Comment sont formés les ingénieurs aux États-Unis

Dossier : Formations scientifiques : regards sur l’internationalMagazine N°666 Juin/Juillet 2011
Par Jean-Louis ARMAND (64)

REPÈRES

REPÈRES
Aux États-Unis, la for­ma­tion des ingénieurs est con­fiée aux départe­ments de sci­ences de l’ingénieur des uni­ver­sités. Elle s’ef­fectue en étroite liai­son avec la pro­fes­sion et par­ti­c­ulière­ment les asso­ci­a­tions pro­fes­sion­nelles d’ingénieurs, qui veil­lent à l’équili­bre et à l’ho­mogénéité du con­tenu des enseigne­ments. Le diplôme de Bach­e­lor of Sci­ence, pré­parant à exercer le méti­er d’ingénieur, s’ob­tient en qua­tre ans, le titre de Pro­fes­sion­al Engi­neer (PE) autorisant à exercer n’é­tant décerné qu’à l’is­sue d’un exa­m­en spé­cial admin­istré par la profession.
La plu­part des étu­di­ants améri­cains choi­sis­sent alors de ren­tr­er dans la vie active. Seule une petite par­tie con­tin­uera des études en mas­ter (un ou deux ans) et éventuelle­ment en doc­tor­at (trois ans), for­ma­tions dans lesquelles les étu­di­ants étrangers se retrou­vent en très large majorité.

La for­ma­tion des ingénieurs aux États-Unis a été calquée au départ sur le mod­èle français

La for­ma­tion des ingénieurs aux États- Unis a été calquée au départ sur le mod­èle français, et per­mis l’émer­gence des sci­ences de l’ingénieur comme dis­ci­pline sci­en­tifique à part entière. L’ap­pren­tis­sage et la maîtrise des tech­niques, qui ont longtemps reposé sur des bases pure­ment empiriques, se sont peu à peu trans­for­més pour tir­er leurs ori­en­ta­tions et leurs valeurs de la science.

L’ap­pari­tion en France à la fin du XVIIIe siè­cle d’é­coles spé­ci­fique­ment dédiées à la for­ma­tion des ingénieurs, calquant l’en­seigne­ment des tech­niques sur celui des sci­ences, devait exercer sur les États-Unis une influ­ence considérable.

Initiative fédérale

L’X comme modèle
La pre­mière for­ma­tion formelle d’ingénieurs aux États-Unis remonte à 1818, date de la réor­gan­i­sa­tion de l’A­cadémie mil­i­taire de West Point sur le mod­èle de l’É­cole poly­tech­nique. On sait peu que le Mass­a­chu­setts Insti­tute of Tech­nol­o­gy, qui a vu le jour en 1861, résulte d’un pro­jet d’É­cole poly­tech­nique présen­té dès 1846 par son fon­da­teur Bar­ton Rogers.
L’u­ni­ver­sité Rens­se­laer, réor­gan­isée en École poly­tech­nique en 1847, fut la pre­mière uni­ver­sité à créer des départe­ments spé­ci­fiques organ­isés autour des divers­es dis­ci­plines de l’ingénieur, encour­ageant ain­si la spé­cial­i­sa­tion néces­saire à leur développement

La place de l’en­seigne­ment des tech­niques (la tech­nolo­gie) dans le sys­tème d’en­seigne­ment supérieur améri­cain sera con­fortée par le Mor­rill Act de 1862, signé par le prési­dent Lin­coln en pleine guerre civile, dans le but d’en­cour­ager ” une édu­ca­tion libérale et pra­tique des class­es indus­trielles adap­tée aux divers­es pro­fes­sions”. Le gou­verne­ment fédéral met­tait ain­si à la dis­po­si­tion de chaque État de l’U­nion des ter­res dont les revenus de la vente ou de la loca­tion per­me­t­traient la con­sti­tu­tion d’au moins une uni­ver­sité par État “essen­tielle­ment con­sacrée, sans toute­fois exclure les autres matières sci­en­tifiques ou clas­siques, à l’en­seigne­ment des arts agri­coles et mécaniques”.

