“Une approche indépendante et neutre”

Dossier : X-Environnement : éclairer les débatsMagazine N°666 Juin/Juillet 2011
Par Jean-Marc JANCOVICI (81)

C’est Jean Brugi­dou (43) qui prend la prési­dence du groupe X‑Environnement à sa créa­tion en 1990. Ses suc­cesseurs à la prési­dence du groupe sont d’abord André-Jean Guérin (69), directeur de la Fon­da­tion Nico­las Hulot pour la Nature et l’Homme, puis Hen­ri Molleron (75), qui a été rem­placé par l’actuel prési­dent en 2000. Les prési­dents suc­ces­sifs et le bureau qui les aide ont eu dès le départ le souci de faire du groupe un lieu d’in­for­ma­tion et de débat, qui ne veut ni être un groupe de pres­sion ni soutenir une action militante.

Les con­férences que le groupe organ­ise et les débats qui suiv­ent ne visent donc pas à créer un con­sen­sus ou à faire émerg­er des solu­tions incon­testa­bles aux prob­lèmes envi­ron­nemen­taux, mais avant tout à pos­er claire­ment les ter­mes de ces prob­lèmes de manière partagée :

” Nous avons pour but de chercher à rap­pel­er, dans le flot d’af­fir­ma­tions sou­vent con­tra­dic­toires qui nous sub­merge, les faits qui sont con­nus et ceux qui ne le sont pas, en ce qui con­cerne l’im­pact des activ­ités humaines sur l’en­vi­ron­nement, à moyen et long terme.

Dit autrement, pour une ques­tion envi­ron­nemen­tale don­née nous cher­chons à com­pren­dre ce qui est con­nu et ce qui ne l’est pas, et com­ment le prob­lème se présente, sans avoir la pré­ten­tion de par­venir à trou­ver une solu­tion évi­dente et con­sen­suelle (qui sou­vent n’ex­iste pas, sinon le prob­lème aurait été réglé depuis longtemps) à l’is­sue du débat. Dans ce cadre, notre démarche se veut hon­nête et dépas­sion­née, même si les sujets de société sont sou­vent au coeur des discussions.”

Vérité
“La vérité ne se définit pas comme étant l’opin­ion de la majorité : la vérité est ce qui découle de l’ob­ser­va­tion des faits. ” Cette cita­tion de Mau­rice Allais fig­ure en haut de la page d’ac­cueil du site du groupe X‑Environnement :
(http://www.x‑environnement.org/) et illus­tre l’e­sprit des travaux et con­férences de ce groupe.

Un forum transversal

André-Jean Guérin, dans l’édi­to­r­i­al du numéro d’avril 1998, a souligné ce côté ouvert : ” Dès le départ, Jean Brugi­dou et les pro­mo­teurs de ce groupe ont voulu créer un forum trans­ver­sal, entre métiers, entre secteurs publics, indus­triels et asso­ci­at­ifs (la ” société civile”).

Per­me­t­tre à des con­struc­teurs de voies fer­rées de débat­tre avec des élus locaux. Des pro­duc­teurs de normes et de règles juridiques avec des épidémi­ol­o­gistes, des indus­triels ou des assureurs. Des sci­en­tifiques, sou­vent poly­tech­ni­ciens, avec des femmes et des hommes mani­ant d’autres dis­ci­plines. Nos réu­nions sont des moments de débat ouvert.

Ce sont aus­si des moments pour une infor­ma­tion détail­lée et des pro­pos nuancés car, dans l’as­sis­tance, com­posée pour l’essen­tiel de non-spé­cial­istes, des con­nais­seurs repren­nent les inter­venants et appor­tent leur témoignage.”

Un bureau très impliqué

L’équipe qui assiste le prési­dent est très fournie puisqu’elle compte plus de vingt mem­bres, dont cer­tains ne sont pas poly­tech­ni­ciens. Ce bureau se réu­nit env­i­ron toutes les six semaines ; il établit le pro­gramme des con­férences, choisit le thème du dossier pub­lié dans La Jaune et la Rouge et en fixe la ligne éditoriale.

Chaque mem­bre prend en charge tour à tour l’or­gan­i­sa­tion d’un événe­ment : con­férences (une par mois), dîn­er annuel à la mai­son des X ou pub­li­ca­tion d’un dossier dans La Jaune et la Rouge. Les con­férences durent deux heures et ont lieu à l’EN­GREF en fin d’après-midi ; trois inter­venants font un exposé puis débat­tent avec la salle. À l’is­sue de ces réu­nions un micro­dossier est élaboré et chargé sur le site Web du groupe. Les mem­bres peu­vent donc y avoir accès.

Les con­férenciers invités sont des experts de leur domaine, et très rarement des poli­tiques (les excep­tions ne sont accep­tées que pour des per­son­nal­ités très impliquées sur des dossiers environnementaux).

Jean-Marc Jan­covi­ci (81), mar­ié, deux enfants, est, avec Alain Grand­jean (75) cofon­da­teur et asso­cié de Car­bone 4, cab­i­net de con­seil en stratégie car­bone créé en 2007, et qui emploie six polytechniciens.

