Charles Kœchlin à l’École polytechnique et l’orchestre des élèves. © Collections École polytechnique (Palaiseau) - photographe Aron Gerschel

« Ne pas oublier Kœchlin »

Dossier : Proust et les PolytechniciensMagazine N°785 Mai 2023
Par Cécile LEBLANC

Charles Kœch­lin (X1887) fait par­tie des quelques poly­tech­ni­ciens qui ont choisi la musique à la sor­tie de l’École. Com­pos­i­teur con­tem­po­rain de Rav­el et de Rey­nal­do Hahn, grand human­iste et artiste très engagé, il tient une place sin­gulière dans l’histoire musi­cale. Dans sa jeunesse il fréquente le même milieu que Proust auquel il a inspiré un pas­sage majeur de La Recherche. S’ensuivra un dia­logue par textes inter­posés entre ces deux artistes si sen­si­bles à la con­di­tion humaine mais dont les pris­es de posi­tion se révè­lent par­fois assez éloignées. Prox­im­ités et diver­gences entre deux intelligences.

Le sait-on ? C’est un poly­tech­ni­cien, Charles Kœch­lin, pro­mo­tion 1887, qui fut par­mi les pre­miers inspi­ra­teurs de Proust pour le pas­sage essen­tiel du dernier vol­ume d’À la recherche du temps per­du qu’est le « bal de têtes », mani­festation vis­i­ble du pas­sage du temps sur les vis­ages. Le com­pos­i­teur Charles Kœch­lin fig­ure en effet, avec la can­ta­trice Luci­enne Bré­val, dans les marges des cahiers pré­para­toires à cette scène fameuse et leur présence est si impor­tante que l’écrivain les fait précéder d’une men­tion car­ac­téris­tique : « ne pas oubli­er » ou « cap­i­talis­sime ». L’une des esquiss­es de ce pas­sage du Temps retrou­vé, celle du cahi­er 57, daté de 1910 ou 1911, con­tient en marge une note de régie con­cer­nant le vieil­lisse­ment pré­maturé de la créa­trice du rôle de Brune­hilde, inti­t­ulée « Sur la vieil­lesse Cap­i­talis­sime (Bré­val) ». Mar­cel Proust suiv­ait sa car­rière depuis la pre­mière Walkyrie de l’Opéra Gar­nier, en 1893. Mais, un an aupar­a­vant, en 1909, c’est le change­ment physique de Charles Kœch­lin qui avait par­ti­c­ulière­ment frap­pé l’écrivain. Dans le cahi­er 51 en effet, en marge du ver­so 62, Proust a en effet décrit la méta­mor­phose du poly­tech­ni­cien devenu compositeur : 

Ne pas oubli­er Kœch­lin : Je vis tout à coup, debout au milieu de la foule des gen­tils, un Prophète. C’était l’ancien lévite à barbe blonde. Il avait gardé sa fig­ure rose, ses yeux clairs, son front pur, son air jeune, ses grands gestes, mais son immense barbe était extrême­ment blanche. Le jeune lévite était devenu un vieux prophète.

“Le jeune lévite était devenu un vieux prophète.”

De Polytechnique au Conservatoire

Dans cette pre­mière ver­sion de la soirée chez la princesse de Guer­mantes, Kœch­lin sem­ble s’être fait une tête et la remar­que sur l’évolution de son apparence prou­ve que Proust le ren­con­trait depuis des années. Or Charles Kœch­lin (1867–1950) est encore peu con­nu du pub­lic en 1909. Entré à Poly­tech­nique en 1887, il a pris en charge l’orchestre des élèves pour lequel il com­mence à com­pos­er. Mais sa sec­onde année est très per­tur­bée par la tuber­cu­lose qu’il a con­trac­tée et son rang de sor­tie (125e) ne lui per­met plus d’envisager la car­rière d’officier de marine à laque­lle sa famille le des­ti­nait. Il choisit donc sa sec­onde pas­sion, la musique, renonce à une car­rière de poly­tech­ni­cien et entre au Con­ser­va­toire de Paris où il suit l’enseignement de Jules Massenet, André Gédalge et Louis-Albert Bour­gault-Ducoudray, avant celui de Fau­ré à par­tir de 1896 :

