Un regard depuis l’Asie sur l’avenir de l’X

Dossier : Formations scientifiques : regards sur l’internationalMagazine N°666 Juin/Juillet 2011
Par Jérôme FOUREL (92)

REPÈRES

REPÈRES
On ne peut par­ler des uni­ver­sités sci­en­tifiques en Asie sans évo­quer le classe­ment de Shang­haï, révéla­teur des ambi­tions de la Chine. Ce classe­ment est basé sur les élé­ments suiv­ants : la qual­ité de l’en­seigne­ment pour 10% (nom­bre de prix Nobel et de médailles Fields par­mi les anciens élèves ; la qual­ité de l’in­sti­tu­tion (nom­bre de prix Nobel et de médailles Fields par­mi les chercheurs pour 20 % et nom­bre de chercheurs les plus cités dans leurs dis­ci­plines pour 20%); les pub­li­ca­tions (arti­cles pub­liés dans Nature et Sci­ence pour 20 %, et arti­cles indexés dans Sci­ence Cita­tion Index et Arts & Human­i­ties Cita­tion Index pour 20%); enfin, pour 10 %, la taille de l’in­sti­tu­tion (per­for­mance académique au regard de la taille de l’institution).

L’Asie présente une diver­sité humaine aus­si grande que l’Occident

L’Asie est un con­cept “européen” et présente en fait une diver­sité humaine aus­si grande que l’Oc­ci­dent. Néan­moins on observe, en ter­mes de classe­ment con­cer­nant les sci­ences, un retard du monde asi­a­tique par rap­port à l’Eu­rope. En dépit de cer­tains biais méthodologiques, le classe­ment mon­di­al des uni­ver­sités dit ” classe­ment de Shang­haï ” établi depuis 2003 par l’u­ni­ver­sité Jiao­tong de Shang­haï offre une vue éclairante de la pro­duc­tiv­ité de la recherche sci­en­tifique au sein des uni­ver­sités de la planète.

Grande Chine
La “Grande Chine” — République pop­u­laire de Chine, Hong Kong et Taïwan — est en train de devenir une réal­ité prég­nante. L’in­té­gra­tion de Hong Kong au sein du sys­tème chi­nois via le sché­ma “un pays, deux sys­tèmes” de 1997 après la rétro­ces­sion a mon­tré son effi­cac­ité en alliant la force du cap­i­tal­isme hongkon­gais (très vivace aus­si dans la ” riv­ière des Per­les “, coeur man­u­fac­turi­er de la province de Guangzhou) et du tech­nocratisme chi­nois. Le rap­proche­ment économique de Taïwan et de la Chine, déjà très avancé depuis dix ans via les très impor­tantes délo­cal­i­sa­tions de la pro­duc­tion d’équipements high-tech taïwanais en Chine (Fox­conn, entre­prise taïwanaise, est le plus grand expor­ta­teur chi­nois) mais aus­si délo­cal­i­sa­tion de la R&D, se pour­suit désor­mais au plan économique avec la sig­na­ture d’un accord majeur de libre-échange en 2010 entre la Chine et Taïwan et la déci­sion poli­tique (majeure) en jan­vi­er 2011 du gou­verne­ment taïwanais d’au­toris­er les investisse­ments chi­nois (capés) dans les entre­pris­es taïwanaises.

Domination américaine

Les elite uni­ver­si­ties améri­caines domi­nent sans partage le haut du classe­ment avec 17 uni­ver­sités améri­caines dans le Top 20, en sus de Cam­bridge (n° 5) et Oxford (n° 10) en Angleterre et de l’u­ni­ver­sité de Tokyo (n° 20) en Asie.

Rattrapage asiatique

Une analyse par région et par pays (tableau 1) mon­tre qu’en grandes mass­es l’Eu­rope est encore en avance sur l’Asie — mais si l’on observe les évo­lu­tions respec­tives depuis 2003, l’é­cart se resserre vite.

Au niveau des pays, la ” hiérar­chie du mérite sci­en­tifique” mélange pays européens et asi­a­tiques, avec la hiérar­chie quan­ti­ta­tive suiv­ante : Angleterre > Alle­magne > Japon > France > “Grande Chine ” > Aus­tralie > Corée > Sin­gapour > Inde. Cette hiérar­chie augure d’i­ci dix à vingt ans d’un change­ment impor­tant de par­a­digme au niveau techno-scientifique.

