Améliorer la prise en charge des cancers et la qualité de vie des patients

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°783 Mars 2023
Par Sophie BEAUPÈRE

Amélio­ra­tion du par­cours de soins, accom­pa­g­ne­ment des malades et des aidants, mise à dis­po­si­tion des dernières inno­va­tions thérapeu­tiques au ser­vice des patients, attrac­tiv­ité des métiers, ren­force­ment de la place de la France dans la recherche en oncolo­gie, développe­ment d’une coor­di­na­tion plus effi­cace entre l’ensemble des par­ties prenantes… sont autant de sujets qui mobilisent Uni­cancer. Sophie Beaupère, déléguée générale d’Unicancer, nous en dit plus.

Présentez-nous Unicancer.

Uni­cancer est une fédéra­tion hos­pi­tal­ière nationale qui est 100 % dédiée à la lutte con­tre le can­cer. Elle regroupe 18 Cen­tres de lutte con­tre le can­cer (CLCC) sur tout le ter­ri­toire nation­al, qui exer­cent une quadru­ple mis­sion de ser­vice pub­lic : soins, préven­tion, recherche et enseigne­ment. Notre mis­sion est notam­ment de faire des propo­si­tions aux pou­voirs publics pour amélior­er la prise en charge des can­cers en lien avec tous les acteurs de l’écosystème, notam­ment l’Institut nation­al de can­cérolo­gie, l’INCa.
En par­al­lèle, nous avons mutu­al­isé de nom­breuses actions dans le cadre d’un groupe­ment de coopéra­tion san­i­taire. Grâce à cette mutu­al­i­sa­tion des pro­grammes de recherche et des exper­tis­es et de nos cen­tres, Uni­cancer est le 1er pro­mo­teur d’essais académiques en can­cérolo­gie au niveau européen. Au sein de notre groupe­ment, nous avons égale­ment accueil­li deux étab­lisse­ments, qui ne sont pas des CLCC, mais qui ont une activ­ité spé­cial­isée en can­cérolo­gie : l’Institut Sainte Cather­ine d’Avignon et l’Institut de can­cérolo­gie de la Polynésie française.

“Grâce à cette mutualisation des programmes de recherche et des expertises et de nos centres, Unicancer est le 1er promoteur d’essais académiques en cancérologie au niveau européen.”

Uni­cancer cap­i­talise aus­si sur un réseau d’experts qui tra­vaille en étroite col­lab­o­ra­tion pour offrir aux patients et aux aidants une prise en charge de qual­ité et un meilleur accès aux dernières inno­va­tions sci­en­tifiques thérapeu­tiques. Acteur majeur de la recherche au niveau européen, nous avons un taux d’inclusion de 14 % de nos patients dans les essais thérapeu­tiques. Par ailleurs, au cours des dernières années, de très belles avancées ont été réal­isées avec le développe­ment de l’immunothérapie, les chimio­thérapies orales, la génomique…

La can­cérolo­gie a voca­tion à devenir une médecine de plus en plus pré­dic­tive et per­son­nal­isée avec une nette amélio­ra­tion du diag­nos­tic. Cela per­met aus­si de trans­former les can­cers en mal­adies chroniques avec un suivi sur le long terme qui néces­site toute­fois de tra­vailler encore plus en parte­nar­i­at et en réseau avec les prati­ciens et les infir­miers libéraux, alors que 95 % du par­cours de soins d’un patient qui a un can­cer fait en dehors d’un étab­lisse­ment de san­té. Enfin, nous avons aus­si une mis­sion de préven­tion notam­ment pri­maire alors que 40 % des can­cers sont dits évita­bles, car ils sont liés au mode de vie, à l’environnement, à l’activité physique, la nutri­tion, l’exposition au soleil ou à la pol­lu­tion, au tabac…

À la tête d’Unicancer, quelle est votre feuille de route ?

Aujourd’hui, Uni­cancer est mobil­isé sur la décli­nai­son de son plan stratégique qui s’articule autour de plusieurs axes fon­da­men­taux pour accroître la qual­ité et la per­tience des soins en cancérologie :

  • Faciliter l’accès à l’information, à la préven­tion, aux soins et à l’innovation en pro­posant aux patients et aux aidants une prise en charge glob­ale et pluridisciplinaire ;
  • Plac­er le « patient parte­naire » au cœur de l’action d’Unicancer et de nos cen­tres en ren­forçant son inté­gra­tion et sa place à tous les niveaux. Nous dévelop­pons ain­si un mod­èle con­stru­it autour de l’idée d’une déci­sion partagée entre les patients et les pro­fes­sion­nels de san­té afin de per­me­t­tre aux maldes d’être force de propo­si­tion et une par­tie prenante de leurs par­cours de soins ;
  • Con­tin­uer à faire de l’innovation per­ma­nente et de la recherche des pri­or­ités absolues pour anticiper les évo­lu­tions et rester, plus que jamais, à la pointe de l’innovation en can­cérolo­gie (préven­tion, inno­va­tions organ­i­sa­tion­nelles, sci­en­tifiques et technologiques) ;
  • Ren­forcer l’attractivité des CLCC afin d’attirer les jeunes pro­fes­sion­nels de santé.

Et dans cette continuité, quels sont les principaux chantiers qui vous mobilisent ?

