Biot et Gay-Lussac réalisant depuis leur ballon des expériences dans l'atmosphère

Des ballons pour explorer l’atmosphère

Dossier : La mécaniqueMagazine N°752 Février 2020
Par Riwal PLOUGONVEN (95)
Par Albert HERTZOG
Par Jean-Philippe DUVEL
Par Hugo BELLENGER (D2007)

Les auteurs retracent quelques étapes de l’utilisation scien­ti­fique des bal­lons, avant de se foca­li­ser sur deux cam­pagnes de recherche en pré­pa­ra­tion. Ils expliquent les atouts et la per­ti­nence des bal­lons pres­su­ri­sés pour son­der la stra­to­sphère et mieux com­prendre les pro­ces­sus phy­siques affec­tant sa com­po­si­tion. Les bal­lons n’appartiennent pas au passé !

Les bal­lons demeurent un moyen unique d’observer l’atmosphère. Les cam­pagnes d’observation par bal­lon consti­tuent donc une com­po­sante impor­tante des acti­vi­tés du labo­ra­toire de météo­ro­lo­gie dyna­mique (LMD) depuis sa créa­tion en 1968.


REPÈRES

Les bal­lons ont consti­tué le pre­mier moyen de s’élever dans les airs, avec l’envol à Anno­nay, le 4 juin 1783, de la pre­mière mont­gol­fière. L’idée d’utiliser un gaz léger pour per­mettre des vols de bal­lon était dis­cu­tée depuis la décou­verte en 1766 par Hen­ry Caven­dish (1731−1810) de « l’air inflam­mable », c’est-à-dire l’hydrogène, mais c’est en France que les pre­miers vols en bal­lon ont réus­si. Le mérite du pre­mier vol revient en effet aux frères Joseph (1740−1810) et Étienne de Mont­gol­fier (1745−1799), qui rem­plirent une enve­loppe ouverte en papier (Joseph diri­geait une usine de papier) non
avec de l’hydrogène mais avec de l’air chaud. À la suite du suc­cès des frères Mont­gol­fier, le phy­si­cien et chi­miste Jacques Charles mit au point avec l’aide des frères Anne-Jean et Marie-Noël Robert un bal­lon de quatre mètres de dia­mètre gon­flé d’hydrogène, qui s’envola du Champ-de-Mars moins de trois mois plus tard, le 27 août 1783, et par­cou­rut 16 km jusqu’à Gonesse. Ces pre­miers vols sus­ci­tèrent l’enthousiasme et des vols « habi­tés » réus­sirent dans les mois qui suivirent. 


Les pionniers

Les bal­lons de la fin du XVIIIe siècle n’ouvraient pas la voie à un trans­port aérien, pour deux rai­sons : il n’était pas pos­sible de contrô­ler la tra­jec­toire des vols et ils demeu­raient très dan­ge­reux à l’atterrissage. Leur uti­li­sa­tion mili­taire pour obser­ver le champ de bataille fut néan­moins explo­rée, un corps d’aérostatiers fut créé, le bal­lon d’observation L’Entreprenant aurait contri­bué à la vic­toire fran­çaise à Fleu­rus le 26 juin 1794. Bona­parte pré­voyait éga­le­ment d’en faire usage lors de sa cam­pagne en Égypte, prin­ci­pa­le­ment pour leur effet psy­cho­lo­gique, mais le navire trans­por­tant le géné­ra­teur d’hydrogène cou­la. Le corps des aéro­sta­tiers fut fina­le­ment dis­sous en 1805. 

Des pre­miers vols scien­ti­fiques sont effec­tués au début du siècle sui­vant par Étienne Gas­pard Robert (1763−1837), qui prit le nom de Robert­son par anglo­ma­nie et dont les acti­vi­tés mêlaient arts, science expé­ri­men­tale et diver­tis­se­ment – il pré­sen­tait dans son cabi­net à Paris des expé­riences de phy­sique amu­sante sous le nom de « fan­tas­ma­go­ries ». Lors d’un vol en juillet 1803 à Ham­bourg, il effec­tua de nom­breuses expé­riences, s’intéressant notam­ment à l’électricité atmo­sphé­rique, à la tem­pé­ra­ture d’ébullition de l’eau et au champ magné­tique ter­restre. Il faut cepen­dant attendre l’implication de deux poly­tech­ni­ciens, Jean-Bap­tiste Biot (1774−1862) et Louis Joseph Gay-Lus­sac (1778−1850), pour que des expé­riences scien­ti­fiques en bal­lon soient effec­tuées avec la rigueur néces­saire. Leurs vols en 1804 per­mettent d’obtenir des mesures jusqu’à 7 016 m et éta­blissent notam­ment la décrois­sance régu­lière de la tem­pé­ra­ture avec l’altitude et l’identité de la com­po­si­tion de l’air dans les pre­miers kilo­mètres de l’atmosphère.

