Alimentation durable , changeons ce que nous mangeons

Alimentation durable : D’abord, changeons ce que nous mangeons

Dossier : Environnement et sociétéMagazine N°793 Mars 2024
Par Basile VERDEAU (X16)

Il est néces­saire de modi­fier en pro­fon­deur notre sys­tème ali­men­taire. Mais pen­ser la décar­bo­na­tion du sec­teur agri­cole et agroa­li­men­taire ne doit pas nous faire oublier que l’alimenta­tion est aus­si affaire de san­té et d’accessibilité éco­no­mique et cultu­relle, et que chan­ger nos habi­tudes ali­men­taires est la clé de cette transition.

Quelle agréable sur­prise que de décou­vrir, en cou­ver­ture du numé­ro 790 de La Jaune et la Rouge, un dos­sier consa­cré à l’alimentation durable ! Si l’il­lustration repré­sen­tant l’op­po­si­tion entre un visage-salade et un visage-viande pou­vait sem­bler quelque peu cari­ca­tu­rale, le sous-titre « Sor­tir des injonc­tions para­doxales » résu­mait avec per­ti­nence les débats par­fois sté­riles autour de ce sujet pas­sion­nant mais ô com­bien com­plexe. Cepen­dant, la grande majo­ri­té des articles sou­le­vait des ques­tions liées à l’agriculture et à l’industrie agroa­li­men­taire et moins à l’alimentation en géné­ral (ce qui, au fond, serait le signe logique d’une approche « ingé­nieur » des poly­tech­ni­ciens !). Ain­si, pour rebon­dir sur ce visage-salade et ce visage-viande, j’aimerais contri­buer à cette réflexion en par­lant davan­tage de ce que nous man­geons, notam­ment en défi­nis­sant plus clai­re­ment cette fameuse « ali­men­ta­tion durable ».

Qu’est-ce que l’alimentation durable ?

Le concept de « dura­bi­li­té ali­men­taire » peut paraître un peu flou. Pour­tant, il existe à l’échelle inter­na­tio­nale une défi­ni­tion consen­suelle de la dura­bi­li­té des sys­tèmes ali­men­taires (c’est-à-dire l’ensemble des étapes, des acteurs et de leurs inter­ac­tions per­met­tant d’ap­provisionner une popu­la­tion en ali­ments) ou des régimes ali­men­taires. Il s’agit de celle pro­po­sée en 2010 par la FAO, agence spé­cia­li­sée des Nations unies sur les ques­tions d’agriculture et d’alimentation. Dans le contexte de mul­tiples pro­blé­ma­tiques cli­ma­tiques, envi­ron­ne­men­tales, sani­taires, sociales et éco­no­miques que je ne vais pas redé­tailler ici, assu­rer la sécu­ri­té ali­men­taire à court et long terme de la popu­la­tion mon­diale néces­site d’articuler quatre dimensions :

  • une dimen­sion nutri­tion­nelle (une ali­men­ta­tion durable doit être en quan­ti­té suf­fi­sante, de bonne qua­li­té nutri­tion­nelle et sûre) ;
  • une dimen­sion envi­ron­ne­men­tale (la pro­duc­tion ali­men­taire doit pré­ser­ver les res­sources et avoir un faible impact envi­ron­ne­men­tal : gaz à effet de serre, eau, bio­di­ver­si­té, sols…) ;
  • une dimen­sion socioé­co­no­mique (une ali­men­ta­tion durable doit être acces­sible à tous, mais aus­si rémuné­ratrice pour tous les acteurs de l’amont des chaînes de valeur) ;
  • une dimen­sion socio­cul­tu­relle (une ali­men­ta­tion durable doit être accep­table pour les individus).
Alimentation durable , changeons ce que nous mangeons
Pla­ne­ta­ry Health Diet de la Com­mis­sion EAT-Lan­cet (2019) : un exemple d’assiette durable.

