­tive. Rap­pe­lons que les trans­ports repré­sen­taient en 2001 envi­ron 1 600 Mtep, soit plus de 10 fois la pro­duc­tion totale d’hydrogène. 

D’ores et déjà, une des rares appli­ca­tions réel­le­ment indus­trielles de l’hy­dro­gène-éner­gie dans le trans­port est la pro­pul­sion spa­tiale. Des moteurs cryo­gé­niques ali­men­tés en hydro­gène et oxy­gène liquides ont équi­pé la fusée Ariane 4 et équipent encore Ariane 5. Le réser­voir d’A­riane 5, construit par Cryos­pace (filiale d’Air Liquide et d’EADS) contient envi­ron 27 tonnes d’hy­dro­gène liquide que l’on rem­plit sur le pas de tir juste avant le lancement. 

Production de l’hydrogène

L’hy­dro­gène indus­triel est actuel­le­ment pro­duit soit par élec­tro­lyse de l’eau (4 % de la pro­duc­tion), soit par refor­mage du gaz natu­rel (48 %) ou d’hy­dro­car­bures liquides (18 %) et par gazéi­fi­ca­tion du char­bon (18 %). Il y a en fait trois types de pro­cé­dés de reformage : 

  • le vapo­re­for­mage de méthane (SMR, Steam Methane Refor­ming), qui réa­lise le cra­quage du gaz natu­rel par la vapeur d’eau à haute tem­pé­ra­ture : CH4 + H2O → CO + 3 H2,
  • l’oxy­da­tion par­tielle (POX, Par­tial Oxy­da­tion), qui consiste à pro­duire de l’hy­dro­gène notam­ment à par­tir d’hy­dro­car­bures lourds et de dioxygène, 
  • un pro­cé­dé inter­mé­diaire (ATR, Auto Ther­mal Refor­ming), qui uti­lise essen­tiel­le­ment du gaz naturel. 


Tous les pro­cé­dés de gazéi­fi­ca­tion et refor­mage pro­duisent un mélange com­po­sé d’hy­dro­gène et de CO et du CO2. Le CO peut être valo­ri­sé en tant que tel en chi­mie, par exemple pour pro­duire du poly­uré­thane, ou conver­ti en CO2 par une réac­tion sup­plé­men­taire de dépla­ce­ment à l’eau : CO + H2O → CO2 + H2 qui pro­duit une molé­cule d’hy­dro­gène sup­plé­men­taire. Pour une pro­duc­tion d’H2 » propre » il serait donc néces­saire d’as­so­cier une séques­tra­tion du CO2, ce qui est plus aisé­ment réa­li­sable dans le cas d’une pro­duc­tion cen­tra­li­sée que dans le cas de petits refor­meurs, ou a for­tio­ri de refor­meurs embar­qués dans les véhi­cules comme cela est par­fois envisagé. 

Il s’en­suit une étape de puri­fi­ca­tion par l’un des trois grands pro­cé­dés, selon la pure­té sou­hai­tée du pro­duit final : 

  • dis­til­la­tion cryogénique, 
  • sépa­ra­tion par mem­brane, qui per­met d’ob­te­nir de l’hy­dro­gène pur à 98 %, 
  • adsorp­tion (PSA Pres­sure Swing Adsorp­tion), qui per­met de pro­duire de l’hy­dro­gène très pur (99,999 %).


Par exemple sur le site de Ber­gen op Zoom aux Pays-Bas on uti­lise le pro­cé­dé SMR et une puri­fi­ca­tion PSA pour une pro­duc­tion d’une capa­ci­té de 32 000 m3/h d’H2 et de 8 000 m3/h de CO. 

