Un regard depuis l’Asie sur l’avenir de l’X

Dossier : Formations scientifiques : regards sur l’internationalMagazine N°666 Juin/Juillet 2011
Par Jérôme FOUREL (92)

REPÈRES

REPÈRES
On ne peut par­ler des uni­ver­si­tés scien­ti­fiques en Asie sans évo­quer le clas­se­ment de Shan­ghaï, révé­la­teur des ambi­tions de la Chine. Ce clas­se­ment est basé sur les élé­ments sui­vants : la qua­li­té de l’en­sei­gne­ment pour 10% (nombre de prix Nobel et de médailles Fields par­mi les anciens élèves ; la qua­li­té de l’ins­ti­tu­tion (nombre de prix Nobel et de médailles Fields par­mi les cher­cheurs pour 20 % et nombre de cher­cheurs les plus cités dans leurs dis­ci­plines pour 20%); les publi­ca­tions (articles publiés dans Nature et Science pour 20 %, et articles indexés dans Science Cita­tion Index et Arts & Huma­ni­ties Cita­tion Index pour 20%); enfin, pour 10 %, la taille de l’ins­ti­tu­tion (per­for­mance aca­dé­mique au regard de la taille de l’institution).

L’A­sie pré­sente une diver­si­té humaine aus­si grande que l’Occident

L’A­sie est un concept « euro­péen » et pré­sente en fait une diver­si­té humaine aus­si grande que l’Oc­ci­dent. Néan­moins on observe, en termes de clas­se­ment concer­nant les sciences, un retard du monde asia­tique par rap­port à l’Eu­rope. En dépit de cer­tains biais métho­do­lo­giques, le clas­se­ment mon­dial des uni­ver­si­tés dit » clas­se­ment de Shan­ghaï » éta­bli depuis 2003 par l’u­ni­ver­si­té Jiao­tong de Shan­ghaï offre une vue éclai­rante de la pro­duc­ti­vi­té de la recherche scien­ti­fique au sein des uni­ver­si­tés de la planète.

Grande Chine
La « Grande Chine » – Répu­blique popu­laire de Chine, Hong Kong et Taï­wan – est en train de deve­nir une réa­li­té pré­gnante. L’in­té­gra­tion de Hong Kong au sein du sys­tème chi­nois via le sché­ma « un pays, deux sys­tèmes » de 1997 après la rétro­ces­sion a mon­tré son effi­ca­ci­té en alliant la force du capi­ta­lisme hong­kon­gais (très vivace aus­si dans la » rivière des Perles « , coeur manu­fac­tu­rier de la pro­vince de Guangz­hou) et du tech­no­cra­tisme chi­nois. Le rap­pro­che­ment éco­no­mique de Taï­wan et de la Chine, déjà très avan­cé depuis dix ans via les très impor­tantes délo­ca­li­sa­tions de la pro­duc­tion d’é­qui­pe­ments high-tech taï­wa­nais en Chine (Fox­conn, entre­prise taï­wa­naise, est le plus grand expor­ta­teur chi­nois) mais aus­si délo­ca­li­sa­tion de la R&D, se pour­suit désor­mais au plan éco­no­mique avec la signa­ture d’un accord majeur de libre-échange en 2010 entre la Chine et Taï­wan et la déci­sion poli­tique (majeure) en jan­vier 2011 du gou­ver­ne­ment taï­wa­nais d’au­to­ri­ser les inves­tis­se­ments chi­nois (capés) dans les entre­prises taïwanaises.

Domination américaine

Les elite uni­ver­si­ties amé­ri­caines dominent sans par­tage le haut du clas­se­ment avec 17 uni­ver­si­tés amé­ri­caines dans le Top 20, en sus de Cam­bridge (n° 5) et Oxford (n° 10) en Angle­terre et de l’u­ni­ver­si­té de Tokyo (n° 20) en Asie.

Rattrapage asiatique

Une ana­lyse par région et par pays (tableau 1) montre qu’en grandes masses l’Eu­rope est encore en avance sur l’A­sie – mais si l’on observe les évo­lu­tions res­pec­tives depuis 2003, l’é­cart se res­serre vite.

Au niveau des pays, la » hié­rar­chie du mérite scien­ti­fique » mélange pays euro­péens et asia­tiques, avec la hié­rar­chie quan­ti­ta­tive sui­vante : Angle­terre > Alle­magne > Japon > France > « Grande Chine » > Aus­tra­lie > Corée > Sin­ga­pour > Inde. Cette hié­rar­chie augure d’i­ci dix à vingt ans d’un chan­ge­ment impor­tant de para­digme au niveau techno-scientifique.