Les vols scien­ti­fiques de bal­lons s’interrompent pen­dant un demi-siècle envi­ron, au cours duquel l’aéronaute Charles Green intro­duit une inno­va­tion majeure pour les célé­bra­tions du cou­ron­ne­ment du roi George IV, le 19 juillet 1821 : il rem­place l’hydrogène par du gaz d’éclairage, bien moins coû­teux. Des vols scien­ti­fiques sont à nou­veau entre­pris à par­tir de 1850, en France et au Royaume-Uni, avec des vols dépas­sant 8 000 m d’altitude mais sou­le­vant des dif­fi­cul­tés nou­velles à cause du manque d’oxygène. Le chi­miste fran­çais Paul Bert (1833−1886) montre que c’est la baisse de la quan­ti­té d’oxygène, et non juste de la pres­sion, qui est pro­blé­ma­tique. Des bou­teilles d’oxygène sont embar­quées mais ces vols demeurent ris­qués : deux morts sur trois pas­sa­gers sont à déplo­rer lors du fameux vol du Zénith, le 15 avril 1875, qui atteint 8 600 m. Avec la mise au point en Alle­magne de bou­teilles et d’un masque (au lieu d’une embou­chure) pour déli­vrer l’oxygène, Arthur Ber­son et Rein­hard Süring atteignent 10 530 m le 31 juillet 1901. Les ascen­sions en bal­lon ont ain­si déve­lop­pé les prin­cipes de sur­vie en haute alti­tude, qui ser­vi­ront par la suite à l’aviation mili­taire et aux vols spatiaux.

La découverte de la stratosphère

L’utilisation scien­ti­fique des bal­lons prend une autre ampleur à par­tir de l’automatisation des mesures, déve­lop­pée par Gus­tave Her­mite (1863−1914) et Georges Besan­çon (1866−1934), prin­ci­pa­le­ment sur des bal­lons en papier ou en bau­druche. L’utilisation d’instruments enre­gis­trant leurs mesures sur du papier enrou­lé sur un cylindre ouvre une nou­velle ère : les bal­lons peuvent être plus petits, n’ayant plus à sou­le­ver un opé­ra­teur, et ne sont plus contraints par les limites phy­sio­lo­giques de celui-ci. Le vol de L’Aérophile du 21 mars 1893 atteint 16 000 m et enre­gistre la plus froide tem­pé­ra­ture mesu­rée jusqu’alors dans la nature : – 57 °C. Après ce mini­mum rele­vé à 11 500 m, la tem­pé­ra­ture aug­mente à nou­veau jusqu’à – 47 °C. Les savants de l’époque écartent ces mesures comme erro­nées, per­sua­dés que la tem­pé­ra­ture ne fait que décroître avec l’altitude. Lors du vol du 18 février 1897, des pré­lè­ve­ments d’air à 15 500 m montrent que la com­po­si­tion de l’air est à cette alti­tude encore iden­tique à celle de l’air en surface. 

Un déve­lop­pe­ment impor­tant a lieu en Alle­magne, sous l’impulsion de Richard Ass­mann (1845−1918) et avec le sou­tien du Kai­ser Guillaume II. Ass­mann emploie une enve­loppe ultra­mince en caou­tchouc, per­met­tant d’utiliser des bal­lons fer­més qui, ini­tia­le­ment peu gon­flés, s’étendent en s’élevant jusqu’à un pla­fond fixé par leur explo­sion. L’altitude de 18 450 m est ain­si atteinte le 5 sep­tembre 1894. En France, les son­dages atmo­sphé­riques par bal­lon sont repris à par­tir de 1897 par Léon Teis­se­renc de Bort, qui éta­blit avec ses propres res­sources deux obser­va­toires météo­ro­lo­giques à Trappes et à Itte­ville. Les vols se mul­ti­plient, une coor­di­na­tion inter­na­tio­nale avec des vols coor­don­nés et des inter­com­pa­rai­sons d’instruments se met en place. Les obser­va­tions révèlent avec obs­ti­na­tion une couche où la tem­pé­ra­ture stagne (typi­que­ment entre 10 et 16 km) avant d’augmenter à des alti­tudes plus éle­vées. Teis­se­renc de Bort et Ass­mann recon­naissent qu’elles tra­duisent la réa­li­té et com­mu­niquent leurs décou­vertes dans leurs Aca­dé­mies des sciences res­pec­tives à quelques jours d’intervalle en 1902 : sui­vant la déno­mi­na­tion pro­po­sée par Teis­se­renc de Bort, la tro­po­pause, sépa­rant la tro­po­sphère de la stra­to­sphère, était ain­si découverte.

