réacteurs modulables

Khimod : Des réacteurs modulables pour aider l’industrie à se décarboner

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°788 Octobre 2023
Par Nicolas SERRIE (X01)

Créée il y a quatre ans, Khi­mod est une jeune socié­té s’appuyant sur un savoir-faire déjà très abou­ti, déve­lop­pé ini­tia­le­ment dans le cadre du pro­jet ITER. Ses solu­tions per­mettent de pro­duire des molé­cules de syn­thèse à par­tir de CO2, et trouvent une appli­ca­tion de plus en plus recon­nue dans les sec­teurs indus­triels émet­teurs de gaz à effet de serre. Entre­tien avec Nico­las Ser­rie (X01), pré­sident du direc­toire de Khi­mod.

Khimod est une société récente. Comment caractériseriez-vous son développement ?

Khi­mod se situe aujourd’hui à un moment char­nière de son exis­tence. Le déve­lop­pe­ment tech­no­lo­gique est en grande par­tie der­rière nous.

À pré­sent, nous sommes en train de mettre en ser­vice un pre­mier outil indus­triel et de répondre davan­tage à des pro­blé­ma­tiques com­mer­ciales. Nous enta­mons une phase d’expansion géo­gra­phique et de crois­sance, au niveau éco­no­mique et au niveau des effec­tifs. Nous sommes d’ailleurs en pleine cam­pagne de recru­te­ment et cher­chons à étof­fer notre équipe. Les X sont les bienvenus !

Quel est votre secteur d’activité ?

Nous sommes au cœur des enjeux de tran­si­tion éner­gé­tique. Nous aidons à rendre neutre en car­bone les sec­teurs indus­triels for­te­ment émet­teurs de CO2, et plus géné­ra­le­ment de gaz à effet de serre : les cimen­te­ries, les pro­duc­teurs d’acier, le trans­port mari­time, le trans­port aérien. Notre objec­tif est de les accom­pa­gner pour atteindre la neu­tra­li­té car­bone. De manière plus secon­daire, Khi­mod a éga­le­ment une acti­vi­té dans la chi­mie : nous ren­dons effi­caces des réac­tions d’hydrogénation, per­met­tant de décar­bo­ner les réac­tions chi­miques de nos clients.

Comment fonctionne le dispositif que vous avez créé ?

Nous déve­lop­pons des solu­tions indus­trielles qui per­mettent de fabri­quer des molé­cules de syn­thèse. Dans la plu­part des cas, elles sont faites en com­bi­nant de l’hydrogène bas-car­bone avec du CO2. Ce CO2 peut être émis par des pro­cess indus­triels, mais il peut éga­le­ment être pro­duit de la bio­masse ou cap­tu­ré dans l’air. Nous obte­nons en bout de chaîne du méthane ou des car­bu­rants de syn­thèse, comme le métha­nol (qui sera demain le car­bu­rant du trans­port mari­time) ou l’e‑kérosène. Nous pro­dui­sons éga­le­ment de l’hydrogène à par­tir de déchets. Concrè­te­ment, nos solu­tions se pré­sentent sous la forme de boîtes, que nous appe­lons des réacteurs/échangeurs de cha­leur, dans les­quelles se réa­lisent des réac­tions chi­miques pour la fabri­ca­tion de ces molé­cules de synthèse.

Quels sont vos clients ?

Ce sont des indus­triels bien sûr, mais aus­si des por­teurs de pro­jets qui par exemple uti­lisent le CO2 venant d’une usine, fabriquent un car­bu­rant de syn­thèse à par­tir de nos dis­po­si­tifs, et le vendent à une com­pa­gnie aérienne, ou autre.

Pour fabri­quer les car­bu­rants de syn­thèse, on parle aujourd’hui de CO2 bio­gé­nique, pro­duit à par­tir de déchets agri­coles. En réa­li­té, son volume sera très vite assez limi­té. Au contraire, les indus­tries émet­tront tou­jours du CO2, même si elles le font et le feront de moins en moins.

La pro­duc­tion d’acier par exemple repré­sente 7 % des émis­sions mon­diales de gaz à effet de serre. Les experts estiment que l’ensemble des mesures de décar­bo­na­tion de cette pro­duc­tion d’acier per­met­tront de réduire d’environ 60 % les émis­sions asso­ciées. Il faut bien faire quelque chose des 40 % res­tants et réuti­li­ser le CO2 pour le rendre ver­tueux est une très bonne idée pour la pla­nète et aus­si pour l’économie !

Qu’apportez-vous par rapport aux solutions déjà existantes dans ce domaine ?

Notre tech­no­lo­gie est nou­velle. Par rap­port aux dis­po­si­tifs qui existent déjà, nos réac­teurs per­mettent de réa­li­ser des réac­tions chi­miques de manière beau­coup plus effi­cace. Nous avons un très bon taux de conver­sion, c’est-à-dire que nous per­dons très peu de molé­cules et d’énergie dans les réac­tions chi­miques. Par ailleurs, nous consom­mons très peu de cata­ly­seurs, qui sont en géné­ral des pro­duits qui coûtent cher et qu’il faut chan­ger régu­liè­re­ment. Notre tech­no­lo­gie est donc ver­tueuse d’un point de vue envi­ron­ne­men­tal mais aus­si d’un point de vue financier.