TABLEAU 1
CLASSEMENT DE SHANGHAÏ
« ARWU »(Aca­de­mic Ran­king of World Universities)
Région

TOP 20

TOP 100

TOP 200

TOP 300

TOP 400

TOP 500

USA et Amériques 17 58 100 133 162 187
Europe 2 33 74 123 168 204
Asie-Paci­fique 1 9 26 43 68 106
Pays

TOP 20

TOP 100

TOP 200

TOP 300

TOP 400

TOP 500

Angle­terre 2 11 19 30 35 38
Alle­magne 0 5 14 23 33 39
France 0 3
(dont Nor­male sup et Paris-XI)
7 13
(dont l’X)
18 22
Japon 1 5 9 10 17 25
Aus­tra­lie 0 3 7 9 13 17
Inde 0 0 0 0 1
(Indian Ins­ti­tute of Science)
2
Corée 0 0 1 3 5 8
Sin­ga­pour 0 0 1 2 2 2
Chine 0 0 2
(Tsing­hua et Bei­jing University)
6 9 21
Taï­wan 0 0 1 1 2 3
Hong Kong 0 0 2 4 6 6
« Grande Chine » 0 0 5 11 17 30

Nouveaux rapports de force

La France et l’Eu­rope auraient cepen­dant pro­fon­dé­ment tort de croire « avoir dix à vingt ans » d’a­vance sur l’A­sie au plan scien­ti­fique et tech­no­lo­gique. En effet, le clas­se­ment de Shan­ghaï pré­sente plu­sieurs faiblesses.

Le modèle de Shan­ghaï sous-estime la force de l’Eu­rope et encore plus, celle de l’Asie

Pre­miè­re­ment, l’a­na­lyse de la puis­sance scien­ti­fique en fonc­tion du rang des uni­ver­si­tés ne fait que reflé­ter la posi­tion de la pièce « Uni­ver­si­tés » dans l’é­co­sys­tème natio­nal d’in­no­va­tion de chaque pays. Or, comme le modèle research uni­ver­si­ty est depuis 1945 au centre de l’é­co­sys­tème amé­ri­cain (et en fait, dès l’a­vant-guerre avec l’é­mi­gra­tion de la fine fleur de l’in­tel­li­gent­sia euro­péenne aux États-Unis et le pro­jet Man­hat­tan), ce modèle exa­gère la supé­rio­ri­té amé­ri­caine, sous-estime la force de l’Eu­rope et encore plus la force de l’Asie.

Côté France, le sys­tème fran­çais d’in­no­va­tion, cen­tré pen­dant des décen­nies autour des » grands labo­ra­toires » natio­naux, est plus puis­sant que les sta­tis­tiques « Uni­ver­si­tés fran­çaises » ne l’indiquent.

Renaissance chinoise

Une France en mutation
Le recen­trage de l’é­co­sys­tème fran­çais autour de research uni­ver­si­ties à la fran­çaise devrait per­mettre de faire bou­ger les fron­tières mais il y a un gros effort de mar­ke­ting à faire auprès des élites scien­ti­fiques étran­gères – il fau­drait aus­si, au niveau de l’X, que les cher­cheurs des labo­ra­toires de l’X indiquent en pre­mier lieu l’X comme éta­blis­se­ment dans leurs articles scien­ti­fiques afin que leur tra­vail contri­bue au pres­tige scien­ti­fique de l’X.

Côté Chine, l’a­na­lyse » Uni­ver­si­tés » sous-estime aus­si le poten­tiel scien­ti­fique effec­tif de la Chine dont l’é­co­sys­tème d’in­no­va­tion a été, et est encore, une galaxie très floue d’ins­ti­tu­tions publiques. Or, la Chine a impul­sé depuis dix ans une réforme de son sys­tème d’in­no­va­tion et de son sys­tème uni­ver­si­taire en les cen­trant sur une dizaine de research uni­ver­si­ties natio­nales, des moyens gigan­tesques étant don­nés à cette tâche, ain­si qu’une vitesse chi­noise à sa réalisation.

Tout un sys­tème uni­ver­si­taire, public et pri­vé, visant l’a­mé­lio­ra­tion de l’é­du­ca­tion des masses tout en per­met­tant de main­te­nir la sélec­tion de l’é­lite vers le som­met de la pyra­mide édu­ca­tive, est en cours de réforme.

