Valoriser les richesses méconnues du sous-sol au service de la décarbonation et de la souveraineté énergétique

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°788 Octobre 2023
Par Guillaume BORREL (X90)

Pro­duc­tion de cha­leur bas car­bone, appro­vi­sion­ne­ment en lithium, ren­for­ce­ment de la sou­ve­rai­ne­té éco­no­mique et éner­gé­tique de la France, struc­tu­ra­tion d’une nou­velle filière et d’un éco­sys­tème à forte valeur ajou­tée… sont autant d’enjeux et de pro­jets qui mobi­lisent Lithium de France. Expli­ca­tions de Guillaume Bor­rel (X90), Direc­teur Géné­ral de l’entreprise.

Quels sont le cœur de métier ainsi que le positionnement de Lithium de France ?

Lithium de France déve­loppe des pro­jets de valo­ri­sa­tion de sau­mures géo­ther­males, qui sont des eaux chaudes sou­ter­raines que l’on retrouve à une pro­fon­deur com­prise entre 2 000 et 3 000 mètres, soit bien plus en pro­fon­deur que les nappes phréa­tiques que nous connais­sons tous et que nous veillons à pro­té­ger. Ces sau­mures géo­ther­males ont une double par­ti­cu­la­ri­té : elles ont une tem­pé­ra­ture avoi­si­nant 150 degrés et sont aus­si très char­gées en lithium. 

À par­tir de ces sau­mures géo­ther­males, nous extra­yons des calo­ries que nous redis­tri­buons ensuite sous forme de cha­leur directe à des indus­triels qui en ont besoin pour leurs pro­cé­dés ; des col­lec­ti­vi­tés locales pour chauf­fer leurs réseaux urbains ; des agri­cul­teurs pour leurs serres maraî­chères… Après avoir extrait les calo­ries de ces sau­mures, nous fil­trons le lithium qui est dis­sous dans la sau­mure afin de la réin­jec­ter dans le réser­voir natu­rel où nous avons réa­li­sé le pré­lè­ve­ment. Il s’agit d’un sys­tème d’échange d’ions, un pro­cé­dé res­pec­tueux de l’environnement qui per­met de cap­ter le lithium de manière sélective. 

Lithium de France contri­bue ain­si non seule­ment au déve­lop­pe­ment d’une éner­gie renou­ve­lable non-inter­mit­tente bas car­bone au tra­vers des calo­ries récu­pé­rées des sau­mures géo­ther­males, mais aus­si à déve­lop­per une pro­duc­tion locale de lithium, un com­po­sant cen­tral de la fabri­ca­tion des bat­te­ries pour voi­ture élec­trique. Ce posi­tion­ne­ment dual nous per­met aujourd’hui d’être le pre­mier opé­ra­teur indé­pen­dant fran­çais de cha­leur et de lithium géothermal. 

Avec ce positionnement dual, vous adressez aussi des enjeux stratégiques relatifs aux transitions environnementales et énergétiques. Qu’en est-il ? 

En effet, nous appor­tons des solu­tions concrètes pour accé­lé­rer la décar­bo­na­tion des usages. Aujourd’hui, une impor­tante part de l’énergie consom­mée en France est uti­li­sée sous forme de cha­leur dans le mix éner­gé­tique. Cette cha­leur pro­vient essen­tiel­le­ment de l’électricité, qui est pro­duite majo­ri­tai­re­ment à par­tir d’énergies fos­siles. L’utilisation des calo­ries des sau­mures géo­ther­males s’impose donc comme une piste inté­res­sante et per­ti­nente pour décar­bo­ner le mix éner­gé­tique de notre pays, mais aus­si pour ren­for­cer notre sou­ve­rai­ne­té en matière d’approvisionnement énergétique.

En paral­lèle, nous appor­tons aus­si une alter­na­tive plus res­pec­tueuse de l’environnement en matière d’approvisionnement en lithium, un mine­rai cri­tique. En effet, les méthodes d’approvisionnement conven­tion­nelles sont régu­liè­re­ment poin­tées du doigt à cause de leur impact éco­lo­gique et envi­ron­ne­men­tal. Les prin­ci­pales sources de lithium sont loca­li­sées en Amé­rique du Sud et en Aus­tra­lie, alors que la trans­for­ma­tion est majo­ri­tai­re­ment réa­li­sée en Chine. Le lithium que l’on retrouve dans nos bat­te­ries fait ain­si une à deux fois le tour du monde avant d’être uti­li­sé dans les pro­cé­dés de fabri­ca­tion des bat­te­ries, qui ont eux-mêmes un impact majeur sur l’environnement.

Notre méthode inno­vante per­met donc d’accéder à des sources locales de lithium et de maî­tri­ser ain­si cet impact envi­ron­ne­men­tal. Au-delà, elle vient ren­for­cer la sou­ve­rai­ne­té éco­no­mique natio­nale et elle est aus­si un vec­teur de créa­tion d’emplois locaux non-délocalisables. 

En outre, nous par­ti­ci­pons aus­si à rele­ver un enjeu géo­po­li­tique stra­té­gique en rédui­sant notre dépen­dance à des pays comme la Chine en met­tant en place notre propre chaîne de valeur autour du lithium et, in fine, des bat­te­ries de voi­tures électriques. 

