WEB (1) : F. A. Q. Frequently Asked Questions about the network

Dossier : InternetMagazine N°524 Avril 1997
Par Raynald de LAHONDÉS (93)
Par Pierre GUERRIER (93)

Le réseau est un être à deux visages : le pre­mier se veut réso­lu­ment sou­riant, com­mer­cia­le­ment attrac­tif, se pare de mul­ti­mé­dia, et veut vous ouvrir une fenêtre sur le monde depuis votre ordi­na­teur. Der­rière cette ras­su­rante façade se cache la réa­li­té tech­nique du réseau, sa genèse amé­ri­caine et son allure com­po­site. FAQ est l’acronyme de “ fre­quent­ly asked ques­tions ”, expres­sion du jar­gon Inter­net que l’on peut tra­duire par “ foire aux ques­tions ” : mais c’est plu­tôt un recueil de réponses, à l’usage des débutants… 

Que trouve-t-on sur le réseau ?

On trouve le monde entier sur Inter­net. Dans n’importe quel groupe social, il se trouve tou­jours quelqu’un qui a des notions d’informatique et qui veut créer une page Web, ce qui est une opé­ra­tion très simple. Toutes les grandes entre­prises – pas seule­ment du sec­teur infor­ma­tique, mais main­te­nant de tous hori­zons – sont pré­sentes sur le réseau. Toutes les uni­ver­si­tés y sont aus­si, et par suite, beau­coup d’étudiants ont une page per­son­nelle. Il y a donc vrai­ment de tout sur le réseau… Cer­taines ins­ti­tu­tions mettent à dis­po­si­tion des ser­veurs (ou “ moteurs ”) de recherche qui sont capables de trou­ver des infor­ma­tions sur tout sujet don­né. En essayant ce genre de sys­tèmes (par exemple Alta-Vis­ta de Digi­tal Equip­ment), on risque d’être immé­dia­te­ment sub­mer­gé par le nombre de réfé­rences ren­voyées si la requête n’était pas exces­si­ve­ment pré­cise. Il faut donc s’armer de patience pour conden­ser l’information en un volume accep­table, plus que pour la retrou­ver : c’est aujourd’hui un des griefs majeurs contre le réseau. 

Par­mi les ser­veurs les plus spec­ta­cu­laires, men­tion­nons ceux des agences de presses, avec leurs archives pho­to­gra­phiques, celui du Louvre où l’on pour­ra trou­ver de bonnes images digi­ta­li­sées de pra­ti­que­ment toutes les oeuvres expo­sées. Le ser­veur du Vati­can offre lui aus­si le même genre de pres­ta­tion : on y trouve des repro­duc­tions des tré­sors artis­tiques de l’Église (fresques, manus­crits, codex…). Il existe même un pro­jet anglais de biblio­thèque uni­ver­selle sur réseau dans laquelle on pour­rait trou­ver tous les livres du monde dans toutes les langues du monde… 

Mais on peut se deman­der si ces ser­veurs offrent réel­le­ment quelque chose de plus que les docu­ments papier que l’on pour­rait trou­ver dans une biblio­thèque ? Fon­da­men­ta­le­ment, non, mais leurs avan­tages aujourd’hui mar­gi­naux seront peut-être un jour consi­dé­rés comme des com­mo­di­tés indis­pen­sables (pas besoin de se dépla­cer, accès élar­gi à des copies d’ouvrages rares ou fra­giles, pas de délais d’échanges entre biblio­thèques, auto­ma­ti­sa­tion de la recherche du renseignement…). 

À quel réseau physique correspond Internet ?

La légende (apo­cryphe, mais bien ancrée) veut que la pre­mière ébauche du réseau, reliant des bases et des sites gou­ver­ne­men­taux amé­ri­cains, ait eu pour objec­tif de résis­ter à une hypo­thé­tique attaque nucléaire. Donc ses lignes étaient “ dur­cies ”, par exemple enter­rées pro­fon­dé­ment sous terre, et le pro­to­cole de trans­fert, TCP/IP, était conçu pour une “ tolé­rance aux fautes ” maxi­male. La véri­té est qu’il a été créé vers 1970 par le dépar­te­ment de Recherche de l’armée amé­ri­caine, la Dar­pa, pour l’échange d’informations entre ses labo­ra­toires dis­po­sant de maté­riels incom­pa­tibles entre eux. La voca­tion d’Internet a donc tou­jours été scien­ti­fique, et le but de son pro­to­cole, l’interopérabilité totale. 

