Medipath développe l'anatomie pathologique

L’anatomie pathologique : une spécialité méconnue au cœur des enjeux du système de santé de demain

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°783 Mars 2023
Par Olivier VIRE

Olivi­er Vire, prési­dent du groupe Medi­path depuis plus de 15 ans et anato­mopathol­o­giste de for­ma­tion, nous présente cette struc­ture unique en France. Il revient égale­ment sur les évo­lu­tions con­nues par la pro­fes­sion dans un con­texte où le nom­bre de malades ne cesse d’augmenter et où les nou­velles tech­nolo­gies lais­sent entrevoir de nou­velles per­spec­tives. Expli­ca­tions.

Qu’est-ce que l’anatomie pathologique ?

Parce que l’anatomopathologiste ne reçoit pas directe­ment les patients, c’est une spé­cial­ité large­ment mécon­nue du grand pub­lic, mal­gré son rôle cen­tral. En effet, l’anatomie pathologique con­siste à diag­nos­ti­quer des mal­adies, dont le can­cer, à par­tir des tis­sus humains qui nous sont con­fiés par les spé­cial­istes médi­caux (appen­dice, nae­vus cutané, frot­tis cervico-vaginal…).
Notre prin­ci­pale activ­ité est donc de faire des diag­nos­tics et de don­ner des élé­ments com­plé­men­taires pour adapter le traite­ment. Aujourd’hui, 95 % des diag­nos­tics de can­cer sont faits par un anato­mopathol­o­giste. Nous inter­venons à toutes les étapes de la can­cérolo­gie : au niveau du dépistage et du diag­nos­tic, mais aus­si du pronos­tic qui per­met de déter­min­er s’il s’agit d’une tumeur de bon ou mau­vais pronos­tic, ain­si qu’au niveau théra­nos­tique, qui ouvre la voie à la médecine per­son­nal­isée, en util­isant des tech­niques com­plex­es et inno­vantes per­me­t­tant de déter­min­er si un patient peut ou non béné­fici­er de thérapies ciblées.

Dans ce cadre, qu’est-ce que Medipath ?

Medi­path est la pre­mière struc­ture de san­té indépen­dante spé­cial­isée dans l’anatomie pathologique en France avec 120 médecins asso­ciés qui déti­en­nent l’intégralité du cap­i­tal. Nous nous appuyons sur plus de 600 salariés et avons établi un réseau, dès 1999, sur toute la France avec 33 sites et 15 plateaux tech­niques. Medi­path traite plus de 1,5 mil­lions d’examens ce qui représente plus de 10 % des diag­nos­tics de can­cers en France.
En France, on recense 1 740 pathol­o­gistes, dont plus de la moitié pra­tiquent dans le secteur pub­lic. Medi­path représente 15 % de l’activité libérale de diag­nos­tic, notam­ment du can­cer, en France.
Nous nous appuyons sur une exper­tise interne var­iée, ain­si sur que sur dix de nos asso­ciés qui sont des experts nationaux dans les réseaux de patholo­gies rares label­lisés par l’INCa. Nous tra­vail­lons avec plus de 16 000 médecins en France et plus de 250 étab­lisse­ments de san­té, dont une cinquan­taine d’hôpitaux généraux et C.H.U.

Quelle place occupe le cancer dans le système de santé en France ?

Dans le monde, le can­cer est devenu la 1ere cause de mor­tal­ité. En France, on estime qu’il y a 400 000 nou­veaux cas de can­cers par an et 3 800 000 patients por­teurs de can­cer à l’heure actuelle. Toute­fois, si le nom­bre de can­cers est en forte pro­gres­sion, on ne note pas une hausse de la mor­tal­ité. Au-delà des diag­nos­tics pré­co­ces per­me­t­tant de mieux traiter les patients, nous avons réal­isé des avancées thérapeu­tiques énormes, notam­ment en matière de thérapies ciblées ou d’immunothérapie dont nous enten­dons beau­coup par­ler, qui entraî­nent une amélio­ra­tion de la durée de vie et d’authentiques guérisons.

Quelles sont les problématiques auxquelles est confrontée la profession ?

