Coucher de soleil sur Marrakech. Double lien avec l'étymologie du Maroc.

Étymologie :
À propos du Maroc

Dossier : Le MarocMagazine N°788 Octobre 2023
Par Pierre AVENAS (X65)

Le Maroc fait par­tie du Magh­reb (arabe al-magh­rib « le Cou­chant »), la par­tie occi­den­tale du monde arabe, dont la par­tie orien­tale est le Machreq (arabe al-maš­riq « le Levant »). En arabe, al-magh­rib désigne aus­si le Maroc lui-même : c’est l’abréviation de al-magh­rib al-aqsâ « le Cou­chant le plus loin­tain », ce pays étant situé dans la région la plus occi­den­tale connue dans l’Antiquité. C’était peut-être la région du jar­din des Hes­pé­rides (du grec hes­pe­ra « soir »), qui étaient dans la mytho­lo­gie grecque les filles d’un Géant nom­mé Atlas, lui-même chan­gé en une mon­tagne, l’Atlas, qui domine le sud du Maroc.

Des capitales successives pour le Maroc

Au VIIe siècle com­mence la conquête ara­bo-musul­mane du Magh­reb, jusqu’alors occu­pé essen­tiel­le­ment par les peuples ber­bères. En 789 est fon­dée la ville de Fès (en arabe fâs), capi­tale d’un émi­rat consi­dé­ré comme le pre­mier État maro­cain. Plus tard, la ville de Mar­ra­kech (en arabe mar­râ­kuš, en ber­bère Meṛṛakc, nom d’o­ri­gine très pro­ba­ble­ment ber­bère) est fon­dée en 1062 au pied de l’Atlas sous la dynas­tie des Almo­ra­vides (1055−1147) ; elle en devient la capi­tale, puis celle des Almo­hades (1147−1269). Sous la dynas­tie sui­vante, la capi­tale revient à Fès et elle y reste jusqu’en 1912, sauf un retour à Mar­ra­kech pen­dant un siècle envi­ron et une loca­li­sa­tion à Mek­nès (arabe mik­nâs) pen­dant un demi-siècle. Enfin, par le trai­té de Fès de 1912, est ins­tau­ré le pro­tec­to­rat fran­çais. La capi­tale est alors située à Rabat (arabe ar-ribâṭ, c’est-à-dire « la for­te­resse ») ; elle y reste jusqu’à l’indépendance en 1956 et depuis lors, jusqu’à nos jours.

Fès a donc été la capi­tale du Maroc plus long­temps (près de 600 ans) que Mar­ra­kech (un peu plus de 300 ans), mais celle-ci est deve­nue très tôt une métro­pole cultu­relle et reli­gieuse. Elle est depuis tou­jours, et encore aujourd’hui, la ville la plus attrac­tive et la plus emblé­ma­tique du pays. Cela explique que le nom de Mar­ra­kech ait été appli­qué au pays entier et que, dans pra­ti­que­ment toutes les langues non arabes, le nom du Maroc dérive de celui de Mar­ra­kech, comme en per­san Marâ­keš, espa­gnol Mar­rue­cos, por­tu­gais Mar­ro­cos, fran­çais Maroc, anglais Moroc­co, alle­mand Marok­ko, polo­nais Maro­ko… avec tou­te­fois une excep­tion notable : en turc, alors que Mar­ra­kech se nomme Mara­keş, le Maroc se nomme Fas, une réfé­rence à l’ancien royaume de Fès, la par­tie nord du Maroc que l’Empire otto­man avait ten­té d’annexer au XVIe siècle.

Le maroquin, le fameux cuir marocain

La pro­duc­tion d’un cuir excep­tion­nel de chèvre ou de mou­ton, trai­té par des tan­nins natu­rels, est ances­trale au Maroc. C’est le cas notam­ment dans la région de Tafi­la­let, à l’est de Mar­ra­kech et de l’Atlas, d’où vient le nom de ce cuir en espa­gnol, tafi­lete, ou aus­si mar­ro­quí, c’est-à-dire « du Maroc ». En fran­çais, ce cuir répu­té se nomme maro­quin (écrit mar­ro­quin jusqu’à la fin du XVIIIe siècle), du nom du Maroc, avec l’influence pos­sible de l’espagnol. De là viennent maro­qui­nier, maro­qui­ner, maro­qui­ne­rie, et aus­si le maro­quin, au sens fami­lier de « por­te­feuille minis­té­riel », sens attes­té en 1901 selon le Tré­sor de la langue fran­çaise.

Épilogue

Ain­si, le Maroc doit ses noms actuels à deux anciennes capi­tales. De manière plus visible, d’autres pays doivent leur nom à leur capi­tale, comme l’Algérie et la Tuni­sie, ou encore le Mexique, le Pana­ma et le Gua­te­ma­la, ou le Luxem­bourg, mais c’est l’inverse avec le Bré­sil, qui a don­né son nom à sa capi­tale, Bra­si­lia ; et que dire de la Rou­ma­nie, dont le nom vient bien de celui d’une capi­tale mais d’un autre pays, l’Italie ?

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