Des chiffres parlants

L’u­ni­ver­si­té de Tsinghua.

Dans les cinq der­nières années, le nombre d’u­ni­ver­si­tés publiques, le nombre d’é­tu­diants, les res­sources finan­cières allouées à l’en­sei­gne­ment supé­rieur en Chine ont crû de fac­teurs com­pris entre 100% et 300% – sans par­ler de la créa­tion et du déve­lop­pe­ment spec­ta­cu­laire des uni­ver­si­tés pri­vées (dont la crois­sance excède 1 000 %), répon­dant à une demande insa­tiable d’une classe moyenne chi­noise forte désor­mais de trois cents mil­lions de per­sonnes : au sys­tème pyra­mi­dal bimil­lé­naire de l’A­ca­dé­mie chi­noise cor­res­pond désor­mais un ensemble pri­vé for­mant les meilleurs de la classe mar­chande du nou­vel Empire chinois.

Le » nombre de scien­ti­fiques chi­nois par 1 000 employés » a plus que dou­blé depuis quinze ans, pas­sant de 0,79 à 1,9 – chiffre encore très infé­rieur aux chiffres amé­ri­cains et euro­péens, mais repré­sen­tant un accrois­se­ment consi­dé­rable en nombre de personnes.

Prio­ri­té à la science

Le pré­sident chi­nois, Hu Jin­tao, en 2008, a indi­qué que la Science et la Tech­no­lo­gie seront la pre­mière prio­ri­té natio­nale. Le 12e plan quin­quen­nal, sor­ti en février 2011, illustre l’am­bi­tion chi­noise en matière de déve­lop­pe­ment tech­no-indus­triel, et les moyens don­nés à cette ambition.

Man­da­ri­nat

Le sys­tème uni­ver­si­taire chi­nois sélec­tion­nait les meilleurs man­da­rins. L’É­cole poly­tech­nique, avec son concours, est l’hé­ri­tière directe de ce sys­tème : le sys­tème des « concours natio­naux » a été entre autres ins­pi­ré par les mis­sion­naires jésuites de Chine qui y ont vu là le moyen de coop­ter les meilleurs de chaque pro­vince, les inféo­dant ain­si à la Nation.

Publications en croissance

Bre­vets chinois
Selon l’OM­PI (Office mon­dial de la pro­prié­té intel­lec­tuelle), le nombre de bre­vets enre­gis­trés par des scien­ti­fiques et inven­teurs chi­nois est en cours d’ex­plo­sion : avec un bond de 56,2% en 2010 (soit 12 337 bre­vets) – soit trois fois le nombre de bre­vets de 2006, fai­sant aujourd’­hui de la Chine le 4e auteur de bre­vets der­rière les États-Unis, le Japon et l’Al­le­magne, et devant la Corée.

Le nombre d’ar­ticles aca­dé­miques par les scien­ti­fiques chi­nois dans les jour­naux scien­ti­fiques est pas­sé depuis quinze ans de 20 000 à 112 000 – dépas­sant ain­si le Japon (80 000) et l’Al­le­magne (90 000). Dans la même période, les États-Unis sont pas­sés de 265 000 à 340 000. Si l’on fait une pro­jec­tion des crois­sances res­pec­tives du nombre des publi­ca­tions scien­ti­fiques (+16,5%/an en Chine, +1%/an aux États- Unis), la Chine dépas­se­ra sur ce cri­tère-là les États-Unis dès 2020.

La Chine est désor­mais au 2e ou 3e rang du nombre de publi­ca­tions de sciences et d’in­gé­nie­rie dans les jour­naux scien­ti­fiques avec déjà une » part de mar­ché » de 21 % au plan mon­dial dans le nombre de publi­ca­tions affé­rentes à la science des maté­riaux, et des contri­bu­tions impor­tantes en chi­mie et en physique.

De puissants clusters techno-industriels

Échecs fran­çais
J’ai vu, depuis les clus­ters high-tech de Taï­wan où je suis immer­gé depuis 2001, l’au­to­des­truc­tion de l’in­dus­trie fran­çaise de l’élec­tro­nique du fait d’une approche natio­na­liste, qui va exac­te­ment à l’in­verse du codé­ve­lop­pe­ment rai­son­né avec les clus­ters asia­tiques opé­ré par les lea­ders tech­no­lo­giques américains.