Cette spé­cial­ité est con­fron­tée à un fort vieil­lisse­ment alors qu’il faut 11 à 14 ans pour for­mer de nou­velles com­pé­tences. Au-delà, le méti­er s’est extrême­ment com­plex­i­fié. Aujourd’hui, nous devons maîtris­er et utilis­er tou­jours plus de tech­niques. Nous devons faire preuve d’une pré­ci­sion plus impor­tante pour déter­min­er les fac­teurs pronos­tiques et théranostiques.

La profession doit donc se transformer pour faire face à ces enjeux. Qu’en est-il ?

Parce que l’inversion de cette ten­dance de fond néces­site du temps, nous devons, en effet, trans­former notre méti­er. Con­scient de cette réal­ité, Medi­path se posi­tionne comme un acteur majeur de cette trans­for­ma­tion. Nous en avons, d’ailleurs, ini­tié les prémices avec notre organ­i­sa­tion inno­vante qui s’appuie sur un regroupe­ment des exper­tis­es pour faciliter les échanges et mutu­alis­er les com­pé­tences et les moyens.

Sur un plan tech­nologique, le développe­ment de la patholo­gie molécu­laire ouvre de nou­velles per­spec­tives en ter­mes de capac­ité à pro­pos­er des traite­ments ciblés et per­son­nal­isés aux patients. Jusque récem­ment, seuls les C.H.U et les cen­tres anti-can­céreux dis­po­saient de ces plate­formes. En 2016, Medi­path a créé la 1ère plate­forme libérale en France avec plus d’une dizaine de médecins molécu­lar­istes spé­cial­isés et deux ingénieurs. En par­al­lèle, les pro­grès numériques et la dig­i­tal­i­sa­tion con­tribuent à la trans­for­ma­tion de la pro­fes­sion. Grâce aux scan­ners numériques, les images micro­scopiques peu­vent être con­sultées via un ordi­na­teur et à dis­tance. Au-delà, à par­tir de ces images numérisées prédéfinies et classées par les pathol­o­gistes, il est aus­si pos­si­ble de dévelop­per des algo­rithmes de deep learn­ing et de machine learn­ing afin de traiter des images pour faire des diagnostics.

Sur des prélève­ments avec des mil­liers de cel­lules à analyser, l’algorithmes et l’IA vont iden­ti­fi­er les images sus­cep­ti­bles de con­tenir des anom­alies, ce qui per­met ain­si aux pathol­o­gistes de se con­cen­tr­er sur un nom­bre min­i­mal d’images. Ces tech­nolo­gies sont aus­si une aide au diag­nos­tic. À par­tir d’images micro­scopiques ini­tiales numérisées, elles vont pou­voir faire ressor­tir les zones sus­cep­ti­bles ou non d’être can­céreuses. Elles diri­gent ain­si l’œil humain sur les zones qui néces­si­tent une analyse plus poussée et con­tribuent à aug­menter la pré­ci­sion et l’efficacité dans le diag­nos­tic et appor­tent des élé­ments pronos­tics et pré­dic­tifs pour des thérapies ciblées futures.

“En 2016, Medipath a créé la 1ère plateforme libérale en France avec plus d’une dizaine de médecins molécularistes spécialisés et deux ingénieurs.”

Medi­path col­la­bore avec de nom­breuses start-up telles que Vitadx, Ibex Med­ical, Pri­maa ou encore Owkin, pour dévelop­per ces dimen­sions. Avec Ibex Med­ical, nous util­isons ces algo­rithmes pour diag­nos­ti­quer le can­cer de la prostate et avec des résul­tats, une spé­ci­ficité et une sen­si­bil­ité qui ont été dis­tin­guées par plusieurs études clin­iques. Nous le faisons en rou­tine pour la prostate et allons éten­dre cette ini­tia­tive aux can­cers du sein et digestifs.

