Une thérapie ciblée innovante pour mieux traiter le cancer

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°783 Mars 2023
Par Jean-Guillaume LAFAY

Mablink est une biotech lyon­naise spé­cial­isée dans la lutte con­tre le can­cer qui a dévelop­pé une nou­velle solu­tion thérapeu­tique qui s’appuie sur une tech­nolo­gie de masquage des molécules ADC. Cette inno­va­tion per­met d’améliorer dras­tique­ment l’efficacité des thérapies ADC et d’accélérer le développe­ment de nou­veaux traite­ments. Dans cet entre­tien, Jean-Guil­laume Lafay, cofon­da­teur et CEO de Mablink, nous en dit plus sur l’innovation portée par son entre­prise, ses apports et béné­fices pour les patients ain­si que sur les prochaines étapes pour cette jeune pousse française en pleine croissance.

Depuis plus de trois ans, Mablink travaille sur le développement de thérapies ciblées. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre positionnement dans ce cadre ?

Mablink développe des anti­corps con­jugués aus­si appelés ADC pour l’acronyme anglais « anti­body-drug con­ju­gates ». Ces ADC per­me­t­tent de trans­porter directe­ment dans les cel­lules can­céreuses des molécules cyto­tox­iques qui ont la capac­ité de tuer unique­ment ces cel­lules, con­traire­ment aux chimio­thérapies clas­siques qui affectent générale­ment aus­si les tis­sus sains. Notre approche per­met donc de lim­iter forte­ment les effets sec­ondaires des traite­ments con­tre le can­cer sur les patients. En com­bi­nant la maîtrise de la chimie médic­i­nale et celle de la biolo­gie et des biotech­nolo­gies, nous pour­suiv­ons deux objec­tifs : créer ou choisir les molécules cyto­tox­iques les plus adap­tées et dévelop­per les anti­corps qui trans­porteront ces molécules cyto­tox­iques dans les cel­lules malades.

Dans ce cadre, quelles sont les innovations apportées par Mablink ?

Mablink a dévelop­pé deux inno­va­tions majeures pour l’efficacité des ADC. La pre­mière con­cerne le lien, ou « link­er » en anglais, qui attache la molécule cyto­tox­ique à l’anticorps : nous en avons mod­i­fié la struc­ture pour amélior­er la sta­bil­ité et éviter un décrochage pré­maturé pen­dant la cir­cu­la­tion de l’ADC dans le corps du patient.
Cette amélio­ra­tion de la sta­bil­ité per­met égale­ment de min­imiser la tox­i­c­ité sur les cel­lules non cancéreuses.
La sec­onde inno­va­tion, et qui est le coeur de notre développe­ment, con­siste à ren­dre les ADC « fur­tifs » en créant une nou­velle archi­tec­ture de link­er. Con­crète­ment, ces ADC fur­tifs peu­vent trou­ver plus facile­ment la tumeur et agir dessus avant que l’organisme les détecte et puis les élim­ine. Cette tech­nolo­gie dévelop­pée par Mablink améliore sig­ni­fica­tive­ment les car­ac­téris­tiques phar­ma­cologiques des ADC. Il suf­fit d’ailleurs de com­par­er ces ADC de nou­velle généra­tion à la plu­part des ADC déjà sur le marché ou qui devraient être approu­vés sous peu pour appréci­er cette amélio­ra­tion. Nos deux inno­va­tions per­me­t­tront non seule­ment d’accélérer la recherche con­tre le can­cer mais aus­si et surtout, d’améliorer l’efficacité de tous les traite­ments ADC. Elles peu­vent en effet s’appliquer à toutes les molécules cyto­tox­iques choisies ou anti­corps util­isés. Nous sommes en quelque sorte sur une tech­nolo­gie « plug and play » qui a la capac­ité de s’adapter à un très grand nom­bre d’ADC différents.

Quelles sont les retombées pour le monde de la santé ? Les patients ?

Grâce à la tech­nolo­gie de Mablink, les ADC devraient être à la fois plus effi­caces pour détru­ire les tumeurs et mieux sup­port­és par les patients car mieux tolérés par l’organisme.
À ce stade, c’est ce que les résul­tats pré­clin­iques obtenus nous per­me­t­tent de conclure.
Par ailleurs, la ver­sa­til­ité de la tech­nolo­gie et son car­ac­tère uni­versel per­me­t­tent d’envisager le développe­ment d’ADC con­tre toutes les tumeurs con­nues. Notre tech­nolo­gie laisse entrevoir un poten­tiel de trans­for­ma­tion majeure des traite­ments de cer­tains can­cers pour lesquels, à l’heure actuelle, les médecins ont peu d’options thérapeu­tiques à leur disposition.