La for­ma­tion des ingénieurs est homogène et équili­brée, asso­ciant théorie et pratique

C’é­tait intro­duire les préoc­cu­pa­tions pra­tiques au cœur même de l’u­ni­ver­sité, ce qui est plus que jamais le cas aujour­d’hui. L’ensem­ble des uni­ver­sités d’É­tat en a été affec­té : si toutes n’ont pas con­servé jusqu’à aujour­d’hui de référence explicite à l’a­gri­cul­ture et à la mécanique (comme Texas A&M), il n’en reste pas moins vrai que les départe­ments de sci­ences de l’ingénieur mis en place dès l’o­rig­ine, tels le génie mécanique et le génie civ­il, ou créés depuis au fur et à mesure de l’évo­lu­tion des tech­niques, ont eu ain­si les moyens de se dévelop­per et de tenir une place de pre­mier plan en leur sein, qu’ils ont con­servée et for­ti­fiée depuis.

Modèle allemand

Repli français
Au milieu du XIXe siè­cle, l’U­ni­ver­sité française, can­ton­née dans les études clas­siques et les sci­ences dites exactes, n’avait pas de pré­ten­tion à con­cur­rencer les grandes écoles, aux­quelles elle aban­don­nait les sci­ences de l’ingénieur.
Nos écoles pour leur part, une fois le souf­fle fon­da­teur ini­tial dis­sipé, ont eu à la même époque ten­dance à se refer­mer sur elles-mêmes, se con­tentant de per­pétuer une tra­di­tion qui eut son heure de gloire sans chercher réelle­ment à ques­tion­ner un mod­èle qui avait fait ses preuves.

C’est le mod­èle alle­mand des pres­tigieuses uni­ver­sités de recherche qui a ain­si été adop­té aux États-Unis dès le milieu du XIXe siè­cle. C’est désor­mais en Alle­magne plutôt qu’en Angleterre ou en France comme c’é­tait le cas jusqu’alors que les plus promet­teurs des étu­di­ants améri­cains vont aller par­faire leurs études, une pra­tique qui ne s’étein­dra qu’à la veille de la Pre­mière Guerre mon­di­ale. Ils allaient importer à leur retour un mod­èle de rigueur théorique et expéri­men­tale appliqué à la pra­tique de l’art de l’ingénieur.

Fortes de leurs moyens et des con­di­tions de tra­vail qu’elles ont été depuis sus­cep­ti­bles d’of­frir, les uni­ver­sités améri­caines ont très large­ment prof­ité à par­tir de la pre­mière moitié du XXe siè­cle de l’im­mi­gra­tion, et ont su attir­er et retenir cer­tains des meilleurs sci­en­tifiques et ingénieurs for­més en Europe. Ayant béné­fi­cié dans leurs pays d’o­rig­ine d’une excel­lente for­ma­tion théorique, ces ingénieurs ont fait partager leur souci d’abor­der les prob­lèmes pra­tiques au moyen de méth­odes sci­en­tifiques inédites. En con­tribuant à élever les sci­ences de l’ingénieur au rang de sci­ences à part entière, les départe­ments d’ingénierie des uni­ver­sités améri­caines ont pu béné­fici­er de sou­tiens gou­verne­men­taux jusque-là accordés aux seules sci­ences fondamentales.

Deux niveaux

Norme
Le mod­èle de for­ma­tion d’ingénieurs qui s’est dévelop­pé out­re-Atlan­tique est aujour­d’hui la norme, non seule­ment dans les uni­ver­sités nord-améri­caines, mais aus­si d’Eu­rope du Nord, du Com­mon­wealth et de l’ensem­ble de l’Asie, avec les résul­tats que l’on connaît.

La for­ma­tion des ingénieurs est homogène et équili­brée, asso­ciant théorie et pra­tique. Elle est dis­pen­sée au sein des col­lèges uni­ver­si­taires (étab­lisse­ments, pour la plu­part privés, délivrant unique­ment le diplôme de Bach­e­lor) et des uni­ver­sités, dans le cadre de départe­ments spé­ci­fiques rat­tachés à une fac­ulté d’ingénierie (school of engi­neer­ing).

Elle se fait à deux niveaux : sous-gradué (under­grad­u­ate) con­duisant au diplôme de Bach­e­lor of Sci­ence (BS) au bout de qua­tre ans ; et gradué (grad­u­ate) con­duisant aux diplômes de Mas­ter (un ou deux ans) et PhD (trois ans après le Master).