Mais Inter­net est actuel­le­ment dans le plus grand désordre… Sur le réseau ini­tial de la Défense (bap­ti­sé Arpa­net, uti­li­sant ses propres fibres optiques) sont venus se gref­fer les réseaux des uni­ver­si­tés, qui se sont par la suite recâ­blées entre elles (réseau NSF­net, éga­le­ment optique et dédié (2)). Les entre­prises du sec­teur infor­ma­tique ont sui­vi, avec leurs réseaux de clients (comme le Bit­net d’IBM, ser­vice offert aux uti­li­sa­teurs de ses grands sys­tèmes) et cer­taines, telle Com­pu­Serve, vendent aux par­ti­cu­liers des pas­se­relles télé­pho­niques vers l’Internet (les nou­veaux rac­cor­de­ments se font ain­si par des canaux loués aux opé­ra­teurs de télé­com­mu­ni­ca­tions ou bien construits spé­cia­le­ment). C’est là l’origine du mot Inter-Net : il s’agit d’un réseau de sous-réseaux. 

Jusqu’ici, tout ceci a fonc­tion­né sur la base de la gra­tui­té du pas­sage des infor­ma­tions de tous par tous les noeuds du réseau, et la crois­sance se fai­sait par adjonc­tion de nou­veaux noeuds au réseau, aux frais de leurs pro­prié­taires res­pec­tifs. Les “ épines dor­sales ” (3) sont res­tées sous des auto­ri­tés ins­ti­tu­tion­nelles nationales. 

Or devant la menace d’engorgement de ces liai­sons, la volon­té actuelle est de faire appel à des capi­taux pri­vés pour les faire ren­for­cer. Mais ces liai­sons pri­vées ne seraient alors plus gra­tuites, ce qui sou­lè­ve­rait le pro­blème de la fac­tu­ra­tion des trans­ferts : on ne sait guère sur quels cri­tères se baser (dis­tance, volume, urgence ?) et encore moins com­ment obte­nir le paie­ment par un Aus­tra­lien d’un droit pour que ses infor­ma­tions allant vers la Hon­grie passent sur un câble pri­vé entre l’Angleterre et le Dane­mark (sur­tout que les infor­ma­tions étant, on le ver­ra, décou­pées en nom­breux petits paquets, il fau­drait comp­ta­bi­li­ser tous les iti­né­raires, en géné­ral dif­fé­rents, de ces paquets). Les prin­cipes juri­diques et tech­niques, qui per­met­tront de résoudre ces pro­blèmes, sont encore en gestation. 

Quel dénominateur commun ?
Le protocole TCP/IP

TCP/IP : voi­ci le nom de l’algorithme d’échange d’information qui est uti­li­sé, par défi­ni­tion, par toute machine connec­tée à l’Internet ou à un Intra­net. Il spé­ci­fie la manière dont les machines du réseau se passent le relais, en l’occurrence les don­nées, du point de départ au point d’arrivée.

Le pro­to­cole TCP/IP a une carac­té­ris­tique essen­tielle : il est com­plè­te­ment modu­laire et por­table (4). C’est-à-dire qu’il ne dépend ni du mode phy­sique de trans­mis­sion (câble cuivre, fibre optique, liai­son télé­pho­nique, fais­ceau hert­zien, satel­lite, etc.), ni de l’application que l’on sou­haite en faire (cour­rier, Web, vidéo…), ni du type de machine : un petit pro­gramme peut implan­ter TCP/IP sur n’importe quelle archi­tec­ture. De fait, tous les ordi­na­teurs exis­tant aujourd’hui, du “ ter­mi­nal idiot ” au super­cal­cu­la­teur, savent “ par­ler ” le TCP/IP. Les appli­ca­tions de l’utilisateur, par exemple le logi­ciel Nets­cape, forment une “ sur­couche ” qui s’appuie sur TCP/IP pour faire abs­trac­tion des par­ti­cu­la­ri­tés de la machine et de la façon dont elle est rac­cor­dée au réseau. 