Les dons par­ti­c­uliers et les con­nais­sances tech­niques de Kœch­lin poussèrent Fau­ré à lui con­fi­er entre 1899 et 1903, lors de ses absences répétées du Con­ser­va­toire, l’enseignement du con­tre­point aux autres élèves de la classe par­mi lesquels on compte, entre autres, Mau­rice Rav­el, Jean Roger-Ducasse et Flo­rent Schmitt. (Michel Duchesneau) 

Rétro­spec­tive­ment, en 1945, Kœch­lin déclarera : 

En réal­ité, ma mal­adie […] avait été « prov­i­den­tielle ». Sans elle, je fusse devenu ingénieur des Ponts, ou du Génie mar­itime, et musi­cien ama­teur, n’aimant que les math­é­ma­tiques abstraites, inca­pable de m’intéresser suff­isam­ment à la con­struc­tion d’un appareil de physique. 

Une relation de jeunesse

S’il est évi­dent que Proust le con­naît depuis suff­isam­ment longtemps pour être frap­pé de son évo­lu­tion physique, où et quand a‑t-il pu le ren­con­tr­er ? Ses rela­tions avec Kœch­lin se sont-elles lim­itées à cette remarque ?

Quand, en mai 1894, Mar­cel Proust ren­con­tre Rey­nal­do Hahn et que débute leur liai­son, le jeune musi­cien de dix-neuf ans est « sous l’aile de Massenet », pour repren­dre l’expression de Philippe Blay. Il fréquente la classe du maître au Con­ser­va­toire aux côtés de Flo­rent Schmitt, Hen­ri Büss­er, Max d’Ollone, Georges Enesco, puis celle de Fau­ré à par­tir de 1896, tou­jours avec Kœch­lin pour condis­ci­ple. Ce dernier pub­liera d’ailleurs ses « Sou­venirs de la classe de Massenet » dans Le Ménestrel en mars 1935 en une de la revue. Il y rap­pelle son attache­ment au grand péd­a­gogue dont il est un des plus proches avec Hahn : « Massenet don­na à ses élèves le meilleur de soi-même. » Il est donc per­mis d’avancer que Proust, pas­sion­né de musique con­tem­po­raine et avide de con­naître les musi­ciens de son temps, faisant égale­ment par­tie du cer­cle de Massenet, a croisé Kœch­lin dès 1894 ou 1895 grâce à Rey­nal­do Hahn. En out­re, Hahn, Kœch­lin et pos­si­ble­ment Proust fréquentent le salon d’Angèle Duglé où l’on joue Hahn et où l’on subit, dix­it Kœch­lin, « le charme qu’il y a tou­jours dans sa [celle de Hahn] musique si aisé­ment et si pure­ment écrite ». On les voit aus­si chez Mme de Saint-Marceaux dans ces années 1894–1895. C’est égale­ment en 1895 qu’ont lieu les séances d’orchestre chez le com­pos­i­teur Fer­nand Halphen (1872–1917), autre élève de Massenet, organ­isées par Max d’Ollone, Hahn et Kœch­lin : l’une est con­sacrée aux cinq illus­tra­tions de Hahn pour Le Jardin de Bérénice de Bar­rès ; la cinquième, « St Ger­main, 27 juil­let 1895 » est « dédi­cacée à Mar­cel Proust ». Les trois artistes évolu­ent donc et se croisent dans un même univers lit­téraire et musical.