La recherche-déve­lop­pe­ment sur les pro­cé­dés de pro­duc­tion d’hy­dro­gène porte sur plu­sieurs aspects qui visent d’une part à en bais­ser le coût de pro­duc­tion, avec l’ob­jec­tif de pas­ser en des­sous de 1 €/kg, d’autre part à pro­mou­voir des filières com­pa­tibles avec un déve­lop­pe­ment durable et avec des sources d’éner­gies renou­ve­lables. Ain­si, en allant des tra­vaux les plus proches de l’ap­pli­ca­tion, aux recherches les plus en amont, on éva­lue actuellement : 

  • des refor­meurs au gaz natu­rel com­pacts pour ali­men­ter des stations-service, 
  • des réac­teurs de gazéi­fi­ca­tion et refor­mage de bio­masse par une oxy­da­tion par­tielle en pré­sence d’eau8,
  • des élec­tro­ly­seurs cou­plés à des sources d’élec­tri­ci­té renou­ve­lables inter­mit­tentes (éoliennes ou pan­neaux solaires pho­to­vol­taïques) comme moyen de stockage, 
  • l’élec­tro­lyse à haute pres­sion, pour gagner sur le coût éner­gé­tique de la com­pres­sion dans le sto­ckage de l’hydrogène, 
  • des cycles ther­mo­chi­miques de dis­so­cia­tion de l’eau à des tem­pé­ra­tures de 500 – 900 °C fai­sant inter­ve­nir dif­fé­rents couples d’élé­ments chi­miques (iode-soufre, Ca-Br, etc.), avec la pers­pec­tive de pou­voir exploi­ter la cha­leur pro­ve­nant de réac­teurs nucléaires dits de » 4e géné­ra­tion « , ou bien de fours solaires à concentration, 
  • des pro­cé­dés pho­to­chi­miques ou photobiologiques. 


Compte tenu de leurs matu­ri­tés res­pec­tives, ces nou­velles filières ne pour­ront être mises en œuvre que pro­gres­si­ve­ment comme l’illustre le sché­ma de la figure 1 et leur poten­tiel dépen­dra for­te­ment du lieu géo­gra­phique concer­né. Mais si l’ob­jec­tif est bien de cou­vrir une par­tie signi­fi­ca­tive des besoins éner­gé­tiques à l’ho­ri­zon 2050, en par­ti­cu­lier dans le trans­port, les capa­ci­tés de pro­duc­tion actuelle d’hy­dro­gène devront être mul­ti­pliées d’i­ci là par plus d’un ordre de grandeur. 


FIGURE 1
Esti­ma­tion des temps de mise en oeuvre des tech­no­lo­gies de pro­duc­tion d’hydrogène.
D’après l’étude du réseau euro­péen HyNet :
Towards a Euro­pean Hydro­gen Ener­gy Road­map, Exe­cu­tive Report, 12 mai 2004.

Stockage et distribution de l’hydrogène

Les moyens de dis­tri­bu­tion mis en œuvre dépendent de la quan­ti­té d’hy­dro­gène à dis­tri­buer et du type de pro­duc­tion. Pour de petites quan­ti­tés (1 à 50 m3/h) le trans­port à par­tir d’une pro­duc­tion cen­tra­li­sée se fait sous forme gazeuse en bou­teilles ou par semi-remorque (3 400 m3, soit envi­ron 300 kg d’H2 à 200 bars). Pour quelques cen­taines de m3/h on peut trans­por­ter l’hy­dro­gène sous forme liquide par semi-remorque (45 000 litres à tem­pé­ra­ture cryo­gé­nique de 20 °K). Les uni­tés de liqué­fac­tion ont une capa­ci­té mon­diale d’en­vi­ron 277 tonnes par jour (206 t/j aux États-Unis, 51 t/j au Cana­da et 20 t/j en Europe). 

Enfin pour de très grandes quan­ti­tés (plu­sieurs dizaines de mil­liers de m3/h) lorsque les besoins sont cen­tra­li­sés (gros clients ou clients suf­fi­sam­ment proches les uns des autres) on uti­lise des réseaux de pipe­lines. Le réseau d’Eu­rope du Nord (figure 2) est le plus grand au monde. Le gaz cir­cule à 100 bars dans plus de 1 100 km de cana­li­sa­tions. La quan­ti­té d’hy­dro­gène qui cir­cule – une par­tie de la pro­duc­tion étant consom­mée sur place – est de plus de 50 000 m3/h. Une exten­sion de ces réseaux de pipe­lines appa­raît comme une néces­si­té incon­tour­nable dans la pers­pec­tive d’une éco­no­mie de l’hy­dro­gène car le trans­port par camion sous forme liquide ou gazeuse devien­drait rapi­de­ment pro­hi­bi­tif pour les rai­sons que nous allons main­te­nant évo­quer. Pour ce faire on envi­sage sérieu­se­ment de pou­voir adap­ter le réseau exis­tant de trans­port de gaz naturel. 

