Focus sur le peignage moléculaire

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°783 Mars 2023
Par Aaron BENSIMON

Aaron Ben­si­mon, CEO et cofon­da­teur de Geno­mic Vision nous en dit plus sur la tech­no­lo­gie du pei­gnage molé­cu­laire déve­lop­pée par son entre­prise. Il revient notam­ment sur les apports et les béné­fices de cette tech­no­lo­gie en matière de thé­ra­pie génique et de bio pro­duc­tion. Expli­ca­tions.

Votre ambition est d’apporter une nouvelle perspective à la caractérisation de cellules génétiquement transformées à des fins de thérapie génique et de bio-production. Pourquoi ?

La tech­no­lo­gie de pei­gnage molé­cu­laire déve­lop­pée par Geno­mic Vision donne une pers­pec­tive unique pour visua­li­ser les larges réar­ran­ge­ments du génome. Cette tech­no­lo­gie est par­ti­cu­liè­re­ment adap­tée à la carac­té­ri­sa­tion de génomes de lignées qui ont été géné­ti­que­ment opti­mi­sées. Les pro­cé­dés de bio-pro­duc­tion consistent à faire fabri­quer des anti­corps ou des pro­téines recom­bi­nantes dans des lignées cel­lu­laires où des gènes d’intérêt ont été incorporés.
De leur côté, les thé­ra­pies cel­lu­laires et géniques recourent de plus en plus à l’utilisation de maté­riel bio­lo­gique dont le génome a été opti­mi­sé, en insé­rant des gènes, ce qui lui confère des pro­prié­tés thé­ra­peu­tiques. On parle alors d’édition du génome et, dans ces deux cas, il est néces­saire de pou­voir obser­ver que les modi­fi­ca­tions sont réa­li­sées pro­pre­ment (inser­tion des gènes au bon locus, nombre d’insertion conforme aux attentes…) et qu’elles sont stables. En effet, les modi­fi­ca­tions géno­miques uti­lisent des pro­cé­dés qui peuvent engen­drer des modi­fi­ca­tions ulté­rieures et alté­rer les pro­prié­tés de ces cel­lules, dont l’instabilité géno­mique serait pro­blé­ma­tique notam­ment en termes de sécurité.

“La technologie de peignage moléculaire développée par Genomic Vision donne une perspective unique pour visualiser les larges réarrangements du génome. Cette technologie est particulièrement adaptée à la caractérisation de génomes de lignées qui ont été génétiquement optimisées.”

Dans ce cadre, quel est votre positionnement et votre cœur d’activité ?

De nom­breuses tech­no­lo­gies per­mettent de carac­té­ri­ser le génome et ses modi­fi­ca­tions. Aujourd’hui, les dif­fé­rentes tech­niques de séquen­çage sont uti­li­sées dans qua­si­ment toutes les lignées cel­lu­laires, qui sont elles-mêmes uti­li­sées dans les thé­ra­pies inno­vantes. Ces tech­niques sont très pré­cises, et per­mettent d’identifier des modi­fi­ca­tions pré­cises du génome. Tou­te­fois, quand les réar­ran­ge­ments sont impor­tants ou répé­tés, les algo­rithmes de recons­ti­tu­tion sont trom­pés et peuvent conduire à des erreurs d’interprétation. C’est pré­ci­sé­ment dans ce cas que la tech­no­lo­gie de pei­gnage prend tout son sens. À par­tir de là, le cœur de cible de Geno­mic Vision réside dans les pro­cé­dés d’édition du génome, uti­li­sant des outils de bio­lo­gie molé­cu­laire d’insertion de gènes.
Pour ce faire, vous uti­li­sez une tech­no­lo­gie pro­prié­taire et inno­vante : le pei­gnage moléculaire.

Pouvez-vous nous la présenter ?