Proust et l’œuvre de Kœchlin

L’œuvre de Kœch­lin, telle que Proust avait pu l’entendre avant 1909, est surtout com­posée, si l’on excepte la can­tate L’Épopée de l’École poly­tech­nique (opus 2, 1894), de par­ti­tions sur des poèmes de Théodore de Banville, Louis-Hyacinthe Bouil­het, Fer­nand Gregh, Lecon­te de Lisle, Renée Vivien, etc. Le com­pos­i­teur met en musique La Bonne Chan­son de Ver­laine en 1901–1902, après celle de Fau­ré (1898) que Proust appré­ci­ait par­ti­c­ulière­ment, ou, en 1899, Les Chan­sons de Bili­tis de Pierre Louÿs juste après celles de Debussy (1897–1898). Entre 1899 et 1904, ses Trois Poèmes, « Berceuse phoque », « Chan­son de nuit dans la jun­gle », « Chant de Kala-Nag », inspirés par Le Livre de la jun­gle de Rud­yard Kipling, pour voix avec chœur de femmes, piano ou orchestre, amor­cent la com­po­si­tion d’une vaste fresque inspirée du roman et achevée en 1939 avec Les Ban­dar-Log. Ses œuvres majeures de musique de cham­bre et ses grands poèmes sym­phoniques sont postérieurs et Proust ne les a prob­a­ble­ment pas enten­dus. « Com­pos­i­teur au développe­ment plutôt tardif, Kœch­lin ne trou­ve qu’après 1910 – entre 40 et 50 ans – le lan­gage musi­cal qui lui est propre. »

Gabriel Fauré (1845-1924) et Jean Roger-Ducasse (1873-1954), au piano, accompagnés, derrière eux, de gauche à droite, de Louis Aubert, A.Z. Mathot, Maurice Ravel, André Caplet, Charles Kœchlin, Émile Vuillermoz et Jean Huré. © Albert Harlingue / Roger-Viollet.
Gabriel Fau­ré (1845–1924) et Jean Roger-Ducasse (1873–1954), au piano, accom­pa­g­nés, der­rière eux, de gauche à droite, de Louis Aubert, A.Z. Math­ot, Mau­rice Rav­el, André Caplet, Charles Kœch­lin, Émile Vuiller­moz et Jean Huré. © Albert Har­lingue / Roger-Viollet.

Un lévite dans l’avant-garde musicale

En revanche, Proust sem­ble avoir con­science du rôle majeur que joue Kœch­lin dans l’avant-garde musi­cale. Sur les pho­togra­phies de la classe de Massenet vers 1894 et dans les années qui suiv­ent, Kœch­lin porte bien une barbe, que Proust a vue blonde. Si en 1909 sa longue barbe dev­enue blanche lui donne cette apparence de lévite puis de prophète qui a frap­pé Proust, il ne s’agit pas du tout d’une allu­sion à sa reli­gion puisqu’il appar­tient à une vieille dynas­tie alsa­ci­enne de l’industrie tex­tile, d’obédience protes­tante. Por­trait physique du com­pos­i­teur, la métaphore est égale­ment un témoignage de ce qu’est devenu Kœch­lin dans le monde musi­cal à 42 ans. Selon le Lit­tré, un lévite, au sens lit­téraire, peut qual­i­fi­er un clerc ou un sémi­nar­iste, un let­tré savant. Or Kœch­lin écrit beau­coup, et écrira toute sa vie, dans la lignée d’un Berlioz ou d’un Saint-Saëns. Ses cri­tiques musi­cales et ses arti­cles théoriques parus dans la Gazette des Beaux-Arts depuis 1900 font de lui « l’un des plus qual­i­fiés pour tenir un dis­cours savant sur la musique ». Homme de syn­thèse, il plaide pour une musique prenant en compte le passé (en par­ti­c­uli­er Jean-Sébastien Bach) mais aus­si la moder­nité et l’avant-garde. En 1909, il com­mence à devenir un con­férenci­er de plus en plus recher­ché au fil des années, ce qui ren­force encore son autorité intel­lectuelle sur le milieu musi­cal français puis inter­na­tion­al : il pro­fessera à l’université de Berke­ley pen­dant l’été 1928.