Mais le sto­ckage de l’hy­dro­gène sous forme de gaz com­pri­mé ou de liquide a un coût éner­gé­tique impor­tant, en tout cas bien supé­rieur à celui du gaz natu­rel. La com­pres­sion de l’hy­dro­gène repré­sente envi­ron 7 % de son pou­voir calo­ri­fique pour pas­ser de 1 à 200 bars et 10 % pour atteindre 700 bars, et la dépense éner­gé­tique pour liqué­fier l’hy­dro­gène à 20 K repré­sente 30 % de son pou­voir calo­ri­fique. De plus, alors que l’hy­dro­gène a une éner­gie spé­ci­fique meilleure que le pétrole (1 kg de H2 équi­valent à ~3 kg de pétrole), sa den­si­té éner­gé­tique par une uni­té de volume est rela­ti­ve­ment faible. Par exemple la den­si­té de l’hy­dro­gène liquide à 20 K n’est que 0,07 kg/litre, et elle n’est que de 0,04 kg/litre pour de l’hy­dro­gène gazeux com­pri­mé à 700 bars et 300 K. Ain­si, même en admet­tant qu’il suf­fit de 6 kg d’hy­dro­gène pour assu­rer une auto­no­mie d’en­vi­ron 600 km à une voi­ture équi­pée d’un moteur à PaC (voir para­graphe sui­vant), le volume du car­bu­rant à lui seul occupe déjà 85 à 150 litres, auquel il faut rajou­ter le volume de l’en­ve­loppe, des vannes et des autres acces­soires. Par ailleurs le poids du réser­voir lui-même peut deve­nir un han­di­cap compte tenu du fait qu’il doit soit résis­ter aux très hautes pres­sions, soit assu­rer une excel­lente iso­la­tion thermique. 

Enfin il faut comp­ter avec les fac­teurs de risques de la haute pres­sion et de l’ex­plo­si­vi­té de l’hy­dro­gène dans l’air, qu’ils soient réels ou sur­éva­lués9. C’est ain­si que la pro­blé­ma­tique du sto­ckage embar­qué de l’hy­dro­gène est deve­nue un thème de recherche et déve­lop­pe­ment en tant que tel. 

Le plus grand réseau de transport d’hydrogène par pipeline en Europe du Nord, exploité par Air Liquide.
FIGURE 2
Le plus grand réseau de trans­port d’hydrogène par pipe­line en Europe du Nord, exploi­té par Air Liquide. Source : Air Liquide.


Tout d’a­bord cer­tains construc­teurs auto­mo­biles, tels BMW, Opel et VW, conti­nuent de pro­mou­voir la solu­tion du sto­ckage sous forme liquide avec des exi­gences accrues en matière d’i­so­la­tion, et une ges­tion intel­li­gente de la fuite d’hy­dro­gène due à l’é­bul­li­tion. Mais la plu­part des autres construc­teurs misent sur un sto­ckage gazeux à 700 bars dans des réser­voirs légers en struc­ture com­po­site ren­for­cée par un bobi­nage de fibres de car­bone. Il convient de rap­pe­ler aus­si que cer­tains, comme Daim­ler-Chrys­ler, avaient pré­co­ni­sé une solu­tion de sto­ckage chi­mique sous forme de métha­nol avec un refor­meur embar­qué pour pro­duire l’hy­dro­gène. Le métha­nol, CH3OH, est en effet très inté­res­sant par sa frac­tion mas­sique intrin­sèque d’hy­dro­gène de 12,5 %, et par le fait qu’il est liquide à pres­sion et tem­pé­ra­ture ambiantes. Mais cette voie a été aban­don­née à cause de la toxi­ci­té du métha­nol. Néan­moins on conti­nue d’en­vi­sa­ger de faire du refor­mage embar­qué à par­tir d’autres hydro­car­bures liquides, bien que le CO2 émis ne puisse être séques­tré dans ces conditions. 

