Le Chat, citoyen acteur de sa santé

Étymologie :
À propos de la santé participative

Dossier : ExpressionsMagazine N°731 Janvier 2018
Par Pierre AVENAS (X65)

Le citoyen acteur de sa san­té, c’est le futur de la médecine. Non pas une automédi­ca­tion anar­chique, mais au con­traire une médecine de pointe, où le patient, con­nec­té aux spé­cial­istes, réflé­chit et par­ticipe à la mise au point de sa médi­ca­tion… Et d’ailleurs, de la médi­ca­tion à la médi­ta­tion, il n’y a qu’un pas, que l’étymologie per­met de franchir aisément.

Médecine et méditation

Le point de départ est la racine indo-européenne *med-, dont le sens général est « penser, réfléchir », qui se décline dans des sens par­ti­c­uliers comme « mesur­er, peser, juger », ou « soigner ».

À ce dernier sens par­ti­c­uli­er de la racine *med-, se rat­tache le verbe latin med­eri « soign­er, guérir », d’où dérivent medicus « qui soigne, médecin », med­ica­tio « médi­ca­tion », medicare « soign­er, pré­par­er une médi­ca­tion », medica­men « médica­ment », medicina(lis) « médecine, médic­i­nal », et avec un pré­fixe, reme­di­are « guérir, remédi­er », remedi­um « remède », reme­di­a­bilis « remédiable ».

Tout un champ lex­i­cal est passé ain­si, presque tel quel, du latin au français. Tou­jours en latin, du verbe med­eri dérive aus­si le verbe med­i­tari, qui est une forme dite fréquen­ta­tive, c’est-à-dire dont le sens est ren­for­cé. Dans ce cas le ren­force­ment con­siste à remon­ter au sens le plus général de la racine *med-, et donc med­i­tari sig­ni­fie « penser, réfléchir, méditer, pré­par­er », d’où praemed­i­tari « préméditer » et (prae)meditatio « (pré)méditation ». Ici encore, on trou­ve en français un champ lex­i­cal hérité qua­si­ment mot à mot du latin.

Et donc oui, d’un point de vue éty­mologique, exercer la médecine fait par­tie d’une démarche plus vaste et plus générale qui con­siste à penser, à réfléchir. Entre médi­ca­tion et médi­ta­tion, il n’y a pas seule­ment une paronymie, mais une sorte de rela­tion hiérar­chique : pas de médi­ca­tion sans méditation.

“Pas de médication sans méditation.”

De quoi réjouir les adeptes de la médi­ta­tion thérapeu­tique, où l’on fait oblig­a­tion de médi­ta­tion à la fois au médecin et au malade.

C’est aus­si à une con­nex­ité entre les mots de la médecine et de la pen­sée, qu’aboutit l’étonnant enchaîne­ment éty­mologique qui suit.

Pendre, peser, penser… panser

Le verbe latin pen­dere sig­ni­fie « pen­dre, sus­pendre », d’où aus­si « peser » car on sus­pendait, au fléau des bal­ances anci­ennes, à la fois l’objet à peser et les poids. Ce verbe pen­dere a pour fréquen­tatif pen­sare, qui reprend le sens « peser, soupeser », et qui s’étend à « penser, éval­uer, juger » car pour juger, il faut peser le pour et le contre…

De pen­dere, pen­sare vien­nent donc en français pen­dre, peser, penser, mais la vraie sur­prise, c’est quand on s’aperçoit que penser a pris aus­si un sens médi­cal. En effet, si l’on pense en bien à quelqu’un, on lui veut du bien et on le soigne, d’où les expres­sions penser de « s’occuper de » et même penser « soign­er », attestées au XIVe siècle.

Mais à cette époque on écrivait tan­tôt penser et tan­tôt panser, et c’est seule­ment à par­tir du XVIIe siè­cle que ces deux orthographes se sont spé­cial­isées dans les sens actuels de penser et panser.

Et voilà com­ment, par une deux­ième voie, l’étymologie réu­nit encore des ter­mes de la pen­sée et de la médecine.

Épilogue

La médecine mod­erne, loin de l’empirisme du passé, s’appuie sur la réflex­ion, comme le mon­tre l’étymologie, et sur les con­nais­sances sci­en­tifiques les plus récentes.

On espère que la médecine par­tic­i­pa­tive et infor­ma­tisée ira encore plus loin con­tre les mal­adies, con­tre les bac­téries et virus pathogènes, à con­di­tion toute­fois d’éviter, cette fois, les bugs et virus informatiques.


Mise à jour de novembre 2020 :

Vous remar­querez le côté prophé­tique de la dernière phrase, qui pour­rait être aujourd’hui :

On espère que la médecine par­tic­i­pa­tive et infor­ma­tisée ira encore plus loin con­tre les mal­adies, con­tre les bac­téries, virus et autres coro­n­avirus pathogènes, à con­di­tion toute­fois d’éviter, cette fois, les bugs et virus infor­ma­tiques, surtout du logi­ciel Tou­sAn­ti­Covid.


En illus­tra­tion : Dessin de Philippe Geluck à pro­pos des patients. — © Philippe Geluck

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