Tra­vail personnel
Le cur­sus con­duisant au Bach­e­lor requiert 180 unités cor­re­spon­dant à 1800 heures de cours sur une durée de qua­tre ans. Ce nom­bre peut nous paraître faible : c’est oubli­er l’im­por­tance attachée au tra­vail per­son­nel dans les uni­ver­sités améri­caines, qui vient en com­plé­ment obligé des cours : entre assim­i­la­tion, tra­vail à la mai­son et pro­jets, il est con­venu qu’une heure de cours néces­site trois heures de tra­vail per­son­nel. Les con­trôles, fréquents et sévères, sont là pour le vérifier.

Théorie et pratique

La for­ma­tion au Bach­e­lor a pen­dant longtemps fait appel à des cours d’or­dre essen­tielle­ment pra­tique, avec des notions de math­é­ma­tiques réduites à l’essen­tiel et un accent par­ti­c­uli­er sur l’ap­pren­tis­sage du proces­sus de con­cep­tion (design) faisant large­ment appel aux codes et autres méth­odes traditionnelles.

Le mas­ter se fait en une année, par­fois deux, sous forme de cours spécialisés

Les développe­ments des tech­niques, en par­ti­c­uli­er ceux apparus pen­dant la Sec­onde Guerre mon­di­ale, ont mon­tré les lim­ites d’une telle approche. Le finance­ment de la recherche sci­en­tifique dans les uni­ver­sités par l’É­tat fédéral a égale­ment encour­agé ces dernières à ren­forcer leurs départe­ments d’ingénierie par un corps enseignant mieux for­mé à la théorie. L’ac­cent mis sur la pra­tique s’est peu à peu accom­pa­g­né du développe­ment d’une approche plus scientifique.

La pre­mière année est ain­si unique­ment con­sacrée à des cours de math­é­ma­tiques et de sci­ences, ain­si qu’à des human­ités et sci­ences sociales. Des cours généraux de sci­ences de l’ingénieur sont intro­duits en sec­onde année. Les cours spé­ci­fiques à la dis­ci­pline (génie élec­trique, génie mécanique, génie civ­il, infor­ma­tique, génie chim­ique, génie indus­triel…) sont intro­duits en troisième année à côté de cours plus généraux. La qua­trième année voit l’in­tro­duc­tion de cours de spé­cial­ité et d’ap­pren­tis­sage au proces­sus de conception.

Diplôme d’ingénieur

Les études d’ingénieur en qua­tre ans sont recon­nues par le diplôme de Bach­e­lor of Sci­ence (BS), qui ne donne pas droit au titre d’ingénieur. Celui-ci s’ob­tient à l’is­sue d’un exa­m­en spé­ci­fique (Pro­fes­sion­al Engi­neer, PE). La plu­part des étu­di­ants améri­cains s’ar­rêteront à ce stade de leurs études pour entr­er directe­ment dans la vie active. Seule une minorité d’en­tre eux con­tin­uera en mas­ter, éventuelle­ment en doctorat.

Passerelles

La nature générale des cours des deux pre­mières années per­met à des étu­di­ants ayant suivi des cours équiv­a­lents dans d’autres départe­ments ou étab­lisse­ments d’en­tre­pren­dre des études d’ingénieur à par­tir de la troisième année. Cela est en par­ti­c­uli­er le cas des meilleurs étu­di­ants des col­lèges com­mu­nau­taires (étab­lisse­ments publics dis­pen­sant une for­ma­tion en deux ans, gra­tu­its et ouverts à tous) qui peu­vent ain­si être admis en troisième année dans les plus pres­tigieuses uni­ver­sités publiques, un mod­èle exem­plaire d’as­censeur social. Plus du tiers des étu­di­ants rece­vant leur Bach­e­lor de la fac­ulté d’ingénierie de l’u­ni­ver­sité de Cal­i­fornie à Berke­ley sont ain­si issus de cette filière.