En quoi votre démarche est-elle innovante et à très forte valeur ajoutée dans ce contexte où les transitions s’accélèrent ?

À l’échelle mon­diale, très peu d’acteurs ont ce posi­tion­ne­ment double (pro­duc­tion de cha­leur et de lithium à par­tir de sau­mures géo­ther­males) et ont fran­chi le cap de la R&D. Actuel­le­ment, nous sommes encore mobi­li­sés sur les phases de déve­lop­pe­ment en amont de l’exploitation indus­trielle et commerciale.

Nous menons encore un tra­vail pro­gres­sif de « dé-ris­quage » du pro­ces­sus. Si nous avons démon­tré la fai­sa­bi­li­té de notre tech­no­lo­gie et notre solu­tion en labo­ra­toire, il s’agit main­te­nant de pas­ser à l’échelle indus­trielle. Dans cette conti­nui­té, nous avons un enjeu fort de maî­trise de toutes les étapes : l’identification de la res­source et du gise­ment, sa com­pré­hen­sion, sa carac­té­ri­sa­tion, l’accès et le forage des puits, la mise en place des ins­tal­la­tions et leur exploi­ta­tion dans la durée. Cela implique des com­pé­tences et des exper­tises qu’on ne retrouve pas tra­di­tion­nel­le­ment dans le sec­teur de la géo­ther­mie ou des mines de lithium. Pour rele­ver ce défi, Lithium de France a la par­ti­cu­la­ri­té de concen­trer toutes les exper­tises néces­saires sur la par­tie chi­mie, le trai­te­ment du lithium, mais aus­si sur le volet géo­ther­mie. Et on retrouve aus­si dans nos équipes des com­pé­tences qui viennent de l’industrie pétro­lière et qui ont une fine connais­sance opé­ra­tion­nelle des sujets rela­tifs au sous-sol, au forage… 

Actuellement, où en êtes-vous ? 

Nous avons obte­nu en 2022 un pre­mier per­mis exclu­sif de recherche pour la géo­ther­mie. Nous avons aus­si obte­nu en 2023 un deuxième per­mis de recherche pour le lithium et un troi­sième pour la géo­ther­mie. Nous avons ain­si pu réa­li­ser l’acquisition de don­nées géo­phy­siques pour carac­té­ri­ser et car­to­gra­phier le sous-sol. Nous avons éga­le­ment réa­li­sé une deuxième cam­pagne d’acquisition de don­nées sur un péri­mètre voisin.

Ces don­nées ont voca­tion à nous per­mettre de pré­pa­rer les pre­miers pro­jets de forages pro­fonds (2 500 mètres de pro­fon­deur). En paral­lèle, nous avons mis en place un labo­ra­toire en par­te­na­riat avec Equi­nor, qui est non seule­ment un par­te­naire tech­nique, mais aus­si un action­naire de Lithium de France. 

vous avez réalisé une levée de fonds de 44 millions. Quelles sont vos ambitions ?

L’idée est de finan­cer l’ensemble des pro­jets que je viens de men­tion­ner : fina­li­sa­tion du pro­cé­dé, pre­mier forage… Dans le cadre de cette levée de fonds, nous avons vu notre action­naire majo­ri­taire, le groupe Arverne, conser­ver la majo­ri­té du capi­tal de Lithium de France. On retrouve aus­si Equi­nor et un nou­vel action­naire stra­té­gique, Hydro, le géant euro­péen de l’aluminium et des métaux pour bat­te­ries. C’est d’ailleurs pour venir en appui de nos pers­pec­tives de déve­lop­pe­ment que notre mai­son mère, Arverne Group, s’est intro­duite en bourse à Paris le 19 sep­tembre der­nier

Dans le cadre de votre développement, quels sont vos principaux enjeux ?

Tout d’abord, nous avons un enjeu d’acceptabilité sociale, même si je pré­fère le terme adhé­sion à accep­ta­bi­li­té ! Il s’agit, en effet, d’arriver à fédé­rer et à garan­tir l’adhésion de toutes les par­ties pre­nantes autour de ces pro­jets extrê­me­ment ver­tueux. En paral­lèle, nous sommes face à une filière émer­gente avec de forts enjeux de struc­tu­ra­tion. Nous avons la chance d’avoir sous nos pieds, en France, ces res­sources, cha­leur et lithium, et c’est une aven­ture tech­no­lo­gique et humaine pas­sion­nante que de pou­voir contri­buer à leur valo­ri­sa­tion et leur déve­lop­pe­ment dans un contexte mar­qué par l’urgence cli­ma­tique. Plus que jamais, ins­ti­tu­tion­nels et indus­triels doivent tra­vailler ensemble pour créer un éco­sys­tème favo­rable au déve­lop­pe­ment de ces res­sources dans une logique de filière.

Et pour conclure, recherchez-vous des compétences et des talents pour vous aider à relever ces défis ?

Nous recher­chons des experts en géos­ciences et dans toutes les sciences de la vie et de la terre de manière géné­rales (géo­lo­gie, hydro-géo­lo­gie, géo­phy­sique…), ain­si que des éner­gé­ti­ciens ; des ingé­nieurs en génie chi­mique et en méca­nique ; ain­si que des spé­cia­listes des métiers de la mine. 

Poster un commentaire