Yehudi Menuhin en 1937.

Yehudi MENUHIN

Dossier : Arts,Lettres et SciencesMagazine N°715 Mai 2016Rédacteur : Jean SALMONA (56)Editeur : 80 CD en 5 coffrets Warner.

Pour le cen­te­naire de sa nais­sance, Warn­er pub­lie en cinq cof­frets de qua­tre-vingts CD une large antholo­gie de ses enreg­istrements pour La Voix de son Maître — EMI de 1930 à 1999.

Pour le cen­te­naire de la nais­sance de Yehu­di Menuhin, Warn­er pub­lie en cinq cof­frets de qua­tre-vingts CD au total une large antholo­gie de ses enreg­istrements pour La Voix de son Maître — EMI de 1930 à 1999, année de sa mort.

L’unanimisme autour de Menuhin et les super­lat­ifs qui émail­lent tous les juge­ments sur ses inter­pré­ta­tions inci­tent à la méfi­ance : au fond, qu’est-ce qui le dis­tingue des très grands vio­lonistes du XXe siè­cle, les Heifetz, Fer­ras, Mil­stein, Oïs­trakh, Francescat­ti, Perlman ?


Yehu­di Menuhin en 1937.

Et l’on s’interroge d’autant que Menuhin aura été un artiste engagé très médi­atisé, prenant posi­tion sur les grands con­flits, tou­jours à la tête de la lutte pour les droits de l’homme, don­nant pen­dant la Sec­onde Guerre mon­di­ale deux cents con­certs par an pour les sol­dats alliés, défen­dant Furtwän­gler lors de son procès en dénaz­i­fi­ca­tion, ambas­sadeur de l’Unesco, etc.

Ce qui con­stitue le car­ac­tère véri­ta­ble­ment unique de sa musique tient en peu de mots : sonorité à la fois ray­on­nante et déchi­rante, recon­naiss­able entre toutes, sim­plic­ité et spon­tanéité, pas­sion brûlante, ouver­ture, hors des grands clas­siques, à des musi­ciens incon­nus comme Berke­ley, Finney, Panufnik, et à d’autres musiques : le jazz avec Stéphane Grap­pel­li, les ragas de l’Inde avec Ravi Shankar ; et bien sûr, tech­nique vir­tu­ose mais qui ne prend jamais le pas sur la sincérité de l’interprétation.

Le pre­mier cof­fret, Acteur de l’histoire (18 CD), présente de Bach les pre­miers enreg­istrements des Sonates et Par­ti­tas, les deux Con­cer­tos, le Dou­ble Con­cer­to avec Georges Enesco, dont le Largo poignant à pleur­er, les Con­cer­tos de Mozart, Schu­mann, Dvo­rak, Wal­ton, Berke­ley, Williamson, Panufnik, Beethoven et Mendelssohn avec Furtwän­gler, les Sonates de Bar­tok, une foule d’œuvres de Sarasate, Wieni­aws­ki, Debussy, Tchaïkovs­ki, Bloch, Somers, Chaus­son (Poème), Frank Mar­tin, Har­ris, Finney, Ben-Haïm.

Et aus­si, last but not least, des impro­vi­sa­tions jazz avec Stéphane Grap­pel­li sur des stan­dards de Gersh­win, Cole Porter, Irv­ing Berlin et un fab­uleux Jalousie (oui, en jazz) de légende ; enfin, avec Ravi Shankar au sitar, des ragas indiens.

Sous le titre Le Vir­tu­ose et ses enreg­istrements légendaires (13 CD), le sec­ond cof­fret rassem­ble de Bar­tok les deux Con­cer­tos (pour vio­lon et pour alto) et les six Duos, le Con­cer­to d’Alban Berg (À la mémoire d’un ange), de Pagani­ni le Con­cer­to n° 1, les vingt-qua­tre Caprices et d’autres œuvres dont Mou­ve­ment per­pétuel, la pre­mière Sonate de Prokofiev, la peu con­nue Fan­taisie de Schu­bert (avec Louis Kent­ner au piano), l’intégrale des Sonates de Beethoven avec Louis Kent­ner, les deux Sex­tuors de Brahms avec notam­ment Mau­rice Gen­dron et Cecil Aronowitz, les Sonates de Debussy et Poulenc, et de nom­breuses pièces de Beethoven, Rach­mani­nov, Kreisler, Fal­la, Grana­dos, Sarasate, Rav­el (dont Tzi­gane), Dvo­rak, Wieni­aws­ki, Szy­manows­ki, etc.

Menuhin dirige aus­si François-René Duch­able dans la tran­scrip­tion pour piano par Beethoven de son Con­cer­to pour vio­lon, dite 6e Con­cer­to.

Yehudi Menuhin et sa soeur Hephzibah en Australie en 1951.
Yehu­di Menuhin et sa sœur Hep­hz­ibah en Aus­tralie en 1951.

Enreg­istrés en con­certs, notam­ment au cours de fes­ti­vals, les sept dis­ques du cof­fret suiv­ant con­ti­en­nent les Con­cer­tos de Brahms, Brit­ten, Par­tos (à décou­vrir), les deux Con­cer­tos de Bach quar­ante ans après, les trois Trios de Brahms avec Casals et Istomin, le sub­lime Trio n° 2 de Schu­mann, la Sonate pour vio­lon et vio­lon­celle de Rav­el avec Mau­rice Gen­dron, et des œuvres de Stravin­s­ki, Hin­demith, Bar­tok (le Diver­ti­men­to pour orchestre à cordes), Corel­li et Paganini.

Pour ter­min­er (nous n’avons pas pu enten­dre les dis­ques du cof­fret des Inédits), l’intégrale des enreg­istrements de Menuhin avec sa sœur Hep­hz­ibah (20 CD) avec qui il entrete­nait une rela­tion fusion­nelle sem­blable à celle de Mendelssohn avec sa sœur.

Des Sonates de Mozart, Bar­tok, Brahms, Beethoven (dont À Kreutzer), Schu­mann, Elgar, Williams, Enesco, les Sonates de Lekeu, Franck, et des Trios de Beethoven, Tchaïkovs­ki, Schu­bert, Brahms (avec cor), le peu con­nu Dou­ble Con­cer­to de Mendelssohn pour vio­lon et piano, enfin, dirigés par Menuhin, qua­tre Con­cer­tos de Mozart : les 14 et 19, ain­si que les Con­cer­tos pour deux et trois pianos.

La qual­ité tech­nique des enreg­istrements, tous remas­térisés, est bonne pour ceux des années 1930 et 1940, très bonne pour les années 1950 et excel­lente pour les autres.

On l’aura com­pris : c’est là le par­cours, en soix­ante-dix ans de musique, d’un inter­prète d’exception, vibrant, droit, frag­ile et chaleureux, éter­nel et génial ado­les­cent qui aura tra­ver­sé le XXe siè­cle et ses tragédies sans jamais renon­cer à son mes­sage d’espoir.

En le décou­vrant au fil du temps, nous savons que nous y con­naîtrons de ces moments qui, comme le dis­ait Charles de Gaulle, « dépassent cha­cune de nos pau­vres vies ».

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