Au-delà de la Chine, c’est toute l’A­sie qui se recon­fi­gure depuis un sché­ma « Ame­ri­ca-cen­tric » vers un sché­ma » Chi­na-cen­tric » au niveau des chaînes de valeur – la Chine était déjà un four­nis­seur clé de Taï­wan, de la Corée et du Japon, elle en devient aujourd’­hui le pre­mier mar­ché pour de nom­breux pro­duits. L’in­dus­trie NTIC, plus que toute autre, illustre aujourd’­hui le poids pré­pon­dé­rant de l’A­sie en matière d’in­no­va­tion scien­ti­fique, tech­no­lo­gique et industrielle.

Ain­si, dans les clas­se­ments des dix entre­prises les plus inno­vantes au monde figurent six entre­prises asia­tiques, dont trois entre­prises japo­naises (Pana­so­nic en n° 1), deux entre­prises chi­noises (Hua­wei (n° 2) et ZTE (n° 4), les deux lea­ders des télé­coms) et une entre­prise coréenne (Sam­sung). La puis­sance des clus­ters tech­no-indus­triels asia­tiques leur donne un avan­tage com­pé­ti­tif consi­dé­rable au niveau « recherche appliquée ».

Codéveloppement

La ques­tion stra­té­gique, pour la France, me semble être : » Com­ment s’in­sé­rer dans une dyna­mique de codé­ve­lop­pe­ment gagnant-gagnant avec les clus­ters chi­nois et asia­tiques afin de béné­fi­cier de leur puis­sance ? » Les grandes entre­prises du CAC 40, mon­dia­li­sées ou plu­tôt » mul­ti­ré­gio­na­li­sées « , le font.

Les PME fran­çaises ne peuvent en géné­ral pas le faire et les pou­voirs publics fran­çais semblent en appe­ler à un nou­veau » natio­na­lisme indus­triel » sans une véri­table stra­té­gie transnationale.

Vision fausse et dangereuse

La Chine est au 2e ou 3e rang du nombre de publi­ca­tions de sciences et d’ingénierie

Deuxiè­me­ment, il est erro­né de ne voir dans ce qui pré­cède qu’une dyna­mique de type » recherche appli­quée » – les » cer­veaux » d’Oc­ci­dent fai­sant de la » recherche fon­da­men­tale » et les » mains » d’A­sie fai­sant le reste. Cette vision, véhi­cu­lée par les médias anglo-saxons depuis plus de vingt ans et reprise par les élites fran­çaises, est fausse et dan­ge­reuse. Il y a déjà près de vingt ans que la majo­ri­té des » forces vives » des États-Unis en matière d’é­tu­diants-cher­cheurs (MS & PhD en tech­no­lo­gies et sciences) est d’o­ri­gine étran­gère, aux deux tiers d’o­ri­gine asiatique.

American dream

Jus­qu’en 2001, la dyna­mique ver­tueuse de l’A­me­ri­can dream (visa F‑1, job et pers­pec­tives de rêve, carte verte, pres­tige social et éco­no­mique) a atti­ré et main­te­nu aux États-Unis une très large part des élites tech­no-scien­ti­fiques de la pla­nète. Cette machine, abî­mée fin 2001, semble aujourd’­hui bri­sée : les flux d’é­tu­diants chi­nois et indiens aux États-Unis sont en baisse et plus de 80 % des étu­diants chi­nois et indiens actuel­le­ment aux États-Unis ont indi­qué vou­loir ren­trer dans leurs pays dès la fin de leurs études, du fait de l’im­pos­si­bi­li­té d’ac­cé­der à un job et à un visa de tra­vail amé­ri­cain. Depuis 2005, il y a ain­si un flux plus impor­tant de retur­nees asia­tiques, au pre­mier chef vers la Chine.

Inno­va­teurs étrangers
Les migrants d’o­ri­gine étran­gère et asia­tique jouent un rôle dis­pro­por­tion­né dans l’é­co­sys­tème d’in­no­va­tion amé­ri­cain : plus de 60% des entre­prises de la Sili­con Val­ley ont des cofon­da­teurs d’o­ri­gine asia­tique (en géné­ral le chief tech­no­lo­gy offi­cer ), et plus du quart des bre­vets amé­ri­cains sont dépo­sés par des cer­veaux étrangers.
Exemple à méditer
La France ferait bien de s’ins­pi­rer de la poli­tique chi­noise d’in­ci­ta­tion au retour des « pre­miers sujets » par­tis à l’é­tran­ger. Des cen­taines de scien­ti­fiques fran­çais très brillants sont aujourd’­hui ensei­gnants-cher­cheurs aux États- Unis en par­ti­cu­lier. Si la Chine a pu four­nir à ses propres « pre­miers sujets » émi­grés toutes les clés du retour au pays (dont des postes très pres­ti­gieux et de type « défri­cheurs de fron­tières « , des écoles bilingues pour les enfants, une sécu­ri­té de vie « à l’é­lite amé­ri­caine », etc.), la France ne le pour­rait-elle pas non plus ?