Les trois axes de la transition alimentaire

Arti­cu­ler ces quatre dimen­sions consti­tue un défi consi­dé­rable, nos sys­tèmes ali­men­taires actuels étant loin d’être durables. Aus­si de nom­breux tra­vaux de recherche tentent-ils de modé­li­ser les voies de tran­si­tion vers la dura­bi­li­té. Un consen­sus scien­ti­fique a émer­gé autour de la néces­si­té d’agir sur trois leviers simultané­ment (dans le contexte fran­çais, c’est ce qu’indiquent par exemple l’Ademe ou très récem­ment le Haut Conseil pour le cli­mat). Les deux pre­miers leviers ont été lar­ge­ment évo­qués dans le dos­sier de La Jaune et la Rouge : il faut amé­lio­rer les pra­tiques agri­coles et agroa­li­men­taires et il faut limi­ter les pertes et le gas­pillage dans toutes les étapes de la pro­duc­tion jusqu’à la consom­ma­tion. 

Sur le sujet des pra­tiques du sec­teur agri­cole et agroa­li­men­taire, il me paraît impor­tant de sou­li­gner cer­taines nuances. Si la France est un pays ver­tueux par cer­tains aspects, qua­li­fier l’agriculture fran­çaise de « plus durable du monde » est très dis­cu­table. Le minis­tère de l’Agriculture se réfère à une étude fon­dée sur l’indice Barilla, alors que cet indice consi­dé­rait aus­si les poli­tiques nutri­tion­nelles et la lutte contre le gas­pillage, deux domaines où la France est par­ti­cu­liè­re­ment engagée.

« La France est le 3e pays de l’Union européenne autorisant le plus de substances pesticides différentes. »

Sur le seul sous-indice de l’agriculture durable, la France se classe à peine… 33e pays mon­dial ! La France est d’ailleurs le 3e pays de l’Union euro­péenne auto­ri­sant le plus de sub­stances pes­ti­cides dif­fé­rentes ; le créa­teur de la cer­ti­fi­ca­tion Haute Valeur envi­ron­ne­men­tale, sorte de concur­rent au label bio, l’exigence et les béné­fices envi­ron­ne­men­taux en moins ; et le pays où le plan Eco­phy­to a été un échec consi­dé­rable. Défendre l’agriculture fran­çaise est une chose, louer sa dura­bi­li­té coûte que coûte sous pré­texte que d’autres pays font pire (comme le fait par exemple la FNSEA) n’est pas acceptable.

Au sujet de la lutte contre le gas­pillage (un thème qui fait consen­sus), les ini­tia­tives louables telles que la valo­ri­sa­tion des pro­duits « anor­maux » (voir l’article d’Atypique), des dates courtes ou la loi Garot (qui oblige notam­ment la grande dis­tri­bu­tion à don­ner ses inven­dus) ne remettent pas en cause que, si nous gas­pillons, c’est aus­si parce que nous pro­dui­sons trop. Les actions de lutte contre le gas­pillage ne s’attaquent géné­ra­le­ment pas aux causes et ont ten­dance à dépla­cer le problème. 

Par exemple, lorsque les maga­sins donnent leurs inven­dus aux asso­cia­tions d’aide ali­men­taire, en pro­fi­tant d’une défis­ca­li­sa­tion, ce sont les béné­voles de ces asso­cia­tions qui vont devoir trier des ali­ments par­fois à la limite du comes­tible (ils en jettent une bonne par­tie ou donnent à des per­sonnes qui pré­fé­re­raient man­ger des ali­ments sains que les rebuts d’un sys­tème). Je vous ren­voie à l’excellent article de Marie Mou­rad et Nico­las Bri­cas sur le sujet.

Une alimentation durable est avant tout une alimentation saine

Le troi­sième et der­nier levier est en réa­li­té le plus impor­tant : man­ger dif­fé­rem­ment. Man­ger durable ne signi­fie pas man­ger bio ou local (même si cela a aus­si un inté­rêt) mais man­ger sai­ne­ment. Au niveau mon­dial, une ali­men­ta­tion non saine est le pre­mier fac­teur de mor­ta­li­té : la mal­nu­tri­tion cumule à la fois la sous-nutri­tion (9 % de la popu­la­tion mon­diale, en augmenta­tion), l’insuffisance en micro­nu­tri­ments et l’obésité qui conduisent notam­ment aux mala­dies cardiovasculaires.

