Agir pour le futur ?

Dossier : Environnement : comprendre et agirMagazine N°637 Septembre 2008
Par Jean-Marc JANCOVICI (81)

Agir (pour préserv­er le futur), ou ne pas agir ? Au vu des débats qui tour­nent autour de cette ques­tion récur­rente en matière d’en­vi­ron­nement et de ressources, si sim­ple à énon­cer, mais si com­plexe à traiter, nul doute qu’un Ham­let des temps mod­ernes pour­rait tro­quer son crâne légendaire pour un globe ter­restre sans lés­er le spec­ta­teur, et sans rabaiss­er le niveau de la philoso­phie à suivre.

En ten­tant de nous atta­quer à cette dif­fi­cile réflex­ion sur la manière — et la per­ti­nence — de sus­citer l’ac­tion quand un prob­lème se présente à nous, nous avons claire­ment pris un dou­ble risque. Le pre­mier est de sor­tir du domaine de com­pé­tence clas­sique des ingénieurs que nous sommes, même pour ceux d’en­tre nous qui avons aban­don­né depuis longtemps les inté­grales triples et l’en­thalpie, et de livr­er des digres­sions par­faites en théorie mais… par­faite­ment inap­plic­a­bles dans la vraie vie.

Notre ter­rain de chas­se habituel — celui de la tech­nique — est en effet un ter­rain très con­fort­able pour les débats, car les notions manip­ulées s’y définis­sent sou­vent de manière uni­voque. Il n’y a qu’une seule for­mule chim­ique du CO2, une seule chaleur latente de vapor­i­sa­tion de l’eau, et il reste assez facile de s’ac­corder sur la pres­sion qui met en mou­ve­ment un pis­ton à telle vitesse, sur la résis­tance mécanique d’un pont dont les car­ac­téris­tiques sont con­nues, ou encore sur le bon indi­ca­teur à utilis­er pour car­ac­téris­er telle ou telle grandeur ou évolution.

Mais, lorsque nous entrons dans les débats de société, il en va tout autrement, et la per­cep­tion iden­tique pour tous des notions manip­ulées devient beau­coup plus l’ex­cep­tion que la règle. Com­ment for­mer des con­sen­sus, indis­pens­ables à toute action col­lec­tive, en pareil cas ? Si nous reprenons la ques­tion ouvrant cet édi­to­r­i­al, qu’ap­pelons nous ” agir ” ? Ce terme s’ap­plique-t-il à n’im­porte quel com­porte­ment dès lors que nous faisons quelque chose, ou bien est-il réservé à la désig­na­tion d’un com­porte­ment suff­isant pour régler un prob­lème dont nous avons con­nais­sance ? L’i­n­ac­tion n’est-elle pas aus­si une action, celle qui con­siste à class­er le prob­lème con­sid­éré assez bas dans l’échelle des pri­or­ités ? Et s’il s’ag­it de la réponse à un prob­lème nou­veau, pou­vons-nous appréci­er le com­porte­ment adop­té sans tenir compte de l’in­for­ma­tion disponible ? Du coup, à quel niveau situons-nous une infor­ma­tion suff­isante pour pou­voir se décider de manière éclairée ? Qui, et au nom de quoi, peut l’établir pour autrui ?

Le deux­ième risque que nous avons pris, et ceci n’est que la con­séquence de cela, est bien de laiss­er le lecteur sur sa faim. Quand un prob­lème n’ad­met qu’une seule solu­tion, expos­er l’un et l’autre ne présente comme dif­fi­cultés majeures que de faire preuve de suff­isam­ment de péd­a­gogie et de tenir dans l’e­space impar­ti, et l’on peut espér­er finir par démon­tr­er ou convaincre.

Mais quand un prob­lème, même bien posé, admet une infinité de solu­tions, parce que cha­cun pos­sède sa pro­pre échelle de valeurs et que choisir c’est tou­jours renon­cer, alors nous seri­ons bien pré­somptueux de pré­ten­dre en faire le tour en quelques dizaines de pages.

Nous espérons cepen­dant que, mal­gré ces lim­ites majeures, le lecteur trou­vera un cer­tain agré­ment à par­courir ces arti­cles, pour lesquels je remer­cie vive­ment les auteurs. Bonne lecture !

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