Un stage d’enseignement au Bénin

Dossier : TrajectoiresMagazine N°699 Novembre 2014
Par Mathilde KOCH (12)

Plus d’un an après, il n’est pas aisé de racon­ter son stage de for­ma­tion humaine. Tant de sou­ve­nirs, d’im­pres­sions qui res­tent ou s’ef­facent. Ce n’est fina­le­ment pas ce à quoi on s’at­ten­dait qui marque le plus.

DEUX SOUVENIRS MARQUANTS

Le premier est le moment le plus gratifiant de ces six mois d’enseignement. En effet, un maître était déjà là pour donner des cours, mais il lui était difficile de s’adapter à ses élèves lorsqu’ils sont une vingtaine et que leur niveau va de l’apprentissage de l’alphabet à la conjugaison au passé, avec un programme en français quand la plupart ne le parlent pas ou peu avant d’arriver à l’école. Celui-ci m’avait donc confié la charge d’apprendre les additions à un groupe d’enfants.
Une petite fille ne comprenait absolument pas, et après une après-midi à faire des tas de Duplo de couleurs, à les assembler et à les compter, j’ai vu son regard littéralement s’illuminer quand elle a compris ce que signifiait le signe +.
Le deuxième est nettement moins agréable. Après une après-midi de foot, je vois un garçon dont le débardeur troué laisse entr’apercevoir de grosses marques d’éraflures au niveau des côtes. Quand je lui demande ce qu’il lui est arrivé, celui-ci répond : « C’est maman » avant de partir en courant.
Parler d’enfants battus est devenu sujet de conversation malheureusement commun entre expatriés travaillant dans les départements de droits de l’homme, mais voir la trace des coups est une expérience qui marque.

Pour moi, le Bénin, c’est la sen­sa­tion d’être à l’ar­rière d’un taxi­mo­to, mon casque sur la tête, le soleil me réchauf­fant les avant-bras, à regar­der la vie qui se déroule dans la rue : les mar­chandes de fruits et légumes, les ven­deurs d’es­sence, la sale­té, la pous­sière, les enfants qui y jouent et les gens qui y dorment.

Viennent ensuite les images des cours que j’y don­nais, des gens que j’y ai ren­con­trés, des pay­sages que j’ai pu y admirer.

L’Afrique dans le texte

J’ai vécu au Bénin, petit pays côtier d’A­frique de l’Ouest, durant six mois, dans le cadre de mon stage de for­ma­tion humaine de pre­mière année de l’É­cole, avec un de mes cama­rades de pro­mo­tion, Adrien Barbry.

Ce stage consis­tait à don­ner des cours dans dif­fé­rents lycées de Coto­nou, la capi­tale éco­no­mique du pays.

Ain­si, nous avons pu voir énor­mé­ment d’as­pects de la vie sco­laire béni­noise : nous avons assu­ré des cours de mathé­ma­tiques en ter­mi­nale scien­ti­fique, mené des séances d’exer­cices de phy­sique pour des élèves de ce niveau, et don­né des cours en classe pré­pa­ra­toire inté­grée d’une école fran­çaise, délo­ca­li­sée à Cotonou.

Nous avons de plus tra­vaillé au lycée fran­çais, en col­la­bo­ra­tion avec des pro­fes­seurs de mathé­ma­tiques et de physique.

Toutes ces mis­sions dif­fé­rente éta­blis­se­ments, nous ont per­mis d’a­voir un large aper­çu du métier de pro­fes­seur, et des pro­blé­ma­tiques de l’en­sei­gne­ment dans un pays en développement.

Une séance de TP de chi­mie a gra­vé ma mémoire, car j’ai pu apprendre au pré­pa­ra­teur que de l’a­cide à plu­sieurs moles par litre ne se ver­sait pas dans la cour de récréa­tion où des enfants cou­raient pieds nus, mais plu­tôt dilué dans des canalisations.

Donner de son temps

Durant nos loi­sirs, nous avions déci­dé avec mon colo­ca­taire de don­ner de notre temps pour une asso­cia­tion locale, tenue par des sœurs salésiennes.

“ Ce n’est finalement pas ce à quoi on s’attendait qui marque le plus ”

Celles-ci avaient énor­mé­ment de pro­jets qui nous atti­raient tous, notam­ment un pro­jet de réin­ser­tion des vido­mé­gons, filles-esclaves qui ne sont mal­heu­reu­se­ment pas rares au Bénin. Cepen­dant, nous avons fina­le­ment choi­si de nous inves­tir dans des pro­jets plus adap­tés au temps dont nous dis­po­sions : nous avons ain­si don­né des cours de niveau pri­maire pour aider à sco­la­ri­ser des enfants de quar­tiers défa­vo­ri­sés, et fait de l’animation dans un quar­tier voi­sin le mer­cre­di après-midi.

Ces après-midis furent par­ti­cu­liè­re­ment riches en sou­ve­nirs et émotions.