TABLEAU 1
CLASSEMENT DE SHANGHAÏ
“ARWU”(Academic Rank­ing of World Universities)
Région

TOP 20

TOP 100

TOP 200

TOP 300

TOP 400

TOP 500

USA et Amériques 17 58 100 133 162 187
Europe 2 33 74 123 168 204
Asie-Paci­fique 1 9 26 43 68 106
Pays

TOP 20

TOP 100

TOP 200

TOP 300

TOP 400

TOP 500

Angleterre 2 11 19 30 35 38
Alle­magne 0 5 14 23 33 39
France 0 3
(dont Nor­male sup et Paris-XI)
7 13
(dont l’X)
18 22
Japon 1 5 9 10 17 25
Aus­tralie 0 3 7 9 13 17
Inde 0 0 0 0 1
(Indi­an Insti­tute of Science)
2
Corée 0 0 1 3 5 8
Sin­gapour 0 0 1 2 2 2
Chine 0 0 2
(Tsinghua et Bei­jing University)
6 9 21
Taïwan 0 0 1 1 2 3
Hong Kong 0 0 2 4 6 6
« Grande Chine » 0 0 5 11 17 30

Nouveaux rapports de force

La France et l’Eu­rope auraient cepen­dant pro­fondé­ment tort de croire “avoir dix à vingt ans” d’a­vance sur l’Asie au plan sci­en­tifique et tech­nologique. En effet, le classe­ment de Shang­haï présente plusieurs faiblesses.

Le mod­èle de Shang­haï sous-estime la force de l’Eu­rope et encore plus, celle de l’Asie

Pre­mière­ment, l’analyse de la puis­sance sci­en­tifique en fonc­tion du rang des uni­ver­sités ne fait que refléter la posi­tion de la pièce “Uni­ver­sités” dans l’é­cosys­tème nation­al d’in­no­va­tion de chaque pays. Or, comme le mod­èle research uni­ver­si­ty est depuis 1945 au cen­tre de l’é­cosys­tème améri­cain (et en fait, dès l’a­vant-guerre avec l’émi­gra­tion de la fine fleur de l’in­tel­li­gentsia européenne aux États-Unis et le pro­jet Man­hat­tan), ce mod­èle exagère la supéri­or­ité améri­caine, sous-estime la force de l’Eu­rope et encore plus la force de l’Asie.

Côté France, le sys­tème français d’in­no­va­tion, cen­tré pen­dant des décen­nies autour des ” grands lab­o­ra­toires ” nationaux, est plus puis­sant que les sta­tis­tiques “Uni­ver­sités français­es ” ne l’indiquent.

Renaissance chinoise

Une France en mutation
Le recen­trage de l’é­cosys­tème français autour de research uni­ver­si­ties à la française devrait per­me­t­tre de faire bouger les fron­tières mais il y a un gros effort de mar­ket­ing à faire auprès des élites sci­en­tifiques étrangères — il faudrait aus­si, au niveau de l’X, que les chercheurs des lab­o­ra­toires de l’X indiquent en pre­mier lieu l’X comme étab­lisse­ment dans leurs arti­cles sci­en­tifiques afin que leur tra­vail con­tribue au pres­tige sci­en­tifique de l’X.

Côté Chine, l’analyse ” Uni­ver­sités ” sous-estime aus­si le poten­tiel sci­en­tifique effec­tif de la Chine dont l’é­cosys­tème d’in­no­va­tion a été, et est encore, une galax­ie très floue d’in­sti­tu­tions publiques. Or, la Chine a impul­sé depuis dix ans une réforme de son sys­tème d’in­no­va­tion et de son sys­tème uni­ver­si­taire en les cen­trant sur une dizaine de research uni­ver­si­ties nationales, des moyens gigan­tesques étant don­nés à cette tâche, ain­si qu’une vitesse chi­noise à sa réalisation.

Tout un sys­tème uni­ver­si­taire, pub­lic et privé, visant l’amélio­ra­tion de l’é­d­u­ca­tion des mass­es tout en per­me­t­tant de main­tenir la sélec­tion de l’élite vers le som­met de la pyra­mide éduca­tive, est en cours de réforme.

Des chiffres parlants

L’u­ni­ver­sité de Tsinghua.