Ils sont nom­breux ! Nous sommes bien évidem­ment mobil­isés sur des pro­jets de groupe très struc­turants pour Uni­cancer. Par­mi ceux-ci, ont peut notam­ment citer notre démarche prospec­tive à hori­zon 10 ans visant à con­solid­er notre rôle de pilote de l’innovation et qui s’articule sur 4 axes com­plé­men­taires : l’évolution des par­cours de soins et de la prise en charge liés aux inno­va­tions médi­cales et sci­en­tifiques ; l’aide à la déci­sion paramédi­cale et médi­cale grâce à la don­née de san­té ; l’évolution des métiers, des for­ma­tions et du man­age­ment pour aug­menter notre attrac­tiv­ité ; ain­si que l’évolution de notre gou­ver­nance et posi­tion­nement stratégique.
En par­al­lèle, nous déployons en 2023 une Label­li­sa­tion « Uni­cancer » des­tinée aux infir­mières libérales avec qui nous tra­vail­lons afin de val­oris­er leur spé­cil­ial­i­sa­tion, leurs com­pé­tences tech­niques et l’accompagnement glob­al qu’elles offrent aux patients et aidants.
Nous tra­vail­lons égale­ment sur la con­sol­i­da­tion du groupe Uni­cancer, qui est une une branche patronale à part entière, une fédéra­tion et un groupe­ment de plus de 22 000 salariés, pour faire avancer les sujets RH et soci­aux, dévelop­per le marché des achats, mais aus­si notre offre de téléra­di­olo­gie, de biolo­gie molécu­laire, de numéri­sa­tion ana­p­ath, d’entrepôt de don­nées… Enfin, nous souhaitons jouer un rôle plus impor­tant vis-à-vis de nos parte­naires extérieurs et ren­forcer nos ancrages ter­ri­to­ri­aux, poli­tiques et universitaires.

Comment les nouvelles technologies, l’IA, le digital, le Big Data impactent-elles la recherche en oncologie ?

Aujourd’hui, la trans­for­ma­tion numérique ouvre de nou­velles per­spec­tives en ter­mes de prise en charge des patients. L’IA per­met de dévelop­per des straté­gies thérapeu­tiques ciblées adap­tées aux patients et à leurs spé­ci­ficités, de faciliter la coor­di­na­tion entre les pro­fes­sion­nels et, in fine, d’avoir un impact majeur sur les par­cours de vie des indi­vidus et des chances de guérison.
En par­al­lèle, les don­nées de san­té per­me­t­tent d’affiner la prise de déci­sion médi­cale, alors que les don­nées de vie de réelle per­me­t­tent, quant à elles, de pouss­er plus loin l’étude des straté­gies et des inno­va­tions thérapeu­tiques, mais aus­si de ren­dre plus per­ti­nents les mod­èles médi­co-économiques. Nous nous sommes, d’ailleurs, dotés d’une direc­tion des don­nées et des parte­nar­i­ats qui regroupe une cinquan­taine de per­son­nes pro­fils médi­caux et data sci­en­tists. Sur cette ques­tion des don­nées de san­té, nous tra­vail­lons avec l’ensemble de l’écosystème entre­pre­neur­ial ain­si qu’avec les orag­nismes publics comme le Health Data Hub. Nous sommes, par ailleurs, forte­ment engagés en faveur de la sou­veraineté nationale en matière de don­nées de san­té rel­a­tives à la cancérologie.

Quelles sont les principales actions et initiatives que vous déployez actuellement ?

Uni­cancer a lancé dernière­ment plusieurs infra­struc­tures dig­i­tales qui visent à con­stituer des bases de don­nées exhaus­tives et interopérables dont :

  • Le moteur de recherche en oncolo­gie Con­sore, un out­il d’aide aux médecins et aux chercheurs afin d’identifier des patholo­gies ou des sit­u­a­tions spé­ci­fiques grâce aux don­nées des cen­taines de mil­liers de dossiers médi­caux de nos cen­tres, soit près de 35 mil­lions de doc­u­ments analysés et 1,7 mil­lions de patients inté­grés. Con­sore est aujourd’hui util­isé par 270 médecins et a été inté­gré dans 6 cen­tres et prochaine­ment dans 8 ;
  • Le pro­jet UNIBASE dévelop­pé en parte­nar­i­at avec le Health Data Hub a voca­tion a créer un pont entre Con­sore et le Health Data Hub pour agréger des don­nées hétérogènes et les inté­gr­er dans un mod­èle com­mun de représen­ta­tion du can­cer ; réalis­er des études mul­ti­cen­triques à par­tir de grands domaines de don­nées de vie réelles et implé­menter une solu­tion tech­nique dans chaque cen­tre reposant sur des stan­dards inter­na­tionaux en terme de référen­tiels et d’interopérabilité ;
  • L’OncoDataHub, une plate­forme de référence de don­nées de vie réelle co-créée avec Roche, qui est, par ailleurs, la 1er plate­forme française de référence pour accélér­er la pro­duc­tion et l’exploitation des don­nées de vie réelle dans le can­cer au ser­vice de tous les acteurs de l’écosystème de la san­té (médecins, acteurs académiques, lab­o­ra­toires, institutions).

Quels sont les enjeux et freins qui persistent ?

Ils sont bien évidem­ment com­muns à l’ensemble des étab­lisse­ments de san­té qui ont une mis­sion de ser­vice pub­lic. Il s’agit prin­ci­pale­ment de dévelop­per l’attractivité de nos métiers et de nos struc­tures, mais aus­si de repenser nos finance­ments afin de pou­voir men­er à bien nos mis­sions de préven­tion, d’optimiser les par­cours patients sur la base de for­faits inci­tant tous les pro­fes­sion­nels de ville ou des éta­balisse­ments de san­té à mieux se coor­don­ner et con­tribuer au développe­ment des out­ils numériques. Enfin, sur un plan, clin­ique et R&D, nous avons aus­si de forts enjeux de sim­pli­fi­ca­tion et de réduc­tion des délais, d’amélioration de la coopéra­tion publique-privée et de développe­ment de la vis­i­bil­ité et de l’attractivité des car­rières de recherche en santé.

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