Au-delà de ces solu­tions déjà tes­tées dans des voi­tures de démons­tra­tion, on conti­nue de recher­cher des pro­cé­dés de sto­ckages moins contrai­gnants que la liqué­fac­tion ou la com­pres­sion, tout en gar­dant en ligne de mire les mêmes objec­tifs d’aug­men­ter la den­si­té volu­mique effec­tive et la frac­tion mas­sique de l’hy­dro­gène par rap­port au volume et au poids total du réser­voir. Ceci concerne d’ailleurs non seule­ment les véhi­cules, mais aus­si les appli­ca­tions sta­tion­naires. Les solu­tions envi­sa­gées, plus ou moins abou­ties tech­ni­que­ment et com­mer­cia­le­ment, sont diverses : 

  • phy­si­sorp­tion à basse tem­pé­ra­ture sur dif­fé­rentes formes de car­bone nano­struc­tu­ré10,
  • for­ma­tion d’hy­drures métal­liques dont les tem­pé­ra­tures et ciné­tiques d’ad­sorp­tion-désorp­tion et les frac­tions mas­siques d’hy­dro­gène sto­cké sont plus ou moins adap­tées à tel ou tel usage. Les maté­riaux a prio­ri les plus attrayants seraient les ala­nates tels que LiAlH4 and NaAlH4, 
  • sto­ckage chi­mique ther­mo­ré­ver­sible dans des hydro­car­bures aro­ma­tiques ou des ami­no­bo­ranes cycliques, 
  • sto­ckage chi­mique dans un pro­duit comme le boro­hy­drure de sodium qui libère de l’hy­dro­gène par hydro­lyse : NaBH4 + 2 H2O → NaBO2 + 4H2, et peut éven­tuel­le­ment être recyclé. 


Le dia­gramme de la figure 3 com­pare les per­for­mances de dif­fé­rents types de réser­voirs d’hy­dro­gène à celles d’autres réser­voirs de car­bu­rants liquides et montre clai­re­ment la dif­fi­cul­té d’at­teindre la den­si­té d’éner­gie et l’éner­gie spé­ci­fique de l’es­sence quand on prend en compte le volume et le poids du réservoir. 

Piles à combustible ou combustion

Il existe plu­sieurs types de PaC dont cer­taines fonc­tionnent d’ailleurs direc­te­ment avec du métha­nol ou avec du gaz natu­rel. Mais la pile à mem­brane élec­tro­lyte poly­mère (PEMFC), conduc­trice de pro­tons, est celle qui retient l’at­ten­tion prin­ci­pale car elle fonc­tionne avec de l’hy­dro­gène à l’a­node et de l’air à la cathode et pro­duit de l’eau. Sa tem­pé­ra­ture opti­male de fonc­tion­ne­ment est autour de 80 °C.

L’at­trait des PEMFC réside dans la pos­si­bi­li­té de récu­pé­rer l’en­thal­pie de la réac­tion de recombinaison
H2 + 12 O2 → H2O direc­te­ment sous forme d’éner­gie élec­trique, tout en res­tant à bien plus basse tem­pé­ra­ture que dans une flamme ou un moteur à com­bus­tion interne. Cela leur confère plu­sieurs atouts : 

  • un meilleur ren­de­ment de pro­duc­tion d’élec­tri­ci­té qu’une simple tur­bine à gaz cou­plée à un alternateur, 
  • la rela­tive constance du ren­de­ment, dans le cas d’une PEMFC cou­plée à un moteur élec­trique pour un véhi­cule en cir­cu­la­tion urbaine. Par exemple sur les pro­jets de bus le ren­de­ment est de l’ordre de 45 % avec une pile, et ce ren­de­ment est constant même avec une uti­li­sa­tion inter­mit­tente comme c’est le cas en ville. Enfin, l’in­té­rêt de cette pile cou­plée à des bat­te­ries est qu’il est pos­sible de récu­pé­rer une par­tie de l’éner­gie de freinage, 
  • pas de pro­duc­tion d’oxydes d’a­zote. Le pro­blème majeur de pol­lu­tion à l’in­té­rieur des villes n’est pas le CO2 mais ce sont les émis­sions de NOx et de par­ti­cules de suies. En brû­lant direc­te­ment du gaz natu­rel on réduit nota­ble­ment ces émis­sions par rap­port à la com­bus­tion d’es­sence ou de fioul. En rajou­tant de l’hy­dro­gène dans un moteur à gaz natu­rel c’est encore mieux, mais il reste des NOx. Par contre en cou­plant hydro­gène et pile à com­bus­tible tous ces pro­blèmes sont à peu près réso­lus – indé­pen­dam­ment du pro­blème de pol­lu­tion au moment de la pro­duc­tion d’hydrogène. 