En France, la situa­tion n’est pas com­pa­rable, mais l’obésité touche tout de même 17 % des adultes, la pré­va­lence du dia­bète de type 2 est en aug­men­ta­tion et l’alimentation est l’un des fac­teurs de risque majeurs des can­cers et des mala­dies car­dio­vas­cu­laires, les deux pre­mières causes de décès. Le régime ali­men­taire moyen en France est insuf­fi­sant en fibres (notam­ment pas assez de fruits, de légumes, de légu­mi­neuses) et trop riche en sel, en sucre, en acides gras satu­rés et en alcool. Il faut aus­si sou­li­gner les inéga­li­tés sociales de san­té en France (entre les hauts reve­nus et les plus bas reve­nus, le taux d’obésité est mul­ti­plié par 3,5 et l’espérance de vie peut dimi­nuer jusqu’à treize ans), qui peuvent être par­tiel­le­ment expli­quées par des dif­fé­rences de consom­ma­tion ali­men­taire, notam­ment sur les fruits et légumes.

« Les inégalités sociales de santé en France peuvent être partiellement expliquées par des différences de consommation alimentaire. »

Avant de pen­ser à des condi­tions de pro­duc­tion décar­bo­nées, à un appro­vi­sion­ne­ment local ou à des tech­no­lo­gies de fer­men­ta­tion, pen­sons d’abord aux chan­ge­ments dans l’assiette. Dans une optique de san­té, com­ment peut-on par­ler de la dura­bi­li­té du sucre chez Cris­tal Union ? Oui, l’entreprise tra­vaille sur la dé­carbona­tion et c’est extrê­me­ment impor­tant, mais il s’agit de sucre, un ali­ment qui pose de sérieux pro­blèmes de san­té publique, notam­ment dans les bois­sons sucrées. La pro­duc­tion de bet­te­rave est aus­si nocive pour la san­té envi­ron­ne­men­tale, en rai­son de l’utilisation de pes­ti­cides néo­ni­co­ti­noïdes, dont les entre­prises sucrières re­­commandent une uti­li­sa­tion pro­lon­gée. Asso­cier « pro­duc­tion de sucre » et « dura­bi­li­té », c’est un oxymore.

Mais une ali­men­ta­tion saine ne répond pas seule­ment à un objec­tif de san­té. Tous les modèles de sys­tème ali­men­taire durable, à l’international (modèle de la com­mis­sion EAT-Lan­cet) comme en France (Tyfa, Ten Years for Agroe­co­lo­gy, par l’IDDRI, Ins­ti­tut du déve­lop­pe­ment durable et des rela­tions inter­na­tio­nales, Afterres 2050 par Sola­gro…), imposent un chan­ge­ment de régime alimentaire.

Une ali­men­ta­tion saine est indis­pen­sable pour res­ter dans les limites pla­né­taires et res­pec­ter nos enga­ge­ments cli­ma­tiques, comme l’a rap­pe­lé le rap­port du Haut Conseil pour le cli­mat en jan­vier. Si des affi­nages sur l’analyse de cycle de vie ou des amé­lio­ra­tions tech­no­lo­giques sont inté­res­sants, ils ne doivent pas faire oublier qu’il existe un consen­sus scien­ti­fique sur la direc­tion à prendre : nous devons toutes et tous man­ger plus sobre, plus sain, plus végétal.

« Une alimentation saine est indispensable pour rester dans les limites planétaires et respecter nos engagements climatiques. »

Quel que soit le modèle, un régime ali­men­taire durable se com­pose majo­ri­tai­re­ment de légumes, de fruits, de céréales (si pos­sible com­plètes), de légu­mi­neuses et d’oléagineux (fruits secs, graines et huiles végé­tales) et dans une pro­por­tion modé­rée de pro­duits lai­tiers, de viande rouge et trans­for­mée, de pois­son et de pro­duits sucrés. D’ailleurs, la réduc­tion de la consom­ma­tion de pro­duits ani­maux ne répond pas seule­ment à un impé­ra­tif envi­ron­ne­men­tal et à une exi­gence crois­sante de bien-être ani­mal, cela répond aus­si à un impé­ra­tif de san­té. La viande trans­for­mée (char­cu­te­rie) et la viande (hors volaille) sont recon­nues par l’OMS comme des ali­ments cancérogènes.