En par­al­lèle, nous met­tons aus­si à dis­po­si­tion de ces sociétés, qui dévelop­pent des algo­rithmes pré­dic­tifs, des images annotées pour que la machine apprenne pro­gres­sive­ment à faire des diag­nos­tics. Nous esti­mons que dans 5 ans, l’ensemble de la patholo­gie tumorale pour­ra béné­fici­er de l’aide au diag­nos­tic grâce à ces tech­niques d’IA. L’impact est toute­fois encore plus fort sur les élé­ments pronos­tiques. Les algo­rithmes ont voca­tion à per­me­t­tre d’optimiser la pre­scrip­tion de traite­ments plus adap­tés à des patients qui pour­raient être sous-estimés. Enfin, sur le volet théra­nos­tique, à par­tir d’images stan­dards, les algo­rithmes vont être capa­bles de détecter une anom­alie géné­tique, se sub­sti­tu­ant ain­si aux tests moléculaires.

Au cœur de l’ensemble de ces avancées tech­nologiques, on retrou­ve aus­si un élé­ment clé : la data. Con­scient de son impor­tance cri­tique, au sein de Medi­path, nous tra­vail­lons autour de 3 axes pour max­imiser son impact : la mise en place de comptes ren­dus struc­turés pour faciliter la recherche ; la col­lab­o­ra­tion avec une Biobank (France Tis­sue Bank) avec l’accord du min­istère de la Recherche afin de faire avancer la recherche phar­ma­ceu­tique, trans­la­tion­nelle et celle portée par des sociétés qui créent des dis­posi­tifs in vivo ; et, la créa­tion d’un entre­pôt de don­nées de san­té autour de l’idée que la don­née ana­p­ath sera encore plus impor­tante, pré­cise et puis­sante si elle est cou­plée aux don­nées radi­ologiques, biologiques, cliniques…

Quels sont les principaux freins à cette transformation ?

Ils sont d’abord financiers. Aujourd’hui, l’enveloppe budgé­taire allouée aux tests molécu­laires n’augmente pas. L’enjeu est que ces activ­ités inno­vantes, pour­tant util­isées depuis plus de 15 ans, soient doré­na­vant con­sid­érées comme des actes de rou­tine afin d’en faciliter l’accès aux patients. La ques­tion du finance­ment se pose aus­si avec le numérique : si le secteur hos­pi­tal­ier béné­fi­cie de quelques finance­ments, le secteur privé, qui réalise pour­tant 66 % des diag­nos­tics de can­cer n’en reçoit aucun. En par­al­lèle, même si la machine ne rem­plac­era jamais le médecin, il y a des freins humains et un enjeu de « change man­age­ment » au sein de la pro­fes­sion. À cela s’ajoutent des freins tech­nologiques notam­ment en ter­mes de dimen­sion­nement de l’infrastructure numérique et des réseaux ; de stock­age des don­nées ; de standardisation…
L’absence de répons­es con­crètes à ces freins nous expose au risque de voir se dévelop­per une médecine à deux vitesses avec des patients qui seront prêts à pay­er pour béné­fici­er des tests molécu­laires et d’autres non. Il y a, à mon sens, une vraie prob­lé­ma­tique de san­té publique qui peut entraîn­er une perte de chance et des con­séquences juridiques et judi­ci­aires impor­tantes. C’est un com­bat qui doit, aujourd’hui, mobilis­er toute la profession.

Quelles pistes de réflexion pourriez-vous partager avec nos lecteurs ?

Il est essen­tiel de pren­dre con­science de l’inégalité de traite­ment du secteur pub­lic et du secteur privé afin de pou­voir rééquili­br­er la sit­u­a­tion. Sur la ques­tion des tests molécu­laires, qui est cen­trale dans le traite­ment des can­cers, une accéléra­tion du pas­sage à la nomen­cla­ture sur des actes pra­tiqués depuis plus de 15 ans et qui relèvent pour­tant encore de l’enveloppe des actes inno­vants est urgente.
Et sur le plan tech­nologique, nous mili­tons en faveur d’un meilleur finance­ment de la trans­for­ma­tion numérique du méti­er et la créa­tion de nou­veaux actes. Il est plus que jamais urgent de se saisir de ces enjeux pour une effi­cience accrue au ser­vice des patients et des malades.

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