En pra­tique les PaC de type PEMFC sont actuel­le­ment déve­lop­pées en vue de trois types d’applications : 

  • Appli­ca­tions stationnaires
    (géné­ra­teurs de secours ou bien géné­ra­teurs auto­nomes d’élec­tri­ci­té avec chauf­fage par cogé­né­ra­tion pour l’ha­bi­tat rési­den­tiel) La puis­sance néces­saire varie de quelques cen­taines de watts à 250 kW. Le point le plus impor­tant est la durée de vie, qui doit être supé­rieure à 40 000 heures, ain­si que la fia­bi­li­té. Les piles à com­bus­tible peuvent deve­nir éco­no­mi­que­ment inté­res­santes sur ce seg­ment si on par­vient à abais­ser le coût au-des­sous de 2 000 €/kW.
  • Trans­ports
    Pour les appli­ca­tions trans­ports, il faut des piles ayant une puis­sance de quelques kW (vélo­mo­teur) à plu­sieurs cen­taines de kW (camion ou bateau). Le seuil de ren­ta­bi­li­té est d’en­vi­ron 1 000 €/kW pour les trans­ports col­lec­tifs, sachant qu’un bus doit durer de quinze à vingt ans (soit, pour un véhi­cule rou­lant 7 heures par jour, envi­ron 40000 heures). Pour l’au­to­mo­bile, les objec­tifs sont de par­ve­nir à 50 €/kW et une durée de vie de l’ordre de 5 000 heures. 
  • Appli­ca­tions portables 
    Ce domaine est peut-être celui qui ver­ra le pre­mier l’é­mer­gence de la pile à com­bus­tible. Il s’a­git d’ap­pli­ca­tions pour les­quelles les puis­sances requises sont faibles (quelques watts à quelques dizaines de watts) ; le mar­ché visé est celui de l’a­li­men­ta­tion des télé­phones por­tables (100 mW), des micro-ordi­na­teurs (30 W). Deux filières tech­no­lo­giques sont actuel­le­ment étu­diées : la pile à hydro­gène et la pile à métha­nol direct. La pre­mière est plus per­for­mante mais doit faire face au pro­blème de la minia­tu­ri­sa­tion du sto­ckage de l’hy­dro­gène, tan­dis que la deuxième peut être ali­men­tée par des petites car­touches de métha­nol faciles à gérer. Par rap­port à une bat­te­rie lithium-ion clas­sique l’au­to­no­mie est mul­ti­pliée par un fac­teur 3. 


Il y a encore beau­coup de pro­grès à faire pour atteindre nombre des objec­tifs com­mer­ciaux, tant au niveau du coût glo­bal que de la durée de vie. 

Performances actuelles (cercles) et espérées (ellipses en pointillés) de diverses solutions de stockage embarqué de l’hydrogène
FIGURE 3
Per­for­mances actuelles (cercles) et espé­rées (ellipses en poin­tillés) de diverses solu­tions de sto­ckage embar­qué de l’hydrogène en pre­nant en compte le volume et le poids du réservoir.

 
Une par­tie des réduc­tions de coûts de fabri­ca­tion vien­dra des pro­duc­tions en série, mais le coût d’une PEMFC est encore domi­né par celui des mem­branes et par celui des plaques bipo­laires qui prennent les mem­branes en sand­wich tout en assu­rant l’ar­ri­vée des gaz et l’é­va­cua­tion de l’eau. Les mem­branes sont coû­teuses à cause de la nature du poly­mère uti­li­sé, un poly­mère fluo­ré comme le Nafion® de la socié­té Du Pont, et aus­si du cata­ly­seur en pla­tine néces­saire pour acti­ver la dis­so­cia­tion de H2 à l’a­node. Les recherches visent à trou­ver des sub­sti­tuts au poly­mère fluo­ré et à dimi­nuer la charge de pla­tine néces­saire, voire à mettre au point des cata­ly­seurs moins coû­teux. Quant à la durée de vie et au vieillis­se­ment ils dépendent du degré d’hu­mi­di­fi­ca­tion de la mem­brane et de sa tolé­rance aux impu­re­tés conte­nues dans les gaz, tant l’hy­dro­gène que l’air. 