Dans les cinq dernières années, le nom­bre d’u­ni­ver­sités publiques, le nom­bre d’é­tu­di­ants, les ressources finan­cières allouées à l’en­seigne­ment supérieur en Chine ont crû de fac­teurs com­pris entre 100% et 300% — sans par­ler de la créa­tion et du développe­ment spec­tac­u­laire des uni­ver­sités privées (dont la crois­sance excède 1 000 %), répon­dant à une demande insa­tiable d’une classe moyenne chi­noise forte désor­mais de trois cents mil­lions de per­son­nes : au sys­tème pyra­mi­dal bimil­lé­naire de l’A­cadémie chi­noise cor­re­spond désor­mais un ensem­ble privé for­mant les meilleurs de la classe marchande du nou­v­el Empire chinois.

Le ” nom­bre de sci­en­tifiques chi­nois par 1 000 employés ” a plus que dou­blé depuis quinze ans, pas­sant de 0,79 à 1,9 — chiffre encore très inférieur aux chiffres améri­cains et européens, mais représen­tant un accroisse­ment con­sid­érable en nom­bre de personnes.

Pri­or­ité à la science

Le prési­dent chi­nois, Hu Jin­tao, en 2008, a indiqué que la Sci­ence et la Tech­nolo­gie seront la pre­mière pri­or­ité nationale. Le 12e plan quin­quen­nal, sor­ti en févri­er 2011, illus­tre l’am­bi­tion chi­noise en matière de développe­ment tech­no-indus­triel, et les moyens don­nés à cette ambition.

Man­dar­i­nat

Le sys­tème uni­ver­si­taire chi­nois sélec­tion­nait les meilleurs man­darins. L’É­cole poly­tech­nique, avec son con­cours, est l’héri­tière directe de ce sys­tème : le sys­tème des “con­cours nationaux” a été entre autres inspiré par les mis­sion­naires jésuites de Chine qui y ont vu là le moyen de coopter les meilleurs de chaque province, les inféo­dant ain­si à la Nation.

Publications en croissance

Brevets chi­nois
Selon l’OM­PI (Office mon­di­al de la pro­priété intel­lectuelle), le nom­bre de brevets enreg­istrés par des sci­en­tifiques et inven­teurs chi­nois est en cours d’ex­plo­sion : avec un bond de 56,2% en 2010 (soit 12 337 brevets) — soit trois fois le nom­bre de brevets de 2006, faisant aujour­d’hui de la Chine le 4e auteur de brevets der­rière les États-Unis, le Japon et l’Alle­magne, et devant la Corée.

Le nom­bre d’ar­ti­cles académiques par les sci­en­tifiques chi­nois dans les jour­naux sci­en­tifiques est passé depuis quinze ans de 20 000 à 112 000 — dépas­sant ain­si le Japon (80 000) et l’Alle­magne (90 000). Dans la même péri­ode, les États-Unis sont passés de 265 000 à 340 000. Si l’on fait une pro­jec­tion des crois­sances respec­tives du nom­bre des pub­li­ca­tions sci­en­tifiques (+16,5%/an en Chine, +1%/an aux États- Unis), la Chine dépassera sur ce critère-là les États-Unis dès 2020.

La Chine est désor­mais au 2e ou 3e rang du nom­bre de pub­li­ca­tions de sci­ences et d’ingénierie dans les jour­naux sci­en­tifiques avec déjà une ” part de marché” de 21 % au plan mon­di­al dans le nom­bre de pub­li­ca­tions afférentes à la sci­ence des matéri­aux, et des con­tri­bu­tions impor­tantes en chimie et en physique.

De puissants clusters techno-industriels

Échecs français
J’ai vu, depuis les clus­ters high-tech de Taïwan où je suis immergé depuis 2001, l’au­tode­struc­tion de l’in­dus­trie française de l’élec­tron­ique du fait d’une approche nation­al­iste, qui va exacte­ment à l’in­verse du codéveloppe­ment raison­né avec les clus­ters asi­a­tiques opéré par les lead­ers tech­nologiques américains.