Charles Kœchlin (X1887), vers 1930-1935. © Boris Lipnitzki / Roger-Viollet
Charles Kœch­lin (X1887), vers 1930–1935. © Boris Lip­nitz­ki / Roger-Viollet

La création de la Société musicale indépendante

Prophète, se préoc­cu­pant de l’avenir, Kœch­lin l’est assuré­ment lorsqu’il accepte la mis­sion que lui pro­pose Mau­rice Rav­el le 16 jan­vi­er 1909 : 

J’entreprends de for­mer une nou­velle société, plus indépen­dante, du moins dans ses débuts. Cette idée séduit un tas de gens. Voulez-vous être des nôtres ? 

C’est ain­si qu’il prend une part active à la fon­da­tion de la Société musi­cale indépen­dante aux côtés de Mau­rice Rav­el, Flo­rent Schmitt et Albert Rous­sel. La Société nationale créée pour soutenir la musique française en 1871 par Saint-Saëns et Romain Bus­sine leur paraît trop con­ser­va­trice, sec­taire et rétro­grade pour s’ouvrir effi­cace­ment à l’avenir, tout comme la Schola can­to­rum de Vin­cent d’Indy et Charles Bor­des. Proust a vu juste : plus prophète et apôtre de la moder­nité que créa­teur révo­lu­tion­naire, « la par­tic­i­pa­tion de Kœch­lin au mou­ve­ment d’avant-garde est donc davan­tage liée à ses activ­ités de théoricien et de défenseur qu’à son œuvre musi­cale en tant que telle » (Michel Duch­es­neau). Leurs idées sur la créa­tion et leurs principes esthé­tiques vont à la fois les réu­nir et les oppos­er par textes interposés. 

Et Proust créa Vinteuil…

En avril 1913, Proust a créé Vin­teuil sur les épreuves de Du côté de chez Swann pour déter­min­er ce que peut être un grand musi­cien con­tem­po­rain ; c’est aus­si la préoc­cu­pa­tion majeure de Kœch­lin qui par­ticipe, la même année, au Rap­port sur la musique française con­tem­po­raine de Paul Mas­son et décrit en 1914 « les ten­dances actuelles de la jeune musique française » dans l’Ency­clopédie de la musique et dic­tio­n­naire du Con­ser­va­toire de Lav­i­gnac. Il cherche à bross­er, comme l’écrivain, le por­trait du com­pos­i­teur mod­erne. Mais, très engagé sociale­ment, com­pagnon de route du par­ti com­mu­niste dès les années 1930, jour­nal­iste à L’Humanité, Kœch­lin ne partagera pas du tout la théorie prousti­enne du Con­tre Sainte-Beuve. Pour lui, bien au contraire : 

On ne peut sépar­er l’œuvre de l’artiste, ni l’artiste de l’homme, ni l’homme – comme l’a dit très bien Paul Langevin – de ses idées sociales et politiques. 

“Kœchlin ne partagera pas du tout la théorie proustienne du Contre Sainte-Beuve.”

Adepte, mais aus­si cri­tique atten­tif et scrupuleux, des écrits de Tol­stoï sur l’art et des analy­ses de Romain Rol­land con­cer­nant la musique, Kœch­lin con­sid­ère dans une per­spec­tive marx­iste la ques­tion de l’art authen­tique­ment pop­u­laire, en con­statant que la société bour­geoise ne réserve au peu­ple que les rebuts de la culture : 

C’est pour cela juste­ment que j’estime néces­saire de se pencher vers le peu­ple, et de le hauss­er à la belle musique (Romain Rol­land l’avait dit : il faut élever le peu­ple vers les chefs‑d’œuvre) et sans procéder par des concessions. 

Kœch­lin cri­ti­quera même Proust qu’il cite nom­mé­ment (preuve irréfutable qu’il l’avait bien lu) sur la ques­tion de la « mau­vaise musique », dans un texte inti­t­ulé « Art pop­u­laire et tour d’ivoire », écrit à l’automne 1934 et révisé plus tard. Cette musique est, pour lui, l’exemple type que ce que la société cap­i­tal­iste et beau­coup d’artistes de tous bor­ds (il cite ici un pein­tre, un musi­cien et un écrivain) réser­vent au peu­ple ou s’en contentent : 

Il n’en sub­siste qu’un ersatz de sen­si­b­lerie… Sen­si­b­lerie, je sais bien que Desval­lières [Georges Desval­lières 1861–1950, pein­tre proche de Gus­tave More­au et de Mau­rice Denis], Proust, Max d’Ollone, d’autres encore jugent par­donnable et sym­pa­thique après tout comme germe (état inférieur, ébauche, embry­on) de sensibilité. 