Pour ces diverses rai­sons cer­tains construc­teurs auto­mo­biles comme BMW pré­fèrent mettre l’ac­cent sur l’op­ti­mi­sa­tion d’un moteur à com­bus­tion interne à l’hy­dro­gène. D’autres envi­sagent cette solu­tion comme une option néces­saire dans une phase inter­mé­diaire pour amor­cer une éco­no­mie des trans­ports fon­dée sur l’hy­dro­gène avant que la PEMFC n’ait atteint sa véri­table matu­ri­té tech­nique et commerciale. 

Stations-service et autoroutes de l’hydrogène

On dénombre actuel­le­ment dans le monde envi­ron 75 sta­tions-ser­vice à l’hy­dro­gène pour ali­men­ter les pre­mières flottes cap­tives de véhi­cules à moteur à hydro­gène (PaC ou éven­tuel­le­ment com­bus­tion interne). La plu­part délivrent du gaz com­pri­mé à 300–350 bars et cer­taines com­mencent à four­nir du gaz à 700 bars. D’autres four­nissent de l’hy­dro­gène liquide, voire du liquide et du gaz com­pri­mé comme la sta­tion de l’aé­ro­port de Munich. Cer­taines sont fixes, d’autres mobiles, et la capa­ci­té de ces sta­tions est à la mesure de la consom­ma­tion qu’elles doivent assu­rer : beau­coup sont dimen­sion­nées pour four­nir quelques dizaines de kg d’hy­dro­gène par jour, c’est-à-dire la consom­ma­tion de quelques bus ou d’une dizaine de véhicules. 

Efficacité énergétique et émissions équivalentes de CO2 pour différentes filières de production d'hydrogène
FIGURE 4
Effi­ca­ci­té éner­gé­tique et émis­sions équi­va­lentes de CO2 pour dif­fé­rentes filières de pro­duc­tion (ES = source d’énergie ; NG = gaz natu­rel ; EU mix = moyenne euro­péenne pour la pro­duc­tion élec­trique), de dis­tri­bu­tion (cen­tra­li­sé ou in situ) et de sto­ckage d’hydrogène (gaz com­pri­mé ou liquide), et de mode d’utilisation dans le trans­port (FC = moteur PaC ; ICE = moteur à com­bus­tion interne).
Source : IFP, Pano­ra­ma 2004, Hydro­gen : an ener­gy vec­tor for the future ?
Figure réa­li­sée d’après les résul­tats de l’étude citée dans la note 12.


L’Eu­rope a été la pre­mière à lan­cer un pro­gramme cohé­rent d’é­va­lua­tion de sta­tions-ser­vice pour ali­men­ter des flottes de bus à PaC en milieu urbain. Les pre­mières sta­tions de ce pro­gramme CUTE (Clean Urban Trans­port for Europe) ont com­men­cé d’être opé­ra­tion­nelles en 2003. Ces sta­tions peuvent être ali­men­tées soit par des camions d’hy­dro­gène liquide, soit par des géné­ra­teurs sur site (SMR ou élec­tro­ly­seur), en atten­dant que cer­taines puissent être direc­te­ment ali­men­tées par un gazoduc. 

Un des pro­blèmes spé­ci­fiques d’une sta­tion-ser­vice, fût-elle à l’hy­dro­gène, est d’as­su­rer un rem­plis­sage rapide du réser­voir d’un véhi­cule. Or la com­pres­sion bru­tale d’hy­dro­gène jus­qu’à 700 bars dans le réser­voir est qua­si adia­ba­tique ; elle pro­voque donc un échauf­fe­ment du gaz et par consé­quent des parois en maté­riau com­po­site. Cela impose donc de dis­po­ser d’une source à plus haute pres­sion (800 bars) pour com­pen­ser cet échauf­fe­ment, ou bien de refroi­dir l’hy­dro­gène avant le rem­plis­sage. D’autre part le rem­plis­sage d’hy­dro­gène liquide à 20 K implique d’é­normes pré­cau­tions et une connec­tique rapide sophis­ti­quée. Ces sujets ain­si que ceux de l’ac­cep­ta­bi­li­té et de la sécu­ri­té de ces sta­tions en site urbain sont les pre­miers sou­cis des concep­teurs et des installateurs. 