Man­ger peu de viande et peu de fro­mage a des bien­faits nutri­tion­nels (à condi­tion bien sûr d’équilibrer le reste de son régime, mais cela est vrai dans tous les cas, même si on mange beau­coup de pro­duits ani­maux). Et, pour celles et ceux qui s’inquiètent des pro­téines, ras­su­rez-vous, notre consom­ma­tion en France est lar­ge­ment au-delà de nos besoins et les régimes sans viande couvrent sans pro­blème nos besoins nutritionnels.

Comment faire changer les habitudes alimentaires ?

À pré­sent que nous avons admis cette direc­tion à prendre, reste à voir com­ment faire. Ce n’est pas simple, comme le sou­li­gnait Pao­la Fedou à pro­pos des légu­mi­neuses dans son article. Il ne s’agit pas de culpa­bi­li­ser ou de res­pon­sa­bi­li­ser les indi­vi­dus sur la manière de « mieux man­ger », car ce que nous man­geons est déter­mi­né par de mul­tiples fac­teurs phy­sio­lo­giques, psy­cho­lo­giques, sociaux, éco­no­miques… La res­pon­sa­bi­li­té doit être por­tée col­lec­ti­ve­ment par l’ensemble du sys­tème ali­men­taire pour per­mettre de chan­ger les habi­tudes de la population.

« Un régime sain n’est pas accessible à tout le monde. »

Les modèles de sciences com­por­te­men­tales, tels que le modèle COM‑B de Susan Michie et son équipe, peuvent per­mettre d’appréhender la diver­si­té des actions néces­saires pour faire évo­luer les habi­tudes ali­men­taires vers plus de dura­bi­li­té dans l’assiette : en par­ti­cu­lier, il faut jouer sur les pos­si­bi­li­tés offertes aux consom­mateurs. L’IDDRI a notam­ment pro­po­sé une approche par les dif­fé­rents environ­nements ali­men­taires : phy­sique (chan­ger l’offre des indus­triels et des super­mar­chés), éco­no­mique (mieux régle­men­ter les prix), socio­cul­tu­rel (chan­ger les normes sociales) et cog­ni­tif (infor­mer).

Modèle comporte­mental COM-B (Michie et al. 2011) adapté aux choix alimentaires.
Modèle comporte­mental COM‑B (Michie et al. 2011) adap­té aux choix alimentaires.

À ce titre, la dimen­sion socioé­co­no­mique est fondamen­tale. On parle sou­vent de la rému­né­ra­tion des agri­cul­teurs, il faut aus­si par­ler de l’accessibilité de l’alimentation. Un régime sain n’est pas acces­sible à tout le monde, même en France où l’insécurité ali­men­taire tou­chait 11 % de la popu­la­tion en 2015, et sans nul doute davan­tage depuis la Covid et l’inflation (37 % selon un récent son­dage). La pré­ca­ri­té ali­men­taire, ce n’est pas seule­ment les Res­tos du Cœur, ce sont des mil­lions de per­sonnes pour qui se pro­cu­rer une ali­men­ta­tion saine de manière accep­table est incer­tain. La France ne garan­tit pas le droit à une ali­men­ta­tion durable.

L’aide ali­men­taire (dis­tri­bu­tions, épi­ce­ries sociales) concerne au moins 2 mil­lions de per­sonnes en France, avec une explo­sion du nombre de deman­deurs ces vingt der­nières années, mais elle ne concerne qu’une mino­ri­té de per­sonnes en pré­ca­ri­té ali­men­taire. Com­ment envi­sa­ger la tran­si­tion des régimes lorsqu’une par­tie crois­sante de la popu­la­tion peine déjà à se nour­rir ? Com­ment arti­cu­ler meilleure rému­né­ra­tion des agri­cul­teurs et acces­si­bi­li­té éco­no­mique des ali­ments sains ? De plus en plus d’associations et de cher­cheurs réclament une approche sys­té­mique pour per­mettre à cha­cune et à cha­cun de par­ti­ci­per à la tran­si­tion ali­men­taire (par exemple, l’idée d’une Sécu­ri­té sociale de l’alimentation). 