Aider les retours

La Chine a une poli­tique très active d’in­ci­ta­tion au retour de ses plus brillants sujets

La Chine a, au plus haut niveau, une poli­tique très active, sys­té­mique, d’in­ci­ta­tion au retour de ses plus brillants sujets – la réno­va­tion de l’U­ni­ver­si­té chi­noise passe ain­si par le recru­te­ment prio­ri­taire des scho­lars for­més et ensei­gnant dans les meilleures uni­ver­si­tés de la planète.

Exemple symp­to­ma­tique : Andrew Chi-Chih Yao, ori­gi­naire de Shan­ghaï, âgé de 64 ans, était pro­fes­seur d’in­for­ma­tique (com­pu­ter science) à Stan­ford et réci­pien­daire du pres­ti­gieux prix A. M. Turing, or l’u­ni­ver­si­té de Tsing­hua (« l’é­qui­valent chi­nois de l’X » me disaient en 1998 des amis de Tsing­hua venus étu­dier en France – vrai, mais en plus puis­sant en fait) l’a débau­ché en lui pro­po­sant de créer le nou­vel » Ins­ti­tute for Theo­re­ti­cal Com­pu­ter Science » de Tsing­hua. Le bud­get à sa dis­po­si­tion ? Illimité.

Avec une telle poli­tique, il faut s’at­tendre à ce que le niveau de la R&D chi­noise pro­gresse non seule­ment quan­ti­ta­ti­ve­ment (les pro­jec­tions offi­cielles veulent aug­men­ter le ratio R&D/PNB de 1,4 % en 2006 à 2,5 % d’i­ci 2020 – ce qui, avec une pro­jec­tion de crois­sance annuelle du PNB chi­nois de 7−7,5 %, repré­sente une aug­men­ta­tion des dépenses chi­noises de R&D de 440 % entre 2006 et 2020) mais aus­si qua­li­ta­ti­ve­ment de manière très notable d’i­ci 2020.

Matrice 3 x 3

Ces évo­lu­tions m’a­mènent à consi­dé­rer que, si l’X veut (re)devenir une elite uni­ver­si­ty de rang mon­dial, elle doit inclure une dimen­sion » Lea­der­ship » et « Mana­ge­ment » de pre­mier plan afin d’es­pé­rer recol­ler un jour au pelo­ton d’Har­vard, Stan­ford et Tsing­hua. L’u­ni­ver­si­té de Tsing­hua, bâtie comme l’X sur une » matrice à la Condor­cet » 2 x 2 = [L, M] x [Sciences, Ingé­nie­rie], a depuis adop­té une « matrice à l’a­mé­ri­caine » 3 x 3 = [L, M, D] x [Sciences, Ingé­nie­rie, Mana­ge­ment-Lea­der­ship] – elle a créé des écoles doc­to­rales se déve­lop­pant puis­sam­ment et aus­si, en 2000, une école de mana­ge­ment (SEM), par­rai­née par le puis­sant Pre­mier ministre de l’é­poque, Zhu Rong­ji (le czar éco­no­mique de la Chine – lui-même ancien de Tsing­hua, comme l’ac­tuel pré­sident Hu Jin­tao et le futur pré­sident Xi Jin­ping) – et qui s’est dotée dès le début d’un Glo­bal Advi­so­ry Board for­mé de PDG de For­tune 500 de toute la pla­nète (dont nos cama­rades Claude Bébéar et Car­los Ghosn) – se pla­çant ain­si ab ini­tio au som­met de l’échelle.

Rêve Français


Le « Rêve fran­çais » du début du XIXe siècle : l’Em­pe­reur remet le dra­peau au ser­gent-major Ara­go (X1803).
Gra­vure tirée de l’His­toire de l’É­cole poly­tech­nique de G. Pinet, 1887.