Ce pro­to­cole a pu jusqu’à pré­sent rela­ti­ve­ment bien sup­por­ter l’énorme élar­gis­se­ment d’Internet, mais il com­mence à mon­trer des lacunes, en par­ti­cu­lier en ce qui concerne la trans­mis­sion télé­pho­nique ou de télé­vi­sion par le réseau : TCP/IP coupe l’information en “ paquets ”. Ain­si, par exemple, il envoie d’abord des don­nées vers un rou­teur (5) X, qui peut être trop occu­pé pour accep­ter les paquets sui­vants. Ils seront alors envoyés vers un rou­teur de rechange Y : à la manière d’un liquide per­co­lant dans un milieu poreux, tout se répar­tit dans un grand flux à tra­vers le réseau, sans garan­tir que l’ordre d’émission des paquets sera conser­vé à la récep­tion, ni même que le tran­sit pren­dra moins de n étapes. L’information reste inuti­li­sable tant qu’elle n’a pas été réor­don­née et véri­fiée par son destinataire. 

Les liai­sons “ temps réel ” ou “ inter­ac­tives ” sont dif­fi­ciles avec un tel pro­to­cole : aus­si, les gad­gets de dif­fu­sion audio­vi­suelle ou de “ télé­pho­nie gra­tuite ” par Inter­net souffrent d’une qua­li­té très médiocre. De plus leur uti­li­sa­tion est peu civique, car ils consomment beau­coup plus de bande pas­sante, satu­rant le réseau, là où un mes­sage écrit de quelques lignes (relayable sans contrainte de temps) aurait suf­fi. De nou­veaux pro­to­coles, qui per­met­traient ces appli­ca­tions tout en éco­no­mi­sant la bande pas­sante, sont à l’étude.

Car la bande pas­sante est bien le prin­ci­pal pro­blème à l’heure actuelle : trans­mettre des images ani­mées, même for­te­ment com­pri­mées (c’est-à-dire, dont on a extrait la seule por­tion utile) en temps réel est dif­fi­cile, même à l’intérieur d’un bon réseau d’entreprise. Avoir des liai­sons vidéo de bonne qua­li­té par Inter­net est aujourd’hui impos­sible, sur­tout si beau­coup d’utilisateurs s’y essaient… 

Quelles causes et quels remèdes à la lenteur du réseau ?

Tous les uti­li­sa­teurs du réseau s’en plaignent : il est trop lent ! Les pro­fes­sion­nels et les scien­ti­fiques, qui pour­tant dis­posent de liai­sons à plu­sieurs méga­bits par seconde sur leurs machines, pié­tinent à quelques kilo­bits par seconde dès lors qu’ils veulent effec­tuer un trans­fert trans­at­lan­tique aux heures de bureau. La rai­son de ce gâchis est le suc­cès même d’Internet : les grandes artères sont tout sim­ple­ment saturées. 

Mais ces uti­li­sa­teurs sont des pri­vi­lé­giés : ils ont au moins de bons débits vers leurs voi­sins immé­diats. Tel n’est pas le cas des par­ti­cu­liers qui uti­lisent des modems pour se connec­ter au réseau : les plus rapides atteignent 56 kbit/s (6). Char­ger une page avec des images sta­tiques est déjà pour le simple par­ti­cu­lier à la limite du sup­por­table tant cela est lent, alors même que les four­nis­seurs de conte­nu, qui testent rare­ment leurs ser­vices en condi­tions réa­listes, se livrent à une débauche de logos ani­més et autres gad­gets inutiles… Il y a là un déca­lage inquié­tant entre l’offre et la demande. 