“C’est notre système alimentaire qui n’est pas tenable.”

À l’heure où reten­tit la colère du monde agri­cole (ample­ment légi­time sur le fond, moins sur la forme), ne nous trom­pons pas de cible : c’est notre sys­tème ali­men­taire qui n’est pas tenable. Les objec­tifs pour le cli­mat et la bio­di­ver­si­té ne doivent pas deve­nir les boucs émis­saires alors que l’agriculture est la pre­mière vic­time des bou­le­ver­se­ments envi­ron­ne­men­taux. Il serait bien dom­mage de lais­ser la FNSEA, repré­sen­tant les inté­rêts des géants de l’agriculture inten­sive, mono­po­li­ser le dis­cours contre l’avis des scien­ti­fiques et ralen­tir la tran­si­tion. Cette tran­si­tion vers des régimes ali­men­taires durables n’est pas un luxe de Paris ou de Bruxelles, c’est une nécessité.

Nous avons besoin d’une pla­ni­fi­ca­tion claire de l’alimentation durable, de ce que nous devons man­ger et conjoin­te­ment de ce que nous devons pro­duire (man­geons beau­coup moins de pou­let pour en impor­ter beau­coup moins, pro­dui­sons plus de fruits et légumes pour en man­ger plus et en impor­ter moins). L’agriculture a beau être un sec­teur éco­no­mique mon­dia­li­sé, les ali­ments ne sont pas des biens comme les autres, ils sont la clé de voûte de l’humanité, de notre san­té, de notre envi­ron­ne­ment, de nos rap­ports sociaux, de notre iden­ti­té culturelle.

Remet­tons le sys­tème ali­men­taire au centre de la socié­té, arrê­tons de le consi­dé­rer comme une seule ques­tion d’agriculture et d’industrie. Je crois que l’apport des com­pé­tences tech­niques et scien­ti­fiques des poly­techniciens serait extrê­me­ment béné­fique pour repen­ser le sys­tème qui nous nour­rit dans une pers­pec­tive de san­té et de jus­tice sociale. Toutes celles et tous ceux qui œuvrent pour cette tran­si­tion ont besoin d’ingénieurs pour opti­mi­ser le sys­tème ali­men­taire. Et sur­tout, n’oublions que, dans l’alimentation, le plus impor­tant, c’est ce que l’on mange ! 


Ressources

8 Commentaires

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chi­quetrépondre
4 mars 2024 à 13 h 35 min

« La France ne garan­tit pas le droit à une ali­men­ta­tion durable. » Mer­ci pour ce rap­pel qui est aus­si un cruel constat d’échec.
Mer­ci pour cet article qui déploie avec beau­coup de pré­cau­tions de forme un consen­sus main­te­nant bien éta­bli : végé­ta­li­ser son ali­men­ta­tion et choi­sir des ali­ments peu trai­tés, peu trans­for­més (et si pos­sible ache­tés loca­le­ment) est la façon la plus effi­cace de contri­buer à chan­ger la donne sur le plan de l’en­vi­ron­ne­ment, et la meilleure recette de san­té que l’on puisse adop­ter. Sans même par­ler des ques­tions de bien être animal.
Pour­quoi est il si dif­fi­cile, pour­quoi nos poli­tiques conti­nuent ils avec tant de cynisme à encou­ra­ger l’i­nac­tion en la matière ? C’est effarant !
Même si cette muta­tion n’a rien de simple à opé­rer, tant pour le monde agri­cole, que pour les indus­triels qui vivent autour de ce monde, nous atten­dons de nos déci­deurs qu’ils s’emparent des sujets dif­fi­ciles pour les mettre en tra­vail. Celui là en est un et de taille …
Il est signi­fi­ca­tif que la stra­té­gie natio­nale pro­téines végé­tales ne fasse qu’ef­fleu­rer la végé­ta­li­sa­tion de l’a­li­men­ta­tion humaine et parle sur­tout de filières pour l’é­le­vage. Comme si la végé­ta­li­sa­tion de notre ali­men­ta­tion res­tait dans une zone d’im­pen­sable au niveau poli­tique (alors même que de nom­breuses per­sonnes en font le choix et que de nom­breux écrits existent) .… Voi­là donc un article qui a le mérite d’en dire quelque chose au sein de la com­mu­nau­té poly­tech­nique. Espé­rons que cela nour­ri­ra d’autres pen­sées poli­tiques (au sens noble du terme) au niveau le plus haut de l’Etat.
Nous en avons cruel­le­ment besoin.