Au-delà de la Chine, c’est toute l’Asie qui se recon­fig­ure depuis un sché­ma “Amer­i­ca-cen­tric ” vers un sché­ma ” Chi­na-cen­tric ” au niveau des chaînes de valeur — la Chine était déjà un four­nisseur clé de Taïwan, de la Corée et du Japon, elle en devient aujour­d’hui le pre­mier marché pour de nom­breux pro­duits. L’in­dus­trie NTIC, plus que toute autre, illus­tre aujour­d’hui le poids prépondérant de l’Asie en matière d’in­no­va­tion sci­en­tifique, tech­nologique et industrielle.

Ain­si, dans les classe­ments des dix entre­pris­es les plus inno­vantes au monde fig­urent six entre­pris­es asi­a­tiques, dont trois entre­pris­es japon­ais­es (Pana­son­ic en n° 1), deux entre­pris­es chi­nois­es (Huawei (n° 2) et ZTE (n° 4), les deux lead­ers des télé­coms) et une entre­prise coréenne (Sam­sung). La puis­sance des clus­ters tech­no-indus­triels asi­a­tiques leur donne un avan­tage com­péti­tif con­sid­érable au niveau “recherche appliquée”.

Codéveloppement

La ques­tion stratégique, pour la France, me sem­ble être : ” Com­ment s’in­sér­er dans une dynamique de codéveloppe­ment gag­nant-gag­nant avec les clus­ters chi­nois et asi­a­tiques afin de béné­fici­er de leur puis­sance ? ” Les grandes entre­pris­es du CAC 40, mon­di­al­isées ou plutôt ” mul­ti­ré­gion­al­isées “, le font.

Les PME français­es ne peu­vent en général pas le faire et les pou­voirs publics français sem­blent en appel­er à un nou­veau ” nation­al­isme indus­triel ” sans une véri­ta­ble stratégie transnationale.

Vision fausse et dangereuse

La Chine est au 2e ou 3e rang du nom­bre de pub­li­ca­tions de sci­ences et d’ingénierie

Deux­ième­ment, il est erroné de ne voir dans ce qui précède qu’une dynamique de type ” recherche appliquée ” — les ” cerveaux ” d’Oc­ci­dent faisant de la ” recherche fon­da­men­tale ” et les ” mains ” d’Asie faisant le reste. Cette vision, véhiculée par les médias anglo-sax­ons depuis plus de vingt ans et reprise par les élites français­es, est fausse et dan­gereuse. Il y a déjà près de vingt ans que la majorité des ” forces vives ” des États-Unis en matière d’é­tu­di­ants-chercheurs (MS & PhD en tech­nolo­gies et sci­ences) est d’o­rig­ine étrangère, aux deux tiers d’o­rig­ine asiatique.

American dream

Jusqu’en 2001, la dynamique vertueuse de l’Amer­i­can dream (visa F‑1, job et per­spec­tives de rêve, carte verte, pres­tige social et économique) a attiré et main­tenu aux États-Unis une très large part des élites tech­no-sci­en­tifiques de la planète. Cette machine, abîmée fin 2001, sem­ble aujour­d’hui brisée : les flux d’é­tu­di­ants chi­nois et indi­ens aux États-Unis sont en baisse et plus de 80 % des étu­di­ants chi­nois et indi­ens actuelle­ment aux États-Unis ont indiqué vouloir ren­tr­er dans leurs pays dès la fin de leurs études, du fait de l’im­pos­si­bil­ité d’ac­céder à un job et à un visa de tra­vail améri­cain. Depuis 2005, il y a ain­si un flux plus impor­tant de returnees asi­a­tiques, au pre­mier chef vers la Chine.

Inno­va­teurs étrangers
Les migrants d’o­rig­ine étrangère et asi­a­tique jouent un rôle dis­pro­por­tion­né dans l’é­cosys­tème d’in­no­va­tion améri­cain : plus de 60% des entre­pris­es de la Sil­i­con Val­ley ont des cofon­da­teurs d’o­rig­ine asi­a­tique (en général le chief tech­nol­o­gy offi­cer ), et plus du quart des brevets améri­cains sont déposés par des cerveaux étrangers.
Exem­ple à méditer
La France ferait bien de s’in­spir­er de la poli­tique chi­noise d’inci­ta­tion au retour des “pre­miers sujets ” par­tis à l’é­tranger. Des cen­taines de sci­en­tifiques français très bril­lants sont aujour­d’hui enseignants-chercheurs aux États- Unis en par­ti­c­uli­er. Si la Chine a pu fournir à ses pro­pres “pre­miers sujets” émi­grés toutes les clés du retour au pays (dont des postes très pres­tigieux et de type “défricheurs de fron­tières “, des écoles bilingues pour les enfants, une sécu­rité de vie “à l’élite améri­caine”, etc.), la France ne le pour­rait-elle pas non plus ?