Aujourd’hui, où en êtes-vous ? Quelles sont les prochaines étapes ?

Nous finis­sons l’industrialisation de la fab­ri­ca­tion ain­si que les expéri­ences oblig­a­toires afin d’obtenir l’autorisation néces­saire pour démar­rer des essais clin­iques de notre can­di­dat médica­ment MBK-103 qui a un poten­tiel thérapeu­tique dans plusieurs can­cers, notam­ment le can­cer de l’ovaire.
Nous espérons obtenir cette autori­sa­tion dans les 12 prochains mois et ain­si com­mencer à éval­uer MBK-103 chez des patients dès 2024. En par­al­lèle, nous avons lancé les pre­mières manip­u­la­tions pour iden­ti­fi­er les futurs ADC qui seront dévelop­pés par Mablink, tou­jours en cap­i­tal­isant sur notre tech­nolo­gie pro­prié­taire qui per­met de ren­dre les ADC fur­tifs. Au regard des nom­breux traite­ments con­tre le can­cer qui pour­raient béné­fici­er de notre inno­va­tion et afin de max­imiser l’impact de notre tech­nolo­gie sur les patients, nous cher­chons à nouer des parte­nar­i­ats avec d’autres lab­o­ra­toires phar­ma­ceu­tiques afin qu’ils puis­sent béné­fici­er de notre tech­nolo­gie d’ADC fur­tifs. Ces col­lab­o­ra­tions per­me­t­traient de met­tre les ressources de ces indus­triels et acteurs phar­ma­ceu­tiques au ser­vice de la tech­nolo­gie de Mablink et du développe­ment d’un plus grand nom­bre d’ADC. Notre ambi­tion et objec­tif sont, in fine, de per­me­t­tre à un max­i­mum de patients de béné­fici­er des meilleurs traite­ments aus­si vite que possible.

Dans cette démarche, quels sont vos enjeux ?

Nous sommes mobil­isés sur plusieurs chantiers stratégiques pour relever le défi de notre crois­sance et de notre développe­ment. Attir­er les finance­ments néces­saires pour aller aus­si vite que la sci­ence nous le per­met : à titre d’illustration, dévelop­per un ADC du stade de l’idée jusqu’à la fin des pre­miers essais clin­iques coûte env­i­ron 35 mil­lions d’euros. Struc­tur­er notre entre­prise et recruter des com­pé­tences et des tal­ents : en 2020, nous étions 5 per­son­nes, nous devri­ons être une quar­an­taine d’ici la fin de l’année. Mais aus­si trou­ver et équiper des bâti­ments : nous avons pour pro­jet de dévelop­per notre pro­pre cen­tre d’innovation à Lyon, dédié aux ADC et à notre technologie.
Nous avons à coeur de nous inscrire autant que pos­si­ble dans le tis­su économique français et de répon­dre aux objec­tifs stratégiques fixés dans le plan « France 2030 » par le Prési­dent Emmanuel Macron en ter­mes de développe­ment de biomédicaments.

Enfin, Mablink est aussi une aventure humaine. Pour la poursuivre, quelles sont les compétences que vous recherchez ?

Pour soutenir notre crois­sance, nous ren­forçons très régulière­ment nos équipes et nous sommes même amenés à créer des nou­veaux départe­ments en interne. Actuelle­ment, par exem­ple, nous faisons grandir notre équipe sci­en­tifi que pour dévelop­per nos futurs can­di­dats médica­ments en recru­tant des doc­teurs en biolo­gie, des ingénieurs en biotech­nolo­gie et des techniciens.
Pour gér­er les nom­breux parte­naires indus­triels et con­sul­tants experts qui inter­vi­en­nent à dif­férentes étapes du développe­ment des médica­ments, nous recru­tons aus­si des man­agers de projets.
Pour con­solid­er cette mon­tée en charge, nous recru­tons aus­si sur des fonc­tions plus clas­siques : finances, ressources humaines…
Enfin notre actu­al­ité en 2023 est mar­quée par la créa­tion de notre départe­ment clin­ique. La pre­mière étape sera de recruter notre directeur médi­cal qui va jouer un rôle clé dans le suc­cès de Mablink et des médica­ments que nous portons.

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