Aucune des nou­velles appli­ca­tions envi­sa­gées d’Internet ne pour­ra réel­le­ment décol­ler tant que le pro­blème du débit de la “ boucle locale ” (le fil de cuivre qui abou­tit chez les par­ti­cu­liers) ne sera pas réso­lu. Plu­sieurs groupes d’intérêts poussent leurs solu­tions, citons-en deux : – née chez AT&T, une tech­no­lo­gie bap­ti­sée “ ADSL ” (une puce néces­si­tant autant de tran­sis­tors qu’un pen­tium (7)) com­prime les don­nées et opti­mise la modu­la­tion jusqu’aux limites phy­siques du câble en cuivre, per­met­tant aux boucles locales urbaines actuelles de sup­por­ter plu­sieurs méga­bits par seconde – suf­fi­sam­ment pour dif­fu­ser une image de TVHD ! Il faut une puce à chaque extré­mi­té du câble. C’est la solu­tion des opé­ra­teurs de télé­pho­nie ; – les opé­ra­teurs de télé­vi­sion par câble pro­posent eux des débits com­pa­rables par la méthode inverse : ils réal­louent aux don­nées numé­riques des canaux de leurs fibres optiques, ini­tia­le­ment conçues pour des images ana­lo­giques. Le pro­cé­dé concerne tous les quar­tiers câblés moyen­nant un chan­ge­ment des répé­teurs (et l’achat par l’usager d’une “ boîte ” d’un coût com­pa­rable à l’ADSL). On évite là aus­si d’étendre le chan­tier jusqu’à chaque foyer. 

Dans les deux cas, l’évolution s’accompagnera d’une explo­sion du flux d’information tran­si­tant entre les cen­traux (télé­pho­niques ou télé­vi­sion), par les épines dor­sales, dont on a déjà dit qu’elles étaient satu­rées ! Il fau­dra donc aug­men­ter for­te­ment la capa­ci­té de ces interconnexions… 

Les entreprises et le réseau

Pour­quoi une entre­prise s’installerait- elle sur le réseau ? Outre le fait de mon­trer à peu de frais aux esprits sen­sibles aux modes qu’elle est à la pointe de la moder­ni­té, elle offre à d’autres entre­prises la pos­si­bi­li­té de mieux la connaître, et par exemple de consul­ter un cata­logue de ses pro­duits. En effet, les entre­prises auront vrai­sem­bla­ble­ment des connexions plus évo­luées que celles des par­ti­cu­liers (Numé­ris, liai­son directe par fibre optique) et seront les prin­ci­paux uti­li­sa­teurs des auto­routes de l’information. Enfin, Inter­net offre des liai­sons entre les sites épar­pillés d’un même groupe, per­met­tant une meilleure com­mu­ni­ca­tion interne à un coût plus faible : c’est le concept d’Intranet, ou réseau d’entreprise à grande échelle réuti­li­sant les tech­no­lo­gies Internet. 

ADRESSES DES SERVEURS CITÉS

Ces adresses sont à com­plé­ter dans la par­tie “ Empla­ce­ment ” (“ Loca­tion ” sur un navi­ga­teur anglais) de votre navigateur.
• Alta Vis­ta, ver­sion française :
http://www.altavista.telia.com/cgi-bin/telia?country=fr&lang=fr
• Agence Reu­ters : http://www.reuters.com/
• WebLouvre : http://sunsite.unam.mx/louvre/louvre.htm
• Vati­can : http://sunsite.unc.edu/expo/vatican.exhibit/exhibit/Main_Hall.html
• Pro­jet Gutenberg :
http://www.vuw.ac.nz/non-local/gutenberg/home.html

D’entreprise à par­ti­cu­lier, les pers­pec­tives du “ téléa­chat” sont moins enthou­sias­mantes, à cause de pro­blèmes tech­niques et com­mer­ciaux. Tout d’abord la ques­tion de la bande pas­sante, qui va rebu­ter nombre de clients poten­tiels. Ensuite l’absence de sys­tème de paie­ment sécu­ri­sé. Enfin et sur­tout, le manque d’intérêt des uti­li­sa­teurs : les études menées aux États- Unis ces der­niers mois concordent toutes sur un point, les Amé­ri­cains n’ont que faire de la “ vente par réseau ”. Leur moti­va­tion qua­si unique pour se connec­ter à Inter­net, c’est de com­mu­ni­quer de per­sonne à per­sonne, par le texte aujourd’hui, par la voix et l’image demain… quand la tech­nique le permettra ! 

Ce sont en fait les mêmes rai­sons pour les­quelles les entre­prises sou­haitent s’équiper en Intra­net, cen­sé leur offrir dès aujourd’hui ces fonc­tions : des appli­ca­tions du type vidéo­pho­nie ont déjà vu le jour sur les lignes Numé­ris ou de débit supé­rieur, mais il s’agit de petites images avec des fré­quences de rafraî­chis­se­ment médiocres. Aller au-delà de la simple mes­sa­ge­rie texte impose encore un inves­tis­se­ment lourd et hasardeux. 