Proust con­statait, dans son Éloge de la mau­vaise musique, « qu’elle s’est peu à peu rem­plie du rêve et des larmes des hommes » et que pour cela sa place « est immense dans l’histoire sen­ti­men­tale des sociétés ». 

Qu’est-ce que l’art populaire ?

Mais c’est sur la ques­tion de l’engagement que le désac­cord posthume est le plus net. Proust s’était opposé, vers 1909, à Romain Rol­land sur la visée de l’œuvre, qui doit être sociale pour Rol­land tan­dis qu’il ne la conçoit qu’universelle, car le roman social devient très vite un roman à thèse démon­stratif plutôt « au-dessous de la mêlée qu’au-dessus ». Il ne peut y avoir, pour Proust, d’œuvre à inten­tion pop­u­laire, mais une œuvre sans des­ti­na­tion, seule­ment humaine et non écho des prob­lèmes sociopoli­tiques contemporains : 

Il [Romain Rol­land] aura beau nous dire que l’autre art n’est pas de l’art pop­u­laire, mais de l’art pour quelques-uns, nous penserons, nous, que c’est le sien qui est cet art-là, car il n’y a qu’une manière d’écrire pour tous, c’est d’écrire sans penser à per­son­ne, pour ce qu’on a en soi d’essentiel et de profond. 

Kœch­lin est claire­ment de l’école de Romain Rol­land et pense que les notions de démoc­ra­tie, de pro­grès social, d’internationalisme et surtout d’éducation doivent présider à la con­cep­tion d’une « musique pour le peu­ple », mais il s’accorde avec Proust sur la néces­sité, pour l’artiste, de créer sans inten­tion destinataire : 

L’artiste d’ailleurs exprimera les « sen­ti­ments du peu­ple » si lui-même a l’âme pop­u­laire et non du tout s’il cherche à faire sim­pli­fié, vul­gaire, acces­si­ble à tous, encore moins s’il se con­traint à l’emploi de « thèmes du folk­lore ». Ce n’est point en abdi­quant sa per­son­nal­ité pro­pre, ni son lan­gage, que le musi­cien réalis­era le mir­a­cle de la com­mu­nion avec son peuple. 

Des accords essentiels

Pen­dant la Grande Guerre, leurs posi­tions furent assez proches. L’un et l’autre dénon­cèrent l’ostracisme exer­cé à l’encontre de l’art alle­mand, en par­ti­c­uli­er con­tem­po­rain, mais aus­si, para­doxale­ment, la trop grande place accordée aux chefs d’orchestre ger­maniques comme Arthur Nikisch, Felix Wein­gart­ner, Richard Strauss, ain­si que la place faite à Beethoven dans les pro­grammes au détri­ment de la musique française : 

Aux Con­certs Colonne et Lam­oureux, pro­vi­soire­ment réu­nis salle Gaveau, le fait le plus sail­lant fut la ren­trée de Beethoven. Sur quoi, M. Wein­gart­ner tri­om­phe, procla­mant que, si l’Allemagne musi­cale­ment se suf­fit à elle-même, l’on ne saurait à Paris com­pos­er des pro­grammes accept­a­bles, sans le lest, le poids et le sérieux de l’art ger­main. Eh bien, non ! Ce n’est pas vrai. (Charles Kœch­lin)

Dans le cahi­er 74, en 1915, Proust pointait égale­ment la présence envahissante « des chefs d’orchestre allemands ». 