Basilerépondre
5 mars 2024 à 15 h 48 min
– En réponse à: chiquet

Mer­ci pour votre retour. Je suis com­plè­te­ment d’ac­cord avec vous sur la stra­té­gie pro­téines végé­tales, com­mu­ni­quant bien davan­tage autour de l’é­le­vage et la réduc­tion de la défo­res­ta­tion impor­tée sur le soja (ce qui reste quelque chose de posi­tif !). Sou­li­gnons tout de même que la ques­tion de la consom­ma­tion de légu­mi­neuses dans notre ali­men­ta­tion est abor­dée dans cette stra­té­gie et qu’il y a un regain d’in­té­rêt depuis quelques années autour des légu­mi­neuses (notam­ment dans la recherche, à Inrae par exemple). La consom­ma­tion de légu­mi­neuses en France est un véri­table défi compte tenu de la spec­ta­cu­laire désaf­fec­tion pour ces pro­duits depuis la 2e guerre mon­diale dans notre pays, alors que la consom­ma­tion de viande, elle, reste un sujet sen­sible. Le consen­sus scien­ti­fique autour de la végé­ta­li­sa­tion de l’as­siette n’est mal­heu­reu­se­ment pas encore assez pris en compte : depuis la rédac­tion de cet article, le Réseau Action Cli­mat et la Socié­té Fran­çaise de Nutri­tion ont publié un rap­port inté­res­sant pour pro­po­ser de nou­velles recom­man­da­tions de consom­ma­tion, men­tion­nant que la consom­ma­tion maxi­male recom­man­dée de viande en France est bien supé­rieure à celle d’autres pays (plus de deux fois plus que l’I­ta­lie, qui a pour­tant une culture ali­men­taire tout aus­si tra­di­tion­nelle avec une forte valo­ri­sa­tion des pro­duits carnés).
Je sou­hai­tais en effet répondre au dos­sier du mois de jan­vier pour ne pas lais­ser le sujet de l’a­li­men­ta­tion durable comme un seul sujet d’op­ti­mi­sa­tion des pra­tiques agri­coles et agroa­li­men­taires actuelles (sans remettre en ques­tion le sys­tème actuel qui, vous avez rai­son, est un échec sur plu­sieurs aspects).

MARIE-NOËLLE DAUSSErépondre
7 mars 2024 à 17 h 00 min

Bon­jour à tous et mer­ci pour votre article.
Change de façon de man­ger, certes,rendre acces­sible à tous cette meilleure manière de s’a­li­men­ter, autant de bonnes consta­ta­tions et réso­lu­tions, mais à quand l’au­to­no­mie ali­men­taire fran­çaise ? Nous pro­dui­sons trop ? Pro­dui­sons avant tout ce que nous consom­mons et peut-être un jour n’au­rons-nous plus besoin d’im­por­ter. Entendre que l’on fait venir de la viande d’A­mé­rique du sud et que nous impor­tons éga­le­ment des fruits et des légumes,me fait bondir.
Il me semble que cet aspect est aus­si à prendre en compte. Qu’en pensez-vous ?

