A la recherche du temps non objectif et non mesurable, Proust

À la recherche du temps non objectif et non mesurable

Dossier : Mot du PrésidentMagazine N°785 Mai 2023
Par Marwan LAHOUD (83)

Loin d’être un spé­cial­iste, je n’ai décou­vert Proust qu’à la cinquan­taine passée, alors qu’une chute de cheval m’obligeait à garder la cham­bre et que la seule lec­ture disponible était À la recherche du temps per­du.

Jusqu’alors la seule référence que je fai­sais à Proust était « le béton tech­no-proustien » de mes jeunes années d’ingénieur de l’armement, à savoir les notes et rap­ports, au style touf­fu qui expri­ment telle­ment de choses, avec force digres­sions, descrip­tions minu­tieuses et pro­fu­sion de détails, que l’on éprou­ve du mal à les suiv­re et à savoir ce qu’ils concluent.

Quels ne furent ma sur­prise et mon émer­veille­ment devant cette explo­ration des émo­tions com­plex­es et des pen­sées intimes des per­son­nages, ces descrip­tions pré­cis­es qui nous trans­portent lit­térale­ment au milieu des pro­tag­o­nistes et nous font vivre lit­térale­ment la recherche de ce temps perdu.

En me ren­dant vis­ite lors de ma con­va­les­cence, un de mes amis, pro­fesseur de physique théorique à l’Institut des hautes études sci­en­tifiques et pianiste de tal­ent à la cul­ture générale fasci­nante, me fit part, en voy­ant La Recherche posée nég­ligem­ment sur ma table de chevet, de la fas­ci­na­tion qu’il éprou­vait pour l’œuvre de Proust.

Grand spé­cial­iste de rel­a­tiv­ité générale, il se lança aus­sitôt dans une com­para­i­son de la con­cep­tion du temps chez Proust et chez Ein­stein, le temps non objec­tif et non mesurable, mais plutôt une con­struc­tion men­tale intime­ment liée à la mémoire pour l’un, et pour l’autre un temps qui varie en fonc­tion de la posi­tion et du mou­ve­ment de l’observateur. Bref pour les deux, il s’agit d’un temps relatif intrin­sèque­ment lié à d’autres vari­ables, expéri­ence humaine pour Proust, paramètres plus froids et plus sci­en­tifiques pour Einstein.

Il n’y a pas de preuve doc­u­men­taire que Mar­cel Proust et Albert Ein­stein se soient ren­con­trés per­son­nelle­ment. C’est juste­ment une invi­ta­tion à imag­in­er une telle ren­con­tre et le dia­logue sur le temps, pourquoi pas lors d’un souper, ou une prom­e­nade à Com­bray, par une après-midi ensoleillée.

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