L’É­cole poly­tech­nique, fille de la Révo­lu­tion, fut, à sa fon­da­tion en 1794, créée pour for­mer l’é­lite de la Répu­blique, lui don­ner les « offi­ciers de la Répu­blique » per­met­tant de bâtir la force tech­no­lo­gique et scien­ti­fique requise pour remettre la France sur pied et aider à vaincre les armées roya­listes d’Eu­rope. Elle aida à l’ac­com­plis­se­ment de ce » rêve fou « . C’est le « rêve amé­ri­cain » qui a agi comme un aimant sur les élites de la pla­nète de 1945 à 2001.

C’est aujourd’­hui le « rêve chi­nois » qui pousse au retour des plus brillants Chi­nois de la pla­nète. Quel est donc le » rêve fran­çais » que les poly­tech­ni­ciens entendent contri­buer à bâtir, quelle est la « mis­sion impos­sible » qu’ils entendent accom­plir pour que la France ait de nou­veau un rôle à la mesure du talent que j’ob­serve chez nos jeunes cama­rades, d’o­ri­gine chi­noise, bré­si­lienne, fran­çaise, russe – et chez nos professeurs ?

Ne pour­rait-on pas, ensemble, se don­ner pour ambi­tion un « Plan X2020 » en se deman­dant quelle archi­tec­ture l’X doit mettre en place main­te­nant afin d’être à l’ho­ri­zon 2020 une uni­ver­si­té d’é­lite figu­rant dans le » Top 10 » mon­dial, avec une aura com­pa­rable à Stan­ford ou au MIT ?

Nouvelle gouvernance

Plu­sieurs pièces de la « matrice 3 x 3 » ont été mises en place depuis quelques années pour réa­li­ser un tel rêve via Paris­Tech (rejoint par HEC en 2008). Amé­lio­rer la gou­ver­nance actuelle de Paris­Tech en y équi­li­brant les trois puis­sances qui la com­posent faci­li­te­rait la réa­li­sa­tion de trois objec­tifs concrets.

Le pre­mier est de bâtir une puis­sante Gra­duate School of Engi­nee­ring autour du Paris­Tech actuel, dotée d’une véri­table PhD – Level Gra­duate School, struc­tu­rée en dépar­te­ments tech­no­lo­giques lisibles à l’in­ter­na­tio­nal, et de niveau de sélec­ti­vi­té supé­rieur à celui du niveau « M » de nos Écoles.

Le second serait de conti­nuer le déve­lop­pe­ment d’une puis­sante Gra­duate School of Sciences, dont l’X et l’É­cole doc­to­rale de l’X sont aujourd’­hui le cœur en ren­for­çant les par­te­na­riats avec Paris-XI et les Écoles nor­males supérieures.

Enfin, il s’a­gi­rait de mieux coor­don­ner la Gra­duate School of Busi­ness actuelle de Paris­Tech, HEC (de répu­ta­tion mon­diale excé­dant l’X chez » les mar­chands »), en voyant quels pro­grammes éli­taires créer entre l’X et HEC sur le sujet.

Tsing­hua par­te­naire d’Oxford
Fin avril 2011, à l’oc­ca­sion du cen­tième anni­ver­saire de Tsing­hua, un par­te­na­riat de pre­mière gran­deur a été signé entre l’u­ni­ver­si­té d’Ox­ford et Tsing­hua, mar­quant la recon­nais­sance entre pairs des elite uni­ver­si­ties. Le pré­sident d’Ox­ford, Andrew Hamil­ton, a alors décla­ré : » As a big bro­ther, I will take great plea­sure in the coming years in wat­ching Tsing­hua grow and streng­then to become as tall and old as Oxford. »

Se don­ner pour ambi­tion un « Plan X 2020 » afin de figu­rer dans le « Top 10 » mondial

Modèle humaniste

Je suis per­son­nel­le­ment convain­cu que le » modèle poly­tech­ni­cien » des ori­gines de notre École, celui où les « hommes de mérite sans argent » étaient plus res­pec­tés que les » hommes d’argent sans mérite « , a beau­coup de sens dans les temps pré­sents et que ce modèle serait de nature à nouer des liens féconds avec les « hon­nêtes hommes » d’A­sie et du Monde : Un hon­nête homme n’est ni fran­çais, ni alle­mand, ni espa­gnol, il est Citoyen du Monde et sa patrie est par­tout. (Cyra­no de Bergerac).

Commentaire

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Michel Huetrépondre
18 juin 2011 à 15 h 55 min

Très inté­res­sant « up-date » sur le sys­tème uni­ver­si­taire chi­nois condui­sant à de riches pro­po­si­tions pour l’a­ve­nir de l’X

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