Une carrière chez Renault stimulée par les enjeux énergétiques !

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°766 Juin 2021
Par Jérôme PERRIN (74)

Retour sur les moments forts de la car­rière de Jérôme Per­rin (74), qui était directeur sci­en­tifique de Renault avant de pren­dre sa retraite fin juin 2021. 

Quelles sont les étapes les plus marquantes de votre carrière professionnelle ?

Diplômé de Poly­tech­nique, j’ai com­mencé par faire de la recherche, d’abord en pas­sant un DEA, puis une thèse de doc­tor­at de 3e cycle et enfin une thèse de doc­tor­at d’État ès sci­ences. Ma moti­va­tion était alors stim­ulée par les enjeux de l’époque, notam­ment liés aux nou­velles tech­nolo­gies de l’énergie et en par­ti­c­uli­er l’énergie solaire pho­to­voltaïque. Au bout de 3 ans comme sta­giaire de recherche dans un lab­o­ra­toire de l’École poly­tech­nique à Palaiseau, j’ai été recruté au CNRS en 1980. Seize ans plus tard j’ai négo­cié un pre­mier virage vers la recherche indus­trielle en rejoignant le groupe Balz­ers & Ley­bold (devenu Oer­likon) en 1997 comme directeur de R&D sur les réac­teurs à plas­ma pour la pro­duc­tion de pan­neaux pho­to­voltaïques ou d’écrans plats.

Qua­tre ans après, je suis devenu directeur de pro­grammes de R&D chez Air Liq­uide. Cette deux­ième expéri­ence indus­trielle m’a per­mis d’être en con­tact per­ma­nent avec les dif­férents secteurs où Air Liq­uide déploy­ait les usages de ses gaz industriels.

Au-delà de ceux que je con­nais­sais déjà, je me suis occupé des inno­va­tions sur l’hydrogène et les piles à com­bustible. Par­al­lèle­ment je présidais le comité d’évaluation du pro­gramme nation­al de l’Agence nationale de la recherche sur ce même thème de sorte que j’ai été en rela­tion avec l’industrie auto­mo­bile pour qui le cou­ple hydrogène/pile à com­bustible parais­sait alors la seule tech­nolo­gie à même de fournir une autonomie suff­isante aux véhicules élec­triques compte tenu de l’état de l’art des batteries.

“En plus des sujets traditionnels de réduction de l’impact des moteurs thermiques, j’ai pu travailler sur des sujets nouveaux relatifs au véhicule électrique.”

À la fin de 2006, j’ai été ten­té par cette indus­trie auto­mo­bile et j’ai rejoint Renault comme directeur des pro­jets avancés du pro­gramme « Energie, CO2, Envi­ron­nement ». Peu de temps après, Renault s’est lancé dans le véhicule élec­trique en s’appuyant sur les pre­mières appli­ca­tions de puis­sance des bat­ter­ies au lithi­um. C’est ce qui m’a per­mis de tra­vailler, en plus des sujets tra­di­tion­nels de réduc­tion de l’impact des moteurs ther­miques, sur des sujets nou­veaux relat­ifs au véhicule élec­trique. Puis en juin 2012, Renault m’a demandé de pré­par­er le lance­ment de l’institut pour la tran­si­tion énergé­tique VEDECOM pour le véhicule décar­boné élec­trique, autonome et com­mu­ni­cant, et sa mobilité.

En juil­let 2014, j’ai été nom­mé directeur sci­en­tifique de Renault avec un rôle plus trans­ver­sal et plus en inter­ac­tion avec les dif­férents secteurs de l’entreprise, la direc­tion de la recherche et les parte­naires académiques.

J’ai ain­si ani­mé des sémi­naires sci­en­tifiques en interne et été présent dans les con­seils sci­en­tifiques de parte­naires à l’extérieur. J’ai aus­si suivi l’ensemble des doc­tor­ants sous con­trat CIFRE avec Renault et j’ai fait prof­iter l’entreprise de mon expéri­ence du mon­tage de gros pro­jets de col­lab­o­rat­ifs et sub­ven­tion­nés de R&D, nationaux ou européens avec des bud­gets importants.

À par­tir de 2016, je me suis penché sur les ques­tions éthiques liées à la con­cep­tion et à l’usage des véhicules autonomes.

Cela m’a amené en 2018 à rejoin­dre la CERNA (com­mis­sion sur l’éthique de la recherche en tech­nolo­gies du numérique d’Allistène), puis fin 2019 le nou­veau Comité nation­al pilote d’éthique du numérique (CNPEN), créé sous l’égide du Pre­mier min­istre et adossé au Comité con­sul­tatif nation­al d’éthique (CCNE)

Que retenez-vous de votre passage à l’École polytechnique ? 

Je retiens encore l’ouverture et la richesse de l’école, en ter­mes de matières enseignées et de savoirs acquis avec une grande ouver­ture sur la philoso­phie, l’histoire, les sci­ences humaines et sociales et sur les enjeux poli­tiques de l’époque. Mon expéri­ence dans l’armée a aus­si été très struc­turante. Et c’est à l’École et par mes engage­ments asso­ci­at­ifs et poli­tiques que s’est forgée ma con­vic­tion écologique qui a déter­miné toute ma carrière.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes diplômés ?

Il faut savoir saisir les bonnes oppor­tu­nités, appren­dre à se con­naître et suiv­re ses moti­va­tions et ses aspi­ra­tions. Il faut aus­si savoir se pos­er les bonnes ques­tions pour bien dis­cern­er les enjeux et les impli­ca­tions de son ori­en­ta­tion. Et je dirais qu’il faut surtout aimer ce que l’on fait et servir le bien commun.

Au moment de pren­dre ma retraite je me sens pro­fondé­ment engagé dans ce que l’on appelle main­tenant l’ « écolo­gie inté­grale » pour qui la sauve­g­arde de la planète doit artic­uler éthique envi­ron­nemen­tale et éthique sociale. Je suis déjà impliqué dans plusieurs asso­ci­a­tions, dont la Société de Saint-Vin­cent-de-Paul de Paris que je pré­side depuis 2018, au ser­vice frater­nel de prox­im­ité des per­son­nes les plus vul­nérables ou qui vivent dans la précarité.

Poster un commentaire