En outre, nos réac­teurs sont très com­pacts et résis­tants, ce qui les rend par­ti­cu­liè­re­ment adap­tés pour un cer­tain nombre d’applications. Ils sont aus­si modu­laires : on peut les assem­bler, les com­bi­ner libre­ment pour adres­ser dif­fé­rents types de pro­jets. Nos dis­po­si­tifs s’adaptent quelle que soit la taille de l’usine.

Enfin, Khi­mod est une entre­prise fran­çaise, qui fabrique ses pro­duits en France, dans l’Essonne (91). Nous sommes heu­reux de contri­buer au made in France et à la tran­si­tion éner­gé­tique pour les acti­vi­tés indus­trielles de notre pays. Pour toutes ces rai­sons, Khi­mod pro­pose des solu­tions très dif­fé­rentes de ce qui peut exis­ter par ailleurs.

Pouvez-vous donner un exemple d’application dans laquelle cette modularité prend son sens ?

Aujourd’hui, le kéro­sène de syn­thèse n’est pas un pro­duit très cou­rant : il repré­sente moins de 1 % du car­bu­rant des avions. Mais d’ici 2050, en Europe et aux États-Unis, il est très pro­bable que tous les avions volent au kéro­sène de syn­thèse. Par consé­quent, les por­teurs de pro­jets qui inves­tissent de forts capi­taux dans ces nou­veaux car­bu­rants vont pro­cé­der par étapes. Or, la modu­la­ri­té de notre solu­tion per­met jus­te­ment d’accompagner ces pro­jets en fonc­tion de leur taille et de leur développement.

Êtes-vous satisfaits de l’action publique en faveur de la transition écologique des industries ? 

Il y a un vrai éco­sys­tème qui se consti­tue peu à peu en don­nant une place aux entre­prises de notre taille. L’État joue son rôle en appor­tant des méca­nismes de sou­tien finan­cier. Mais la phase actuelle a dépas­sé le cadre des démons­tra­teurs et de l’aide au déve­lop­pe­ment de pro­jet : notre crois­sance dépend à pré­sent sur­tout de la régu­la­tion des pou­voirs publics (par exemple le taux de kéro­sène de syn­thèse dans les car­bu­rants). Nos pro­jets de trans­for­ma­tion des déchets en gaz verts (waste-to-fuel) attendent un geste de régu­la­tion de la part de l’État pour pou­voir vrai­ment avan­cer. Je note d’ailleurs que les actions du gou­ver­ne­ment des États-Unis sont pour le moment plus auda­cieuses que les nôtres grâce à l’Inflation Reduc­tion Act (IRA). Cette dyna­mique outre-Atlan­tique nous ouvre de nou­veaux mar­chés, mais elle est aus­si très dan­ge­reuse pour l’industrie euro­péenne si on n’en prend pas la mesure. Sur les car­bu­rants de syn­thèse par exemple il serait absurde d’un point de vue envi­ron­ne­men­tal et éco­no­mique d’importer ces car­bu­rants ver­tueux depuis l’Amérique du Nord – et pour­tant cela est envi­sa­gé par certains !

À quels éléments le futur de votre développement tient-il ?

En termes de matu­ri­té de tech­no­lo­gique, notre situa­tion est excel­lente. À pré­sent, nous cher­chons à gran­dir et à accom­pa­gner nos clients pour des pro­jets de plus en plus grands. Et dans cette pers­pec­tive, notre ave­nir est en par­tie lié à des déci­sions poli­tiques ou col­lec­tives majeures : Com­ment choi­sit-on de valo­ri­ser le CO2 émis ? Par quels moyens et pro­cé­dés en fait-on autre chose ? Com­ment faire pour rendre neutre en car­bone le trans­port aérien, le trans­port mari­time ou les indus­tries très pol­luantes comme les cimen­te­ries ou les acié­ries ? Est-ce que notre socié­té est prête à mettre en œuvre les moyens néces­saires pour décar­bo­ner notre indus­trie ? Ce sont les ques­tions fon­da­men­tales qui vont des­si­ner l’avenir de notre croissance.

Quels sont vos projets en préparation ?

Aujourd’hui la plu­part des pro­jets déve­lop­pés per­mettent de syn­thé­ti­ser du kéro­sène à par­tir du CO (monoxyde de car­bone). Mais le CO est un gaz assez peu dis­po­nible. Au contraire, le CO2 est très abon­dant. Or, nous fai­sons actuel­le­ment abou­tir une solu­tion qui per­met de faire pas­ser du CO2 au kéro­sène. Très peu d’entreprises sont capables de le faire aujourd’hui !

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