C’est la Cali­for­nie qui a lan­cé le pre­mier pro­jet d’au­to­route de l’hy­dro­gène (« hydro­gen high­way »)11. Il s’a­git en l’oc­cur­rence de créer d’i­ci à 2010 une infra­struc­ture de 170 sta­tions-ser­vice d’a­li­men­ta­tion en hydro­gène le long des prin­ci­pales auto­routes cali­for­niennes. Des pro­jets d’au­to­routes de l’hy­dro­gène sont à l’é­tude en Alle­magne. Mais pour trans­for­mer ces pro­jets sub­ven­tion­nés en réa­li­té éco­no­mique il faut résoudre le pro­blème de l’a­dé­qua­tion entre l’offre et la demande alors que les véhi­cules à hydro­gène sont encore rares. 

Bilan comparatif » du puits à la roue »

Un rap­port récent éma­nant d’une col­la­bo­ra­tion de par­te­naires des indus­tries pétro­lières et auto­mo­biles et d’or­ga­nismes publics sous l’é­gide de la Com­mis­sion euro­péenne12 fait l’a­na­lyse com­pa­rée des effi­ca­ci­tés éner­gé­tiques de dif­fé­rents car­bu­rants pour véhi­cules » du puits à la roue » (well-to-wheels) en termes d’é­mis­sions de CO2 et d’éner­gie dépen­sée pour la même dis­tance par­cou­rue. Le résul­tat glo­bal pour dif­fé­rentes com­bi­nai­sons de pro­duc­tion, dis­tri­bu­tion, sto­ckage et mode d’u­ti­li­sa­tion est pré­sen­té sur la figure 4. Plu­sieurs points méritent d’être soulignés : 

. la pro­duc­tion d’hy­dro­gène par élec­tro­lyse est très inef­fi­cace éner­gé­ti­que­ment. Son ren­de­ment n’est que de 25 %, contre 70 % pour les pro­cé­dés de vapo­re­for­mage de gaz natu­rel. Si l’élec­tri­ci­té est pro­duite par des éner­gies fos­siles (EU mix) le bilan est aus­si catas­tro­phique en émis­sions de CO2 ;

  • la com­bi­nai­son d’une pro­duc­tion d’hy­dro­gène par vapo­re­for­mage de gaz natu­rel et d’un moteur à PaC appa­raît plus effi­cace à tous points de vue que le moteur clas­sique à com­bus­tion interne fonc­tion­nant à l’es­sence ou que le moteur die­sel. En revanche son effi­ca­ci­té éner­gé­tique est équi­va­lente à celle d’un moteur hybride élec­trique avec die­sel. On peut en déduire qu’un moteur à com­bus­tion interne à hydro­gène, de moindre ren­de­ment qu’un moteur PaC, serait au contraire péna­li­sant. Il vaut mieux dans ce cas faire de la com­bus­tion directe de gaz naturel ; 
  • la pro­duc­tion d’hy­dro­gène par gazéi­fi­ca­tion du char­bon com­bi­née avec un moteur PaC offre peu d’in­té­rêt par rap­port au moteur à essence ou die­sel sauf si l’on séquestre le CO2 de manière centralisée ; 
  • la liqué­fac­tion est tou­jours moins effi­cace que la com­pres­sion comme moyen de sto­ckage de l’hydrogène ; 
  • comme on pou­vait s’en dou­ter la meilleure com­bi­nai­son est celle d’une PaC avec une éner­gie renou­ve­lable pour pro­duire l’hy­dro­gène. La pro­duc­tion d’hy­dro­gène par élec­tro­lyse via une éolienne paraît plus effi­cace que l’élec­tro­lyse à par­tir d’élec­tro­nu­cléaire. Cela est un peu arbi­traire et vient du fait que l’élec­tri­ci­té éolienne est consi­dé­rée ici comme une éner­gie pri­maire contrai­re­ment à l’élec­tri­ci­té nucléaire. 

Estimation de l’introduction des applications de l’hydrogène-énergie dans différents secteurs d’usage
FIGURE 5
Esti­ma­tion de l’introduction des appli­ca­tions de l’hydrogène-énergie dans dif­fé­rents sec­teurs d’usage (rouge : trans­port ; vert : sta­tion­naire ; noir : portable)
D’après l’Étude du réseau euro­péen HyNet : Towards a Euro­pean Hydro­gen Ener­gy Road­map, Exe­cu­tive Report, 12 mai 2004
.

