Une « nouvelle » politique industrielle…

Dossier : Le Sursaut, 2e partieMagazine N°621 Janvier 2007
Par Guillaume GUIDONI (01)

La France s’est dotée d’un nou­v­el instru­ment de poli­tique indus­trielle : le pôle de com­péti­tiv­ité. Il s’ag­it d’as­soci­er, sur un secteur géo­graphique délim­ité, des entre­pris­es, des cen­tres de recherche ou de for­ma­tion et des autorités publiques autour d’une thé­ma­tique tech­nologique. Cette poli­tique s’ap­puie sur le con­cept de clus­ter (« con­cen­tra­tion géo­graphique d’ac­teurs unis par des chaînes de valeurs économiques, évolu­ant dans un envi­ron­nement béné­fi­ciant d’in­fra­struc­tures de sou­tien, partageant une stratégie com­mune et visant à atta­quer un même marché », Cooke et Hug­gins, 2002).

Les pôles ont été sélec­tion­nés à la suite d’un appel à pro­jets, qui a abouti à créer 66 struc­tures qui se répar­tis­sent en trois caté­gories : pôles mon­di­aux (6), pôles à voca­tion mon­di­ale (9) et pôles nationaux (51).

L’ob­jec­tif de cette poli­tique est de soutenir l’in­no­va­tion et la com­péti­tiv­ité de l’in­dus­trie française en créant des regroupe­ments autour de pro­jets de R & D. Il s’ag­it ain­si de génér­er des oppor­tu­nités indus­trielles, de créer des emplois mais aus­si de ren­forcer les économies régionales au sein d’un pays qui reste exces­sive­ment cen­tral­isé. Elle mêle donc poli­tique d’amé­nage­ment du ter­ri­toire, poli­tique indus­trielle et poli­tique de sou­tien à l’innovation.

L’in­térêt du clus­ter­ing est de pou­voir cor­riger trois types de faib­less­es d’un sys­tème nation­al d’in­no­va­tion : un marché inef­fi­cace (finance­ment de l’in­no­va­tion, infor­ma­tion asymétrique, exter­nal­ités…), des poli­tiques publiques inef­fi­caces et des faib­less­es sys­témiques (dif­fi­cultés à agir en parte­nar­i­at, coor­di­na­tion pub­lic-privé insuff­isante…). Cela est cohérent avec les raisons du retard de la France en matière d’in­no­va­tion : faib­lesse du tis­su d’en­tre­pris­es inno­vantes (notam­ment des PME), manque de parte­nar­i­at entre secteurs privé et pub­lic et, enfin, faible pro­duc­tiv­ité de la R & D en matière d’in­no­va­tions exploita­bles industriellement.

Néan­moins, la mise en œuvre de cette poli­tique de clus­ters « à la française » n’est pas exempte de cri­tiques, par­mi lesquelles :

  • la volon­té de mêler amé­nage­ment du ter­ri­toire et inno­va­tion indus­trielle. Les 15 pôles d’en­ver­gure mon­di­ale et les pôles nationaux sont d’une grande hétérogénéité, à la fois en ter­mes d’im­por­tance économique ou de secteur tech­nologique, or cela sem­ble en con­tra­dic­tion avec les enseigne­ments tirés des expéri­ences étrangères ;
  • la lour­deur des proces­sus admin­is­trat­ifs et les incer­ti­tudes liées à l’al­lo­ca­tion des crédits publics : com­plex­ité et opac­ité des modes de sélec­tion et finance­ment des pro­jets, mul­ti­plic­ité des décideurs publics, risque de dis­per­sion des crédits sur des pro­jets peu por­teurs et risques de focal­i­sa­tion sur les grandes entreprises ;
  • la mul­ti­pli­ca­tion des poli­tiques publiques de sou­tien à l’in­no­va­tion (sou­tien aux « gazelles », aux JEI (Jeunes entre­pris­es inno­vantes), aux grands pro­jets indus­triels…) pose le prob­lème de la cohérence de l’ensemble.

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