Quelle sécurité sur le réseau ?

Voi­là une ques­tion qui dépasse les limites tech­niques actuelles du réseau, à savoir sa bande pas­sante limi­tée et son pro­to­cole de trans­fert peu flexible. C’est une chose que d’acheter un bien sur le réseau et de régler le ven­deur par un chèque papier : l’ambition est de pou­voir payer par carte de cré­dit, en don­nant son numé­ro de carte et un code. Le pro­blème est évi­dem­ment la sécu­ri­té, qui doit être assu­rée par un chif­fre­ment (8).

Mal­heu­reu­se­ment, presque tous les pays du monde ont inter­dit ou for­te­ment régle­men­té le chif­fre­ment. Dans ce domaine, la France a long­temps eu le régime le plus dra­co­nien au monde, qui n’a été assou­pli que tout récem­ment. Aux États- Unis, la vente de logi­ciels de chif­frage est auto­ri­sée à l’intérieur du pays mais seule la vente de ver­sions bri­dées est tolé­rée à l’exportation. Pour sim­pli­fier, il s’agit des codes cas­sables par la NSA, le ser­vice amé­ri­cain du chiffre. Le pro­blème, c’est que la puis­sance de cal­cul se démo­cra­ti­sant et les mathé­ma­tiques pro­gres­sant, des codes que la NSA pen­sait être seule à maî­tri­ser il y a vingt ans sont aujourd’hui d’une sécu­ri­té nulle. Par exemple, un étu­diant de Ber­ke­ley a bri­sé en moins de quatre heures une clef du type “ Nets­cape export ” (avec mille mil­liards de com­bi­nai­sons pos­sibles), en uti­li­sant les moyens infor­ma­tiques en libre-ser­vice de son uni­ver­si­té. Un chif­fre­ment de mau­vaise qua­li­té, cela veut donc dire pas de chif­fre­ment du tout pour des entre­prises ayant la puis­sance infor­ma­tique néces­saire : à pré­sent, pra­ti­que­ment tout le monde. 

Quel est le risque ? Pre­nons un exemple : si vous uti­li­sez un logi­ciel comme Nets­cape Navi­ga­tor pour trans­mettre un code de carte ban­caire, une orga­ni­sa­tion mal inten­tion­née pou­vant inter­cep­ter votre cour­rier élec­tro­nique (par exemple, via un employé des télé­coms com­plice) et ayant des moyens infor­ma­tiques (par exemple, sous cou­vert d’une acti­vi­té de PME/SSII) peut déchif­frer le mes­sage en quelques jours, puis en faire “ bon ” usage… 

Il y a bien sûr des argu­ments en faveur du contrôle par les gou­ver­ne­ments, et ses par­ti­sans assurent un large reten­tis­se­ment à des affaires exem­plaires en ce sens : ain­si des réseaux de pédo­phi­lie ont été déman­te­lés aux États-Unis par espion­nage sys­té­ma­tique des com­mu­ni­ca­tions sur Ame­ri­ca On Line (un pres­ta­taire de ser­vices pour par­ti­cu­liers). Il est pro­bable que des tra­fi­quants de toutes sortes uti­lisent aus­si le réseau pour orga­ni­ser leurs tran­sac­tions. Mais tout cela ne repré­sente qu’une por­tion infi­ni­té­si­male du flux des don­nées, et si le chif­frage pro­tège tout le monde, il pro­tège bien plus de gens hon­nêtes que de gens malhonnêtes. 

Conclusion

Nous espé­rons que ces quelques pages auront éclai­ré le lec­teur néo­phyte, en lui don­nant une vision concrète de l’Internet et de sa pro­blé­ma­tique, indis­pen­sable pour dis­cer­ner la véri­té par­mi les innom­brables affa­bu­la­tions publiées quo­ti­dien­ne­ment sur ce sujet. 