Vers une économie de l’hydrogène ?

Nous avons vu plus haut les délais néces­saires à la mise en œuvre de diverses méthodes de pro­duc­tion d’hy­dro­gène com­pa­tibles avec un déve­lop­pe­ment durable et des éner­gies pri­maires renou­ve­lables. Mais il y a pour l’ins­tant suf­fi­sam­ment d’hy­dro­gène pro­duit » clas­si­que­ment « , au moins pen­dant les dix pro­chaines années, pour per­mettre la démons­tra­tion et la com­mer­cia­li­sa­tion de plu­sieurs tech­no­lo­gies de PaC ou de com­bus­tion uti­li­sant de l’hydrogène-énergie. 

Le dia­gramme de la figure 5 pré­sente une vision de la tran­si­tion vers un mar­ché de masse des sys­tèmes à piles à com­bus­tible et de la demande d’hy­dro­gène en com­men­çant par les appli­ca­tions por­tables et des mar­chés de niches pour le trans­port et les appli­ca­tions sta­tion­naires avant que ne se déve­loppe éven­tuel­le­ment le mar­ché des voi­tures indi­vi­duelles à PaC. 

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1. Jere­my Rif­kin, L’É­co­no­mie hydro­gène : après la fin du pétrole la nou­velle révo­lu­tion éco­no­mique, édi­tion La Décou­verte, 2003.
2. WHEC : World Hydro­gen Ener­gy Confe­rence. La WHEC-15 s’est tenue à Yoko­ha­ma à la fin juin 2004 ; la WHEC 16 aura lieu à Lyon en juin 2006.
3. Natio­nal Hydro­gen Ener­gy Road­map, nov. 2002, US Depart­ment of Energy.
4. Euro­pean Hydro­gen and Fuel Cell Tech­no­lo­gy Plat­form, dont les tra­vaux ont démar­ré le 21 jan­vier 2004.
5. Col­la­bo­ra­tion relayée entre autres par le comi­té IPHE (Inter­na­tio­nal Part­ner­ship for Hydro­gen Energy).
6. Masse volu­mique de H2 : 0,0899 kg/m3, en condi­tions nor­males (15 °C, 1 atm).
7. Équi­va­lence éner­gé­tique : 1 kg H2 ≈ 33,33 kWh ≈ 120 MJ ≈ 2,855 kg équi­valent pétrole.
8. La France dis­pose d’un poten­tiel de res­sources de bio­masse esti­mé à envi­ron 25 Mtep, dont moins d’une dizaine de Mtep sont uti­li­sées pour le moment. À terme il fau­dra choi­sir la meilleure uti­li­sa­tion entre dif­fé­rentes formes de bio­car­bu­rants et l’hy­dro­gène, mais ces res­sources à elles seules ne suf­fisent pas pour cou­vrir l’en­semble des besoins actuels en carburants.
9. L’ac­ci­dent du diri­geable Hin­den­burg gon­flé à l’hy­dro­gène en 1937 a tel­le­ment mar­qué les esprits qu’il a induit une régle­men­ta­tion dra­co­nienne et beau­coup d’ap­pré­hen­sion, alors que l’on a pu mon­trer que c’est la com­bus­tion de l’en­ve­loppe du bal­lon qui a pro­vo­qué la catastrophe.
10. Mais les nano­tubes de car­bone qui avaient sus­ci­té un fort engoue­ment il y a quelques années ne s’a­vèrent fina­le­ment pas plus per­for­mants que cer­taines formes de car­bone pyro­ly­tique, avec une frac­tion mas­sique d’hy­dro­gène sto­cké de 1 à 2 % seule­ment dans des condi­tions nor­males de tem­pé­ra­ture et de pression.
11. Voir le site http://www.hydrogenhighway.ca.gov/
12. Well-to-wheels ana­ly­sis of future auto­mo­tive fuels and power­trains in the Euro­pean context publié par CONCAWE, EUCAR, et le Joint Research Cen­ter (JRC) de la Com­mis­sion euro­péenne, jan­vier 2004.

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