Charles Kœch­lin et Mar­cel Proust ont donc vécu et écrit dans le même milieu lit­téraire et musi­cal du début du vingtième siè­cle, se sont croisés, et les traces de leurs ren­con­tres témoignent de leur pro­fonde curiosité intel­lectuelle et artis­tique. Proust avait rai­son, il ne fal­lait pas oubli­er Kœchlin.


Références

  • Cécile Leblanc, « “Une fenêtre qui donne sur un chef‑d’œuvre”, le para­doxe des exé­cu­tants dans La Recherche », Musiques de Proust, Françoise Leriche, Cécile Leblanc, Nathalie Mau­ri­ac (dir.), Her­mann, 2020. 
  • Michel Duch­es­neau, Chapitre 13. Kœch­lin : réflex­ion sur la moder­nité, Musique et moder­nité en France [en ligne]. Mon­tréal : Press­es de l’Université de Mon­tréal, 2006 (généré le 14 août 2022). Disponible sur Inter­net : <http://books.openedition.org/pum/10402>. ISBN : 9791036502385. DOI : https://doi.org/10.4000/books.pum.10402.
  • Charles Kœch­lin, His­toire de ma vie musi­cale et de mes œuvres (texte inédit, 1945), p. 3. 
  • Philippe Blay, Rey­nal­do Hahn, Fayard, 2021, p. 55–56.
  • Alfred Bruneau, Jules Massenet, Dela­grave, 1935. 
  • Philippe Cathé, « Charles Kœch­lin, Sou­venirs de la classe de Massenet », Massenet aujourd’hui : héritage et postérité, sous la direc­tion de Jean-Christophe Branger et Vin­cent Giroud, Pub­li­ca­tions de l’université de Saint-Éti­enne, 2014. 
  • Jean-Christophe Branger, « Quand Rey­nal­do Hahn évoque Mar­cel Proust : let­tres à Ernest Moret, Jules Massenet et Yvonne Sarcey », Revue d’histoire lit­téraire de la France, 2014/2 (Vol. 114), p. 448–458. DOI : 10.3917/rhlf.142.0448.
    URL : https://www.cairn.info/revue-d-histoire-litteraire-de-la-france-2014–2‑page-448.htm.
  • Otfrid Nies, « Le rêve des hori­zons loin­tains : un par­cours de l’œuvre de Kœch­lin », in Charles Kœch­lin, com­pos­i­teur et human­iste, sous la direc­tion de Philippe Cathé, Michel Duch­es­neau et Sylvie Douche, Vrin, 2010. 
  • Liou­ba Bous­cant, « Charles Kœch­lin con­férenci­er (1909–1948) », in Charles Kœch­lin, com­pos­i­teur et human­iste, sous la direc­tion de Philippe Cathé, Michel Duch­es­neau et Sylvie Douche, Vrin, 2010. 
  • La Revue musi­cale, numéro spé­cial Kœch­lin, 1982. 
  • Michel Duch­es­neau, « Mau­rice Rav­el et la Société musi­cale indépen­dante : “Pro­jet mir­i­fique de con­certs scan­daleux” », Revue de musi­colo­gie, 1994, t. 80, n° 2 (1994).
  • « Étude sur Charles Kœch­lin par lui-même », rédigée en 1939 et pub­liée dans le numéro spé­cial 340–341 de La Revue musi­cale, 1980.
  • Michel Duch­es­neau, Charles Kœch­lin, Écrits, musique et société, vol­ume 2, Marda­ga, 2009. 
  • Cécile Leblanc, Proust écrivain de la musique, l’allégresse du com­pos­i­teur, Bre­pols, 2017. 
  • Proust, Essais, sous la direc­tion d’Antoine Com­pagnon avec la col­lab­o­ra­tion de Christophe Pradeau et Matthieu Ver­net, Bib­lio­thèque de la Pléi­ade, 2022. 
  • Charles Kœch­lin, « La Vie musi­cale pen­dant la guerre », cité par Michel Duch­es­neau, « la musique et le peu­ple », Charles Kœch­lin, com­pos­i­teur et human­iste, sous la direc­tion de Philippe Cathé, Michel Duch­es­neau et Sylvie Douche, Vrin, 2010.

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