Préparation d’un ballon avant un voyage dans l'atmosphère
Pré­pa­ra­tion de lâcher d’un bal­lon pres­su­ri­sé depuis l’aéroport des Sey­chelles, lors de la pre­mière cam­pagne Stra­teole 2, novembre-décembre 2019. Le bal­lon est gon­flé avec une masse pré­cise d’hélium et il devien­dra sphé­rique lors de son ascen­sion. Une fois qu’il a atteint son pla­fond (entre 18 et 20 km), la sur­pres­sion interne le main­tient sphé­rique, l’enveloppe inex­ten­sible fait qu’il conserve son volume et il dérive donc comme une par­celle qui conserve sa masse volu­mique (tra­jec­toire iso­pycne).

Des pionniers aux chercheurs actuels

Nous ne ten­te­rons pas de décrire l’utilisation scien­ti­fique des bal­lons au XXe siècle, ce serait trop vaste. Men­tion­nons seule­ment deux étapes, avant de sau­ter direc­te­ment à l’actualité des bal­lons scien­ti­fique au LMD : grâce à la trans­mis­sion des mesures par des ondes radio, mise au point par Pierre Idrac (1885−1935) et Robert Bureau (1892−1965), tous deux poly­tech­ni­ciens, les bal­lons météo­ro­lo­giques (radio­son­dages) lan­cés depuis des sta­tions météo­ro­lo­giques deviennent pour plu­sieurs décen­nies l’ossature de l’observation opé­ra­tion­nelle de l’atmosphère. Ils per­mettent par ailleurs des obser­va­tions astro­no­miques impos­sibles depuis le sol (prix Nobel de Vic­tor Hess (1883−1964) en 1936 pour la décou­verte des rayons cos­miques). Ils per­mettent à Auguste Pic­card (1884−1962), une des sources d’inspiration d’Hergé pour le pro­fes­seur Tour­ne­sol, de s’élever dans une nacelle fer­mée jusqu’à 16 021 m le 18 août 1932. Nous décri­rons à pré­sent deux cam­pagnes actuelles de recherche, por­tées par des ensei­gnants-cher­cheurs du LMD, pour illus­trer que l’observation atmo­sphé­rique par bal­lon demeure un domaine actif et innovant.


Les atouts des ballons

Les bal­lons ont été à l’avant-garde de l’exploration de l’atmosphère, per­met­tant bien avant les pre­miers vols en avion de décou­vrir des pro­prié­tés essen­tielles et la struc­ture de notre atmo­sphère. Ils ont aus­si été pré­cur­seurs pour l’exploration spa­tiale, per­met­tant notam­ment de s’extraire de la majeure par­tie de l’atmosphère bien avant les satel­lites. Si à l’heure actuelle les avions consti­tuent la plate-forme pri­vi­lé­giée pour de nom­breuses cam­pagnes d’observation et si les satel­lites four­nissent une cou­ver­ture sans pré­cé­dent de l’ensemble du globe, les bal­lons conservent des spé­ci­fi­ci­tés qui en font des vec­teurs uniques et pré­cieux pour l’observation de l’atmosphère.


La campagne Stratéole 2

Un objec­tif majeur du pro­jet fran­co-amé­ri­cain Stra­téole 2 est de docu­men­ter les pro­ces­sus dyna­miques (ondes, trans­port) et phy­siques (cycle de vie des nuages, trans­fert radia­tif) à proxi­mi­té de la tro­po­pause tro­pi­cale. Dans les tro­piques, le som­met de la tro­po­sphère se situe entre 15 et 18 km d’altitude et est ain­si inac­ces­sible à la grande majo­ri­té des avions de recherche. L’utilisation de bal­lons pour son­der cette par­tie de l’atmosphère est donc per­ti­nente. Mais les bal­lons pres­su­ri­sés déve­lop­pés et mis en œuvre par le Centre natio­nal d’études spa­tiales, loin­tains héri­tiers du bal­lon de Charles, offrent des atouts sup­plé­men­taires. Leur enve­loppe plas­tique fer­mée, rem­plie d’hélium, main­tient le gaz por­teur qua­si indé­fi­ni­ment dans le bal­lon : les bal­lons pres­su­ri­sés peuvent donc effec­tuer des vols de très longue durée. 