Indé­cis sur sa car­rière à la sor­tie de l’X, il choisit de com­pléter sa for­ma­tion à l’ENST, puis s’établit comme con­seil indépen­dant, méti­er qui l’amène à s’in­téress­er à la cir­cu­la­tion de l’in­for­ma­tion sous toutes ses formes et à tra­vers tous les cir­cuits pos­si­bles : télé-enseigne­ment, télé-médecine, télé-tra­vail, etc. À cette occa­sion, il regarde de près les trans­ports, pour lesquels les tech­nolo­gies de l’in­for­ma­tion sont sou­vent présen­tées comme des substituts.

Des trans­ports il passe au change­ment cli­ma­tique, puis à l’én­ergie. À la fin des années 1990, il était assez facile de ren­con­tr­er les chercheurs du cli­mat et les experts de l’én­ergie, alors bien moins sol­lic­ités qu’au­jour­d’hui. Dans le cadre de cette réori­en­ta­tion, il pro­posera à l’ADEME l’élab­o­ra­tion d’une méthode d’é­val­u­a­tion des émis­sions de gaz à effet de serre de toute activ­ité économique, le Bilan Car­bone. Out­re son activ­ité dans Car­bone 4, Jean-Marc Jan­covi­ci est mem­bre du Con­seil sci­en­tifique de l’or­gane sta­tis­tique du min­istère de l’É­colo­gie, mem­bre asso­cié de l’A­cadémie royale de Bel­gique, enseignant à Mines-Paris­Tech, mem­bre du comité stratégique de la Fon­da­tion Nico­las Hulot, et prési­dent d’un think tank nou­velle­ment créé, The Shift Project.

Près de cinq cents membres

Chaque mem­bre paye une coti­sa­tion annuelle de 20 €. Cette somme per­met de cou­vrir les frais d’or­gan­i­sa­tion des divers­es con­férences et de dif­fuser des dossiers par le site Web du groupe.

Une longue tradition
Le tro­pisme poly­tech­ni­cien pour les ques­tions d’en­vi­ron­nement est très ancien puisque dès le début du XIXe siè­cle les divers corps d’ingénieurs ont été impliqués dans la préven­tion des nui­sances indus­trielles, en rai­son de leur grande com­pé­tence tech­nique. Au-delà des enquêtes qu’ils menaient sur le ter­rain, ils surent imag­in­er les solu­tions per­me­t­tant de réduire ou de sup­primer nom­bre de ces nui­sances (cf. La Jaune et la Rouge, numéro de jan­vi­er 2011 page 24).

Pour les mem­bres, l’ac­cès aux con­férences et à la doc­u­men­ta­tion est libre. Par con­tre, la par­tic­i­pa­tion au dîn­er annuel est fac­turée en sus. Le car­ac­tère mod­ique de la coti­sa­tion et la qual­ité des con­férences attirent de nom­breux mem­bres — près de 500 aujour­d’hui — dont env­i­ron 15% ne sont pas poly­tech­ni­ciens. L’ad­mis­sion de ces derniers est soumise à un cer­tain nom­bre de critères (par­rainage par un mem­bre du groupe, cur­sus pro­fes­sion­nel ou sci­en­tifique) et est aval­isée par le bureau, sachant que leur pour­cent­age ne doit pas excéder 30 %.

Plus de 80% des mem­bres suiv­ent régulière­ment les travaux du groupe. Enfin, il faut not­er l’en­goue­ment des plus jeunes pour ces activ­ités : un quart des mem­bres appar­tient aux pro­mo­tions 2000 et suivantes.

Responsabilité

André-Jean Guérin a souligné la respon­s­abil­ité pro­pre aux sci­en­tifiques et aux cadres tech­niques qui est de ” faciliter une appro­pri­a­tion des débats envi­ron­nemen­taux par le pub­lic et de per­me­t­tre une effi­cac­ité de la démoc­ra­tie y com­pris dans ces domaines dif­fi­ciles et com­plex­es “. C’est ce souci qui amène le groupe à pro­mou­voir son action au-delà du cer­cle des anciens X.

Non seule­ment en s’ou­vrant à des non-poly­tech­ni­ciens, mais aus­si en par­tic­i­pant active­ment à la Semaine du développe­ment durable organ­isée chaque année par l’É­cole et en invi­tant d’autres groupes ou asso­ci­a­tions partageant les mêmes préoccupations.

Et enfin en dif­fu­sant le dossier annuel pub­lié dans La Jaune et la Rouge auprès de décideurs ou de relais d’opinion.

Propos recueillis par Hubert Jacquet (64)

Commentaire

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Gérard ADERrépondre
18 juin 2011 à 11 h 53 min

Mon­sieur
Mem­bre d’X-Envi­ron­nement depuis sa créa­tion, j’ad­mire le remar­quable tra­vail des prési­dents et bureaux suc­ces­sifs. Les débats et les numéros spé­ci­fiques de la Jaune et la Rouge me sont très utiles dans mes fonc­tions actuelles au Con­seil économique, social et envi­ron­nemen­tal d’Ile-de-France où je représente la fédéra­tion Ile-de-France Envi­ron­nement qui regroupe 380 asso­ci­a­tions fran­cili­ennes de pro­tec­tion de l’environnement.

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