Aider les retours

La Chine a une poli­tique très active d’inci­ta­tion au retour de ses plus bril­lants sujets

La Chine a, au plus haut niveau, une poli­tique très active, sys­témique, d’inci­ta­tion au retour de ses plus bril­lants sujets — la réno­va­tion de l’U­ni­ver­sité chi­noise passe ain­si par le recrute­ment pri­or­i­taire des schol­ars for­més et enseignant dans les meilleures uni­ver­sités de la planète.

Exem­ple symp­to­ma­tique : Andrew Chi-Chih Yao, orig­i­naire de Shang­haï, âgé de 64 ans, était pro­fesseur d’in­for­ma­tique (com­put­er sci­ence) à Stan­ford et récip­i­endaire du pres­tigieux prix A. M. Tur­ing, or l’u­ni­ver­sité de Tsinghua (“ l’équiv­a­lent chi­nois de l’X” me dis­aient en 1998 des amis de Tsinghua venus étudi­er en France — vrai, mais en plus puis­sant en fait) l’a débauché en lui pro­posant de créer le nou­v­el ” Insti­tute for The­o­ret­i­cal Com­put­er Sci­ence ” de Tsinghua. Le bud­get à sa dis­po­si­tion ? Illimité.

Avec une telle poli­tique, il faut s’at­ten­dre à ce que le niveau de la R&D chi­noise pro­gresse non seule­ment quan­ti­ta­tive­ment (les pro­jec­tions offi­cielles veu­lent aug­menter le ratio R&D/PNB de 1,4 % en 2006 à 2,5 % d’i­ci 2020 — ce qui, avec une pro­jec­tion de crois­sance annuelle du PNB chi­nois de 7–7,5 %, représente une aug­men­ta­tion des dépens­es chi­nois­es de R&D de 440 % entre 2006 et 2020) mais aus­si qual­i­ta­tive­ment de manière très notable d’i­ci 2020.

Matrice 3 x 3

Ces évo­lu­tions m’amè­nent à con­sid­ér­er que, si l’X veut (re)devenir une elite uni­ver­si­ty de rang mon­di­al, elle doit inclure une dimen­sion ” Lead­er­ship ” et “Man­age­ment” de pre­mier plan afin d’e­spér­er rec­oller un jour au pelo­ton d’Har­vard, Stan­ford et Tsinghua. L’u­ni­ver­sité de Tsinghua, bâtie comme l’X sur une ” matrice à la Con­dorcet” 2 x 2 = [L, M] x [Sci­ences, Ingénierie], a depuis adop­té une “matrice à l’améri­caine” 3 x 3 = [L, M, D] x [Sci­ences, Ingénierie, Man­age­ment-Lead­er­ship] — elle a créé des écoles doc­tor­ales se dévelop­pant puis­sam­ment et aus­si, en 2000, une école de man­age­ment (SEM), par­rainée par le puis­sant Pre­mier min­istre de l’époque, Zhu Rongji (le czar économique de la Chine — lui-même ancien de Tsinghua, comme l’actuel prési­dent Hu Jin­tao et le futur prési­dent Xi Jin­ping) — et qui s’est dotée dès le début d’un Glob­al Advi­so­ry Board for­mé de PDG de For­tune 500 de toute la planète (dont nos cama­rades Claude Bébéar et Car­los Ghosn) — se plaçant ain­si ab ini­tio au som­met de l’échelle.

Rêve Français


Le “Rêve français” du début du XIXe siè­cle : l’Em­pereur remet le dra­peau au ser­gent-major Ara­go (X1803).
Gravure tirée de l’His­toire de l’É­cole poly­tech­nique de G. Pinet, 1887.

L’É­cole poly­tech­nique, fille de la Révo­lu­tion, fut, à sa fon­da­tion en 1794, créée pour for­mer l’élite de la République, lui don­ner les “officiers de la République” per­me­t­tant de bâtir la force tech­nologique et sci­en­tifique req­uise pour remet­tre la France sur pied et aider à vain­cre les armées roy­al­istes d’Eu­rope. Elle aida à l’ac­com­plisse­ment de ce ” rêve fou “. C’est le “rêve améri­cain ” qui a agi comme un aimant sur les élites de la planète de 1945 à 2001.