Dans le pro­jet Stra­téole 2, les vols sont ain­si pré­vus pour durer au moins trois mois. Pen­dant leurs vols à proxi­mi­té de la tro­po­pause tro­pi­cale, les bal­lons pres­su­ri­sés seront trans­por­tés par le vent et per­met­tront donc de suivre le dépla­ce­ment des masses d’air dans l’atmosphère. Ils consti­tuent ain­si de véri­tables tra­ceurs lagran­giens du fluide atmo­sphé­rique, comme des bouées déri­vantes à la sur­face de l’océan. Cette par­ti­cu­la­ri­té est bien évi­dem­ment unique : aucun autre moyen d’observation de l’atmosphère ne se déplace avec l’écoulement. Les obser­va­tions recueillies pen­dant les vols four­nissent ain­si des infor­ma­tions pré­cieuses sur les temps carac­té­ris­tiques des pro­ces­sus étu­diés, du point de vue des par­ti­cules de fluide. Avec un vent moyen de 10 m/s à l’altitude de vol des bal­lons, ceux-ci par­cour­ront envi­ron 80 000 km en trois mois, c’est-à-dire deux fois le tour de la Terre à l’équateur ! C’est là un der­nier avan­tage de ces bal­lons : les obser­va­tions seront repré­sen­ta­tives de l’ensemble de la cein­ture tro­pi­cale de la Terre et les ins­tru­ments embar­qués pour­ront effec­tuer des mesures jusqu’au centre de l’océan Paci­fique, à des mil­liers de kilo­mètres de toute masse continentale. 

Chaque bal­lon du pro­jet Stra­téole 2 empor­te­ra envi­ron 10 kg d’instruments scien­ti­fiques, dont des cap­teurs météo­ro­lo­giques qui four­ni­ront des mesures toutes les 30 s pen­dant les trois mois de vol. D’autres ins­tru­ments mesu­re­ront des gaz inter­ve­nant dans le bilan radia­tif ter­restre : vapeur d’eau, ozone (deux ins­tru­ments déve­lop­pés et réa­li­sés au labo­ra­toire de météo­ro­lo­gie dyna­mique) et dioxyde de car­bone. Enfin, cer­tains bal­lons empor­te­ront une fibre optique de 2 km de long, sus­pen­due à la nacelle et per­met­tant d’obtenir des pro­fils de tem­pé­ra­ture toutes les cinq minutes. L’ensemble de ces mesures sera trans­mis toutes les heures au sol, lorsque la nacelle appel­le­ra auto­ma­ti­que­ment, par le sys­tème de télé­pho­nie par satel­lite Iri­dium, le centre de contrôle des bal­lons, qui est héber­gé sur les ser­veurs infor­ma­tiques de l’École polytechnique. 

Les obser­va­tions météo­rologiques seront alors rapi­de­ment contrô­lées de manière auto­ma­tique pour être trans­fé­rées, en temps qua­si réel, à l’ensemble des modèles météo­ro­lo­giques mon­diaux afin de contri­buer à amé­lio­rer les pré­vi­sions météo­ro­lo­giques dans les tro­piques. Le jeu de don­nées Stra­téole 2 nour­ri­ra enfin les recherches du LMD et de ses par­te­naires dans cette région clé de l’atmosphère qu’est la tro­po­pause tro­pi­cale. La tro­po­pause tro­pi­cale est en effet la porte d’entrée de la stra­to­sphère et les pro­ces­sus s’y dérou­lant contrôlent ain­si sa com­po­si­tion à l’échelle glo­bale, telle que par exemple celle des gaz inter­ve­nant dans l’équilibre de la couche d’ozone. Les deux cam­pagnes prin­ci­pales du pro­jet com­por­te­ront cha­cune 20 bal­lons, en 2021 et 2024. La cam­pagne pro­ba­toire se déroule avec suc­cès puisque huit bal­lons, lâchés en novembre et décembre 2019, dérivent dans la basse stra­to­sphère tro­pi­cale alors que ces lignes sont rédigées.

“Le sommet de la troposphère est inaccessible à la grande majorité
des avions de recherche.”