Étu­di­ants étrangers
Au con­traire des étu­di­ants en mas­ter et surtout PhD, peu d’é­tu­di­ants étrangers sont inscrits dans des cur­sus con­duisant au diplôme de Bach­e­lor. C’est l’op­posé pour le mas­ter et surtout le doc­tor­at, cur­sus dans lesquels les étu­di­ants étrangers (prin­ci­pale­ment asi­a­tiques) sont en écras­ante majorité.
Tra­vail rémunéré
Au con­traire de la France, les stages en entre­prise ne font pas par­tie du cur­ricu­lum. Par con­tre, les étu­di­ants, même sous-gradués, ont l’op­por­tu­nité d’ef­fectuer un tra­vail de recherche hors cur­ricu­lum, sou­vent rémunéré, encadré par un pro­fesseur. Une telle pra­tique est ren­due pos­si­ble par la lib­erté lais­sée aux enseignants dans l’u­til­i­sa­tion des fonds des con­trats de recherche dont ils sont bénéficiaires

Master et PhD

Un doc­tor­at très sélectif
Les études de doc­tor­at sont sub­or­don­nées à la réus­site d’un exa­m­en extrême­ment rigoureux, écrit et oral, por­tant sur les dis­ci­plines de base, avec une impor­tance par­ti­c­ulière don­née aux math­é­ma­tiques, ana­logue à l’ex­a­m­en d’en­trée à nos grandes écoles. Deux ten­ta­tives seule­ment sont per­mis­es. L’é­tu­di­ant élim­iné sera dans l’im­pos­si­bil­ité de s’in­scrire en doc­tor­at dans son uni­ver­sité, et, son dossier le suiv­ant, générale­ment dans une autre uni­ver­sité offrant le doc­tor­at en sci­ences de l’ingénieur (une centaine).

Si le mod­èle de la for­ma­tion en qua­tre ans suiv­ant un con­tenu spé­ci­fié et con­trôlé par la pro­fes­sion est la norme, le mas­ter offre la pos­si­bil­ité d’ac­quérir une spé­cial­i­sa­tion ou de pour­suiv­re en doc­tor­at, ce dernier pré­parant avant tout à des car­rières d’en­seigne­ment et de recherche. Le mas­ter se fait en une année, par­fois deux, sous forme de cours spé­cial­isés (cours ” gradués ”) faisant une large part à la théorie, les étu­di­ants étant encour­agés à suiv­re les cours d’autres départe­ments. Une voie recherche est intro­duite dans cer­taines uni­ver­sités, les activ­ités de recherche don­nant lieu à l’at­tri­bu­tion d’u­nités de valeur (crédits).

Le PhD se fait en trois ans. Les recherch­es en sci­ences de l’ingénieur, ori­en­tées sur la réso­lu­tion d’un prob­lème pra­tique, ne le cèdent en rien sur le plan de la théorie à celles menées dans les dis­ci­plines sci­en­tifiques traditionnelles.

L’é­tu­di­ant en doc­tor­at suit une année de cours, et reçoit égale­ment des ” crédits ” pour activ­ités liées à la recherche. La sou­te­nance ne fait en général pas appel à un exposé du can­di­dat, con­sid­éré être à cet instant le meilleur spé­cial­iste dans son domaine de recherche (sa thèse, élaborée en étroite con­cer­ta­tion avec son directeur de thèse, aura aupar­a­vant été lue et relue), mais à une inter­ro­ga­tion orale des mem­bres du jury por­tant sur les con­nais­sances générales du can­di­dat, qui peut réserv­er des surprises.

Études abor­d­ables
Con­traire­ment à une idée reçue, les études dans les étab­lisse­ments publics restent pour les étu­di­ants améri­cains très abor­d­ables, et les col­lèges com­mu­nau­taires, gra­tu­its et ouverts à tous, offrent la pos­si­bil­ité à leurs meilleurs élé­ments de pour­suiv­re leurs études dans les uni­ver­sités publiques. Cer­tains étu­di­ants de mas­ter et la plu­part des étu­di­ants de doc­tor­at, en majorité étrangers, béné­fi­cient de bours­es d’en­seigne­ment (teach­ing assist­ant­ship) ou de recherche (research assist­ant­ship) qui les dis­pensent égale­ment de frais d’études.