C’est aujour­d’hui le “rêve chi­nois” qui pousse au retour des plus bril­lants Chi­nois de la planète. Quel est donc le ” rêve français ” que les poly­tech­ni­ciens enten­dent con­tribuer à bâtir, quelle est la “mis­sion impos­si­ble” qu’ils enten­dent accom­plir pour que la France ait de nou­veau un rôle à la mesure du tal­ent que j’ob­serve chez nos jeunes cama­rades, d’o­rig­ine chi­noise, brésili­enne, française, russe — et chez nos professeurs ?

Ne pour­rait-on pas, ensem­ble, se don­ner pour ambi­tion un “Plan X2020” en se deman­dant quelle archi­tec­ture l’X doit met­tre en place main­tenant afin d’être à l’hori­zon 2020 une uni­ver­sité d’élite fig­u­rant dans le ” Top 10 ” mon­di­al, avec une aura com­pa­ra­ble à Stan­ford ou au MIT ?

Nouvelle gouvernance

Plusieurs pièces de la “matrice 3 x 3” ont été mis­es en place depuis quelques années pour réalis­er un tel rêve via Paris­Tech (rejoint par HEC en 2008). Amélior­er la gou­ver­nance actuelle de Paris­Tech en y équili­brant les trois puis­sances qui la com­posent facilit­erait la réal­i­sa­tion de trois objec­tifs concrets.

Le pre­mier est de bâtir une puis­sante Grad­u­ate School of Engi­neer­ing autour du Paris­Tech actuel, dotée d’une véri­ta­ble PhD — Lev­el Grad­u­ate School, struc­turée en départe­ments tech­nologiques lis­i­bles à l’in­ter­na­tion­al, et de niveau de sélec­tiv­ité supérieur à celui du niveau “M” de nos Écoles.

Le sec­ond serait de con­tin­uer le développe­ment d’une puis­sante Grad­u­ate School of Sci­ences, dont l’X et l’É­cole doc­tor­ale de l’X sont aujour­d’hui le cœur en ren­forçant les parte­nar­i­ats avec Paris-XI et les Écoles nor­males supérieures.

Enfin, il s’a­gi­rait de mieux coor­don­ner la Grad­u­ate School of Busi­ness actuelle de Paris­Tech, HEC (de répu­ta­tion mon­di­ale excé­dant l’X chez ” les marchands ”), en voy­ant quels pro­grammes éli­taires créer entre l’X et HEC sur le sujet.

Tsinghua parte­naire d’Oxford
Fin avril 2011, à l’oc­ca­sion du cen­tième anniver­saire de Tsinghua, un parte­nar­i­at de pre­mière grandeur a été signé entre l’u­ni­ver­sité d’Ox­ford et Tsinghua, mar­quant la recon­nais­sance entre pairs des elite uni­ver­si­ties. Le prési­dent d’Ox­ford, Andrew Hamil­ton, a alors déclaré : ” As a big broth­er, I will take great plea­sure in the com­ing years in watch­ing Tsinghua grow and strength­en to become as tall and old as Oxford.”

Se don­ner pour ambi­tion un “ Plan X 2020” afin de fig­ur­er dans le “ Top 10” mondial

Modèle humaniste

Je suis per­son­nelle­ment con­va­in­cu que le ” mod­èle poly­tech­ni­cien ” des orig­ines de notre École, celui où les “hommes de mérite sans argent ” étaient plus respec­tés que les ” hommes d’ar­gent sans mérite “, a beau­coup de sens dans les temps présents et que ce mod­èle serait de nature à nouer des liens féconds avec les “hon­nêtes hommes” d’Asie et du Monde : Un hon­nête homme n’est ni français, ni alle­mand, ni espag­nol, il est Citoyen du Monde et sa patrie est partout. (Cyra­no de Bergerac).

Commentaire

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Michel Huetrépondre
18 juin 2011 à 15 h 55 min

Très intéres­sant “up-date” sur le sys­tème uni­ver­si­taire chi­nois con­duisant à de rich­es propo­si­tions pour l’avenir de l’X

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