Les aéroclippers

« L’expédition sera munie des ins­tru­ments néces­saires pour les déter­mi­na­tions de temps et de lieu, pour les déter­mi­na­tions d’altitude et de vitesse et enfin d’une col­lec­tion com­plète d’instruments météo­ro­lo­giques. » Cette phrase que l’on pour­rait reprendre pour l’aéroclipper est en fait extraite d’un mémoire sou­mis à l’Académie en 1895 par S. A. Andrée pour sou­te­nir le pro­jet d’une expé­di­tion en bal­lon vers le pôle Nord ; expé­di­tion qui se ter­mi­ne­ra hélas dra­ma­ti­que­ment. Tout comme l’aéroclipper, le bal­lon uti­li­sé par S. A. Andrée était « équi­pé comme un bal­lon gui­de­rope, c’est-à-dire muni d’un ou plu­sieurs cor­dages traî­nant sur le sol ». Grâce à ce gui­de­rope flot­tant à la sur­face de l’océan, les aéro­clip­pers évo­luent dans la couche atmo­sphé­rique de sur­face, typi­que­ment entre 30 et 50 mètres de hauteur. 

Le déve­lop­pe­ment de l’aéroclipper a été lan­cé par le Cnes et le LMD au début des années 2000. L’objectif était ini­tia­le­ment de mesu­rer les flux air-mer dans le voi­si­nage des sys­tèmes convec­tifs au-des­sus des océans tro­pi­caux dif­fi­ci­le­ment acces­sibles par des moyens conven­tion­nels. À notre plus grande sur­prise, lors de la der­nière cam­pagne Vas­co de 2007, deux aéro­clip­pers ont conver­gé jusqu’au centre de l’œil du cyclone Dora dans le sud-ouest de l’océan Indien. Dans leur mou­ve­ment conver­geant vers le centre du cyclone, les aéro­clip­pers ont tra­ver­sé la zone du « mur », carac­té­ri­sée par les vents les plus vio­lents, avant de péné­trer dans l’œil et d’y res­ter pié­gés plu­sieurs jours jusqu’à la dis­si­pa­tion du cyclone. Nous avons par la suite pro­po­sé un déve­lop­pe­ment spé­ci­fique d’un aéro­clip­per adap­té aux mesures dans les cyclones. C’est une appli­ca­tion très pro­met­teuse car l’aéroclipper est pour l’instant le seul vec­teur capable de don­ner une mesure in situ du vent de sur­face lors de son pas­sage dans le mur de l’œil, puis de la pres­sion de sur­face dans l’œil en conti­nu et en temps réel jusqu’à la dis­si­pa­tion du cyclone. 

Ce bal­lon four­nit donc une pos­si­bi­li­té unique : de suivre la posi­tion et les varia­tions par­fois rapides d’intensité des cyclones ; d’améliorer la pré­vi­sion des cyclones en assi­mi­lant l’évolution de la pres­sion cen­trale ; d’évaluer et de per­fec­tion­ner les approches satel­li­taires de déter­mi­na­tion de l’intensité des cyclones ; et de cor­ri­ger les biais éven­tuels des bases de don­nées his­to­riques et ain­si de mieux détec­ter une éven­tuelle évo­lu­tion des carac­té­ris­tiques cyclo­niques des der­nières décen­nies. Les mesures inédites des aéro­clip­pers vont per­mettre d’améliorer notre connais­sance des cyclones. Cela est néces­saire pour mieux pré­voir l’évolution de leurs carac­té­ris­tiques dans le contexte du réchauf­fe­ment cli­ma­tique glo­bal, en par­ti­cu­lier en ce qui concerne leur migra­tion vers les pôles et leur inter­ac­tion avec les tem­pêtes des moyennes latitudes. 

Dans le cadre du pro­jet Mica (Mesure de l’intensité des cyclones par des aéro­clip­pers) finan­cé par l’ANR Astrid et par le Cnes, nous sommes main­te­nant en train de déve­lop­per une nou­velle géné­ra­tion d’aéroclipper en uti­li­sant un bal­lon repo­sant sur une struc­ture de cerf-volant. Ce mon­tage donne des carac­té­ris­tiques aéro­dy­na­miques très favo­rables pour la conver­gence vers les cyclones et pour la sau­ve­garde du sys­tème par vent fort. Les pre­miers essais de ce nou­vel aéro­clip­per seront réa­li­sés depuis l’île de Guam en octobre 2020. 


A lire : Le LMD ou le deep lear­ning du cli­mat dans La Jaune et la Rouge n°740, décembre 2018

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