Proust du côté juif

Proust du côté juif

Dossier : Arts, lettres et sciencesMagazine N°776 Juin 2022Par : Antoine Compagnon (X70)Rédacteur : Hubert Lévy-Lambert (X53)Editeur : Éditions Gallimard, mars 2022

Notre cama­rade Antoine Com­pa­gnon (X70), qui nous a habi­tués à des lec­tures esti­vales plu­tôt repo­santes (Un été avec Mon­taigne, Un été avec Bau­de­laire, Un été avec Pas­cal), est aus­si un foui­neur achar­né, un rat de biblio­thèque, pour tout dire un véri­table béné­dic­tin ! Il nous le montre avec son der­nier opus qui pré­sente ses recherches ori­gi­nales sur l’ascendance juive de Proust, du côté de sa mère, née Jeanne Weil, nièce du séna­teur Adolphe Cré­mieux, père d’un décret de 1870 qui a don­né aux Juifs d’Algérie la natio­na­li­té française.

On peut dif­fi­ci­le­ment résu­mer ce pavé de plus de 400 pages écrites en petits carac­tères, assor­ties de cen­taines de notes de bas de page, d’une abon­dante biblio­gra­phie et d’un index de près de 1 000 noms. La thèse d’Antoine Com­pa­gnon est que, contrai­re­ment aux idées reçues et non­obs­tant le carac­tère des per­son­nages juifs de la Recherche, comme Bloch, Swann, Nis­sim Ber­nard, Rachel, ou le qua­li­fi­ca­tif de race mau­dite qu’il donne aux Juifs (et aux homo­sexuels !) dans Sodome et Gomorrhe, voire l’amitié d’antisémites et d’antidreyfusards avé­rés comme Léon Dau­det, Mau­rice Bar­rès ou Mon­tes­quiou, Proust n’était pas du tout antisémite.

Dans une mys­té­rieuse lettre, dont les Prous­tiens recherchent le nom du des­ti­na­taire depuis près d’un siècle et dont Antoine Com­pa­gnon a réus­si in extre­mis à per­cer le secret – aidé en cela par ce qu’il appelle hum­ble­ment « le dieu caché de la recherche, une grâce du cher­cheur » mais que j’appellerais sim­ple­ment la douance du cher­cheur qui ne laisse rien au hasard –, Proust déclare qu’il accom­pa­gnait sou­vent son grand-père Nathé pour dépo­ser un caillou sur la tombe des arrière-grands-parents au Père-Lachaise, au bout de la bien nom­mée rue du Repos, non loin de l’avenue Rachel où est enter­rée la grande comé­dienne épo­nyme, abon­dam­ment citée dans la Recherche.  

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