Diplomatie et faux frais

Durant ces quelques mois à Coto­nou, j’ai pu décou­vrir non seule­ment la chan­cel­le­rie poli­tique en charge des rela­tions diplo­ma­tiques entre la France et le Bénin, mais aus­si les dif­fé­rents ser­vices de coopération.

En effet, j’ai eu la chance de ren­con­trer, outre l’ambassadeur, les res­pon­sables de tous les moyens de la pré­sence fran­çaise, me per­met­tant d’avoir un vaste aper­çu de la coopé­ra­tion bila­té­rale sur plu­sieurs fronts : géo­po­li­tique, défense, édu­ca­tion et pro­mo­tion des droits de l’homme entre autres.

Toutes ces ren­contres m’ont pas­sion­née et ont nour­ri mon inté­rêt pour l’aide inter­na­tio­nale et l’économie des pays en voie de développement.

On peut toujours s’arranger

De plus, à Coto­nou, j’ai pu pas­ser mon per­mis de conduire, avec l’auto-école Super­man. Au moment de payer les frais d’inscription, je demande ce que sont les « faux frais ». Après une petite dis­cus­sion, je com­prends que c’est le tarif nor­mal pour l’inspecteur. Si on ne sait pas conduire, c’est plus cher.

“ Je reçois un appel à 23 h 45 : le lendemain, à 6 heures du matin, je passe mon permis ”

Pour le code, nous sommes 3 000 ou 4 000 à être appe­lés, un par un, avant de pas­ser le test dans un chan­tier aban­don­né, où selon sa place on peut ou pas voir l’écran sur lequel sont pro­je­tées les questions.

Un mois après, je reçois un coup de télé­phone de mon moni­teur, à 23 h 45 : le len­de­main, à 6 heures du matin, je passe mon per­mis. L’examen est simple : un demi-tour, un cré­neau, une marche arrière, et j’ai pas­sé le per­mis ! Un autre élève n’a pas réus­si, mais, comme dit le moni­teur, « on peut tou­jours s’arranger ».

Cepen­dant, ce n’est pas fini : il n’y a plus de papier vierge pour per­mis en stock dans le pays, et je dois pas­ser ma der­nière semaine au Bénin au minis­tère des Trans­ports pour fina­le­ment récu­pé­rer le papier offi­ciel, où diverses per­sonnes me réclament de l’argent pour « accé­lé­rer les démarches ».

À la limite de la zone interdite

Une classe de l’in­ter­nat mili­taire d’excellence

Sur la fin de notre séjour, nous avons pas­sé un mois dans le nord du pays, où se situaient les deux meilleurs lycées du Bénin : deux inter­nats mili­taires d’excellence, l’un pour les gar­çons et l’autre pour les filles, aux­quels les élèves accèdent par concours en fin de CM2.

Ce mois fut vrai­ment extra­or­di­naire : nous étions en per­ma­nence avec les élèves, des cours au sport en pas­sant par l’étude, et c’est avec ces élèves que nous avons le plus échan­gé et débat­tu durant l’ensemble de notre stage.

De plus, nous étions vrai­ment dans l’arrière-pays, où il y avait de l’eau deux heures par jour, où l’on peut ame­ner ses propres ingré­dients au res­tau­rant pour que le cui­si­nier les pré­pare, à la limite de la zone rouge inter­dite aux expa­triés depuis le déclen­che­ment de la guerre au Mali dans laquelle le Bénin jouait un rôle important.

À la piscine avec les Peace Corps

C’est là que nous avons ren­con­tré le plus de Peace Corps amé­ri­cains, qui passent deux ans dans des vil­lages en immer­sion com­plète pour mener des pro­jets de développement.

Pour les ren­con­trer, c’est simple : il suf­fit d’aller dans la seule pis­cine (ver­dâtre) de la grande ville à quelques heures de taxi-brousse, ser­rés à 30 dans un véhi­cule 16 places, et si l’on entend par­ler anglais, il suf­fit de dire « je connais Machin, c’est un Peace Corps à Coto­nou » et on se fait invi­ter partout.

Les rela­tions entre expa­triés sont d’une faci­li­té décon­cer­tante, et les Peace Corps ne sont pas le seul exemple : au début du séjour, nous avions ren­con­tré un Véné­zué­lien qui, après une conver­sa­tion, nous a emme­nés dans un vil­lage béni­nois où il fil­mait un docu­men­taire sur les rela­tions béni­no-véné­zué­liennes et où nous avons pu voir des fêtes tra­di­tion­nelles et goû­ter l’alcool local.

Commentaire

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Fallrépondre
2 novembre 2017 à 13 h 38 min

C’est bizarre je suis tom­bé
C’est bizarre je suis tom­bé sur cet article par hasard et je me vois au 1er rang sur la pho­to. J’au­rai bien aimé la télé­char­gé mais elle n’est pas de bonne qua­li­té (sûre­ment à cause du site web). 

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