Fran­çois Chavaudretrépondre
9 mars 2024 à 19 h 14 min

Bon­jour Basile,
bon­jour chers camarades,
Je suis déso­lé de devoir le faire, mais je vais dire que je suis très déçu de cet article qui ne cor­res­pond pas au regard ori­gi­nal et syn­thé­tique qu’on attend d’un poly­tech­ni­cien. On a plu­tôt le sen­ti­ment de lire le n‑ième article de niai­se­ries qua­li­ta­tives bien pen­santes de la presse ordi­naire. Il fau­drait man­ger plus de ceci, il fau­drait man­ger moins de cela…
S’il te plait, fais nous un autre article, où tu irais à l’es­sen­tiel et qui n’é­lu­de­rait pas (pru­dem­ment) les cal­culs en ordre de gran­deur, si néces­saires pour savoir si on a dit quelque chose qui se tient ou si on a ser­vi de la bouillie pour les chats.
Je te sug­gère le plan sui­vant, volon­tiers provocateur :
1) Se nour­rir c’est prin­ci­pa­le­ment ingé­rer les acides ami­nés essen­tiels en quan­ti­té juste suf­fi­sante selon les âges de la vie
2) Les autres nutri­ments sont du « bal­last » four­nis en plus des ali­ments pro­téi­nés : à part les fibres, on en mange tou­jours trop dès lors qu’on a sa ration d’a­cides ami­nés essentiels
3) avec les pré­co­ni­sa­tions quan­ti­fiées d’ap­port jour­na­lier par âge qu’on trouve un peu par­tout, on peut faci­le­ment au moyen d’un banal tableur Excel savoir com­bien il faut d’a­li­ment pour une per­sonne, un pays, le monde entier
4) On peut aus­si éclai­rer d’u­tiles débats sur la place des ali­ments d’o­ri­gine végé­tale et ani­male en voyant com­bien de « bal­last » en glu­cide et lipide on fait ava­ler dans un régime tout végétal/tout animal/optimal
5) Tout à fait à la fin et cer­tai­ne­ment pas avant, on pour­ra intro­duire d’autres élé­ments de réflexion comme le goût, le cru ou le cuit, les pré­ceptes des reli­gions et idéo­lo­gies, les modes de culture, les néces­si­tés sani­taires, les contraintes envi­ron­ne­men­tales, l’empreinte car­bone, les autres empreintes, la rému­né­ra­tion du tra­vail, les équi­libres géopolitiques
Pour conclure, cher jeune cama­rade, un article dans la Jaune et la Rouge, n’est pas un article comme les autres ; il ne peut pas être banal, il ne peut pas être conve­nu, il doit appor­ter au lec­teur un regard com­pré­hen­sif, scien­ti­fique, éclai­rant, bienveillant.
Je suis sûr que tu peux le faire et le sou­haite vivement.
Bien à toi,
Cha­vau­dret X68

Basilerépondre
13 mars 2024 à 9 h 05 min
– En réponse à: François Chavaudret

Cher Fran­çois,

Je suis navré d’a­voir déçu tes attentes et de ne pas avoir cor­res­pon­du à ce que tu exiges d’un article rédi­gé par un ancien étu­diant de l’X. Je suis navré de t’a­voir déçu par mes niai­se­ries qua­li­ta­tives banales.
Mais je sur­tout navré d’a­voir eu à lire ton com­men­taire mépri­sant et dont la per­ti­nence m’in­ter­roge. Un com­men­taire qui, de toute évi­dence, ne vient pas d’un expert du domaine.
Tu pré­tends que tout article de La Jaune et la Rouge se devrait de déve­lop­per un rai­son­ne­ment scien­ti­fique quan­ti­ta­tif : je te laisse donc le soin de pos­ter un com­men­taire simi­laire à de très nom­breux autres articles de la revue.
Tu pro­poses de déve­lop­per un modèle du sys­tème ali­men­taire mon­dial : si j’a­vais conduit un tel tra­vail, Fran­çois, je l’au­rais sou­mis à Nature, pas à La Jaune et la Rouge. Tes pro­pos montrent clai­re­ment que tu ne sais pas que de tels modèles ont déjà été conduits (à tout hasard, le rap­port EAT-Lan­cet, que je cite).
Tu me reproches d’a­voir rédi­gé des pro­pos qua­li­ta­tifs et bien-pen­sants, mais ce que j’af­firme ne relève pas de mon opi­nion. C’est une vul­ga­ri­sa­tion de tra­vaux d’é­pi­dé­mio­lo­gie nutri­tion­nelle et de sciences du com­por­te­ment. Toutes les réfé­rences ne sont pas détaillées, à ta dis­po­si­tion pour t’en­voyer des repères scientifiques.
Tu avances que se nour­rir consiste prin­ci­pa­le­ment à ingé­rer des acides ami­nés essen­tiels. Tu confonds la nutri­tion et l’é­qui­libre des macro­nu­tri­ments, ce qui témoigne d’une solide igno­rance. Les fruits et légumes n’au­raient donc aucun inté­rêt nutri­tion­nel ? Ta manière de sim­pli­fier, para­doxa­le­ment, conduit à une « bouillie pour les chats », pour reprendre tes termes.