Associations professionnelles

Les asso­ci­a­tions pro­fes­sion­nelles d’ingénieurs jouent un rôle clé dans l’en­cadrement de la for­ma­tion en qua­tre ans. Les for­ma­tions d’ingénieurs sont depuis 1936 accréditées par l’A­BET (Accred­i­ta­tion Board for Engi­neer­ing and Tech­nol­o­gy), un organ­isme à but non lucratif qui cer­ti­fie la qual­ité des pro­grammes sous­gradués en qua­tre ans con­duisant au Bachelor.

Il est excep­tion­nel qu’un étab­lisse­ment fasse le choix de se dis­penser de l’accréditation

L’ABET est une éma­na­tion des prin­ci­pales asso­ci­a­tions pro­fes­sion­nelles d’ingénieurs, telles que la Société améri­caine des ingénieurs du génie civ­il (ASCE) ou l’In­sti­tut des ingénieurs en élec­tric­ité et élec­tron­ique (IEEE). L’ABET veille par­ti­c­ulière­ment à main­tenir la place dans les pro­grammes de la part con­sacrée à l’en­seigne­ment des tech­niques pro­pre­ment dit, en assur­ant ain­si une remar­quable cohérence de l’ensem­ble des formations.

L’ac­crédi­ta­tion par l’A­BET n’est pas oblig­a­toire : il est toute­fois extrême­ment rare qu’un étab­lisse­ment fasse le choix de se dis­penser de l’ac­crédi­ta­tion. Seuls les diplômés d’un pro­gramme accrédité par l’A­BET peu­vent, par exem­ple, se présen­ter à l’ex­a­m­en spé­ci­fique (Pro­fes­sion­al Engi­neer, PE) don­nant droit au titre d’ingénieur. Une accrédi­ta­tion retirée après une péri­ode d’ob­ser­va­tion peut avoir des con­séquences cat­a­strophiques pour le départe­ment et même l’étab­lisse­ment concerné.

Accrédi­ta­tion
L’ABET donne son accrédi­ta­tion pour une durée max­i­male de six ans à l’is­sue d’une procé­dure d’é­val­u­a­tion rigoureuse effec­tuée par une délé­ga­tion com­posée de représen­tants de l’in­dus­trie, du gou­verne­ment et du monde académique. Ce sont ain­si un peu plus de 2400 pro­grammes de Bach­e­lor qui sont accrédités dans plus de 600 institutions.
ABET et CTI
L’ABET dif­fère sur de nom­breux points de son équiv­a­lent français la Com­mis­sion des titres d’ingénieur (CTI), par­ti­c­ulière­ment par l’in­flu­ence et les moyens dont il dis­pose en étant adossé aux asso­ci­a­tions pro­fes­sion­nelles d’ingénieurs, par­ti­c­ulière­ment actives aux États- Unis. Leurs mem­bres provi­en­nent du monde indus­triel comme de celui de l’en­seigne­ment supérieur et de la recherche. Notons que les asso­ci­a­tions pro­fes­sion­nelles d’ingénieurs ont joué en France un rôle impor­tant jusqu’au début du XXe siè­cle mais qu’elles ont depuis beau­coup per­du de leur influence.

Liens avec l’industrie

En règle générale, la for­ma­tion des ingénieurs fait appel aux États-Unis à des enseignants qui, s’ils ne sont pas tou­jours eux-mêmes des prati­ciens, sont en étroit con­tact avec la pro­fes­sion et dont la recherche, sou­vent financée par l’in­dus­trie, est motivée par les applications.

Académies
La France ne dis­pose pas d’une Académie des sci­ences de l’ingénieur sur le mod­èle de la Nation­al Acad­e­my of Engi­neer­ing qui réu­nit les ingénieurs, chercheurs et enseignants les plus influ­ents dans leur pro­fes­sion et joue ain­si un rôle con­sid­érable dans la déf­i­ni­tion et le choix des ori­en­ta­tions de la for­ma­tion des ingénieurs. L’A­cadémie des tech­nolo­gies, issue du Comité pour les appli­ca­tions de l’A­cadémie des sci­ences (CADAS), n’est pas réservée aux seuls ingénieurs et s’est fixé une mis­sion plus générale.