Le pei­gnage molé­cu­laire consiste à éta­ler les molé­cules d’ADN le plus longue pos­sible pour obser­ver ses éven­tuelles modi­fi­ca­tions au micro­scope. La pre­mière étape clé consiste à extraire l’ADN des cel­lules, et le dérou­ler, sans le cas­ser. Notre pro­to­cole per­met d’obtenir des brins intacts, longs de plu­sieurs mil­lions de paires de bases.
Cet ADN est ensuite éta­lé sur des lames de manière homo­gène. L’homogénéité de ce pei­gnage est cri­tique pour per­mettre la détec­tion simul­ta­née d’évènements sur des cen­taines de cel­lules. Les gènes recher­chés sont alors détec­tés par fluo­res­cence, via un pro­cé­dé d’hybridation spécifique.
La puis­sance de cette tech­no­lo­gie réside dans l’ingénierie des sondes uti­li­sées pour la détec­tion des évè­ne­ments, et la capa­ci­té de cal­cul du sys­tème pour repé­rer et ana­ly­ser les signaux détec­tés sur des cen­taines de cel­lules, ce qui per­met de don­ner une vision glo­bale et sta­tis­tique d’événements, même lorsqu’ils sont rares (infé­rieur à 1 %). Nous avons éga­le­ment adap­té cette tech­no­lo­gie pour pou­voir obser­ver les méca­nismes de la répli­ca­tion de l’ADN afin de carac­té­ri­ser l’efficacité de com­po­sés actifs, comme les anti-cancéreux.

Concrètement, à quels besoins répondez-vous grâce à votre technologie ?

Les tech­niques d’édition du génome per­mettent de réa­li­ser des modi­fi­ca­tions extrê­me­ment sophis­ti­quées du génome. Mais les outils uti­li­sés sont sou­vent puis­sants et les inser­tions de gènes sont sou­vent répé­tées, y com­pris dans des zones indé­si­rables du génome, par manque de spé­ci­fi­ci­té. La tech­no­lo­gie de pei­gnage molé­cu­laire per­met donc de carac­té­ri­ser ces modi­fi­ca­tions de manière sim­pli­fiée par la visua­li­sa­tion directe des sondes uti­li­sées, et offre donc une nou­velle fenêtre pour les indus­triels qui sou­haitent, et même qui doivent, décrire les méca­nismes d’action de leur pro­duits thé­ra­peu­tiques, démon­trer la sta­bi­li­té géno­mique de leurs construc­tions, et démon­trer la repro­duc­ti­bi­li­té de leurs pro­cé­dés de production.
Les acteurs de l’industrie phar­ma­ceu­tique et de la Bio­tech peuvent ain­si mieux choi­sir les com­po­sés et pro­cé­dés qu’ils vont déve­lop­per, mais aus­si ren­for­cer les chances de suc­cès de leurs can­di­dats médi­ca­ments, dont le déve­lop­pe­ment coûte de plus en plus cher (jusqu’à un mil­liard d’euros) et prend de plus en plus de temps (jusqu’à 10 ans).

“Nous nous positionnons comme un partenaire du développement et de la production de bio-thérapies. Nous proposons une technologie éprouvée qui permet de sécuriser et caractériser des produits thérapeutiques, pour lequel le niveau de sécurité est essentiel.”

Aujourd’hui, comment vous projetez-vous sur le marché de la thérapie génique et la bio-production ?

Nous nous posi­tion­nons comme un par­te­naire du déve­lop­pe­ment et de la pro­duc­tion de bio-thé­ra­pies. Nous pro­po­sons une tech­no­lo­gie éprou­vée qui per­met de sécu­ri­ser et carac­té­ri­ser des pro­duits thé­ra­peu­tiques, pour lequel le niveau de sécu­ri­té est essentiel.
On pro­pose cette tech­no­lo­gie sous la forme de ser­vices réa­li­sés pour les acteurs de la thé­ra­pie génique et la bio-pro­duc­tion, mais aus­si sous la forme de par­te­na­riats stra­té­giques afin de per­mettre à nos clients de béné­fi­cier de toute sa puis­sance et son poten­tiel. Aujourd’hui, si ce mar­ché est mon­dial, les acteurs res­tent très bien identifiés.

Quels sont les enjeux auxquels vous êtes confrontés ?

Dans le cadre de notre déve­lop­pe­ment, nous sommes confron­tés à deux enjeux majeurs. Le pre­mier concerne l’optimisation et l’automatisation de notre pro­cé­dé afin de pou­voir faci­li­ter un usage repro­duc­tible sur les sites de mise en œuvre.
Et le second enjeu porte sur le déve­lop­pe­ment conti­nu d’algorithmes dédiés aux appli­ca­tions, afin d’augmenter le poten­tiel et la sen­si­bi­li­té de détec­tion des évè­ne­ments géno­miques. Comme le dit l’adage : « On ne trouve que ce que l’on cherche » ! Ain­si, plus on déve­loppe une fine connais­sance de que l’on cherche, plus faci­le­ment on le trou­ve­ra… Dans notre cas, l’utilisation de sondes adap­tées (séquence, taille, cou­leur) et l’anticipation de leur com­bi­nai­son dans les génomes obser­vés sont un moyen de ren­for­cer la puis­sance de cet outil analytique.

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