Le pro­blème du Web étant la bande pas­sante, l’ambition des opé­ra­teurs (9) est de sus­ci­ter le besoin d’un énorme et unique réseau sur lequel tran­si­te­raient la télé­vi­sion, le télé­phone et ses exten­sions, la radio… et dont la construc­tion ferait appel à leurs com­pé­tences ! Inter­net appa­raît comme le point de conver­gence natu­rel de tous les médias, car c’est l’archétype de la com­mu­ni­ca­tion numé­rique et inter­ac­tive, à une époque où tout se pare d’interactivité et où la tech­no­lo­gie numé­rique est appe­lée à sup­plan­ter toutes les autres. Mais n’est-ce pas là seule­ment le rêve de toute une industrie ? 

En défi­ni­tive, Inter­net pose en France trois ques­tions : la pre­mière, qui pro­fi­te­ra le plus du rem­pla­ce­ment des tech­no­lo­gies exis­tantes par celles du réseau ? L’utilisateur, ou le construc­teur ? La deuxième est celle du temps. Il a fal­lu attendre vingt ans pour voir toutes les infra­struc­tures télé­pho­niques com­plè­te­ment équi­pées en numé­rique. Fau­dra-t-il de nou­veau attendre vingt ans pour les voir se remettre à niveau ? La der­nière ques­tion concerne le finan­ce­ment : il s’agit de tra­vaux consi­dé­rables, que peu d’entreprises pri­vées sou­haitent mener sans aide, alors même que la vitesse d’évolution du sec­teur dépasse les capa­ci­tés de déci­sion de l’État.

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(1) Le Web (la toile d’araignée) est le nom de l’extension mul­ti­mé­dia de l’Internet, consti­tuée de “ pages ” consul­tables avec un logi­ciel spé­cia­li­sé comme Nets­cape Navi­ga­tor ou Micro­soft Explo­rer, ces pages conte­nant des “ liens ”, sur les­quels on clique pour pas­ser à d’autres pages. Phy­si­que­ment, les pages sont des fichiers héber­gés sur des machines appe­lées ser­veurs qui les rendent acces­sibles au public.
(2) C’est-à-dire qu’il n’est uti­li­sé que pour le tra­fic de don­nées infor­ma­tiques au pro­to­cole de l’Internet.
(3) En anglais, “ back­bones ”. Ce sont les canaux à très grande bande pas­sante (la bande pas­sante est le débit maxi­mal de don­nées, en bits par seconde, que sup­porte un canal) qui drainent de très grandes quan­ti­tés d’informations, de la même manière qu’un grand fleuve col­lecte les eaux de toutes les petites rivières (les sous-réseaux) de son bassin.
(4) Le pro­gramme peut alors être adap­té et uti­li­sé indif­fé­rem­ment sur toutes les machines.
(5) Une machine dédiée à la cir­cu­la­tion des paquets de don­nées entre les réseaux.
(6) Ce chiffre cor­res­pond à une limite phy­sique des cen­traux télé­pho­niques : le signal audio y est numé­ri­sé sur 8 bits à 8 kHz, soit 64 kbit/s. Il est à com­pa­rer aux 1 200 bit/s du Mini­tel, aux 64 kbit/s de Numé­ris (dont l’intérêt dimi­nue), aux 10 Mbit/s d’un réseau d’entreprise d’entrée de gamme, et aux 155 Mbit/s d’un réseau de sta­tions de tra­vail de der­nière génération…
(7) Le pen­tium est le pro­ces­seur équi­pant les ordi­na­teurs PC. La der­nière ver­sion coûte 700 $ pièce et contient envi­ron 6 mil­lions de tran­sis­tors. Ce sont en 1997 les maxi­ma com­pa­tibles avec une pro­duc­tion de très grande série. Mais cette limite est dou­blée tous les dix-huit mois depuis vingt ans, à prix égal.
(8) C’est-à-dire une opé­ra­tion mathé­ma­tique per­met­tant de rendre les don­nées inex­ploi­tables par un tiers (qui n’est ni l’expéditeur ni le des­ti­na­taire légi­time). On pense tout de suite à un sys­tème “ à clef secrète ” comme un alpha­bet secret, mais il y a aujourd’hui des pro­cé­dés très variés qui uti­lisent d’autres concepts.
(9) Que ce soient ceux du câble, comme la Géné­rale et la Lyon­naise des Eaux, mais aus­si ceux du télé­phone (AT&T, France Télé­com, etc.) et leurs construc­teurs de maté­riel (Alca­tel, Motorola…).

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