L’ABET veille à ce que les ingénieurs for­més par les pro­grammes qu’il accrédite dis­posent des bases min­i­males néces­saires à l’en­trée dans le marché du tra­vail ou à la pour­suite d’é­tudes ultérieures. L’ABET spé­ci­fie ain­si des con­tenus a min­i­ma adap­tés à chaque dis­ci­pline. Par exem­ple, il est exigé pour le Bach­e­lor au moins une année d’é­tudes (env­i­ron 450 heures de cours) en sci­ences math­é­ma­tiques, physiques ou naturelles ain­si que des cours de cul­ture générale.

L’ABET a, par exem­ple, ren­du oblig­a­toires dans cer­tains pro­grammes des cours d’éthique de l’ingénieur des­tinés à sen­si­bilis­er les étu­di­ants aux respon­s­abil­ités qui seront les leurs vis-à-vis de la société. L’ABET exige égale­ment la réal­i­sa­tion d’un pro­jet ou des cours de con­cep­tion (design).

Nouveaux critères

Les uni­ver­sités publiques améri­caines se sont, dès l’o­rig­ine, struc­turées autour des sci­ences de l’ingénieur

Une évo­lu­tion s’est toute­fois pro­duite à la fin des années 1990 suite à une remise en cause par la com­mu­nauté des ingénieurs de la per­ti­nence des critères d’ac­crédi­ta­tion et de leur car­ac­tère perçu comme trop rigide. Les ingénieurs sont en effet con­fron­tés à des tâch­es de plus en plus com­plex­es. Le con­tenu de leur tra­vail (les prob­lèmes aux­quels ils sont con­fron­tés comme les con­nais­sances dont ils ont besoin) change con­stam­ment, comme les rela­tions qu’ils ont avec leur envi­ron­nement. De nou­veaux critères (Engi­neer­ing Cri­te­ria 2000) ont été adop­tés, priv­ilé­giant les con­nais­sances effec­tives des étu­di­ants à l’is­sue de leurs études par rap­port au con­tenu des enseigne­ments et per­me­t­tant l’in­tro­duc­tion con­tin­uelle d’amélio­ra­tions et d’in­no­va­tions dans les programmes.

Leçons pour la France

Con­traire­ment aux nôtres, les uni­ver­sités publiques améri­caines se sont, dès l’o­rig­ine, struc­turées autour des sci­ences de l’ingénieur, intro­duites ensuite à leur tour dans les uni­ver­sités privées de tra­di­tion européenne comme Har­vard ou Johns Hop­kins, jusque-là unique­ment tournées vers les arts libéraux. Il est temps que l’ensem­ble de l’u­ni­ver­sité française recon­naisse enfin les sci­ences de l’ingénieur par la créa­tion de départe­ments spé­ci­fiques, comme ont su le faire les INSA et les uni­ver­sités de technologie.

L’É­cole poly­tech­nique est unique en ce qu’elle con­tin­ue à dis­penser de fait une for­ma­tion en qua­tre ans, choisie comme mod­èle ini­tial des for­ma­tions améri­caines. Il lui appar­tient par con­tre de dévelop­per, comme elle a com­mencé à le faire, les mas­ters et doc­tor­ats au sein de véri­ta­bles départe­ments de sci­ences de l’ingénieur qui n’ex­is­tent pas aujour­d’hui, irriguant l’en­seigne­ment et la recherche et lui don­nant autorité à délivr­er seule de tels diplômes.

L’u­ni­ver­sité Stanford.

L’au­teur

Jean-Louis Armand (64), MS et PhD en aéro­nau­tique et astro­nau­tique de l’u­ni­ver­sité Stan­ford, est pro­fesseur à l’u­ni­ver­sité de la Méditer­ranée. Il a enseigné à l’É­cole poly­tech­nique, à l’u­ni­ver­sité de Cal­i­fornie (Berke­ley et San­ta Bar­bara) et a été prési­dent du Départe­ment de génie mécanique et envi­ron­nemen­tal de cette dernière. Il a été prési­dent de l’In­sti­tut méditer­ranéen de tech­nolo­gie (aujour­d’hui École cen­trale de Mar­seille) et de l’Asian Insti­tute of Tech­nol­o­gy (AIT).

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asamarépondre
5 avril 2018 à 8 h 32 min

bien
bien

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