Com­ment expli­quer ton com­men­taire ? J’ai deux hypo­thèses. La pre­mière est que tu n’as pas com­pris mon article, qui visait à com­plé­ter un récent dos­sier sur l’a­li­men­ta­tion durable. Le dos­sier n’en­vi­sa­geait pas de manière sys­té­mique le chan­ge­ment de diètes, qui est pour­tant la clé de la tran­si­tion. J’ai vou­lu appor­ter ce cadrage au sein de la com­mu­nau­té poly­tech­ni­cienne car je ne suis pas sûr que les enjeux ali­men­taires y soient bien connus (ton com­men­taire en est la preuve). La seconde hypo­thèse est que tu vou­drais balayer d’un revers de la main l’i­dée d’un chan­ge­ment de com­por­te­ment ali­men­taire, en mar­chant avec condes­cen­dance sur mon petit article mais aus­si sur des tra­vaux d’é­pi­dé­mio­lo­gie nutri­tion­nelle inter­na­tio­naux. Ton ton hau­tain de vieux sage pour­rait reflé­ter un cer­tain immo­bi­lisme, que nous connais­sons bien dans notre labo­ra­toire de recherche.

Pour conclure, cher cama­rade, ton rai­son­ne­ment est certes pro­vo­ca­teur, mais tant dans la forme que dans le fond, il manque de tout ce que tu attends d’un poly­tech­ni­cien : il n’est ni com­pré­hen­sif, ni bien­veillant, ni scien­ti­fique, ni éclairant.

Bien à toi,
Basile

Cha­vau­dretrépondre
13 mars 2024 à 14 h 05 min
– En réponse à: Basile

Cher cama­rade,
Mon com­men­taire est bienveillant.
C’est pour cela qu’il n’est pas complaisant.
Bien à toi,
FC

Lilie Brépondre
16 mars 2024 à 13 h 04 min

Mer­ci beau­coup pour votre article qui est très juste et pré­sente une vue glo­bale des néces­si­tés reliant la san­té, l’alimentation et la pro­duc­tion agri­cole saine et res­pec­tueuse de l’environnement. J’aimerai juste pré­ci­sé que, selon mon expé­rience, par rap­port à ma consom­ma­tion d’ « avant » prise de conscience, période entre 20102015, cela ne coûte pas plus cher, au contraire, de man­ger sai­ne­ment. Je mange uni­que­ment végé­tal (céréales, légu­mi­neuses, légumes, oléa­gi­neux et fruits) exclu­si­ve­ment de sai­sons, bio, en favo­ri­sant le cir­cuit court au maxi­mum, pas de pro­duits trans­for­més, je ne vais pas dans les super­mar­chés mais dans des coopé­ra­tives de pro­duc­teurs, ce qui limite aus­si les ten­ta­tions de consom­ma­tion inutile…)

Osmi­za Joycerépondre
16 mars 2024 à 22 h 36 min

Contrai­re­ment à quelques opi­nions inap­pro­priées et insen­sées que je regrette d’a­voir lu dans les com­men­taires, je pense que l’ar­ticle est très inté­res­sant et que ça réus­sit à aller droit au but clai­re­ment et de manière effi­cace. Il fau­drait que plus de poly­tech­ni­ciens se foca­lisent sur ce sujet, qui devient de plus en plus impor­tant. Ça serait aus­si inté­res­sant d’é­tu­dier les aller­gies et de mieux les com­prendre, vu que par­fois cela peut empê­cher la consom­ma­tion de nutri­ments impor­tants… Merci

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